Le terme de poésie désigne un champ de production à la fois plus vaste et plus diffus que celui d'un simple genre littéraire dont vers et rimes constitueraient des indices sûrs.
Publié le 23/11/2013
Extrait du document
«
IVe siècle avant J.-C., ou dans le processus de formation des langues, qu'il s'agisse de
l'ancien islandais entre le XI e et le XII e siècle ou de l'ancien français entre le XII e et le
XIV e siècle.
C'est ainsi que le « roman », qui allait connaître un essor remarquable et
devenir l'exemple par excellence de la littérature en prose, naquit chez Chrétien de Troyes
sous forme de décasyllabes, ou que l' Edda poétique précéda sans doute de deux siècles la
mise en prose qu'en fit Snorri Sturluson (1178-1241).
Face à la prose, qui s'imposa vite dans les domaines juridique et administratif, et qui
prit alors à son compte le discours de la vérité, puis celui du savoir, la poésie se sépara peu
à peu de son ancienne intimité avec l'harmonie des êtres et du monde pour se replier sur
les jeux sonores et le caractère recherché du style.
À la transparence et à la neutralité de
la prose répondirent désormais la complexité, l'élaboration formelle mais aussi la vanité de
la poésie.
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Les corrélats
alexandrin
Chrétien de Troyes
décasyllabe
Edda
littérature
orale (littérature)
prose
roman - Introduction
Snorri Sturluson
vers
versification
Poésie et subjectivité
Cette évolution est à peu près contemporaine, en Occident, de celle qui amena, à la fin du
Moyen Âge, le sujet humain à prendre place au centre de la société : c'était désormais lui
qui, par son travail ou sa raison, faisait et décrivait le monde, en un mot le modelait.
La
nature était ainsi mise à distance ; elle devenait un objet qu'on pouvait maîtriser ou qu'on
cherchait à imiter.
La poésie chantait jusqu'alors l'unité d'une tradition communautaire
(c'est pourquoi la plupart des romans ou des épopées commençaient rituellement par « le
conte dit que...
» et étaient souvent anonymes) ; elle fut désormais explicitement liée à un
sujet producteur, le poète.
La poésie se sépara de la musique instrumentale à partir du XIV e siècle en même temps
qu'elle renonça à sa portée cosmologique : elle devenait la voix d'une subjectivité, tantôt
ludique avec les grands rhétoriqueurs, tantôt imaginaire avec François Villon, tantôt
sentimentale avec Charles d'Orléans.
La Pléiade, forte de l'élan savant de l'humanisme,
tenta sans doute de lui redonner une facture didactique, notamment dans les Hymnes
(1555-1556), et épique, dans la Franciade (1572) de Ronsard, mais il s'agissait surtout de
chanter la gloire du souverain.
Si l'on reprit alors la distinction antique entre lyrique (les
œuvres où l'auteur parle seul), dramatique (les œuvres où seuls parlent les personnages)
et épique (les œuvres mêlant les voix de l'auteur et des personnages), ce fut en oubliant
que, pour les Anciens, même la voix solitaire du poète lyrique participait pleinement du
groupe social pour lequel il chantait.
Le lyrique s'imposa de plus en plus comme étant ce
que la poésie avait de spécifique (même dans l'épopée, comme on le voit avec la
Jérusalem délivrée, 1581, du Tasse), dans la mesure où il permettait que l'on joue plus
souvent et plus facilement de l'émotion, que ce soit celle du poète ou celle du lecteur qui
devait à son tour en faire l'épreuve : à la communion dans le temps d'une même tradition
fit place l'espace d'une communication.
C'est ainsi que, pour Goethe, l'épique ne se définit
plus que par sa manière narrative (« ce qui se raconte clairement »), alors que le lyrique
correspond à « l'émotion exaltée » et le dramatique n'est préoccupé que du « subjectif ».
Face à la prépondérance de la prose, qui s'affirmait, la poésie prit un tour nouveau.
Tout en prétendant encore à l'ancien caractère musical et cosmologique, les poètes
précisèrent ses structures formelles : l'alexandrin et le sonnet devinrent les signes de
l'excellence poétique chez Ronsard comme chez Shakespeare.
Et Corneille, dans le poème
l'Excuse à Ariste (1627) qui allait lancer la querelle du Cid , marqua une claire dissociation
entre musique et poésie.
La poésie fut de plus en plus immédiatement assignée à un
sentiment : l'amour.
Sans doute était-ce déjà le cas depuis les œuvres courtoises ou le
Canzoniere de Pétrarque, mais, dans cette poésie, l'amour participait encore de l'harmonie.
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