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Le surmoi en psychanalyse

Publié le 07/04/2015

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psychanalyse

 n.m. (angl. Superego; allem. Über-Ich). Instance de notre person­nalité psychique dont le rôle est de juger le moi.

Le terme surmoi a été introduit par Freud en 1923 dans le Moi et le ça. Le surmoi est la grande innovation de la seconde topique. Dans les Nouvelles Conférences sur la psychanalyse (1933), Freud en donne cette description: «J'ai envie d'accomplir tel acte propre à me satisfaire, mais j'y renonce, par suite de l'opposition de ma conscience. Ou bien encore, j'ai cédé à quelque grand désir; et, pour éprouver une certaine joie, j'ai commis un acte que réprouve ma conscience ; une fois l'acte accom­pli, ma conscience provoque, par ses reproches, le repentir [...]« Le surmoi, qui inhibe nos actes ou qui produit le remords, est «l'instance judiciaire de notre psychisme «Al est donc au centre de la question morale.

LA CENSURE

Dans l'histoire de la théorie freu­dienne, le surmoi est d'abord apparu sous la forme de la censure, la censure du rêve, par exemple. Freud reconnaît que la censure peut agir de façon inconsciente comme le sentiment de culpabilité: «Le sujet qui souffre de compulsions et d'interdits agit comme s'il était dominé par un sentiment de culpabilité inconscient malgré l'appa­rente contradiction dans les termes.« Le surmoi fait donc partie du moi et cependant peut en être séparé. C'est que le moi peut se prendre lui-même comme objet, qu'il peut se cliver. Cette cassure, ce clivage, est particulière­ment net, nous dit Freud dans les Nou­velles Conférences [...], dans le délire d'observation. Les malades, dans ce délire, entendent des voix commentant leurs faits et gestes. Cette observation, qui ressemble à une persécution, les guette pour les surprendre et les punir. Le délire d'observation nous montre donc une instance observante nette­ment séparée du moi, mais logée dans la réalité extérieure. Mais elle peut se trouver à l'intérieur et appartenir à la structure même du moi. Cette instance

qui, dans le moi, me juge et me punit par des reproches pénibles est ce que nous appelons la «conscience morale «: la voix de ma conscience qui me fait éprouver le repentir de mon acte. C'est cette instance qui peut être reconnue comme une entité séparée, que Freud appelle le « surmoi «: indépendant du moi, il peut traiter celui-ci avec une extrême cruauté, comme dans la mélancolie.

RÔLE DE L'AUTORITÉ PARENTALE

Cette instance qui se fait entendre à l'intérieur s'est d'abord manifestée à l'extérieur. C'est ce que montre le mécanisme de la formation du surmoi. Le rôle interdicteur du surmoi a d'abord été joué par une puissance extérieure, par l'autorité parentale. Le petit enfant ne possède pas d'inhibi­tions internes, il obéit à ses impulsions et n'aspire qu'au plaisir. Le renonce­ment aux satisfactions pulsionnelles sera la conséquence de l'angoisse inspi­rée par cette autorité externe. On renonce aux satisfactions pour ne pas perdre son amour.

C'est par le mécanisme de l'identifi­cation que cette menace externe s'inté­riorise. La relation aux parents, la crainte de perdre leur amour, la menace de punition se transforment en surmoi par le processus de l'identification, par lequel on prend l'autre en soi; par incorporation orale. L'identification est en effet la forme la plus originelle de la relation à l'autre. Mais l'identification à l'objet est à distinguer du choix d'ob­jet: «Si le petit garçon s'identifie à son père, il veut être comme son père; s'il veut en faire l'objet de son choix, il veut l'avoir, le posséder.« Ce n'est que dans le premier cas que son moi sera modi­fié. Si l'on a perdu l'objet ou qu'on a dû y renoncer, on peut, dit Freud, s'identi­fier à lui de sorte que le choix d'objet régresse à l'identification. En renon­çant aux investissements placés chez les parents, par l'abandon du complexe d'CEdipe, les identifications de l'enfant

se trouvent renforcées. Au cours du développement, le surmoi devient impersonnel et s'éloigne des parents originaires. L'angoisse devant l'autorité extérieure s'est muée en angoisse devant le surmoi.

À ce stade, le sentiment de culpabi­lité est absolument identique à l'an­goisse devant le surmoi. Ce dernier, héritier du complexe d'CEdipe, adop­tera par la suite les influences des maîtres et des éducateurs qui ont pris la place des parents. Il s'enrichira des apports ultérieurs de la culture. L'an­goisse devant le surmoi ne doit pas normalement trouver de terme; comme angoisse morale, elle s'avère indispen­sable dans les relations sociales. Mais beaucoup d'individus ne peuvent sur­monter l'angoisse devant la perte d'amour; ce qui n'est pas sans consé­quence dans notre vie sociale. Si, en effet, le surmoi est conditionné par l'cedipe, il s'explique également par un fait biologique capital, les deux étant liés: la longue dépendance où se trouve placé l'enfant vis-à-vis de ses parents.

LE SURMOI ET LA CULTURE

Ainsi, le surmoi de l'enfant s'édifie d'après le surmoi parental. Il devient le véhicule de la tradition. Toutefois, il peut en être différent, voire inversé. Le surmoi ne correspond pas toujours à la sévérité de l'éducation. Dans Malaise dans la civil'sation (1930), Freud écrit: «La sévérité originelle du surmoi ne représente pas ou pas tellement la sévé­rité subie ou attendue de la part de l'objet mais exprime l'agressivité de l'enfant lui-même à l'égard de celui-ci. « Pour Freud, les choses se déroulent ainsi: d'abord, renonciation à la pul­sion, consécutive à l'angoisse devant l'agression de l'autorité extérieure, cette angoisse étant liée à la peur de perdre l'amour, amour qui protège contre l'agression que constitue la punition; ensuite, instauration de l'au­torité intérieure, renoncement consé­cutif à l'angoisse devant cette autorité

intérieure devenue la conscience morale. Dans ce second stade, mau­vaise intention et mauvaise action coïncident; le désir ne peut être dissi­mulé au surmoi, d'où le sentiment de culpabilité et le besoin de punition. Ainsi s'expliquent les conduites des personnes asociales où le sentiment de culpabilité précède l'acte délictueux au lieu de le suivre. Ce besoin inconscient de punition correspond à une part d'agression intériorisée et reprise par le surmoi. Toutefois, Freud ne confond pas surmoi et agressivité.

Si le surmoi est un résidu des pre­miers choix d'objet, il réagit cependant contre ces choix par la contrainte s'ex­primant sous la forme de l'impératif catégorique. Il ne se borne pas à donner au moi ce conseil: «Sois ainsi« (comme ton père), mais il interdit: «Ne sois pas ainsi« (comme ton père), autrement dit: «Ne fais pas tout ce qu'il fait; beau­coup de choses lui sont réservées, à lui seul.« Ainsi, le surmoi parle. Il est «la voix de la conscience «, «la grosse voix«. Lié à la parole, le surmoi est une instance symbolique. Dans le Moi et le ça (1923), Freud nous dit que le surmoi ne peut renier ses origines acoustiques, qu'il comporte des représentations ver­bales et que ses contenus proviennent des perceptions auditives, de l'ensei­gnement et de la lecture.

J. Lacan prolonge cette analyse. Le surmoi, pour lui, constitue une partie des commandements intériorisés par le sujet. Mais c'est un énoncé discor­dant, exorbitant par rapport à la loi pacifiante du symbolique. Ainsi le sur­moi est-il aussi ce qui pousse le sujet à aller au-delà du principe de plaisir. Il lui prescrirait plutôt la jouissance'. Cela oblige d'ailleurs à distinguer surmoi et idéal du moi.

L'IDÉAL Er LE SURMOI

Avec les fonctions d'auto-observation et de conscience morale, le surmoi est aussi porteur de la fonction d'idéal. Surmoi et idéal du moi sont souvent

confondus, tant sont imbriqués les deux aspects de l'idéal et de l'interdic­tion. À l'idéal du moi, le moi se mesure, aspire à un perfectionnement toujours plus avancé. Cette fonction d'idéal, corrélative, comme le surmoi, de l'oedipe, plonge ses racines dans l'ad­miration de l'enfant pour les qualités qu'il attribuait à ses parents. Mais le surmoi, à la différence de l'idéal du moi, se situe essentiellement sur le plan symbolique de la parole. L'un est contraignant, l'autre, exaltant. Le sur­moi est agent de dépression. Mais il lui arrive aussi, par l'attitude humoris­tique, de tempérer sa dureté.

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