Le schéma optique
Publié le 07/04/2015
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Ce schéma optique, nous en trouvons une première représentation dans le Séminaire!, 1953-54, des Écrits techniques de Freud «. Il s'agit alors de montrer clairement la distinction entre le moi-idéal et l'idéal du moi et d'expliquer également comment la psychanalyse, tout en n'agissant que par le langage, est capable de modifier le moi dans un mouvement en spirale. Dans le texte «Remarque sur le rapport de Daniel Lagache « (1960), tel qu'il paraît dans les Écrits (1966), ce schéma optique bénéficie d'un commentaire enrichi des séminaires successifs, en particulier sur «la chose«. Le schéma optique est longuement réutilisé plus tard au cours du Séminaire X, 1962-63, «l'Angoisse «, où, grâce à l'apport antérieur sur l'identification, il permet de traiter de l'objet a.
Le schéma optique renvoie à une expérience de physique amusante où certaines propriétés de l'optique sont utilisées. Il s'agit de voir apparaître, dans certaines conditions, un bouquet de fleurs dans un vase réel qui n'en contient pas en fait, comme on peut s'en rendre compte en sortant du champ où l'illusion se produit. Ce dispositif (fig. 1) se réfère à l'optique géo
métrique où l'espace réel se double d'un espace imaginaire. Au voisinage du centre géométrique d'un miroir sphérique, les points réels ont des images réelles situées en des points diamétralement opposés. Mais, pour que l'image réelle soit visible, l'oeil doit se placer à l'intérieur d'un cône (g 13' y) défini par une droite génératrice ayant pour point fixe cette image réelle et pour courbe directrice le bord circulaire du miroir. Ainsi s'explique l'expérience du «bouquet inversé« que Lacan a cueillie chez Bouasse. L'image réelle B' des fleurs B placées à l'intérieur de la boîte S apparaît au-dessus du vase réel V, pour un oeil placé dans le cône défini plus haut et qui accommode sur V.
Dans le dessein de s'en servir pour imager les relations intrasubjectives, Lacan place le vase réel, le corps, à l'envers dans la boîte, et les fleurs réelles, les objets, les désirs, les instincts, en haut. Dès ce stade, le dispositif est propre à métaphoriser ce moi primitif constitué par le clivage, par distinction entre monde extérieur et
intérieur, ce premier moi présenté de façon mythique dans Die Verneinung. Nous nous trouvons ici au niveau des purs jugements d'existence : ou bien c'est, ou bien ce n'est pas. Imaginaire et réel alternent et s'intriquent, présence sur fond d'absence et, inversement, absence par rapport à une présence possible. Mais, pour que l'illusion du vase inversé se produise, c'est-à-dire pour que le sujet ait cet accès à l'imaginaire, il faut que l'ceil qui le symbolise soit situé dans le cône et cela ne dépend que d'une chose, sa situation dans le monde symbolique qui est déjà là, en effet. Les relations de parenté, le nom, etc., définissent la place du sujet dans le monde de la parole, déterminent s'il est à l'intérieur du cône ou non. S'il est à l'extérieur, il a affaire au réel nu, il est dans l'« ailleurs «.
Dans «le Cas Dick « de M. Klein, que Lacan commente dans son le Séminaire I
«les Écrits techniques de Freud «, nous voyons un enfant de quatre ans qui, tout en possédant certains éléments du monde symbolique, ne se situe pas au niveau de la parole ; il est incapable de formuler un appel. Cet enfant, comme l'observation le montre, a affaire à un réel nu. Il se situe en dehors du cône et l'action de M. Klein consiste à l'y faire entrer par ses interprétations massives où elle lui injecte proprement un inconscient.
Suivons à présent le texte des Écrits. Le dispositif se complète d'un miroir plan A (fig. 2), ce qui introduit derrière le miroir un espace imaginaire, lieu des images virtuelles. Le sujet n'a accès à l'illusion i(a) qu'en passant par l'image virtuelle i'(a) du miroir A, à condition d'accommoder sur a', image virtuelle, reflet de a, l'objet réel. Mais il est nécessaire que corresponde derrière le miroir d'une image virtuelle S du sujet $ à
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|
_ Y
Figure 2. Dispositif optique muni d'un miroir plan, c'est le miroir A, commandé par le grand Autre.
(Lacan, Écrits, Éd. du Seuil.)
i' (a): image virtuelle du vase caché et du bouquet, dans le miroir plan.
L'image réelle du vase caché n'est pas visible sur ce schéma parce que l'oeil ne peut la voir directement.
l'intérieur du cône réel x'y' (remarquons que, si la ligne orthogonale $S passe en dehors du bord du miroir plan, le sujet ne voit pas son image S).
Ce modèle visualise ainsi la relation spéculaire et son nouage à la relation symbolique. Dans la boîte, nous retrouvons la réalité du corps, auquel le sujet n'a que peu accès et qu'il imagine, nous dit Lacan, comme un gant pouvant se retourner à travers les «anneaux orifi-ciels «. Le miroir sphérique peut figurer le cortex, ses réflexions, les «voies d'autoconduction «. Évoquons ici le mannequin cortical dont parle Freud dans le Moi et le ça (1923), à propos du moi conçu comme «projection d'une surface «; comme le remarque Freud, cette projection se fait à l'envers, la tête en bas. Nous rapprochons cette image projetée du corps obtenue par l'inversion due aux voies nerveuses de l'image redressée du vase inversé, obtenue par, réflexion dans le miroir sphérique. A cette image réelle i(a), d'ailleurs absente sur la figure 2, le sujet ne peut accéder que par i'(a), son image
spéculaire, et donc par une aliénation fondamentale au petit autre; c'est ici que se situe la capture narcissique du moi idéal (Ideal-Ich). Mais cette relation spéculaire est sous la dépendance du grand Autre qui dirige le miroir plan. (Nous retrouvons dans le schéma optique les quatre pôles du schéma L, avec la matérialisation du miroir plan entre a et a' [« Séminaire sur la lettre volée «, in Écrits]. À l'espace imaginaire, derrière le miroir, se superpose le lieu symbolique de l'Autre, derrière le mur du langage, qui correspond dans le modèle à l'espace réel où nous retrouvons le cône x'y'. Cet Autre, dont nous voyons le rôle de témoin dans le stade du miroir, c'est primitivement cette «première puissance «, ce support de la « chose «; de ses «insignes«, marques ou traits signifiants, se constitue à l'intérieur du cône l'idéal du moi (Ich-Ideal) en I, sur lequel le sujet se repère pour obtenir «entre autres effets tel mirage du moi-idéal «. De le placer légèrement en dehors du champ imaginaire orthogonal au miroir plan donne
Figure 3. Bascule du miroir A dans le processus de la cure. (Lacan, Écrits, Éd. du Seuil.)
au I toute sa valeur symbolique, puisque c'est en se repérant sur ce point en fait invisible dans le miroir que le sujet peut obtenir l'effet de l'illusion.
La figure 3 (p. 257) donne une représentation (partielle) du travail analytique. Le sujet place l'analyste en A en faisant de lui «le lieu de sa parole «. L'effacement progressif de cet Autre comme miroir de 90° entraîne le sujet $1 en $2 dans l'espace de ses signifiants «derrière le miroir «, jusqu'en I. Lacan souligne ainsi que la relation en miroir à l'autre et la capture du moi idéal servent de point d'appui dans ce passage au cours duquel l'illusion «doit défaillir avec la quête qu'elle guide «. En I, le sujet $ perçoit directement
Pourtant, dans
trouve chez Freud (en particulier celui du manuscrit G). Mais l'espace euclidien que suggèrent cette abscisse et cette ordonnée est ici transformé par la présence des miroirs. (fig. 4).
Ce schéma exprime que «tout l'investissement libidinal ne passe pas par l'image spéculaire «, «il y a reste «, c'est ce reste que le phallus caractérise et ce phallus ne peut se repérer que sous la forme d'un manque (—q)).
C'est ce manque qui est cerné d'une coupure au niveau de l'image spéculaire, précisément en regard de l'objet a. Le détour par
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