Le mouvement ininterrompu de controverses qu'a suscitées depuis son commencement la Révolution française atteste l'importance de cette période dans l'histoire du monde. Longtemps référence majeure du débat politique en France, la Révolution a aussi constitué pendant tout le XIX e siècle un modèle pour les peuples d'Europe dans leurs luttes de libération nationale. Elle demeure aujourd'hui, avec ses zones d'ombre et sa terrible grandeur, l'un des thèmes les plus passionnants de la recherche historique. L'expression « Révolution française » désigne l'ensemble des événements qui, de 1788-1789 au coup d'État de Napoléon Bonaparte le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), se produisirent en France, entraînant de profonds bouleversements politiques et sociaux et mettant fin à l'Ancien Régime. À l'origine de la Révolution, il y eut la crise de l'Ancien Régime, crise sociale et morale autant que financière, que le roi Louis XVI ne sut pas résoudre. La crise de l'Ancien Régime L'équilibre complexe de la monarchie absolutiste construite à partir de Richelieu reposait à la fois sur une organisation sociale féodale, caractérisée par l'inégalité des statuts sociaux, et sur l'abaissement politique de la noblesse et la mise en place d'une bureaucratie royale. Or cet équilibre fut rompu à la fin du XVIIIe siècle. Le pays connut durant ce siècle une croissance économique et un essor démographique qui firent de lui, avec plus de 25 millions d'habitants, le royaume le plus peuplé d'Europe. Mais la prospérité ne profita pas à tous, car la hausse des prix agricoles gonfla la rente foncière perçue par les seigneurs (le plus souvent des bourgeois enrichis, et non des nobles). Dans les villes, la bourgeoisie enrichie dans l'industrie ou le négoce contribua à la naissance d'une opinion publique, à travers la multiplication des lieux de discussion (cafés et sociétés de pensée), et développa une volonté de réforme issue des Lumières. Cependant, au même moment, la « réaction aristocratique » ferma à la bourgeoisie les portes du pouvoir, de l'administration et de l'armée, et imposa aux paysans la restauration de droits féodaux contraignants ou humiliants. Cette réaction nobiliaire eut pour effet d'affaiblir la monarchie et d'aggraver les antagonismes sociaux. Parallèlement, l'aide apportée par la France aux insurgés américains (1776) contribua à la fois à répandre les idées de liberté et d'égalité, et à accroître le déficit financier du pays. Or la résorption de cette crise financière apparut de plus en plus liée à de profondes réformes sociales, en raison des exemptions fiscales dont jouissaient les ordres privilégiés, noblesse et clergé. Dans les années précédant 1789, période où la situation économique était plus sombre, les préoccupations de la bourgeoisie, qui aspirait à l'égalité sociale, de la noblesse de robe, qui était attachée à la tradition d'indépendance des officiers, et de l'aristocratie, soucieuse de défendre ses privilèges, convergèrent pour contester l'absolutisme royal. Après l'échec des tentatives de réformes menées par les ministres de Louis XVI, Calonne et Loménie de Brienne, le garde des Sceaux de Lamoignon ne put en 1788 mettre au pas les parlements, qui refusaient de nouveaux impôts. En juillet, l'assemblée de Vizille (dans le Dauphiné) réunit les représentants des trois ordres du Dauphiné et réclama la convocation des États généraux. Ces derniers avaient été réunis pour la dernière fois en 1614, suivant des modalités où chaque ordre était représenté par le même nombre de députés. Cette fois, les députés réclamèrent le doublement des représentants du tiers-état (90 % de la population) et le vote par tête (et non plus par ordre). En août 1788, l'État étant en cessation de paiement, Louis XVI céda devant l'effervescence urbaine : il rappela au ministère l'homme d'affaires genevois Necker, qui avait la confiance des milieux financiers, et convoqua les États généraux pour mai 1789. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Ancien Régime Assemblée des notables bourgeois cahiers de doléances Calonne (Charles Alexandre de) Dauphiné états généraux France - Histoire - Les bases de la France contemporaine (1789-1870) - La Révolution (1789-1799) Loménie de Brienne (Étienne Charles de) Louis - FRANCE - Louis XVI Marie-Antoinette Necker Jacques noblesse rente foncière seigneurie Vizille (assemblée de) Des États généraux à l'Assemblée constituante (1789) Au début de l'année 1789, les assemblées des bailliages rédigèrent pour leurs députés des « cahiers de doléances », qui montraient à la fois un profond attachement à la personne de Louis XVI et un désir nouveau de liberté. La revendication d'une réconciliation du roi et de la nation fut générale, mais seuls les cahiers du tiers-état réclamaient l'égalité absolue des droits entre les trois ordres. 1 165 députés, élus selon une procédure complexe, mais à un suffrage quasi universel, se réunirent à Versailles le 5 mai. Le roi se refusant à aborder toute autre question que celle relevant des finances, les journées d'attente qui suivirent permirent aux députés de se souder autour de Barnave, de Mounier, mais aussi de l'abbé Sieyès et du comte de Mirabeau, transfuges des ordres privilégiés. Le 20 juin, dans l'exaltation du « serment du Jeu de paume », le tiers, qui s'était érigé en Assemblée nationale le 17, après le refus de la noblesse et du clergé de siéger avec lui, jura de ne pas se séparer avant d'avoir donné une Constitution à la France. Le 27 juin, Louis XVI ordonna aux deux autres ordres de se joindre au tiers, et, le 9 juillet, l'Assemblée nationale se proclama Assemblée constituante. La révolution politique paraissait achevée. Source nouvelle du pouvoir, le peuple souverain mettait fin à la monarchie absolue. Mais le roi sembla vouloir restaurer son autorité. Dans un Paris en pleine effervescence (la disette menaçait après la mauvaise récolte de 1788, et la hausse des prix culmina lors de l'été 1789), l'émotion populaire augmenta à l'annonce du renvoi de Necker et d'autres ministres libéraux, et de la concentration de troupes royales à Soissons. Alors que s'étaient constitués un comité municipal et une milice bourgeoise le 13 juillet, le 14, le peuple prit d'assaut la Bastille, magasin d'armes et prison symbole de l'arbitraire monarchique. Le roi céda, rappela Necker et arbora lors de sa visite à l'Hôtel de Ville, le 17 juillet, la cocarde tricolore, formée des couleurs de Paris, le bleu et le rouge, auxquelles on adjoignit le blanc, couleur royale. Cet événement suscita les acclamations du peuple, mais aussi une première émigration de l'aristocratie. Avec la lente diffusion des nouvelles, des révolutions municipales éclatèrent dans la seconde quinzaine de juillet, trouvant leur écho dans les campagnes en crise. La « guerre aux châteaux », dont le but immédiat était de détruire les titres justificatifs des droits féodaux, s'accompagna de la rumeur de l'arrivée de brigands ou de troupes, qui poussa les paysans à s'armer. Cette crise des campagnes, qu'on appela la « Grande Peur », conduisit les députés à adopter dans l'urgence des mesures pour défendre le droit de propriété. Aussi, dans la nuit du 4 août 1789, l'unanimité se fit-elle pour abolir les privilèges et, contre rachat, les droits féodaux. L'Assemblée, qui avait décidé de définir les devoirs et les libertés de la nation, adopta le 26 août un second texte fondamental, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui proclamait : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits... » Après l'absolutisme tombait également l'Ancien Régime social fondé sur l'inégalité des trois ordres (noblesse, clergé, tiers-état). Parallèlement se posa le problème concret de la répartition des pouvoirs. Les députés refusèrent l'idée défendue par les monarchiens, comme Jean-Joseph Mounier, d'un droit de veto absolu du roi sur les décisions de l'Assemblée. Dans le même temps, Louis XVI multipliait les maladresses. Il fit venir à Versailles le régiment de Flandre, dont les officiers auraient piétiné la cocarde tricolore en présence de la reine, tandis qu'à Paris la pénurie de pain et le chômage devenaient aigus. Le 6 octobre 1789, un cortège populaire, femmes en tête, gagna Versailles et ramena de force la famille royale aux Tuileries, puis l'Assemblée s'installa également à Paris, dans la salle du Manège. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats août 1789 (nuit du 4) aristocratie Assemblée nationale constituante bailli Bailly Jean Sylvain Barnave Antoine Pierre Joseph Marie Bastille Breteuil (Louis Auguste Le Tonnelier, baron de) cahiers de doléances Déclaration des droits de l'homme et du citoyen Dreux-Brézé (Henri Évrard, marquis de) droits de l'homme états généraux France - Histoire - Les bases de la France contemporaine (1789-1870) - La Révolution (1789-1799) Jeu de paume (serment du) Lanjuinais (Jean Denis, comte) Louis - FRANCE - Louis XVI Mirabeau - Mirabeau (Honoré Gabriel Riqueti, comte de) monarchiens Mounier Jean-Joseph Necker Jacques octobre 1789 (journées des 5 et 6) Peur (la Grande) privilège Quatorze Juillet Sieyès (Emmanuel Joseph, dit l'abbé) tiers-état Les livres noblesse, page 3448, volume 6 octobre 1789 (journées des 5 et 6), page 3509, volume 7 France - prise de la Bastille le 14 juillet 1789, page 2012, volume 4 Révolution française - citoyen portant la Déclaration des droits de l'homme dans une fête civique, page 4372, volume 8 Révolution française - les vainqueurs de la Bastille emmenant la garnison prisonnière à l'Hôtel de Ville, page 4372, volume 8 Révolution française - le Serment du Jeu de paume, de David, page 4372, volume 8 Révolution française - la nuit du 4 août 1789, page 4373, volume 8 Les réformes de la Constituante (1790-30 septembre 1791) Après l'accélération exceptionnelle des événements au cours des six mois écoulés depuis l'ouverture des États généraux, la situation politique et économique parut s'apaiser. Les députés entamèrent la mise au point de la première Constitution française. Les réformes furent élaborées à l'Assemblée (dans les commissions ou en séance) par des députés divisés en une « gauche » et une « droite », selon la place qu'ils occupaient par rapport au président. Mais ces réformes étaient également âprement discutées dans les clubs (ceux des jacobins et des cordeliers notamment) et dans les journaux. Les députés voulurent fonder une France à la fois unie et décentralisée. Ils créèrent donc une administration homogène, constituée de municipalités et de départements, tout en affirmant leur libéralisme politique (liberté de la presse et de l'édition, citoyenneté reconnue aux protestants et aux juifs) et économique (loi Le Chapelier de juin 1791 interdisant toute association patronale ou ouvrière). Mais ils adoptèrent un suffrage censitaire à deux degrés distinguant, en fonction des revenus, des « citoyens actifs », dotés de l'ensemble des droits politiques, et des « citoyens passifs », qui n'avaient pas le droit de vote. De plus, l'esclavage était maintenu dans les colonies. Néanmoins, la réforme de la justice et de l'armée tendait à faire de la France une communauté de citoyens libres et égaux. La Révolution semblait avoir triomphé, comme en témoigna la fête de la Fédération. Le 14 juillet 1790, au Champ-de-Mars, les gardes nationales spontanément fédérées affirmèrent en effet, devant le roi et l'Assemblée réunis, l'unité de la nation dans la première grande fête révolutionnaire. Mais cette unanimité fut éphémère : en effet, devant la gravité du déficit financier, les biens du clergé avaient été « mis à la disposition de la nation », c'est-à-dire confisqués. L'assignat (bon gagé sur la vente de ces biens nationaux) devint bientôt une monnaie papier en proie à une inflation galopante. Pour inclure l'Église dans la vie publique, l'Assemblée avait voté la « Constitution civile du clergé » (12 juillet 1790), aboutissement de plusieurs siècles de gallicanisme qui fit des prêtres des « salariés », mais exigea d'eux un serment qui fut finalement rejeté par le pape : ce fut le premier grand clivage de la Révolution. Louis XVI, profondément chrétien et jouant sans cesse un double jeu vis-à-vis de l'Assemblée, voulut accélérer l'intervention des monarchies européennes, qu'inquiétait l'application du « droit des peuples à disposer d'euxmêmes » en Alsace (abolition des droits féodaux des princes allemands) et en Avignon (réuni à la France). Le 21 juin 1791, le roi fut arrêté à Varennes alors qu'il tentait de fuir. Cet événement, d'une portée considérable, rompait le lien séculaire entre la monarchie et le pays, et entraîna la protestation du peuple (une manifestation fut réprimée par la fusillade du Champ-de-Mars, le 17 juillet 1791) ainsi que la division des députés, qui se scindèrent entre jacobins, favorables à la déchéance du roi, et feuillants, modérés. Louis XVI prêta finalement serment à la Constitution le 14 septembre, permettant à la Constituante de se séparer. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Assemblée nationale constituante assignat Champ-de-Mars clubs révolutionnaires Cordeliers (club des) corporations décentralisation Fédération (fête de la) feuillants France - Histoire - Les bases de la France contemporaine (1789-1870) - La Révolution (1789-1799) Jacobins (club des) Le Chapelier Isaac René Guy Louis - FRANCE - Louis XVI Pillnitz sécularisation des biens du clergé Varennes-en-Argonne Vergniaud Pierre Victurnien Les livres Révolution française - le déménagement du clergé après la vente des biens nationaux, page 4374, volume 8 Révolution française - la fête de la Fédération à Paris, le 14 juillet 1790, page 4374, volume 8 L'Assemblée législative (1er octobre 1791-20 septembre 1792) Composée d'hommes nouveaux (les constituants avaient voté leur non-rééligibilité), l'Assemblée législative se divisa entre jacobins et feuillants, mais la majorité des députés refusa de s'inscrire à une faction et forma ce qu'on devait appeler le « marais ». Louis XVI, qui voyait dans une possible défaite française l'occasion de restaurer son pouvoir, appuya les décrets hostiles aux princes allemands (qui accueillaient les émigrés) et forma un ministère dirigé par Brissot. Ce dernier, désireux d'affermir la Révolution et de libérer les peuples d'Europe, voulait une guerre révolutionnaire. Les brissotins (ou girondins) obtinrent, malgré les réticences de Robespierre et de Barnave, la déclaration de la guerre « au roi de Bohême et de Hongrie », c'est-à-dire à l'Autriche, le 20 avril 1792. Alors que la crise économique s'aggravait en raison de la dépréciation des assignats, le mouvement populaire s'organisa autour des quarante-huit sections de Paris et des militants sans-culottes, ainsi appelés pour leur mépris des culottes à bas de soie portées par les riches. Hostiles au libéralisme bourgeois, ils revendiquaient la taxation des denrées alimentaires et l'avènement d'une démocratie directe. Le roi, qui avait mis son veto à deux décrets (répression des prêtres réfractaires, projet d'un camp de vingt mille fédérés à Paris), fut forcé par le peuple, lors de la journée révolutionnaire du 20 juin, de coiffer le bonnet phrygien. Les premières défaites de l'armée française, privée d'officiers par l'émigration, donnèrent naissance à un élan politique nouveau, le patriotisme. Les fédérés convergèrent vers Paris, l'Assemblée proclama la « patrie en danger » le 11 juillet 1792 au son de la Marseillaise . Au cours de la journée du 10 août, les sans-culottes prirent d'assaut les Tuileries, tandis qu'était créée une Commune insurrectionnelle de deux cent quatrevingt-huit membres. Sous la pression des piques, Louis XVI fut « suspendu » et remplacé par un comité exécutif provisoire, en attendant l'élection d'une Convention nationale au suffrage universel : les forces populaires, en renversant la monarchie et la Constitution bourgeoise de 1791, signifiaient leur exigence d'une démocratie plus égalitaire. Les girondins (parmi lesquels Pierre Vergniaud et le couple Roland) durent faire face à la guerre qu'ils avaient voulue et à la peur d'un complot contre-révolutionnaire. Ils prirent les premières mesures de répression, de lutte contre l'Église réfractaire, de laïcisation de la vie publique (naissance de l'état civil, divorce) et d'organisation de l'économie. C'est dans ce climat fiévreux que la Commune organisa les « massacres de septembre », au cours desquels la moitié des prisonniers incarcérés à Paris furent assassinés. Le jour même où s'installait la Convention (20 septembre 1792), Kellermann remportait la victoire de Valmy sur les Prussiens. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats août 1792 (journée du 10) Assemblée législative (1791-1792) Barnave Antoine Pierre Joseph Marie Brissot de Warville (Jacques Pierre Brissot, dit) Brunswick (Ferdinand, duc de) Commune de Paris (1792-1794) Condorcet (Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de) Danton Georges Jacques Fédération (fête de la) France - Histoire - Les bases de la France contemporaine (1789-1870) - La Révolution (1789-1799) juin 1792 (journée du 20) Marianne Marseillaise (la) montagnards réfractaires (prêtres) République (Ire) sans-culottes Santerre Antoine Joseph Septembre 1792 (massacres de) Théroigne de Méricourt (Anne Josèphe Terwagne, dite) Valmy Vergniaud Pierre Victurnien Les livres Robespierre (Maximilien de), page 4409, volume 8 Révolution française - l'invasion des Tuileries par les sans-culottes, le 10 août 1792, page 4375, volume 8 Révolution française - Louis XVI déclarant la guerre à l'Autriche, le 20 avril 1792, page 4375, volume 8 La Convention girondine (21 septembre 1792-2 juin 1793) La Convention nationale (dénomination issue de la révolution américaine), élue dans un contexte troublé par une minorité engagée, assuma la souveraineté en datant le 22 septembre ses décrets de « l'an I de la République » (entrée dans les faits le 10 août). Dans cette Convention, la lutte des factions entre girondins et montagnards s'intensifia. Le marais soutint d'abord les girondins, qui prirent des mesures de retour au libéralisme contre la Commune (dont Marat, Danton et Robespierre étaient membres) et firent cesser les excès de septembre. Le procès de Louis XVI eut lieu malgré l'opposition des montagnards, qui souhaitaient une exécution sans jugement, redoutant que le procès du roi ne devînt celui de la Révolution. Déclaré coupable, le roi fut exécuté le 21 janvier 1793, le sursis ayant été rejeté par 383 voix contre 310. Tout retour en arrière était désormais impossible ; le silence de l'opinion face à la mort du roi de droit divin révéla la profonde rupture que les premières années de la Révolution et l'attitude de Louis XVI avaient opérée dans les mentalités. Les troupes françaises, imprégnées d'idéalisme conquérant, avaient occupé la Savoie (septembre 1792), s'étaient avancées jusqu'au Rhin (octobre) et avaient annexé la Belgique (victoire de Dumouriez à Jemmapes, novembre 1792). Lorsqu'elle eut déclaré la guerre au roi d'Angleterre et au stathouder de la Hollande (février 1793), puis au roi d'Espagne (mars 1793), la France dut faire face à une puissante coalition européenne. Les reculs de l'armée, mal équipée et mal commandée après la trahison de Dumouriez, se succédèrent. En mars, la Convention décréta une levée de trois cent mille « volontaires », ce qui déclencha l'insurrection de la Vendée : la « défense de Dieu et du roi » et l'hostilité aux bourgeois des villes acquéreurs de biens nationaux soudèrent les paysans et leurs seigneurs face aux armées républicaines. Dans ce climat de défaites et d'émeutes (hausse des prix, revendication d'un maximum menée par les « enragés »), la Convention reprit l'initiative face aux accusations de mollesse dont elle était l'objet. En mars 1793, elle créa un tribunal révolutionnaire, des comités de surveillance dans les départements et les villes, organisa le gouvernement révolutionnaire autour des comités de sûreté générale et de salut public, et, en mai, promulgua le maximum des prix. Devant l'opposition des montagnards, menés par Robespierre, qui appuyaient les revendications des sans-culottes, les girondins tentèrent de mettre au pas la Commune en arrêtant son chef, Hébert (24 mai 1793). Mais, après les journées insurrectionnelles des 31 mai et 2 juin 1793, les vingt-neuf chefs girondins furent arrêtés et mis en accusation par la Convention. La Révolution prit un tournant politique et social décisif avec cette victoire de la pression populaire sur la représentation nationale. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats accapareurs Biron (Armand Louis de Gontaut, duc de Lauzun, puis duc de) calendrier - Les principaux systèmes calendaires - Le calendrier républicain français coalitions comité Condorcet (Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de) Convention nationale Custine (Adam Philippe, comte de) Danton Georges Jacques Dumouriez (Charles-François Du Périer, dit Charles) enragés exagérés fédéralisme France - Histoire - Les bases de la France contemporaine (1789-1870) - La Révolution (1789-1799) Girondins Hébert Jacques Louis - FRANCE - Louis XVI Marat Jean-Paul montagnards Plaine République (Ire) Robespierre (Maximilien de) Saxe-Cobourg-Saalfeld (Friedrich-Josias, prince de) Tribunal révolutionnaire Vendée (guerres de) Westermann François Joseph Les livres Robespierre (Maximilien de), page 4409, volume 8 calendrier - le calendrier républicain, page 815, volume 2 Révolution française - séance au club des Jacobins, le 11 janvier 1792, page 4374, volume 8 Révolution française - Danton à la tribune, page 4375, volume 8 Révolution française - l'exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, page 4375, volume 8 Révolution française - gravure royaliste du XIXe siècle montrant la mort du chef vendéen Bonchamps en 1793, page 4375, volume 8 La Convention jacobine et la Terreur (2 juin 1793-27 juillet 1794) Désormais soutenus par le marais, les montagnards durent faire face pendant l'été aux soulèvements fédéralistes contre le coup de force parisien. Le calme revint en Normandie, dans le Sud-Ouest et le Midi (malgré Toulon, qui ouvrit son port aux Anglais), mais, devant les victoires des insurgés, la Convention vota la destruction systématique de la Vendée (1 er août 1793) en ordonnant de pratiquer une politique de terre brûlée. Dans le même temps, malgré la levée en masse (24 août), les troupes étrangères avancèrent en Alsace et en Savoie et prirent Marseille. L'intensité de la crise, la pression des sans-culottes sur les conventionnels (journées des 4 et 5 septembre 1793) et celle des cordeliers à la Convention firent accepter à la bourgeoisie révolutionnaire une dictature contrôlée par la Convention, la vente des biens des émigrés, la « loi des suspects » (17 septembre), le maximum général des prix. Le 10 octobre, la Constitution démocratique qui avait été votée le 24 juin fut suspendue au profit d'un gouvernement révolutionnaire dirigé par le Comité de salut public, dont Robespierre, Saint-Just et Couthon étaient les membres les plus influents. Le tribunal révolutionnaire, contrôlé par l'accusateur public Fouquier-Tinville, multiplia les exécutions (la reine Marie-Antoinette, Philippe d'Orléans, les girondins furent guillotinés), tandis qu'une politique de déchristianisation était mise en place. Cette politique comprenait des mesures de répression contre l'Église contre-révolutionnaire, mais aussi des réformes de l'enseignement primaire pour lutter contre la « superstition ». Les Vendéens furent écrasés à l'automne par les « colonnes infernales » de Turreau, qui commirent des atrocités, et la répression contre le fédéralisme s'accrut (noyades de Carrier à Nantes, prise de Lyon). La dictature de guerre s'accentua encore par le vote du 4 décembre 1793 selon lequel la Convention déléguait au Comité de sûreté générale la police politique et au Comité de salut public le gouvernement politique et militaire. Malgré les succès extérieurs remportés sur les forces coalisées, la Terreur fut poursuivie et les sectarismes s'accentuèrent. Pendant l'hiver, les accusations de corruption et de trahison se multiplièrent ; par les procès de germinal (mars-avril 1794), Robespierre se débarrassa des hébertistes, puis des indulgents (dont Danton et Desmoulins, qui furent guillotinés). Celui qu'on appelait l'« incorruptible » renforça alors la centralisation, frappant à la fois la contre-révolution, les « tièdes » et l'initiative populaire (interdiction des sociétés populaires et du droit de grève), et voulut donner un fondement moral à la « Grande Terreur » en instaurant le culte de l'Être suprême (juin 1794). L'accumulation des exécutions (huit cents à Paris en un mois) et les menaces voilées de Robespierre et de Saint-Just à la tribune de la Convention inquiétèrent les députés modérés, tandis que les victoires des soldats de l'an II éloignaient le danger (bataille de Fleurus, le 26 juin). Le 9 thermidor (27 juillet 1794), Robespierre fut renversé avant d'être guillotiné le lendemain avec vingt et un de ses partisans. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Carrier Jean-Baptiste chouannerie Convention nationale Cordeliers (club des) Couthon Georges Danton Georges Jacques Desmoulins Camille émigrés fédéralisme Fleurus Fouquier-Tinville Antoine Quentin France - Histoire - Les bases de la France contemporaine (1789-1870) - La Révolution (1789-1799) Hébert Jacques Jacobins (club des) Marie-Antoinette maximum (édit du) montagnards prairial République (Ire) Robespierre (Maximilien de) Saint-Just Louis Antoine Léon salut public (Comité de) Saxe-Cobourg-Saalfeld (Friedrich-Josias, prince de) sûreté générale (Comité de) suspect Terreur thermidor Tribunal révolutionnaire Vendée (guerres de) ventôse Westermann François Joseph Les livres Robespierre (Maximilien de), page 4409, volume 8 France - bataille de Fleurus, le 26 juin 1794, page 2014, volume 4 Révolution française - l'émeute du 1er prairial an III (20 mai 1795), page 4376, volume 8 Révolution française - l'arrestation de Robespierre, le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), page 4376, volume 8 La Convention thermidorienne (27 juillet 1794-26 octobre 1795) Les nouveaux maîtres des Comités durent répondre à une double aspiration : celle de la victoire militaire, mais aussi de la détente. La fin de la Terreur provoqua en effet un mouvement de liesse, une éclosion de la presse et des réjouissances populaires, tandis que la jeunesse dorée (les « muscadins ») menait une action antijacobine. Les thermidoriens, parmi lesquels on trouvait Boissy d'Anglas, Cambacérès et Sieyès, prirent des mesures « réactionnaires » telles que la fermeture du club des jacobins, la suppression de la Commune, le rétablissement de la liberté des cultes et l'abolition du maximum. De plus, ils adoptèrent une attitude de conciliation face à la résurgence de la chouannerie. Mais l'effondrement de l'assignat et la disette provoquèrent les insurrections populaires des 12 germinal et 1er prairial an III (1er avril et 20 mai 1795). Paris fut maté et trente-six montagnards furent condamnés à mort. Les thermidoriens tentèrent alors de maintenir l'équilibre entre la « gauche » et la « droite », laissant se développer la Terreur blanche royaliste, mais réprimant le débarquement émigré à Quiberon en juillet 1795. Après avoir conclu la paix avec la Prusse et la Hollande, puis avec l'Espagne, ils achevèrent leur mandat par les lois sur l'enseignement (création de l'Institut, de l'École polytechnique, de l'École normale supérieure, du Muséum) et l'élaboration d'une nouvelle Constitution. Après avoir réprimé l'insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), déclenchée contre la « loi des deux tiers », selon laquelle seul un tiers des conventionnels était renouvelable, les deux tiers restants continuant à siéger dans la nouvelle législature, l'Assemblée se sépara en prenant une dernière décision : la place de la Révolution (ancienne place Louis XV) prit le nom de place de la Concorde. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Boissy d'Anglas (François Antoine, comte de) Cambacérès (Jean-Jacques Régis de) Concorde (place de la) France - Histoire - Les bases de la France contemporaine (1789-1870) - La Révolution (1789-1799) germinal Jacobins (club des) maximum (édit du) polytechnique (École) prairial République (Ire) Sieyès (Emmanuel Joseph, dit l'abbé) sûreté générale (Comité de) Tallien Jean-Lambert Terreur blanche thermidor vendémiaire Les livres Révolution française - la première séance de l'Institut national, page 4377, volume 8 Le Directoire : une tentative d'équilibre républicain (26 octobre 1795-1797) La Constitution de l'an III avait dessiné un régime libéral et censitaire ; la séparation des pouvoirs, entre deux Conseils (le Conseil des Anciens et le Conseil des Cinq-Cents) et un directoire exécutif de cinq membres, devait écarter le risque de dictature. Les sept cent cinquante députés se voulaient les héritiers et les continuateurs de la République, mais en en écartant les excès. Le Directoire héritait d'une situation financière catastrophique, doublée d'une grave crise de subsistances en 1794-1795. Pour juguler l'inflation et la dépréciation de l'assignat, il créa une nouvelle monnaie (le mandat territorial), mais dut renoncer finalement à tout papier-monnaie en février 1797. Le régime fut tour à tour menacé sur sa droite et sur sa gauche. L'agitation jacobine culmina en mars-septembre 1796, avec l'échec de la « conspiration des Égaux » menée par Gracchus Babeuf, qui tenta d'instaurer une dictature populaire. Face à l'instabilité intérieure, le Directoire s'appuya sur l'armée, soutien de la République. Le général Bonaparte, qui avait durement réprimé l'insurrection royaliste du 13 vendémiaire, reçut le commandement des armées d'Italie (mars 1796) et reprit l'offensive contre le Piémont, allié de l'Autriche. Sa campagne victorieuse (Arcole, 17 novembre 1796) lui permit toutes les initiatives (création de « Républiques soeurs », pillage des oeuvres d'art). Après la poussée royaliste aux élections du printemps 1797, un triumvirat mené par Barras fomenta le coup d'État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797). L'ordre républicain fut rétabli brutalement (censure, déportation de députés), mais le gouvernement dut accepter du jeune vainqueur Bonaparte le traité de Campoformio, signé avec l'Autriche le 26 vendémiaire an VI (17 octobre 1797), qui donnait à la France la rive gauche du Rhin. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Arcole assignat Babeuf (François Noël, dit Gracchus) Barras (Paul François Jean Nicolas, vicomte de) Buonarroti Filippo Campoformio (traité de) Cinq-Cents (Conseil des) Directoire Égaux (conspiration des) France - Histoire - Les bases de la France contemporaine (1789-1870) - La Révolution (1789-1799) fructidor Italie (campagnes d') mandat territorial Napoléon Ier (Napoléon Bonaparte) Pichegru Charles République (Ire) triumvirat Les livres incroyables, page 2473, volume 5 Révolution française - le coup d'État du 18 fructidor an IV (4 septembre 1797), page 4377, volume 8 La guerre de conquête et la fin du Directoire (1798-9 novembre 1799) Les Conseils tentèrent de maintenir l'équilibre politique et leur propre pouvoir, en faisant un coup d'État contre les députés jacobins nouvellement élus (22 floréal an VI, 17 mai 1798). Mais la préoccupation principale était désormais la guerre : la croisade républicaine fut réactivée contre la monarchie anglaise, ennemi politique et économique. Bonaparte renonça à un débarquement en Angleterre et fit accepter l'idée d'une campagne en Orient (juillet 1798). Si elle fut un succès scientifique, l'expédition d'Égypte aboutit à une grave défaite navale à la première bataille d'Aboukir (1er août 1798) et souleva l'inquiétude de la Russie. Face à une seconde coalition des puissances européennes, la France accrut son isolement par ses conquêtes ; elle apporta en effet son soutien au soulèvement suisse et proclama les Républiques romaine et parthénopéenne (napolitaine). Mais les maladresses politiques et l'exploitation économique des pays conquis suscitèrent les soulèvements antifrançais du printemps 1799. Le Directoire s'affaiblissait à force de coups d'État. Jusque-là, les directeurs avaient eu gain de cause sur les parlementaires qui leur étaient hostiles, mais le 30 prairial an VII (18 juin 1799) les néo-jacobins des Conseils évincèrent deux directeurs. Cette instabilité politique, ajoutée aux revers militaires et à l'échec de la politique économique du Directoire (malgré les tentatives de réforme fiscale), contribua à discréditer le régime quasi parlementaire qu'était le Directoire. La sauvegarde du régime pendant l'été fut obtenue au prix de l'emprunt forcé et de la « loi des otages » contre l'opposition royaliste. En octobre 1799, Bonaparte, précédé d'une habile propagande, revint d'Égypte en triomphateur et souleva la sympathie d'une opinion lassée, avide à la fois d'ordre et de victoires. Le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), il mit à exécution le coup d'État préparé par Sieyès : les Conseils acceptèrent la dictature de trois consuls pour « sauver la République ». Bonaparte, Sieyès et Roger Ducos voulaient clore la Révolution. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Aboukir brumaire Cambacérès (Jean-Jacques Régis de) coalitions Directoire Ducos Roger floréal Italie (campagnes d') Italie - Histoire - La marche vers l'unité Napoléon Ier (Napoléon Bonaparte) Parthénopéenne (République) prairial République (Ire) Sieyès (Emmanuel Joseph, dit l'abbé) Les livres France - le Coup d'État du 18 brumaire an VIII, page 2014, volume 4 Postérité et débats Les dix années de la Révolution modifièrent profondément les pratiques politiques et sociales en France (participation du peuple, diffusion de la presse, déchristianisation, accession de la paysannerie à la propriété) et diffusèrent des valeurs nouvelles : la démocratie, la nation. Avec l'élément nouveau que devait apporter le bonapartisme, forme de démocratie autoritaire inédite alors, la Révolution fut la référence majeure des débats politiques du XIXe siècle français. Pendant longtemps, en effet, les principaux clivages politiques se cristallisèrent sur les questions du régime politique (pour ou contre la République) et de la religion. Dans les débats critiques se développa une histoire contrerévolutionnaire, dont Joseph de Maistre était l'un des concepteurs. Les principales interrogations des historiens portèrent sur les débuts de la Révolution (1790 marque-t-il un nouvel équilibre d'une révolution bourgeoise que seuls des accidents de l'histoire empêchèrent de perdurer ou bien est-il une simple étape vers la République et la démocratie ?) et sur la « nécessité » de la Terreur. S'opposèrent alors ceux qui, tel Clemenceau, acceptaient la Révolution comme un tout indissociable et ceux qui voulaient distinguer une Révolution bourgeoise et pacifique des excès de 1793, prélude au bouleversement des hiérarchies sociales. La IIIe République voulut intégrer définitivement la Révolution à l'histoire de France en faisant du 14 Juillet la fête nationale et en créant une chaire spécialisée à la Sorbonne (1891). Avec Jean Jaurès, puis avec les marxistes, attentifs à la révolution russe de 1917 (Albert Mathiez), l'intérêt se porta davantage sur l'étude des différentes classes sociales : sans-culottes (étudiés par Albert Soboul) et paysans (Georges Lefebvre). Plus tard, la « Révolution nationale » de Vichy apparut en grande partie comme une tentative de supprimer les acquis de la Révolution. Progressivement, les historiens ont exploré de nouveaux thèmes d'études (la fête révolutionnaire, la caricature) et avancé des interprétations inédites. Ainsi, François Furet et Denis Richet décrivent comme un « dérapage » les événements révolutionnaires de 1792 à 1794 après la révolution libérale de 1789. En 1989, la célébration ludique du bicentenaire de la Révolution, organisée par Jean-Paul Goude sur les Champs-Élysées, a souligné qu'avec l'acceptation générale de la démocratie et de la philosophie des droits de l'homme, et avec la construction de l'Europe qui modifiait l'attachement à la nation, l'héritage de la Révolution ne constituait plus un clivage majeur du débat politique français. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Ancien Régime et la Révolution (l') arbres - Aspects culturels - Des arbres et des coutumes complot (thèse du) conservatisme Contre-Révolution Furet François Gaxotte Pierre Jaurès Jean Lefebvre Georges Maistre (Joseph, comte de) Mathiez Albert Michelet Jules Mignet Auguste nation nation - Nation et Révolution française Ozouf Mona Soboul Albert Terreur Les livres Paris - célébration du bicentenaire de la Révolution française, le 14 juillet 1989, page 3726, volume 7 Complétez votre recherche en consultant : Les indications bibliographiques F. Aftalion, l'Économie de la Révolution française, Hachette, Paris, 1987. F. Furet et M. Ozouf (sous la direction de), Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, Paris, 1992 (1988). J.-C. Hallé, Histoire de la Révolution française, Nathan, Paris, 1983. A. Soboul, Précis d'histoire de la Révolution française, Éd. sociales, Paris, 1988. M. Vovelle (sous la direction de), l'État de la France pendant la Révolution, La Découverte, Paris, 1988.