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Le Baroque en Espagne

Publié le 10/04/2015

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La cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle s'élève dans le centre historique de la ville, sur la grande Plaza del Obradoiro, délimitée par de nombreux palais seigneuriaux. La cathédrale, remontant au Haut Moyen Age, est détruite dans un premier temps par les Arabes (Xe siècle), puis reconstruite en style roman au XIe siècle. Le grand ensemble architectural a un plan en croix latine comprenant trois nefs, ainsi qu'un transept à collatéraux. Si l'intérieur relève pour la plupart du Moyen Age, la façade principale, dite el Obradoiro (ouvrage en or) date de l'époque baroque. Elle a été en effet réalisée par l'architecte espagnol Fernando de Casas y Novoa en 1738. Précédée d'un escalier à deux rampes, serrée entre deux hautes tours et dominée par le grand portail double, la façade est richement décorée de colonnes sur plinthes, de statues et d'architectures sculptées, de balcons et de pinacles. Le langage auquel recourt Fernando de Casas y Novoa se ressent du style churrigueresque dominant encore en Espagne. Le nom de ce style dérive de la célèbre famille d'architectes de Churriguera, active du XVIe siècle à la première moitié du XVIIe siècle. Bien qu'on ne puisse pas parler à leur sujet d'un style architectural bien défini, par stylechurrigueresque, on entend encore aujourd'hui un langage architectural basé sur une décoration fastueuse et boursouflée, au point qu'elle escamote complètement les éléments structurels de l'architecture.

 

 

 

 

 

 

 

 

Oeuvre de maturité, ce tableau représente Les Ménines, c'est-à-dire les demoiselles d'honneur de la cour. Réalisé par le peintre espagnol Diego Vélasquez en 1656, il constitue une de ses meilleurs oeuvres, venue couronner une production peinte qui le situe parmi les sommets de la peinture européenne du XVIIe siècle. Le tableau est une sorte de portrait de groupe, à l'intérieur d'une pièce dont les murs sont couverts de tableaux : au centre, l'infante Marguerite entourée de demoiselles d'honneur, de nains et de dignitaires; à gauche, Vélasquez lui-même, reconnaissable à la palette qu'il tient à la main; il se représente devant la grande toile, dont on ne voit qu'une partie du revers au premier plan. Sur le mur du fond, un miroir rectangulaire laisse deviner la présence hors-champ des deux souverains qui regardent la scène de l'extérieur. Le tableau est savamment agencé, de façon à donner l'impression d'une porte qui s'ouvre à l'improviste sur une pièce du Palais Royal. Ainsi, n’a-t-on pas affaire à un simple portrait de groupe en position frontale et figée, mais à une scène plus complexe, avec des personnages saisis par surprise dans leurs gestes quotidiens. Nous avons encore une fois ici la mesure du réalisme de Vélasquez, qui offre une image de la réalité si naturelle et immédiate qu'elle a l'air simple, alors qu'elle est en fait le fruit d'un talent pictural consommé et d'une profonde connaissance des lois de l'optique. Mais l'opposition entre réalité et apparence, nettement évoquée ici, à partir de la confusion entre observateur et objet observé, présente elle aussi un grand intérêt : Vélasquez, l'auteur, figure dans le tableau, au lieu d'en être exclu. De même, le couple royal, qui en fait observe de l'extérieur, devient cependant sujet du tableau par le truchement de l'image reflétée dans le miroir.

 

 

Le Transparent est un devant d'autel tout à fait spectaculaire construit entre 1721 et 1732 par l'architecte et sculpteur castillan Narciso Tomé dans la cathédrale de Tolède, imposant édifice gothique d'inspiration française. Cette oeuvre, commandée par Don Diego de Astorga y Céspedes, assure un grand renom à l'architecte Tomé, qui à la suite de ce travail obtient la charge de maître d'oeuvre de la cathédrale. L'autel, résultat d'une fusion admirable entre architecture, décoration sculptée et peinture, porte à des niveaux extrêmes les composantes théâtrales et illusionnistes du baroque. L'intention est de créer une sorte de ciborium surélevé contenant le tabernacle du Saint Sacrement, visible aussi bien du chœur, où il est placé, que de la nef centrale où se trouvent les fidèles (d'où son nom de transparent). Tomé décide alors de placer le Très Saint Sacrement dans un écrin muni d'une grande fenêtre entourée d'une couronne d'anges. Au-dessus de la troupe d'anges figure le groupe sculpté en bois polychrome représentant la Cène. L'autel est éclairé de façon spectaculaire par une source de lumière provenant d'une fenêtre découpée dans une des voûtes du choeur, sans compromettre la stabilité du bâtiment. Par ses qualités et son invention, le transparent de Tomé se dégage des nombreuses réalisations du style churrigueresque espagnol pour se ranger du côté des expériences du baroque européen le plus rigoureux. Au faste pompeux et surchargé de la décoration architecturale du churriguérisme, il oppose la recherche d'un agencement différent de l'espace, certes richement décoré, mais allégé et rendu spectaculaire par l'utilisation savante des sources lumineuses et des raccourcis de la perspective créant un effet d'illusion.

 

 

Les Deux petits mendiants sévillans mangeant des fruits (1645-55) est une oeuvre qui se situe dans une période faste de la vie artistique du peintre Bartolomé Esteban Murillo, qui venait de se faire un nom avec le cycle peint du petit cloître des Franciscains à Séville (1646). La production de Murillo est liée avant tout à des sujets religieux, avec des oeuvres qui lui sont commandées par des églises et des couvents de Séville, ville dans laquelle se déroule presque toute son activité. Une partie de sa production est toutefois consacrée aux portaits et aux scènes de genre, parmi lesquelles figure le tableau en question. Au centre de la composition se trouvent deux enfants, pied-nus et vêtus de haillons. Les deux jeunes garçons sont assis côte à côte, l'un par terre et l'autre sur un petit banc. Celui qui est par terre a près de lui un panier plein de raisins blancs et noirs ; de son bras levé, il approche de sa bouche une grappe de raisin, tandis que de l'autre main il serre une tranche de melon. L'autre garçon est lui aussi en train de manger une tranche de melon. Cette scène typiquement populaire, saisie dans les ruelles des quartiers pauvres de Séville, est décrite par Murillo avec talent et avec un réalisme dépourvu de notes dramatiques ou crues. Comme c'est toujours le cas chez Murillo, tout élément potentiel de dénonciation d'un malaise social s'estompe dans des formes d'une beauté idéalisée et aimable.

 

 

 

 

 

 

 

 

C'est vers 1670 que le peintre espagnol Bartolomé Esteban Murillo peint la toile représentant Jésus et saint Jean-Baptiste enfants. Dans un paysage champêtre aux contours estompés, on peut voir deux enfants demi-nus. L'enfant Jésus se trouve à droite : on le reconnaît au bâton qu'il tient entre ses mains, surmonté d'une petite croix et autour duquel s'enroule une cartouche portant écrit Ecce Agnus Dei (voici l'Agneau de Dieu). A gauche, saint Jean-Baptiste porte un coquillage plein d'eau, dans lequel Jésus est en train de boire. Un agneau accroupi observe les deux enfants. La scène est une préfiguration de ce que sera le baptême de Jésus par saint Jean-Baptiste, même si les personnages sont ici encore enfants. Cette oeuvre de la maturité de l'artiste espagnol révèle pleinement la poétique de Murillo. Sa palette s'est désormais stabilisée sur des tons d'une luminosité nuancée et délicate, et la représentation, bien que réaliste, répugne aux excès, et n'aboutit jamais à des accents trop âpres ou dramatiques. A sa place, c'est un équilibre finalement atteint dans les sentiments et dans les formes qui domine dans les toiles de la maturité de ce peintre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les funérailles de saint Bonaventure, de 1629, est le titre d'une des quatre toiles peintes par le peintre espagnol Francisco de Zurbarán pour la série des Scènes de la vie de saint Bonaventure, destinée au Collège Universitaire des Franciscains à Séville. La scène montre une foule de religieux et de nobles (parmi lesquels on peut reconnaître aussi l'empereur et le pape), autour de la dépouille de saint Bonaventure, qui a vécu au Moyen Age. Saint Bonaventure est allongé sur une civière recouverte d'un tissu de brocart rose, les mains croisées sur la poitrine, serrant une croix en bois. Le saint (qui s'était vu accorder un an avant sa mort la dignité d'évêque et de cardinal) est habillé de blanc ; il porte la mitre, couvre-chef des évêques, tandis qu'à ses pieds figure le chapeau de cardinal, à la couleur rouge typique. Cette toile célèbre illustre bien la poétique de Zurbarán. L'intense religiosité empreinte de sévérité qui se dégage de cette scène est liée à la réduction de l'importance de l'espace au bénéfice des personnages. En effet, l'espace est imprécis : on ne trouve qu'un fond noir uniforme et un tissu de brocart recouvrant la seule portion de pavement laissée libre par la foule. Au contraire, les personnages prennent un relief marqué, grâce à la puissance des formes et à une lumière intense habilement projetée, qui dégage les figures du fond sombre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le peintre espagnol Francisco de Zurbarán, célèbre surtout pour ses magnifiques tableaux à sujet religieux, a peint aussi quelques natures mortes. On peut y discerner toutes les marques de style qui caractérisent  sa production. Cette nature morte, datant de 1633, montre la surface d'une table en bois sombre, sur laquelle sont alignés certains ustensiles de cuisine : plats et récipients aux formes diverses munis de deux anses. Le tableau ne comprend aucun décor ni paysage en arrière-plan, mais il présente seulement un fond noir, sur lequel les objets, éclairés par une lumière provenant de gauche, se détachent nettement. Selon un procédé identique à celui qu'il utilise dans les tableaux représentant des personnes, Zurbarán recourt à un agencement de la composition que l'on peut qualifier d'archaïsant. Renonçant à une définition précise de l'espace où se déroule la scène, l'attention se concentre exclusivement sur les objets représentés (dans ce cas, la vaisselle sur la table), qui prennent une importance toute particulière. Un instrument fondamental de cette définition des objets est l'utilisation savante de la lumière qui, projetée en rayons sur les objets, contribue à les détacher du fond. Si dans ce cas la nature morte est faite seulement de vaisselle, dans d'autres cas, comme dans Nature morte avec plat de cédrats, corbeille d’oranges et tasse avec une rose, les fruits et les fleurs (1633) viennent s'ajouter à la vaisselle.

 

 

 

 

 

 

 

 

La cathédrale de Grenade est un ensemble architectural grandiose, construit à des époques différentes. Formé de cinq nefs, le bâtiment est commencé en style gothique en 1523, et par la volonté de l'empereur Charles Quint, il sera complété en style Renaissance.

La façade principale de la cathédrale (1667-1677), en style Renaissance finissant, est l'oeuvre la plus importante de l'architecte, peintre et sculpteur Alonso Cano. Agencée sur deux niveaux, elle est rythmée géométriquement par un grand arc profond flanqué de deux arcs plus petits, séparés par de hauts piliers. La décoration, réduite au minimum, consiste essentiellement en une fenêtre ronde. Dans ce projet au style linéaire et sévère, Alonso Cano aboutit à un mariage harmonieux entre éléments typiques de la tradition locale et le style Renaissance italien, celui de Bramante en particulier. Mais on peut y trouver aussi des réminiscences de l'architecte baroque Borrominià, par exemple dans la fenêtre en forme d'étoile à dix pointes de l'arc principal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Plaza Mayor de Salamanque est projetée par Alberto de Churriguera en 1728. Son neveu Nicola, un des nombreux architectes de la famille catalane des Churriguera, prend part lui aussi aux travaux qui se prolongent jusqu'en 1755. A la mort de l'architecte Alberto de Churriguera, la Plaza Mayor est complétée par A.-G- de Quiñones, qui exécute la façade de l'Ayuntamiento (1755). L'aménagement de la Plaza Mayor suit le même schéma que celui de la place-patio utilisé pour la Plaza Mayor de Madrid. La place est un carré dont les quatre côtés sont fermés par des portiques qui courent sur tout le pourtour. La disposition asymétrique des différents accès à la place présente un certain intérêt, puisqu'on peut y reconnaître un élément d'empreinte encore médiévale. Les façades sont richement décorées dans un style baroque foisonnant, où l'on peut relever l'influence de l'architecture romaine du XVIIe siècle et de la décoration plateresque. La Plaza Mayor de Salamanque, ouvrage le plus important d'Alberto de Churriguera, illustre les capacités d'invention et l'originalité qui le distinguent des autres membres de la famille Churriguera ; son langage, non dépourvu de réminiscences d'Alonso Cano, semble s'orienter davantage vers une ornementation rococo, plutôt que d'adopter la décoration architecturale boursouflée typique du style churrigueresque.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Escorial est un vaste ensemble situé à une quarantaine de kilomètres de Madrid, dans la petite ville de San Lorenzo del Escorial : comprenant une basilique, un monastère, le palais et les tombes de la famille royale espagnole, il répond aux voeux des rois d'Espagne qui désiraient avoir une résidence royale et un lieu de sépulture digne de la dynastie espagnole. De nombreux architectes travaillent à ce projet ambitieux, parmi lesquels l'espagnol Herrera, surintendant aux constructions royales au service de Philippe II. C'est surtout à lui que l'on doit le style austère du monastère et de la basilique, influencé par l'architecture de la Renaissance. Parmi les nombreux architectes italiens qui participent aux travaux, se distingue Giovanni Battista Crescenzi, à qui l’on doit l'achèvement entre 1620 et 1654, du Panthéon de los Reyes, grandiose mausolée souterrain que l'on commença à creuser sous le règne de Charles Quint et qui fut achevé sous celui de Philippe IV. On accède au Panthéon, situé sous la basilique, par un grand escalier qui descend de trois étages au-dessous du niveau du sol. L'intérieur, revêtu de porphyre, de jaspe et de bronze, contient les tombes de la maison royale, avec les sarcophages en marbre noir (disposés sur quatre rangs), de douze rois et de neuf reines mères.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Plaza Mayor de Madrid est projetée par l'architecte espagnol Juan Gómez de Mora entre 1617 et 1619 sur ordre de Philippe II. Il s'agit d'une place rectangulaire sur le modèle des places du XVIe siècle, fermée sur ses quatre côtés par des bâtiments à portique. Les façades, plutôt uniformes, présentent trois ordres superposés de balcons à la ligne carrée. Cet ordonnancement, simple et géométrique, est dû au style architectural sévère de l'espagnol Herrera, nourri de références à l'architecture renaissante italienne. On y relève aussi des ressemblances évidentes avec la Place Royale de Paris (actuellement place des Vosges). En sa qualité de surintendant aux bâtiments royaux de Philippe II, Herrera influencera l'architecture officielle pendant plus d'un siècle. La Plaza Mayor sera le théâtre de nombreuses manifestations publiques, des exécutions capitales aux représentations théâtrales (par exemple les pièces à sujet religieux de Lope de Vega) et aux corridas.

Deux ans avant de mourir, l'architecte italien Filippo Juvarra fut appelé en Espagne par le roi Philippe V pour projeter un nouveau palais royal, appelé "Palacio de Oriente", en remplacement du vieux palais détruit par un incendie en 1734. Juvara meurt en 1736 et il est remplacé par l'architecte italien Sacchetti, qui modifie quelque peu le projet d'origine. Celui-ci prévoyait un agencement planimétrique basé sur quatre grandes cours, et donnant lieu à un plan en croix grecque. Quatre puissants pavillons carrés devaient rythmer les quatre coins du palais. L'imposant escalier projeté par Juvara présentait lui aussi un grand intérêt : semblable à l'important escalier juvarien (Palais Madama de Turin), il dénotait également une attention aux nouveautés provenant du nord des Alpes, tel que le grand escalier de la résidence du prince-évêque de Würzbourg, dû à l'architecte Neumann. Dans le projet achevé par Sacchetti, la façade respecte l'ordonnance prévue par Juvara, mais tout le bâtiment est rehaussé de trois à six étages, pour pouvoir réduire l'étalement en longueur du vaste ensemble. Chaque façade est constituée, au niveau inférieur, par un haut soubassement décoré de bossages et, en haut, par des colonnes et piliers colossaux encadrant une série d'élégantes fenêtres. Une corniche à balustrade couronne les façades. Si l'on compare les esquisses et les projets, il paraît de plus en plus évident qu'après un long processus d'assimilation des formes baroques, Juvara s'orientait de plus en plus vers une sensibilité néoclassique avant la lettre.

 

 

 

 

 

 

 

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