LAMARTINE (Alphonse de)
Publié le 22/01/2019
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LAMARTINE (Alphonse de), poète français (Mâcon 1790 - Passy 1869). Fils d'un cadet de famille noble, il vit une enfance modeste à Mâcon même, puis à Milly : vie familiale proche de celle des villageois qu'il évoquera dans ses Mémoires inédits (1870). Il fréquente jusqu'en 1800 l'école paroissiale de Bus-sière, où il reçoit les leçons de l'abbé Dumont (modèle de Jocelyn), puis après deux ans d'internat dans l'institution Puppier à Lyon que ne peut supporter ce caractère rebelle (il s'évade en décembre 1802, au grand dam de sa mère), il est confié au collège de Belley : il y restera jusqu'en 1808, goûtant les méthodes douces des Pères de la Foi. Sa sensibilité, son imagination, son sentiment de la nature et de la religion s'y développeront et lui inspireront ses premiers vers, en même temps qu'il y formera trois amitiés indestructibles (Bienassis, Vignet, Virieu). Tenu à l'écart de toute carrière par les convictions légitimistes de sa famille, il mène de 1808 à 1819 une existence oisive, tantôt dissipée et mécréante, tantôt rêveuse et mélancolique. De vagues études, des lectures abondantes et désordonnées (Homère, la Bible, Pamy, Chateaubriand, Mme de Staël, Alfieri, Rousseau, Werther), des visites et correspondances avec ses trois amis, des rêveries qui aiguisent ses ambitions littéraires et se
traduisent par des vers et des projets : un « tout petit livre d'élégies » et une tragédie dent il attend la gloire. Pour l'éloigner d'un premier amour (Henriette Pommier, « Terpsichore moderne » et muse romantique), sa famille le fait recevoir à l'académie de Mâcon, où il prononce un Discours sur l'étude des langues étrangères, puis arrange un voyage en Italie (juillet 1811-mai 1812) qui lui laissera d'inoubliables impressions, ainsi que le souvenir d'un amour ardent qu'aurait eu pour lui une jeune corailleuse napolitaine (idéalisée dans diverses œuvres et surtout dans Graziel-la, 1849). Rentré à Milly, il commence Saül, tragédie biblique, ainsi qu'un grand poème épique sur Clovis. La Restauration lui apportera-t-elle enfin la possibilité de fixer sa vie ? Engagé comme garde du corps en juillet 1814, il démissionne en novembre 1815. C'est en octobre 1816 qu'il rencontre, aux eaux d'Aix-en-Provence, celle qu'il immortalisera sous le nom d'Elvire, Julie Bouchaud des Hérettes, mariée à l'âge de vingt ans au célèbre physicien Charles, alors sexagénaire. Lamartine et Julie — créole de santé fragile — vécurent dans ce décor rousseauiste quelques semaines d'exaltation et de bonheur. Ils devaient se retrouver durant l'été 1817 à Aix; Lamartine l'attendra en vain : le 29 août, il commence à écrire le Lac, puis en septembre compose l'immortalité, « Première Méditation ». Mais Julie meurt le 18 décembre. À son désespoir Lamartine ne peut opposer une foi comparable à celle d'Elvire (le Crucifix) ; il s'enferme dans la solitude et retrouve dans toute son ampleur le problème de la foi. En attendant que se dénoue cette crise morale, il se jette dans le travail, achève Saül, compose l'Ode au Malheur ( « le Désespoir » des Méditations), la Foi et l'isolement. Alors que Saül, dont il attendait beaucoup, est refusé par Talma, trois des Méditations, habilement présentées par Virieu et imprimées par le duc de Rohan, lui valent un succès qu'il n'escomptait pas et qui le décide à en publier un recueil. En « pèlerinage » à Aix, il rencontre Elisa Birch, à laquelle il se fiance : en décembre 1819, il cherche à Paris à la fois un éditeur et un poste diplomatique qui permette son mariage. En mars 1820, il est nommé attaché d'ambassade à Naples, les Méditations poétiques sont publiées (24 pièces) et, le 6 juin, il épouse Elisa Birch. C'est la gloire : les éditions des Méditations se succèdent et, en décembre 1822, on en est déjà à la 9e. La période 1820-1830, ponctuée de nombreux voyages et marquée par la naissance de ses enfants (Alphonse, qui mourra prématurément, et Julia), est particulièrement féconde : la Mort de Socrate (1823), les Nouvelles Méditations poétiques (1823), le Dernier Chant du pèlerinage d'Harold (1825, inspiré par la mort de Byron), le Chant du sacre (1825), les Psaumes modernes qui deviendront les Harmonies poétiques et religieuses en 1830, année de sa réception à l'Académie française. La révolution de juillet 1830, sans l'éloigner complètement de la littérature, le tourne pour vingt ans vers la politique. En juillet 1831, il échoue à la députation et est attaqué dans la Némésis par Barthélemy, qui l'accuse d'utiliser sa renommée littéraire à des fins personnelles, sans rapport avec les convictions libérales qu'il affiche : sa Réponse à Némésis (1831) développe l'idée qu'il se fait de lui-même, du poète et de la poésie. Il publie encore la Politique rationnelle et l'Ode sur les révolutions (1831) avant de partir pour un voyage en Orient. Déçu par la Grèce, il parcourt avec ferveur la Palestine, la Galilée, mais une douloureuse épreuve l'attend : sa fille Julia meurt à Beyrouth. Il lui consacrera l'émouvant poème Gethsémani et ne fera paraître ses Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient qu'en 1835. Élu député de Bergues (Nord) pendant son absence, il rentre en France : la publication de Jocelyn (1836), la Chute d'un ange (1838) et des Recueillements poétiques (1839) ne l'empêchera nullement de participer aux grands débats d'idées et aux discussions parlementaires (Discours sur le retour des cendres de l'Empereur, 1840 ; Sur les fortifications de Paris, 1841 ; Marseil
laise de la paix, 1840). Il travaille surtout à l'Histoire des Girondins (1847), qui devait à la fois résoudre ses embarras financiers et donner des leçons de modération et de vertu à un peuple dont l'agitation devait amener la chute de la monarchie de Juillet : en juillet 1847, au banquet qui célèbre à Mâcon le succès de son ouvrage, Lamartine annonce « la révolution du mépris ». Le 24 février 1848, le roi fuit ; Lamartine, membre du gouvernement provisoire, proclame la république à l'Hôtel de Ville et prend la parole à la Chambre. Le lendemain, dans une harangue qui soulève l'enthousiasme, il amène les émeutiers à renoncer au drapeau rouge en faveur du drapeau tricolore. Ministre des Affaires étrangères en mars, il prononce le Manifeste aux puissances. Aux élections d'avril, il est élu par 10 départements. Mais sa politique ambiguë à la veille des journées de Juin lui vaut de n'obtenir le
10 décembre, à l'élection présidentielle, que quelques milliers de voix. S'il reste à la Chambre jusqu'au coup d'État de 1851, sa carrière politique est terminée.
11 la quitte criblé de dettes, et pendant les vingt ans qui lui restent à vivre, il se contraindra aux « travaux forcés littéraires » : Histoire de la révolution de 48, les Confidences, Raphaël, édition des Œuvres choisies de M. de Lamartine, où paraissent les Commentaires et les Troisièmes Méditations (1849). Il fait jouer Toussaint Louverture au théâtre de la Porte-Saint-Martin et part une seconde fois en Orient, où le Sultan lui a offert un domaine et une pension. Après les Nouvelles Confidences, Geneviève, histoire d'une servante, le Tailleur de pierre de Saint-Point, récit villageois, T Histoire de la Restauration (1851), il donne les Visions (1853), fragments d'un grand poème épique, des essais historiques (Histoire des Constituants, 1854; Histoire de la Turquie, 1854-55 ; Histoire de la Russie, 1855) et surtout le Cours familier de littérature (1856-1869), où figurent encore quelques belles pièces (la Vigne et la Maison, 15e entretien, 1857 ; révélation du poète Mistral, 40e entretien, 1859). Entre 1860 et 1866, il publie ses Œuvres complètes en 41 volumes, mais il doit vendre Milly. Mme de Lamartine meurt en 1863 et le poète reste seul avec sa nièce et fille adoptive, Valentine de Cessiat, à qui bien des œuvres de sa mélancolique vieillesse sont dédiées. En 1867, le Corps législatif lui vote, à titre de récompense nationale, une pension de 25 000 francs. Après sa mort paraîtront, outre les Mémoires inédits (1870) et le Manuscrit de ma mère (1871), des Poésies inédites (1873) et six volumes de Correspondance (1873-1875).
On a peine à saisir aujourd'hui l'incroyable rupture littéraire provoquée par ce gentilhomme désinvolte. Avant lui, la poésie se dispersait « entre ht et salon, ruelle et académie ». Lamartine a réinventé la poésie, par une formidable opération de réduction : du langage poétique à la poésie lyrique, et du lyrisme au domaine le plus intime du moi. En dehors de toute esthétique (Lamartine n'évoque presque jamais la recherche du Beau) et de toute rhétorique convenue, il fait de l'acte poétique une « méditation » (« le silence et le vers sont seuls à la mesure de nos émotions ») qui s'exprime à travers un langage spécifique : la poésie n'est pas un ornement, elle est une des deux facultés humaines (« la prose et la poésie se sont partagé la langue comme elles se sont partagé la création », Cours familier de littérature, « 4e entretien » ). S'il participe de la figure du poète-mage, Lamartine annonce ainsi la poésie qui « doit être faite par tous ». Art des arts, la poésie est « la langue par excellence », qui dévoile la vie intérieure à travers un réseau d'images sensibles (Lamartine est un poète de l'espace, du paysage) : poésie « immédiate » qui jaillit d'abord par le chant, rythme oral, du cœur et de l'imagination, dans « l'air muet des grands horizons », éprouvée d'abord dans le frisson du corps. Le poème n'est que la trace d'un geste qui est la poésie. La poésie est donc un acte si le poème est un discours, qui renvoie à quelques images fondatrices évoquées dans la préface de 1849 à l'édition des Méditations : ainsi de la lecture par son père de la tragédie Mérope de Voltaire (« ce langage cadencé comme une
danse... cette symétrie des rimes qui correspond matériellement à je ne sais quel instinct de symétrie morale... contre-empreinte de l'Ordre divin, du rythme incréé de l'univers... »). À l'origine de la modernité poétique française, Lamartine a placé un « miroir magique », qui emprisonne les images et fige les sonorités en échos, « le Lac » — site inaugural que Rimbaud voudra abolir en s'abîmant dans ses profondeurs.
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