La théorie de la tectonique des plaques a progressé avec l'amélioration de la connaissance du fond des océans. Des cartes ont pu en être établies à l'aide de sondes et de radars, et on y a reporté les anomalies magnétiques décelées grâce au magnétomètre. La géométrie des plans de subduction a été définie par la localisation géophysique des foyers sismiques qui les jalonnent. Des sondages et des observations directes, ponctuelles, réalisées à partir de bathyscaphes, ont confirmé et complété récemment ces résultats. La tectonique des plaques étudie l'évolution et la déformation des plaques lithosphériques constituant la surface de la Terre. L'enveloppe superficielle du globe terrestre, ou lithosphère, est formée de plaques relativement rigides, épaisses d'une centaine de kilomètres et flottant sur l'asthénosphère, relativement plastique. La lithosphère inclut la croûte continentale ou océanique et la partie supérieure du manteau. La limite inférieure des plaques correspond à un changement de comportement mécanique : la lithosphère se présente comme un ensemble rigide et par conséquent fragile ; la température, augmentant avec la profondeur, modifie ce comportement, qui devient de plus en plus ductile, c'est-à-dire capable de fluer comme du fer chauffé à blanc. Ce passage du domaine cassant au domaine ductile marque la limite lithosphère-asthénosphère, qui se situe à 150-200 km sous les continents. Ces plaques sont mobiles les unes par rapport aux autres, et c'est le long des frontières les séparant que les phénomènes tectoniques sont les plus importants. Il existe trois types de limites : les zones d'expansion océanique, dans lesquelles naît de la croûte océanique ; les zones de subduction, dans lesquelles disparaît du matériel crustal ; les zones transformantes, le long desquelles coulissent des plaques ou des fragments de plaques sans création ni résorption de croûte. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Terre - Structure de la Terre - La structure du globe Les zones d'expansion ou d'accrétion océanique Ces zones constituent des reliefs sous-marins, ou dorsales, parcourant le fond des océans. La crête de certaines dorsales peut être effondrée en un fossé linéaire, ou rift médian ; tel est le cas de la dorsale médio-atlantique qui partage tout l'océan Atlantique du nord au sud. Ces zones, longues de 60 000 km, sont le siège d'une importante anomalie thermique positive liée à une remontée de l'asthénosphère, probablement due à l'effet de courants de convection affectant le manteau. Les mouvements asthénosphériques divergent à partir de la dorsale en écartant les deux plaques lithosphériques voisines. L'écartement de celles-ci est compensé par d'importants apports volcaniques de basalte qui se solidifie en forme de coussins, ou pillow lavas. Une dorsale océanique apparaît donc comme la zone où naît la croûte océanique. En se refroidissant, les laves fixent l'orientation du champ magnétique du moment (voir magnétisme). En étudiant le champ ainsi fossilisé, les géomagnéticiens ont remarqué que le champ magnétique terrestre avait subi des inversions périodiques. Ces inversions figées dans les basaltes émis par la dorsale permettent de mettre en évidence la symétrie des émissions volcaniques, le fond océanique le plus âgé étant le plus éloigné de la dorsale. La datation des inversions, ou anomalies magnétiques, a montré que les fonds océaniques les plus âgés avaient été formés lors du jurassique. En s'éloignant de la dorsale, la croûte océanique s'éloigne en même temps de l'anomalie thermique positive qui lui est liée ; elle se refroidit, devient donc plus dense et s'enfonce dans l'asthénosphère. C'est ainsi que les fonds océaniques les plus bas ne se situent pas, comme on pourrait le croire, au centre de l'océan, mais de part et d'autre de l'axe de celui-ci. La vitesse d'expansion des fonds océaniques varie de 1 à 2 cm par an pour les dorsales lentes, et atteint jusqu'à 10 cm et plus pour les dorsales rapides. Les dorsales lentes, telle la dorsale médio-atlantique, présentent, dans leur partie médiane, un rift, fossé profond de 2 000 m, large de 20 à 30 km, alors que les dorsales rapides, comme la dorsale est- pacifique, en sont dépourvues et ne présentent qu'un relief modéré ; les chambres magmatiques n'y sont qu'à quelques kilomètres de profondeur. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats basaltes dorsale géomagnétisme inversion - 2.GÉOLOGIE jurassique océanographie - Introduction rift volcanologie - L'origine des magmas volcanologie - Le déclenchement des éruptions Les livres tectonique des plaques - coupe du fond de l'océan Atlantique, entre l'Afrique et l'Amérique du Sud, page 5089, volume 9 tectonique des plaques - enregistrement des inversions du champ magnétique terrestre par la croûte océanique, page 5089, volume 9 Les zones de subduction, ou marges actives Si l'on admet que le volume de la Terre reste constant, il est nécessaire que disparaisse une quantité de croûte équivalant à celle qui a été engendrée par les dorsales. Cette disparition se réalise dans les zones de subduction, qui constituent le deuxième type de limite de plaques. Le phénomène prend naissance généralement le long d'une bordure continentale : la plaque océanique plonge alors sous la plaque continentale, moins dense. La surface de contact entre les deux plaques, le plan de subduction, ou plan de Benioff, est le siège de séismes nombreux et importants, notamment au Japon. La ligne d'émergence du plan de subduction correspond à une fosse océanique profonde. Son inclinaison, donnée par la localisation des foyers sismiques engendrés par son fonctionnement, est de l'ordre de 20 à 45 o . Sur la bordure de la plaque chevauchante s'accumulent des écailles tectoniques constituées par les sédiments qui sont refoulés ; cet empilement constitue le prisme d'accrétion tectonique. La plaque chevauchante peut être une plaque continentale (côte ouest de l'Amérique) ou, parfois, une autre plaque océanique (comme aux Philippines) ; on y observe alors un archipel d'îles volcaniques séparé du continent par un bassin marginal (Japon, Antilles, Aléoutiennes). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats fosse océanique marge continentale océanographie - Introduction séisme volcanologie - L'origine des magmas volcanologie - Le déclenchement des éruptions Les livres tectonique des plaques - coupe schématique d'une zone de subduction, page 5089, volume 9 Les failles transformantes On appelle failles transformantes les failles qui traversent les dorsales en les décalant. Le décalage apparent ne correspond pas aux mouvements relatifs de la matière, de part et d'autre de la faille : le déplacement est lié uniquement à l'expansion issue de la dorsale. Entre les deux parties de la dorsale, le mouvement relatif est inverse au décalage apparent des dorsales ; au-delà de celles-ci, si le taux d'expansion est identique pour les deux tronçons de dorsale, il n'y a plus de déplacement relatif. Ce type de limite n'est marqué ni par la création ni par la disparition de matière crustale. Les failles transformantes peuvent être le siège de séismes. Espacées d'une cinquantaine de kilomètres le long de la dorsale médio-atlantique, elles sont moins fréquentes le long de la dorsale est-pacifique. En revanche, cette dernière est interrompue par des zones de recouvrement : deux fragments de dorsales contigus sont décalés et prolongés par des segments effilés et recourbés vers l'autre fragment de dorsale. Ce phénomène pourrait être la conséquence d'une remontée de matériau fondu, ou diapir magmatique. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats dorsale faille océanographie - Introduction San Andreas (faille de) séisme volcanologie - L'origine des magmas volcanologie - Le déclenchement des éruptions Les livres tectonique des plaques - faille de San Andreas, page 5088, volume 9 L'obduction L'obduction est le chevauchement de la croûte continentale par de la croûte océanique. Elle peut être la conséquence d'une évolution particulière : transformation d'une dorsale océanique en zone de convergence (subduction), résorption du domaine océanique, l'affrontement du continent et de la zone de subduction provoquant l'expulsion du fond océanique sur le continent (c'est le cas de la Nouvelle-Calédonie). Ce phénomène a suscité un grand intérêt chez les géologues : c'est, en effet, le seul lieu où il est donné d'observer commodément, en trois dimensions, un fragment de croûte océanique. Les roches caractéristiques de la croûte océanique obductée sont les ophiolites - ensemble de roches allant des basaltes et gabbros aux péridotites -, dont le plus bel exemple se trouve dans le sultanat d'Oman, où ces roches couvrent une étendue longue de 500 km et large au maximum de 100 km. Leur étude a apporté des informations fondamentales sur la nature des déformations des roches mantelliques, sur le déplacement de la matière dans la partie supérieure de l'asthénosphère et sur la formation des diapirs magmatiques. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats basaltes dorsale gabbro océanographie - Introduction volcanologie - L'origine des magmas volcanologie - Le déclenchement des éruptions Naissance et mort d'un océan La théorie de la tectonique des plaques permet la reconstitution de l'histoire de tous les océans, de leur naissance jusqu'à leur disparition. La naissance a lieu dans une zone en distension où se forme un fossé étroit, ou rift, marquant le centre d'un bombement dû au flux géothermique important. Le rifting est accompagné d'un volcanisme basaltique. L'exemple vivant actuel est celui du rift est-africain, au coeur duquel se sont formés de grands lacs. Le fossé s'élargissant et s'approfondissant est envahi par la mer ; c'est le stade océan étroit caractérisé par des dépôts noirs, riches en matière organique préservée par la faible oxygénation du milieu (exemple actuel, la mer Rouge). Le rift central devient alors une dorsale médio-océanique, dont l'activité agrandit sans cesse la taille de l'océan. Lorsqu'il y a désolidarisation de la croûte continentale et de la croûte océanique, cette dernière s'enfonce sous le continent, donnant naissance à une zone de subduction dont l'activité va résorber la croûte océanique. Si la résorption est plus rapide que l'accrétion, la surface océanique va diminuer peu à peu, les continents vont se rapprocher, puis entrer en collision, scellant ainsi la mort de l'océan et donnant naissance à une chaîne de montagnes ; ce fut le cas pour l'Him?laya, né de la collision du continent indien avec le continent asiatique, collision qui fit disparaître une partie de la Téthys. L'ensemble de la chaîne alpine est aussi issue de la Téthys disparue. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats dorsale océanographie - Introduction rift Téthys Les livres tectonique des plaques - le fossé de la mer Morte vu par le satellite Landsat, page 5088, volume 9 tectonique des plaques - carte de l'âge du fond des océans obtenue à partir de la cartographie des anomalies magnétiques, page 5090, volume 9 tectonique des plaques - carte de l'âge du fond des océans obtenue à partir de la cartographie des anomalies magnétiques, page 5091, volume 9 Histoire de la tectonique des plaques Dès le XVIIe siècle, les observateurs, tel Francis Bacon en 1620, ont été frappés par la similitude de tracé entre les côtes africaines et les côtes sud-américaines. On signala au XIXe siècle les similitudes géologiques des deux continents, puis, à la fin du siècle et au début du XXe siècle apparurent les premières hypothèses concernant la mise en place d'un tel dispositif. La première tentative d'explication globale vit le jour avec Alfred Wegener et la théorie qu'il publia en 1915 dans l'Origine des continents et des océans. La géophysique gela cependant cette théorie pour la remplacer par des explications fixistes, qui ont duré plusieurs décennies. Dans les années quarante, les géologues se sont peu à peu ralliés à l'hypothèse mobiliste. L'impulsion décisive fut donnée, en 1950, par les études sur le paléomagnétisme des fonds océaniques. Les idées évoluèrent ensuite très vite : on perçut l'importance du développement des dorsales océaniques, puis on ébaucha la théorie actuelle en se fondant sur l'action des courants mantelliques, puis en développant l'interprétation des anomalies magnétiques décelées dans les planchers océaniques. C'est ce qui conduisit à l'idée d'une création continue de fond océanique. La synthèse de toutes ces idées aboutit enfin à la théorie de la tectonique des plaques. Il subsiste néanmoins quelques détracteurs de cette théorie, que l'on rencontre surtout dans les anciens pays de l'Est. Ceux-ci, à partir des points laissés dans l'ombre ou inexpliqués par la théorie, ont formulé de nombreuses critiques. Ainsi, pourquoi les émergences des courants de convection asthénosphériques sont-elles alignées le long des dorsales ? Si la segmentation des dorsales par les failles transformantes est en relation avec l'espacement des diapirs magmatiques, il n'a pas encore été possible de les mettre en évidence sous les dorsales lentes. Nombre d'événements sont absents de la lithosphère océanique, tels le magmatisme acide, les plissements, certains types de métamorphisme. Allant plus loin, certains de ces détracteurs ont avancé des théories de substitution : accroissement du volume de la Terre ; continentalisation totale initiale du globe, partiellement détruite ensuite par les flux de chaleur issus du manteau... Aucune de ces théories n'a été confirmée par des preuves déterminantes. Quoi qu'il en soit, personne ne peut mettre en doute le rôle positif de la théorie de la tectonique des plaques dans l'évolution des sciences de la Terre. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bacon (sir Francis), baron Verulam dorsale géomagnétisme géophysique océanographie - Introduction Terre - La naissance et l'âge de la Terre - Naissance de la lithosphère Wegener Alfred Lothar Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats dérive des continents géologie géomorphologie Gondwana (continent de) Laurasia tectonique Terre - L'histoire de la Terre - Introduction Les médias dérive des continents Les livres dérive des continents, page 1433, volume 3 Les indications bibliographiques La dérive des continents : la tectonique des plaques, Bibliothèque « Pour la science », Belin, Paris, 1979. X. Le Pichon et G. Pautot, le Fond des océans, PUF, « Que sais-je ? », Paris, 1976. A. Nicolas, les Montagnes sous la mer, Éd. du B.R.G.M., Orléans, 1990. Des océans aux continents, Société géologique de France, 1984. M. Schwarzbach, Wegener : le père de la dérive des continents, 1880-1930, Belin, Paris, 1985.