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La solitude comme jamais

Publié le 20/06/2012

Extrait du document

 

«Un Huis-clos stalinien au pays même de Kafka«: c'est ainsi que

l'éditeur français de L'Aveu définit le procès de Prague, dont Artur

London fut l'un des quatorze accusés. Arrêté en janvier 1951 , alors

qu'il était vice-ministre des Affaires étrangères, séquestré dans les

locaux de la Sécurité, London pense d'abord qu' après plus d'une

année de suspicion il va enfin savoir ce qui lui est reproché, et

pou;.,ir se défendre. Mais les interrogatoires qui se succéderont

pendant des mois, jusqu'à l'ouverture du procés le 20 novembre

1952, ne lui permettront jamais ni l'un ni l'autre, et si la mise au

secret d'un prisonnier est la forme la plus dure de détention, rien

n'est pire que de ne pouvoir comprendre ce que l'on est en train de

vivre...

« LA SOLITUDE COMME JAMAIS 91 Ma cellule est petite, toute en lon!,'lleur.

Une double fenêtre, garnie de vitres opaques, est ouverte quelques minutes par jour, pour l'aération, non sans qu'on m'ait fait placer à l'autre bout de la cellule.

Les fois où on ne me met pas face au mur, j'aperçois le faîte de deux peupliers dans le ciel.

Par la suite, quand on me changera de cellule, pour me loger dans le nouveau bâtiment, ce spectacle me sera lui aussi supprimé, le système de ventilation ayant été conçu de façon qu'on n'ait plus à ouvrir la fenêtre.

Je me souviens avec une sorte d'attendrissement de cette première cellule.

Entre deux interrogatoires, elle (·tait pour moi un refuge.

Des rumeurs de la vie extérieure y parvenaient : voix lointaines, jappements des chiens, piaillements des moineaux, chants des oiseaux.

Parfüis, une musique de marche funèbre, parce que ma cellule devait donner sur le cimetière de Ruzyn.

La table étroite, en bois comme les deux tabourets enchaînés au mur, la paillasse, les latrines dans le coin, tout cela est banal.

J'ai appris à connaître l'heure d'après l'angle des rayons du soleil et des ombres, et peu à peu à identifier tous les bruits de la prison.

C'est, encore une fois dans ma vie, le secret mais le secret comme jamais, la solitude comme jamais, la haute surveillance comme jamais.

Quand j'ai le droit de dormir, la paillasse doit se trouver face au judas.

La lampe du plaf(md reste allumée toute la nuit sa lumière me tombe directement sur les yeux.

Il fait très froid.

Le treillis que j'ai reçu ne me protège nullement.

Le soir, en me couchant je dois le plier soigneusement sur le tabouret et, si le gardien décide qu'il y a un faux pli, il me réveillera, au besoin plusieurs fois, pour le replier.

Le mur de gauche est mitoyen d'une autre cellule dont le détenu change souvent.

Je m'en rends compte, parce que ses occupants essaient de prendre contact avec moi en frappant sur le mur le code morse ou l'alphabet qu'utilisaient les révo­ lutionnaires dans les prisons tsaristes.

Je connais seulement le second et ne peux donc répondre qu'à certains de ces appels, toujours anonymes.

Je ne révèle jamais mon nom, ne sachant pas à qui j'ai affaire.

Par deux fois, le gardien me surprendra en train de communiquer.

Pour me punir, il me fait mettre nu.

m'asperge d'eau, m'oblige à exécuter des exercices physiques, puis me fait déplier et refaire le lit plusieurs fois de suite.. »

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