La science-fiction est un produit culturel des sociétés industrielles. Elle en est souvent la glorification, mais elle peut aussi en souligner les méfaits et les dangers. Si elle s'est développée au début du XXe siècle grâce aux améliorations techniques de l'imprimerie et à la diffusion des revues, et si son succès aujourd'hui tient pour beaucoup au cinéma, ce n'est certes pas un hasard : la technologie n'est pas seulement l'objet de la science-fiction, elle en est aussi le médium. Mais un médium et un objet enchantés qui nous font basculer tantôt dans le rêve, tantôt dans le cauchemar. Le terme de science-fiction fut introduit aux États-Unis par un journaliste américain, Hugo Gernsback, auteur de Ralph 124 C41 + (1911), et désigne un genre où l'on regroupe des récits d'imagination fondés sur les possibles du progrès technique à partir des applications de la science, plus que sur la science elle-même. La littérature de science-fiction Les véritables prédécesseurs de la science-fiction au sens strict, c'est-à-dire liée à l'ère technologique moderne, sont Marie Shelley (Frankenstein ou le Prométhée moderne, 1818) et Fitz-James O'Brien, qui imagina l'invisibilité artificielle et l'exploration des univers atomiques. Jules Verne et H. G. Wells ont ouvert la voie à la science-fiction après quelques essais proches du fantastique (Villiers de L'Isle-Adam, l'Ève future, 1886). La science-fiction moderne s'est développée surtout dans les deux pays en compétition sur le plan technique et stratégique, les États-Unis et l'URSS. Elle y est souvent l'oeuvre de savants et d'ingénieurs. Aux États-Unis, Hugo Gernsback créa en 1916 la première grande revue de science-fiction, Histoires stupéfiantes (Amazing Stories). En URSS, la revue le Monde des aventures - qui existait depuis 1910 - prit son essor à la même époque. L'âge d'or de la science-fiction américaine se situe pendant la période 1930-1945. À l'origine de ce succès, citons : John W. Campbell, issu du Massachusetts Institute of Technology (MIT), créateur de ce qui est devenu la principale revue du genre, Astounding, et auteur de la Plus Puissante des machines (1934), sur la possibilité de nouveaux spectres de radiations, et d' Élimination (1936), sur le calcul des probabilités ; Miles J. Breuer, qui, avec Mécanocratie ( 1932), anticipe sur une forme de gouvernement dirigé par la machine ; John Clark, auteur de Planète négative (1936), sur la matière négative ; Robert Heinlein et Alfred Elton Van Vogt, qui, respectivement, dans Une solution peu satisfaisante ( 1940) et le Monde des ? (1945), anticipèrent sur les dangers du nucléaire ; enfin, le célèbre biologiste chimiste Isaac Asimov, auteur de Fondation ( 1942), dont un cycle de romans décrivit la chute d'une civilisation et l'avènement d'une autre, les Robots (1950). En URSS, après quelques tentatives isolées de Konstantine Tsiolkovski, précurseur de l'astronautique, d'Alekseï Nikolaïevitch Tolstoï et de V. A. Obroutchev, se forma une école de science-fiction dont le principal représentant fut A. R. Belaiev ( l'Étoile, le Saut dans l'espace ). Pendant la guerre, des blessés rédigèrent des oeuvres de science-fiction, parmi lesquels Ivan Efremov, futur auteur de la Nébuleuse d'Andromède (1957), qui, dans les Navires stellaires , imagina les effets d'une collision de galaxies. En Grande-Bretagne, William Olaf Stapledon écrivit deux grandes oeuvres : Derniers et Premiers Hommes (1930), fresque qui couvre des milliers d'années à venir, et Créateurs d'étoiles (1936). Aldous Huxley ( le Meilleur des mondes, 1932), C.S. Lewis ( Out of the Silent Planet, 1938) et George Orwell (1984 , 1949) donnèrent du progrès technique une effrayante vision politique. En Europe, la guerre interrompit pendant quelques années la création dans le domaine de la science-fiction, sauf en France avec J.-M. Gerbault et surtout René Barjavel, qui exprima ses doutes sur la civilisation technique dans le Voyageur imprudent (1944). Après le désastre atomique d'Hiroshima (1945), la science-fiction commença alors à être prise au sérieux par le public et la critique. Une prolifération d'oeuvres commerciales envahirent le marché. Deux nouveaux magazines américains furent publiés en France sous les titres de Galaxie et Fiction, et une collection française, Présence du futur, où se firent connaître Gérard Klein et l'universitaire Francis Carsac ( Ceux de nulle part, 1954 ; les Robinsons du cosmos, 1955 ; Pour patrie l'espace, 1962) ; Jacques Sternberg utilisa la science-fiction à des fins satiriques dans La sortie est au fond de l'espace (1956), et JeanLouis Curtis fit de même dans U n saint au néon (1956). La science-fiction renaquit en URSS. Après avoir attaqué la science-fiction américaine comme l'émanation d'un capitalisme désespéré, les Soviétiques se mirent à la traduire. Cela stimula des auteurs tels qu'Alexandre Karantzeff et Nemtsov. Le genre se développa également en Allemagne (Freder Van Holk, Richard Koch) ainsi qu'en Roumanie et en Chine. Le format de la nouvelle, bien adapté aux magazines, s'est largement développé avec de brillants auteurs comme Damon Knight, Richard Matheson, Frederic Brown ou encore James Graham Ballard. De plus en plus estimée par le monde littéraire, objet d'études et de cours, et largement diffusée par le livre au format de poche, la science-fiction a désormais acquis ses lettres de noblesse. Depuis le milieu des années soixante, elle tend à évoluer dans deux directions. Elle sert souvent de véhicule ou de prétexte à une critique sociale et politique, voire à une critique des valeurs techniques. Dans cet ordre d'idées, on citera l'oeuvre d'Arcady et de Boris Srougavski, auteurs de science-fiction les plus célèbres en URSS, Il est difficile d'être un dieu (1946), plein d'allusions à la persécution des intellectuels, et celle des Américains Norman Spinrad, Rêve de fer (1972), condamnation du nazisme et de ses résurgences, et Ray Bradbury. La science-fiction peut aussi servir de support à une réflexion philosophique sur les limites de la compréhension de l'Univers par l'homme, comme chez le Polonais Stanislaw Lem, abondamment traduit en français (le Bréviaire des robots, 1961 ; Solaris, 1961), et les Américains Theodore Sturgeon et Arthur C. Clarke, célèbre auteur de 2001, l'Odyssée de l'espace . Il faut mettre à part l'oeuvre de Philip K. Dick, tant par sa variété que par sa puissance visionnaire. Aujourd'hui, nombre d'auteurs de science-fiction, comme le Britannique Michael Morcock, fondateur de la revue Nouveaux Mondes (New Worlds , 1963), ou l'Américain Frederik Pohl, abordent le genre en se souciant de son aspect littéraire. Le Français Claude Ollier, dans Epsilon (1972), illustre cette volonté par l'utilisation des techniques du nouveau roman. Les femmes introduisent aussi une nouvelle vision du monde dans la science-fiction (Ursula Le Guin, Marion Zimmer Bradley, etc.). Mais il faut noter que le succès littéraire du genre tient aussi pour une part à la télévision et au cinéma. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Asimov Isaac Bradbury Ray Douglas Brown Frederic Burroughs Edgar Rice Clarke Arthur Charles Curtis (Louis Laffitte, dit Jean-Louis) fantastique fantastique - Le fantastique en littérature Frankenstein Gernsback Hugo Huxley Aldous Leonard Landolfi Tommaso Lem Stanislaw merveilleux Ollier Claude Orwell (Eric Arthur Blair, dit George) roman - La quête d'une identité Shelley (Mary Godwin, née Wollstonecraft, dite Mary) Stapledon Olaf Tsiolkovski Konstantine Edouardovitch Verne Jules Villiers de L'Isle-Adam (Jean Marie Mathias Philippe Auguste, comte de) Wells Herbert George Les livres Wells Herbert George, page 5611, volume 10 science-fiction - revues et collections françaises de science-fiction, page 4672, volume 9 science-fiction - De la Terre à la Lune (1865), de Jules Verne, page 4672, volume 9 science-fiction - Gaïl (1978), texte et dessins de Philippe Druillet, page 4673, volume 9 Le cinéma de science-fiction La vocation du cinéma à se déployer dans le monde de l'imaginaire et son recours fréquent aux effets spéciaux expliquent le grand succès de la science-fiction à l'écran, en particulier à partir des années soixante-dix. Le déclin du film d'aventures traditionnel et les nouvelles exigences du spectateur, confronté aux extraordinaires progrès de la technologie moderne, ont encore accru ce succès. Dès le début du XXe siècle, Georges Méliès, s'inspirant librement de Jules Verne, tournait l e Voyage dans la Lune ( 1902), que l'on peut considérer comme l'ancêtre du genre, et qui faisait preuve d'une naïveté étonnamment contrôlée. Fritz Lang réalisa coup sur coup, en Allemagne, deux oeuvres majeures d'anticipation politico-scientifique, Metropolis (1926) et la Femme sur la Lune (1928), la seconde bénéficiant des conseils du professeur Hermann Oberth, spécialiste de l'astronautique. On peut également citer la Cité foudroyée (1924), un film français de Luitz-Morat qui, à l'aide de maquettes, imaginait la destruction de Paris, et, la même année, Aelita, du Russe Jakob Protozanov, imprégné d'esthétique « constructiviste ». Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats France - Arts - Cinéma - L'industrie du rêve Lang Fritz Méliès Georges Voyage dans la lune (le) Les livres science-fiction - Metropolis (1926), de Fritz Lang, page 4672, volume 9 science-fiction - Metropolis (1926), de Fritz Lang, page 4673, volume 9 Racines fantastiques. Le cinéma américain des années trente cultiva plus volontiers le fantastique que la science-fiction proprement dite ; les interférences sont cependant nombreuses entre les deux genres, notamment dans Dr. Jekyll et Mr. Hyde (Rouben Mamoulian, 1932), la saga des Frankenstein ou les serials adaptés de bandes dessinées, du type Flash Gordon (1936) ou Buck Rogers (1939). À la même époque, la Grande-Bretagne fournit un excellent prototype, avec la Vie future (William Cameron Menzies, 1936), film réalisé avec la collaboration de H. G. Wells. Au lendemain de la guerre, la science-fiction hollywoodienne était en plein essor. Ce phénomène commença avec Destination Lune (Irving Pichel, 1950), aux effets encore un peu simplistes, se poursuivit avec Le jour où la terre s'arrêta (Robert Wise, 1951) et Planète interdite (Fred McLeod Wilcox, 1956), le premier intégrant la dimension philosophique (l'homme venu de l'espace apporte à notre monde un message de paix), le second le registre de la comédie (l'astronaute tombe amoureux de la belle extraterrestre) ; c'est avec l'Invasion des profanateurs de sépulture (Don Siegel, 1956), où la fiction spéculative cachait une parabole antimaccarthyste, que culmina ce genre. La peur de la catastrophe atomique ( les Cinq Survivants , de Arch Oboler, 1951 ; le Dernier Rivage, de Stanley Kramer, 1959) et le mythe des OVNI ( le M étéore de la nuit, de Jack Arnold, 1953) inspirèrent également les cinéastes. Les utopies de H. G. Wells faisaient toujours recette (la Guerre des mondes, de Byron Haskin, 1952 ; la Machine à explorer le temps , de George Pal, 1962), et la fantaisie s'en mêla ( le Voyage fantastique, de Richard Fleischer, 1966). La Grande-Bretagne n'était pas en reste avec le cycle des Quatermass, de Val Guest ( le Monstre, 1955 ; la Marque, 1957), et l'inquiétant Village des damnés (Wolf Rilla, 1960), où l'on voit des enfants mutants semer la panique dans une paisible bourgade anglaise. La télévision prit bientôt le relais, avec les fameuses séries des Envahisseurs, du Prisonnier et de la Quatrième Dimension. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats fantastique - Le fantastique au cinéma Frankenstein Siegel (Donald, dit Don) Les livres science-fiction - la Machine à remonter le temps (1962), film de George Pal, d'après le roman de H.G. Wells, page 4673, volume 9 Métaphysique et effets spéciaux. Mais le cinéaste qui a fait accomplir au genre un fabuleux bond en avant est sans conteste Stanley Kubrick, avec Docteur Folamour (1963), grinçante parabole sur le péril nucléaire, et surtout 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), chef-d'oeuvre du space opera, qui combine admirablement les ressources de la science, de la métaphysique et de la poésie. Le scénario de ce film a été écrit en collaboration avec Arthur C. Clarke d'après une nouvelle de celui-ci. Tous les films de science-fiction qui ont suivi cette oeuvre lui sont redevables, depuis THX 1138 (George Lucas, 1969) jusqu'à Rencontres du troisième type (Steven Spielberg, 1977), en passant par le Mystère Andromède (Robert Wise, 1971), Phase IV (Saül Bass, 1974) et Zardoz (John Boorman, 1974). Les metteurs en scène français, de leur côté, s'en tenaient à un lyrisme futuriste, de type psychologique ou expérimental. Les meilleurs résultats sont dus à des auteurs issus de la Nouvelle Vague, comme Chris Marker (la Jetée , 1962), Jean-Luc Godard (Alphaville, 1965), François Truffaut ( Fahrenheit 451 , 1966), Alain Resnais ( Je t'aime je t'aime, 1968), ou contemporains, comme Bertrand Tavernier ( la Mort en direct, 1980), Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet ( la Cité des enfants perdus, 1995). Du côté du cinéma soviétique, on notera l'ambitieux Solaris, d'Andreï Tarkovski (1972). La science-fiction cinématographique a connu ces dernières années une vogue grandissante, liée au perfectionnement de la technique des effets spéciaux. Les Américains en sont les maîtres incontestés avec des superproductions aux budgets colossaux, non dénuées de qualités plastiques ou émotionnelles, telles que la Guerre des étoiles (George Lucas, 1977) et ses suites ( L'Empire contre-attaque, 1980 ; le Retour du Jedi, 1983), Alien (Ridley Scott, 1979), Star Trek (Robert Wise, 1979), E.T. (Steven Spielberg, 1982), Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985), Batman (Tim Burton, 1989 et 1992), Terminator 2, le jugement dernier (James Cameron, 1991), Waterworld ( Kevin Reynolds, 1995), Independance Day ( Rolan Emmerick, 1996). Le succès mondial de ces films prouve que le genre représente, au moins pour une part de la production, la forme moderne du conte de fées. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats 2001 : l'Odyssée de l'espace Besson Luc Boorman John effets spéciaux France - Arts - Cinéma - Nouvelle vague, nouvelle donne Godard Jean-Luc Kubrick Stanley Lucas George Marker (Christian François Bouche-Villeneuve, dit Chris) Resnais Alain Spielberg Steven Tarkovski Andrei Tavernier Bertrand Truffaut François Les livres science-fiction - Docteur Folamour (1963), de Stanley Kubrick, page 4673, volume 9 science-fiction - Zardoz (1974), de John Boorman, page 4674, volume 9 science-fiction - Rencontres du troisième type (1977), de Steven Spielberg, page 4674, volume 9 science-fiction - la Guerre des étoiles (1977), de Georges Lucas, page 4674, volume 9 science-fiction - Alien (1979), de Ridley Scott, page 4675, volume 9 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats 2001 : l'Odyssée de l'espace effets spéciaux fantastique Frankenstein Lang Fritz Lucas George Méliès Georges Oberth Hermann Siegel (Donald, dit Don) Spielberg Steven Tarkovski Andrei Wise Robert Les livres science-fiction - la Planète sauvage (1973), dessin animé, page 4674, volume 9 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats anticipation - 1.LITTÉRATURE, CINÉMA Gernsback Hugo monstre Villiers de L'Isle-Adam (Jean Marie Mathias Philippe Auguste, comte de) Les médias science-fiction - le temps de la science-fiction Les indications bibliographiques B. 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