La rencontre des premiers occupants de l'Amérique du Nord avec les Européens n'a pas échappé au schéma classique de la colonisation : privations de territoires, déplacements de populations, guerres et guérillas. Les westerns ont donné des Indiens une image tronquée, celle des « Peaux-Rouges «. Aujourd'hui pèsent sur eux des risques de paupérisation et de déculturisation : au génocide du XIX e siècle a succédé en quelque sorte l'ethnocide, malgré la revendication renaissante d'une identité indienne. Les conquérants européens, croyant avoir débarqué en Inde, donnèrent le nom d'Indiens aux peuples indigènes de l'Amérique, que l'on appelle aussi aujourd'hui Amérindiens. Ils sont 32 millions sur l'ensemble du continent. Or le nom d'Indien reste surtout attaché aux peuples d'Amérique du Nord, qui seront seuls considérés ici (pour les Indiens d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale, voir précolombiennes [civilisations], ainsi que les dossiers Aztèques, Incas et Mayas). Une histoire des Indiens On n'a retrouvé aucune trace de population aborigène en Amérique. On en conclut que le Nouveau Monde s'est peuplé par immigration. Les anthropologues et les ethnologues admettent généralement que les premiers habitants passèrent d'Asie du Nord-Est en Alaska par une langue de terre occupant l'actuel détroit de Behring, il y a près de 30 000 ans. De nouveaux venus, appartenant à divers groupes ethniques, les auraient suivis à différentes époques. Les Indiens à la veille de la conquête européenne. Au XVIe siècle, la population indigène de l'Amérique du Nord (Mexique exclu) comptait entre 12 et 15 millions de personnes. Les explorateurs européens qui parcoururent ces vastes territoires furent frappés par l'extrême diversité des langues et des coutumes des tribus indiennes. Des critères linguistiques ou la délimitation d'aires culturelles ont cependant permis de les classifier. Ainsi, six grandes familles linguistiques, regroupant chacune plusieurs dizaines de langues, ont été reconstituées par Edward Sapir (1929), en fonction des similitudes des parlers : algonquin-wakashan, hokam-sioux, penutia, nadéné, aztèque-towan et esquimau-aléoute. Les tribus se sont rassemblées au sein de grands ensembles géographiques correspondant à des traits culturels spécifiques. Dans la partie est de l'Amérique du Nord, l'aire Mackenzie (Canada), l'aire forestière de l'Est et l'aire du Sud-Est étaient occupées respectivement par les Algonquins, les Hurons, les Iroquois et les Sioux. La chasse et la cueillette constituaient les principales activités, l'agriculture ne jouant un rôle important que dans l'aire du Sud-Est. Dans la partie centrale du continent, ou aire des plaines, la grande famille des Sioux pratiquait la cueillette du riz sauvage et la chasse au bison. Les Indiens Kwakiutls, Tlingits et Yuroks, habitants de l'aire californienne et du littoral du Pacifique nord, vivaient de la pêche. Dans l'aire du Sud-Ouest, les Pueblos, regroupés dans des villages d'agriculteurs, côtoyaient les Apaches, éleveurs nomades. Enfin, la partie nord du continent était occupée par le groupe des Esquimaux-Aléoutes. Le choc colonial. La colonisation de l'Amérique du Nord par les Européens provoqua, parmi les sociétés indiennes, de profonds bouleversements démographiques, économiques et sociaux. La brutalité de la conquête et surtout l'irruption de nouvelles maladies venues d'Europe entraînèrent une chute catastrophique de la population indigène. Les tribus indiennes de la côte est délaissèrent les activités traditionnelles et participèrent au commerce des fourrures. L'extension des compagnies commerciales européennes et le développement de la colonisation agricole poussèrent les populations autochtones à se déplacer vers l'ouest. L'introduction du cheval et celle des armes à feu favorisèrent la multiplication des guerres entre tribus. Les Indiens participèrent aussi aux conflits franco-anglais du XVIIIe siècle. On vit ainsi les Algonquins combattre dans le camp des Français et les Iroquois, dans celui des Anglais. Afin de résister aux pressions des colons, les Indiens s'organisèrent en confédérations regroupant plusieurs tribus. Des traités furent signés avec les Blancs, qui garantissaient aux indigènes la possession de certains territoires. Mais la fin de la guerre d'Indépendance des États-Unis (1783) et l'arrivée massive de colons au XIXe siècle donnèrent un nouvel élan à la conquête du continent nord-américain. Les traités furent systématiquement violés par les Blancs, et le gouvernement américain procéda à la déportation des tribus indiennes de l'Est. La conquête de l'Ouest s'accompagna de violents combats et de nombreux massacres. En Californie, la « ruée vers l'or «, à partir de 1848, aboutit à un véritable génocide. Les dernières tribus indiennes qui résistaient à la conquête, comme les Apaches d'Arizona et du Nouveau-Mexique, furent vaincues dans les années 1880 (défaite de Geronimo, 1886). Après leur défaite, les nations indiennes furent placées sous la tutelle des gouvernements américain et canadien, et le système des réserves fut officialisé en 1887. Les tentatives d'assimilation des Indiens aux modèles occidentaux échouèrent, tandis que les tribus connaissaient une paupérisation croissante. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Algonquins Apaches Buffalo Bill (William Frederick Cody, dit) Californie - Histoire Cochise États-Unis - Histoire - De la guerre de Sécession à la Première Guerre mondiale Geronimo Iroquois Ouest (conquête de l') Sitting Bull (Tatanka Iyotake, dit) Les médias Indiens - Sitting Bull Les livres Indiens - émigration d'une famille d'Indiens Blackfeet vers le Canada oriental, page 2502, volume 5 Indiens - Geronimo (sur le cheval, à gauche), son fils et Natchez Cochise, page 2503, volume 5 Indiens - Sitting Bull (au centre) et Buffalo Bill (au-dessus de lui) en 1880, page 2503, volume 5 Complétez votre recherche en consultant : Les livres Virginie, page 5539, volume 10 Amérique du Nord - rassemblement pour le centenaire de la bataille de Wounded Knee, dans le Dakota du Sud, page 205, volume 1 Des peuples menacés Le nombre des Amérindiens peut difficilement être évalué pour l'ensemble de l'Amérique du Nord. En effet, les comptages démographiques d'origine officielle ne correspondent pas tout à fait aux appartenances ethniques revendiquées par les personnes (depuis 1960, chacun est autorisé à définir ses origines ethniques, mais ce n'est pas parce que l'on est fils d'Indien que l'on se reconnaît comme tel). En fait, alors que cette population croît numériquement, elle est sérieusement menacée dans sa spécificité par l'acculturation et devient de plus en plus difficile à distinguer au sein de la population américaine. Aux ÉtatsUnis, alors que les Indiens n'étaient plus que 237 000 en 1900, leur nombre était passé à un million en 1977, et les projections démographiques faisaient état d'un probable doublement de cette population entre 1977 et 1991 ; mais cette augmentation ne correspond pas à un renforcement du sentiment d'identité ethnique. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats acculturation États-Unis - Géographie - Les aspects humains Contrastes urbains. Un facteur explicatif important de cette situation est la croissance, depuis les années soixante, de la fraction urbaine de la population indienne : dès 1977, la moitié des Indiens des États-Unis vivait dans les villes (contre 0,7 % en 1900 et 7,2 % en 1940). Ils doivent pouvoir s'intégrer à la fois dans la vie professionnelle et dans la vie urbaine et rechercher dans l'éducation les moyens de cette double intégration, au risque d'y dissoudre leur « indianité «. En termes de revenus, l'intégration a permis aux Indiens urbanisés de rattraper la situation des populations noires, alors qu'en 1949 leurs revenus étaient deux fois moindres que ceux des Noirs. Mais, pour l'essentiel, ils forment néanmoins le sous-prolétariat des villes, qui présente à peu près tous les traits de ce qu'Oscar Lewis appelle la « culture de pauvreté « (délinquance, précarité, violence, maladies, etc.). Les réserves : patrie ou mausolée ? Dans les réserves, le bilan est encore plus dramatique : s'ils sont plus proches des modes de vie ancestraux, les Indiens y sont en même temps soumis aux effets négatifs de tout enfermement, en particulier ceux qui tiennent à l'absence de maîtrise des ressources. Selon une étude faite en 1975, le taux de chômage dans les réserves des États-Unis était de 39,8 % (contre 13,7 % chez les Noirs et 7,2 % chez les Blancs) et le revenu moyen, à peu près égal à la moitié de celui des Noirs (et des Indiens urbanisés) et au quart de celui des Blancs. Les réserves (dont la plus importante est celle des Navajos, située dans la région dite des « Four Corners «) apparaissent alors comme des lieux marqués par un folklore pour touristes, et où la survie dépend d'une assistance d'origine publique (le « Welfare «). Elles sont donc peu propices à assurer une bonne assise psychologique et une intégration au groupe (au Canada, il y a dix-sept fois plus de suicides dans la population indienne que dans la moyenne nationale). S'y ajoutent de nombreux problèmes écologiques : la pollution des eaux (la maladie de Minamata, due au mercure, se rencontre souvent parmi les Ojibwas du Canada) et celle de l'atmosphère y ont d'autant plus d'impact sur ces peuples qu'ils sont de plus en plus astreints à un mode de vie sédentaire (l'exploitation forestière et hydroélectrique réduit les territoires de chasse dans la forêt canadienne). Les Apaches des États-Unis ont dû accepter de stocker sur leurs terres des déchets radioactifs. Les Indiens sont ainsi victimes des inconvénients d'un progrès dont ils ne tirent, par ailleurs, quasiment aucun bénéfice (les seuls à en bénéficier, les Navajos, ont dû attendre un arrêt de la Cour suprême des États-Unis pour voir confirmer la légalité de l'impôt qu'ils prélevaient sur les revenus miniers de leur territoire). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Canada - Géographie - Les aspects humains Minamata Navajos Les livres États-Unis - Taos, un village indien du Nouveau-Mexique, page 1753, volume 4 L'affirmation d'une identité. On ne trouve pas trace, dans les traditions des différentes ethnies dites « indiennes « ou « amérindiennes «, d'un sentiment d'appartenance à un seul et même peuple. En témoignent, d'une part, les divisions interethniques aisément exploitées au cours des guerres indiennes et, d'autre part, les noms mêmes par lesquels les différentes tribus se désignent (par exemple, les Navajos sont le Dineh, « le Peuple «, mais les Cherokees se disent aussi Anl' Yûn' Wiyâ, « le Vrai Peuple «). Pourtant, le fait d'avoir subi des répressions identiques et la menace d'extinction ont provoqué chez nombre d'entre eux plus que des alliances circonstancielles et défensives : une forme de solidarité de principe, puisée dans les ressources de la langue, de la religion et du savoir-faire, dont le but est de permettre à chacun d'affirmer son droit à l'existence et à l'autonomie. Ces alliances se sont institutionnalisées sous la forme de mouvements de défense capables de mettre en place des actions spectaculaires destinées à toucher l'opinion publique ; mais, depuis les années soixante-dix, ces mouvements sont parfois remis en cause par de jeunes Indiens d'un radicalisme et d'une violence à la mesure de leur désespoir. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Cherokees États-Unis - Histoire - Les États-Unis en crise Navajos Les livres Amérique du Nord - rassemblement pour le centenaire de la bataille de Wounded Knee, dans le Dakota du Sud, page 205, volume 1 Indiens - marche indienne aux États-Unis, page 2505, volume 5 Les emblèmes : langues et religions indiennes. La reconnaissance du droit à l'enseignement des langues indiennes, si elle fait l'objet d'applications inégales (selon que l'on se trouve dans une réserve fédérale, une réserve d'État, en ville, etc.), est depuis longtemps l'un des points forts de la revendication d'identité. Mais le maintien de la culture indienne dépend beaucoup de la possibilité, pour les jeunes générations, de trouver une place à la fois dans la division industrielle du travail et dans le système mythico-religieux traditionnel. Or ce dernier occupe une place centrale dans l'univers des Indiens : il oriente la plupart des rapports entre l'homme, la nature et les animaux, entre l'homme et les autres hommes ; il préside également à l'équilibre de l'homme lui-même. Il n'est pas possible de donner une vision unifiée de ces philosophies, sinon pour dire qu'elles dénoncent l'illusoire domination du monde par l'homme et qu'elles appellent celui-ci à s'intégrer sans heurts à ce que nous nommons les « écosystèmes «. Un autre trait leur est sans doute commun : le rôle positif qu'elles attribuent au chaman (l'« homme-médecine «), guérisseur des corps par intercession auprès des esprits (et, comparativement, le rôle souvent négatif des sorciers). Les Indiens, dans la mythologie entretenue par les westerns, apparaissaient comme des êtres cruels et puissants. Dans leur réalité contemporaine, ils se trouvent placés dans une situation assez semblable à celle de tous les peuples sous-développés (démographie galopante, sous-emploi, exode vers les villes, mauvaise situation sanitaire). Il est frappant de constater que ce mouvement d'exclusion s'est opéré au sein même d'une des nations les plus développées, faisant des premiers habitants des terres nord-américaines des citoyens de seconde zone. Mais ces citoyens semblent bien décidés à revendiquer toute leur place. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats chamanisme western - Le rêve passe Les livres Indiens - Big Foot Memorial, page 2505, volume 5 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats amérindien Cherokees Cheyennes Comanches Delawares Hopis Mohicans Navajos Pueblos Zuñis Les livres mythologie - totem des Indiens Kwakiutls, à Albert Bay, Canada, page 3360, volume 6 Brésil - campagne de défense des Indiens d'Amazonie, page 749, volume 2 Expressions artistiques Toutes les expressions artistiques traditionnelles étaient liées à la dimension religieuse ou rituelle de l'univers des Indiens : ainsi, les récits oraux épiques et mythiques. Tel bouclier des Mandans portant une tortue stylisée nous apparaît comme l'expression d'un art puissant mais naïf, alors qu'il s'agit avant tout d'une symbolisation : celle de la protection de la carapace pour un guerrier. Il en est de même des pictogrammes et des peintures corporelles figurant la nuit, le jour, le soleil ou tel animal emblématique. Mais des dessins comme la série des quarante et une feuilles que le chef Red Horse consacra à la bataille de Little Big Horn démontrent qu'une expression graphique autonome était possible. On connaît en outre de nombreux objets traditionnels sculptés (calumets, instruments de musique) sur lesquels sont souvent représentés des chevaux plus ou moins stylisés ou peints. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats danse - Danses rituelles primitifs (arts) - Introduction primitifs (arts) - Les arts d'Amérique du Nord primitifs (arts) - Les arts d'Amérique du Nord - Un art de la parure t otem Les livres Amérique - maison tribale, page 193, volume 1 Indiens - sac à tabac en peau peinte, provenant de la région des Grands Lacs, page 2502, volume 5 Indiens - peinture des Sioux Shoshones, sur peau d'élan, page 2503, volume 5 primitifs (arts) - art des Indiens des prairies (États-Unis), page 4125, volume 8 Complétez votre recherche en consultant : Les livres Indiens - viande de bison mise à sécher devant les tipis du camp arapaho de Fort Dodge (Kansas, 1870), page 2504, volume 5 Indiens - jour de lessive pour les Indiens, page 2504, volume 5 Les indications bibliographiques C. Dordis, Rituels des Indiens d'Amérique du Nord, éd. du Rocher, Monaco, 1995. P. Jacquin, les Indiens d'Amérique, Flammarion, Paris, 1996. Mémoires de Geronimo, La Découverte, Paris, 1987. Don C. Talayesva, Soleil Hopi, Plon, coll. Terre humaine, Paris, 1984 (1968). T. Ushte et R. Erdoes, De mémoire indienne, Plon, Paris, 1986 (1977).