La Communauté économique européenne (CEE) a été créée par la signature du traité de Marché commun le 25 mars 1957. Elle rassemblait alors six pays ; elle s'est élargie par la suite et, rebaptisée « Union européenne «, elle en compte quinze depuis 1995. L'Europe, qui constitue l'une des principales puissances économiques mondiales, est désormais une réalité irréversible, bien que l'intégration politique et sociale y soit beaucoup moins poussée que l'union économique et douanière. Pour cette dernière, l'ambitieuse perspective dessinée par le traité de Maastricht de 1991 fixe l'échéance à 1999. Le traité de Marché commun, instituant la Communauté économique européenne (CEE), fut signé à Rome le 25 mars 1957 par six pays (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg). Alors que l'Europe orientale et centrale était dominée par les Soviétiques, l'Europe occidentale parvenait ainsi à un début de coopération entre les vainqueurs et les vaincus de la Seconde Guerre mondiale. Ce traité était l'aboutissement d'efforts antérieurs. Dès 1950, Robert Schuman, qui suivait les analyses de Jean Monnet d'après lesquelles l'unification de l'Europe devait naître de réalisations concrètes, avait appelé à la création d'un « pool « charbon-acier entre la France et l'Allemagne, ce qui déboucha sur la ratification des traités instituant d'abord, en 1951, la Communauté économique du charbon et de l'acier (CECA), puis, en 1957, l'Euratom et la CEE. La CEE s'élargit ensuite, avec l'entrée du Royaume-Uni, de l'Irlande et du Danemark en 1973, de la Grèce en 1981, puis de l'Espagne et du Portugal en 1986, devenant ainsi l'« Europe des Douze «. Après l'adhésion, réalisée le 1 er janvier 1995, de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, le nombre des États membres de ce qu'il est convenu d'appeler désormais l'Union européenne (UE) est passé à quinze. En droit, tous les États européens peuvent entrer dans l'Union européenne. Depuis la dissolution du bloc soviétique, certains pays qui en faisaient partie, comme la Hongrie, la Pologne ou la République tchèque, ont souhaité se rapprocher des instances communautaires. C'est également le cas de la Turquie. D'autre part, des conventions successives (Yaoundé, Lomé) ainsi que des accords de partenariat et d'association ont permis de développer la coopération économique entre l'Union européenne et de nombreux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), d'Europe centrale et du pourtour de la Méditerranée. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier) Communauté européenne du charbon et de l'acier Euratom Marché commun Monnet Jean Rome (traité de) Schuman Robert Les institutions En 1967, les exécutifs des trois communautés (CECA, Euratom, CEE) fusionnèrent. Depuis le traité de Maastricht, plusieurs des institutions de la CEE nées des traités de Paris et de Rome (Commission des Communautés, Conseil, Parlement, Cour de justice) ont été rebaptisées. La Commission européenne forme avec le Conseil européen une sorte d'exécutif. Elle comprend, depuis le 5 janvier 1995, vingt membres (deux commissaires pour les grands États et un pour les plus petits), désignés pour cinq ans et qui, « dans l'accomplissement de leurs devoirs, ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucun organisme «. Son président est désigné en son sein pour deux ans renouvelables. Elle siège à Bruxelles. Le Conseil européen, qui a un grand pouvoir de décision, « réunit les chefs d'État ou de gouvernement des États membres ainsi que le président de la Commission «. Les quinze membres exercent la présidence pour six mois à tour de rôle. De 1959 à 1979, les députés au Parlement européen furent désignés par les Parlements nationaux. La première élection au suffrage universel direct eut lieu en 1979, conformément à l'acte de Bruxelles du 20 septembre 1976. Les députés sont au nombre de 626 ; ils sont élus pour cinq ans, et le nombre de sièges par État (de 6 à 99) est établi en fonction du nombre d'habitants ; chaque État choisit son mode de scrutin. Le Parlement élit un président ; il peut censurer la Commission par une majorité des deux tiers et il délibère sur le budget. Il siège à Strasbourg, et ce choix, que contestait Bruxelles, a été entériné en 1992. La Cour de justice, qui siège à Luxembourg, assure le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités ; elle peut être saisie par les États ou par des personnes morales ou physiques. Il existe aussi une Cour des comptes, qui vérifie la légalité et la régularité des dépenses de l'UE. Maastricht en a fait la cinquième institution. Divers dysfonctionnements (lenteurs, comportements bureaucratiques) de l'UE - et surtout de la Commission - attirent des critiques contre les « eurocrates «. Certains pensent que c'est aux différents États d'exercer un fort contrôle, tandis que d'autres estiment qu'il faudrait renforcer le pouvoir des organes élus. Avec Maastricht, le Parlement a un pouvoir de codécision avec le Conseil dans un certain nombre de domaines (libre circulation de la main-d'oeuvre, marché intérieur, éducation, recherche, environnement, réseaux transeuropéens, santé, culture, consommation). L'élection des députés au suffrage universel tend à créer un espace politique européen ; le droit européen, qui a une primauté sur les droits nationaux, se développe également. Les décisions du Conseil de l'Union européenne, qui regroupe les ministres des Quinze selon l'ordre du jour inscrit, sont prises à la majorité simple, à la majorité qualifiée (62 voix sur 87) pour la plupart des décisions législatives, à l'unanimité pour l'adhésion d'un nouvel État, la modification des traités ou la mise en place d'une nouvelle politique commune. Ainsi, l'Union est caractérisée par un système institutionnel original par rapport aux organisations internationales classiques. Les quinze États membres consentent des délégations de souveraineté au profit d'institutions indépendantes, représentant à la fois les intérêts des nations de l'UE et l'intérêt communautaire, et sont liés entre eux par des rapports de complémentarité dont découle le processus décisionnel. En près d'un demisiècle de construction, par une augmentation régulière des prérogatives juridiques et politiques des institutions communautaires, l'UE tend à réaliser l'objectif assigné par les pères fondateurs de l'Europe : l'intégration sur la base de réalisations économiques concrètes. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bruxelles - Une ville carrefour Commission des Communautés européennes Commission européenne des droits de l'homme Conseil de l'Europe cour directive Europe - Histoire - Les progrès de l'idée européenne Parlement européen Rome (traité de) Strasbourg Les livres CEE - le Parlement européen, page 913, volume 2 L'Europe et les forces politiques La signature du traité de Rome, son approfondissement, et l'élargissement de l'Europe ont provoqué d'âpres batailles. Le Marché commun doit-il conduire à la supranationalité ou doit-il respecter absolument la souveraineté nationale ? Dans chaque pays membre, les clivages politiques se forment autour de ces enjeux : ainsi, les chrétiens-démocrates sont favorables à l'intégration ; les socialistes en sont également partisans en raison de leurs idées internationalistes, à l'exception des travaillistes britanniques, qui y ont été longtemps hostiles. Les communistes n'ont pas une attitude homogène : le parti communiste français est plutôt réticent, à l'inverse de son homologue italien. En France, les gaullistes de tradition sont hostiles aux empiètements sur la souveraineté nationale. Depuis 1992, la question d'une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) est posée. La Conférence intergouvernementale de 1996 (CIG) doit statuer, au vu notamment du bilan de la PESC, sur l'approfondissement de ces compétences, dans le domaine de la défense, en particulier. Un Marché commun au premier rang du commerce mondial Conçue pour développer les échanges entre ses membres, la CEE a eu un degré d'intégration économique plus élevé qu'une zone de libre-échange ou qu'une union douanière. Dans une zone de libre-échange (comme l'AELE), les pays membres suppriment entre eux les barrières douanières, mais conservent leurs tarifs propres vis-àvis du reste du monde. Dans une union douanière (comme celle du Benelux), un tarif extérieur commun est adopté, mais la libre circulation interne concerne seulement les marchandises. Dans le Marché commun, celle-ci s'étend aux facteurs de production (travail et capital), et s'accompagne de politiques communes dans certains secteurs (agriculture, notamment). Enfin, l'Union économique et monétaire (UEM), vers laquelle on tend aujourd'hui, suppose une unification des politiques monétaires et budgétaires ainsi qu'une coordination des politiques économiques et sociales. L'objectif d'intensification et de développement des échanges a été atteint. À partir des années quatre-vingt-dix, la création du marché unique a fait fortement progresser les échanges entre pays membres (60 % des exportations de l'UE). L'Europe des Quinze occupe actuellement la première place pour sa part dans le commerce mondial. En incluant les échanges intracommunautaires, l'UE concentre près du quart du commerce international, contre 20 % pour les États-Unis et 10 % pour le Japon. La principale menace commerciale qui pèse sur l'UE à la fin du XX e siècle est la concurrence extérieure, qui s'organise afin de tirer profit de l'intégration de la zone économique européenne, à l'exemple du Japon et des « nouveaux pays industriels « d'Asie qui exercent une forte pression sur les marchés tiers et sur le marché intérieur européen. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats AELE (Association européenne de libre-échange) c ommerce commerce - Les accords internationaux douane union monétaire Uruguay Round Les médias CEE - la puissance comparée de l'Union européenne Les livres CEE - élevage bovin dans la haute vallée de l'Oise, page 915, volume 2 CEE - le conflit de la pêche dans l'Europe du Sud, page 915, volume 2 Des politiques communes En plus de l'effet mécanique de l'intégration régionale sur l'accroissement des échanges, la constitution du Marché commun a été favorisée par la mise en place de politiques communes : politique régionale (Fonds européen de développement régional), coopération au développement (conventions de Lomé), recherche (programmes Eureka, Esprit, etc.), concurrence (prohibition des restrictions ou abus de position dominante). Jusqu'à l'Acte unique, les deux piliers de la CEE étaient, cependant, la politique agricole commune et le système monétaire européen. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats chemin de fer - Le rôle économique du chemin de fer aujourd'hui - Introduction coopération - 1.RELATIONS INTERNATIONALES - Les organismes de coopération européenne Eurêka L omé La politique agricole commune (PAC). Les principes adoptés en 1962 comme base de la politique agricole commune : unicité des prix, préférence communautaire, responsabilité et solidarité financières, ont permis de bâtir le marché commun agricole. La PAC a été pendant trente ans la seule réalisation de politique commune et de volonté d'intégration européenne. L'objectif assigné par le traité de Rome était triple : réguler les marchés agricoles en les stabilisant, rechercher l'autosuffisance alimentaire de la CEE grâce à un accroissement de la productivité, assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs. Les mécanismes et instruments de régulation utilisés dans le cadre de la PAC reposent sur un système de prix incitatifs et/ou dissuasifs pour orienter la structure des marchés (céréales, lait et viandes), garantir des revenus aux agriculteurs pour leur production, quel que fût le volume produit, et décourager les importations agricoles extracommunautaires. Pour de nombreux produits alimentaires (céréales, viande bovine, volaille, lait, beurre, légumes frais et vins), l'autosuffisance a été largement dépassée, et, pour l'ensemble des produits alimentaires, le taux de couverture des importations extracommunautaires par les exportations est passé de 27 % en 1961 à plus de 70 % en 1995. Un niveau de revenu élevé a été assuré aux agriculteurs, même si la PAC n'a réellement profité qu'aux gros exploitants céréaliers, qui ont bénéficié d'un système de prix favorisant la productivité. Enfin, la régulation des prix des produits alimentaires (élément important de la lutte contre l'inflation) a été efficace, même si le système a engendré une tendance à la surproduction dès la fin des années soixante-dix (2 % de croissance annuelle, alors que la demande stagnait, sinon même régressait). Mais ces résultats ont été atteints par une contribution croissante du budget communautaire consacré à la PAC : de près de 26 milliards d'écus en 1988 (63,2 % du budget total), son coût est passé à plus de 36 milliards (58,2 %) à la veille de sa réforme en 1992. L'objectif de la Commission de plafonner les dépenses agricoles à 50 % du budget total de la Communauté était impossible à atteindre, malgré la mise en place de quotas de production. L'accumulation des excédents, la croissance prévisible des dépenses de soutien et les prix élevés ont donc conduit les ministres de l'Agriculture à adopter en 1992 un plan de réformes, fondé sur cinq objectifs essentiels : amélioration de la compétitivité des agriculteurs à la fois sur les marchés intérieurs et les marchés d'exportation, pour maintenir la Communauté au rang des principaux producteurs et exportateurs de produits agricoles ; réduction de la production (baisse des quotas et programme de gel des terres), de manière à l'aligner devantage sur la demande du marché ; forte baisse des prix, compensée par des aides directes dégressives selon le revenu ; encouragement des agriculteurs à ne pas abandonner leurs terres ; protection de l'environnement et développement du potentiel naturel des campagnes. Or ces orientations se sont heurtées à l'hostilité de certains pays exportateurs (dont le Danemark et la France), d'autant que la mise en place des mécanismes de plus en plus complexes de la nouvelle PAC a pris plusieurs années et n'a pas résolu tous les problèmes de l'Europe agricole (amélioration du revenu des agriculteurs, lutte contre la désertification des campagnes, maintien et/ou conquête de nouveaux marchés, dans le cadre de la compétition internationale, principe de la préférence communautaire malgré la mondialisation des échanges, remplacement des subventions par des aides directes, préservation de l'environnement, amélioration de la qualité des produits, etc.). Un autre problème d'ordre financier risque de se poser, avec la perspective d'élargissement de l'UE aux pays d'Europe centrale et orientale (PECO). Avec une population active agricole plus nombreuse et un PIB agricole plus élevé que ceux des Quinze, les PECO seront fortement demandeurs de contributions communautaires si la PAC est maintenue dans sa forme actuelle (certaines estimations évaluent la rallonge annuelle moyenne à 24 milliards d'écus ; 45 milliards pour une UE accueillant quatre à dix PECO, plus Chypre et Malte). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats agriculture - L'avenir de l'agriculture France - Géographie - La vie économique - L'agriculture politique agricole commune (PAC) Les livres Europe - manifestation d'agriculteurs français et allemands, page 1805, volume 4 Le système monétaire européen (SME). La crise du système monétaire international à partir de 1971 avait fait échouer le projet d'union économique et monétaire pour 1980 contenu dans le rapport Werner (1969) ; les pays de la CEE s'étaient seulement entendus pour limiter les fluctuations de leurs taux de change (« serpent monétaire «), à un moment où le monde entrait dans une période de flottement généralisé des monnaies. Le SME a succédé le 13 mars 1979 au « serpent «, avec des règles plus strictes, répondant à un double objectif : explicitement, la création d'une zone de stabilité des changes, condition du développement des échanges intracommunautaires ; implicitement, la mise en place de mécanismes forçant les politiques macroéconomiques à une plus grande convergence. Le SME est d'abord un système de changes fixes mais ajustables, dont le numéraire est l'écu (European Currency Unit). Le taux de change entre deux monnaies peut varier au maximum d'un pourcentage donné, de part et d'autre d'un cours pivot calculé à partir du cours de l'écu en chacune des monnaies. Lorsque l'offre et la demande sur les marchés des changes poussent les taux de change vers ces cours planchers ou plafonds, les deux Banques centrales concernées sont tenues d'intervenir. En cas d'échec, un réajustement des cours pivots au sein du SME peut être décidé à l'unanimité. Le SME est aussi un système de règlements qui assure la convertibilité des monnaies. Par l'intermédiaire du Fonds européen de coopération monétaire (FECOM), les Banques centrales règlent en écus les engagements réciproques nés de leurs interventions sur les marchés des changes. Le SME est, enfin, un système de crédits : les banques centrales peuvent s'aider mutuellement, dans des conditions d'autant plus contraignantes que le prêt est à long terme. Jusqu'en 1992, les succès du SME ont été reconnus pour ces deux objectifs. La CEE a été relativement protégée des désordres monétaires internationaux, et les réajustements ont été de moins en moins fréquents (onze au cours des huit premières années, un seul au cours des quatre suivantes). Une certaine convergence des politiques monétaires a été constatée, qui s'est traduite par une réduction des différentiels d'inflation (à l'exception du Royaume-Uni, qui n'était entré dans le SME qu'en octobre 1990). Alors même qu'un processus d'union économique et monétaire avait été engagé au sommet de Maastricht (9-10 décembre 1991), le SME a connu en septembre 1992 et en juillet 1993 les deux plus graves crises de son histoire. Des mouvements spéculatifs sur la livre britannique, la lire italienne et le franc français conduisirent d'abord les deux premières à sortir du SME ; l'explosion du système ne fut ensuite évitée qu'au prix d'un élargissement des marges de fluctuation, portées de 2,25 à 15 % de part et d'autre des cours pivots. Contrairement à ce que l'on craignait, cette possibilité de variation, peu compatible avec le principe de fixité des changes, n'a pas été exploitée immédiatement par les marchés ; mais c'est un SME réduit et affaibli qui hypothèque l'unification monétaire prévue, alors même que les turbulences affectant le dollar rendent celle-ci d'autant plus nécessaire. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats change convertibilité des monnaies dévaluation - Dévaluation et dépréciation écu - 2.ÉCONOMIE euro serpent monétaire européen Système monétaire européen (SME) Union européenne (traité sur l') union monétaire Du Marché commun au Marché unique Après les grands chantiers - mise en place de l'union douanière, de la PAC, du SME -, l'Europe était entrée au début des années quatre-vingt en hibernation, au point que certains parlaient d'« europessimisme « et d'autres, d'« eurosclérose «. Surtout, la libéralisation des échanges intracommunautaires était de plus en plus entravée par des barrières non tarifaires, les réglementations apparaissant aussi efficaces que les droits de douane pour protéger les marchés nationaux. Enfin, des pressions internes (de la part du Royaume-Uni) et externes (de la part des États-Unis dans le cadre du GATT) s'exerçaient pour une orientation plus libérale du Marché commun. La CEE était alors appelée à devenir un espace économique intégré au sein duquel devaient circuler librement les personnes, les marchandises, les services, les capitaux. Cette ambition a été matérialisée par le « Livre blanc « de la Commission qui détaillait deux cent quatre-vingt-deux propositions destinées à assurer « l'achèvement du marché intérieur «. Ce programme a été formalisé dans l'Acte unique, ratifié en 1987, qui fixait la date d'entrée en vigueur du marché unique au 1er janvier 1993. À cette date, le Conseil avait pris des décisions sur 95 % des propositions du Livre blanc. Cependant, certains domaines et dossiers fondamentaux restaient en suspens : TVA, marchés publics, droit des sociétés, propriété intellectuelle, fiscalité des entreprises. Depuis 1993, divers événements sont venus se greffer sur le processus de réalisation du marché unique : l'entrée en vigueur de l'Espace économique européen (EEE), le 1 er janvier 1994, avait étendu de nombreuses dispositions du marché unique aux pays de l'AELE (l'Association européenne de libreéchange, dont trois pays allaient rejoindre l'UE en 1995), renforçant ainsi l'intégration d'un marché intérieur de 375 millions d'habitants. Si l'on se fonde sur les différents indicateurs d'intensité des échanges (biens et services, mais aussi facteurs de production), le projet de marché unique a sans doute renforcé l'intégration européenne, mais son influence spécifique par rapport à d'autres évolutions est difficile à mesurer, tout comme l'impact sur le potentiel de croissance de l'UE ou la compétitivité des entreprises européennes. L'analyse du marché unique ne peut se faire que dans le contexte général d'interaction des tendances à la déréglementation et à la mondialisation. Le sommet de Maastricht a relayé cet objectif du marché unique par deux projets de traités engageant une véritable construction européenne : l'un sur l'union économique et monétaire, dont l'étape ultime est prévue au plus tard pour le 1 er janvier 1999, l'autre sur l'union politique. Vers l'union économique et monétaire (UEM) ? La mobilisation en faveur du marché unique a fait craindre que l'UE n'évolue vers une simple zone de libre-échange. Aussi les experts du « Comité pour la réalisation de l'Union économique et monétaire « présidé par Jacques Delors, alors président de la Commission, ont-ils proposé en avril 1988 de relancer le projet d'union économique et monétaire, après celui qui avait échoué au début des années soixante-dix. Adopté par le sommet de Madrid, en juin 1989, ce projet comporte trois étapes. Au juillet 1990, la France et l'Italie ont libéralisé les mouvements de capitaux, comme l'avaient fait auparavant l'Allemagne et le Royaume-Uni. Au 1er janvier 1994 a été créée une Banque centrale européenne, baptisée Institut monétaire européen, sans pour autant qu'il y ait transfert de souveraineté monétaire. Celui-ci n'interviendrait que lors de la troisième étape : la création de la monnaie unique. L'Union monétaire sera alors un espace de libre circulation des biens, des services, de la main-d'oeuvre et des capitaux. Elle sera dotée d'une monnaie unique (l'euro), dont l'émission sera contrôlée par une banque centrale unique (la BCE), indépendante des pouvoirs politiques nationaux et communautaires. 1 er L'ancien débat sur l'autonomie de la Banque centrale européenne et sur la nature de l'écu (monnaie commune s'ajoutant aux monnaies nationales, ou monnaie unique les remplaçant) avait déjà opposé les partisans d'une unification monétaire couronnant l'intégration des marchés (position libérale, défendue par le Royaume-Uni), et ceux pour qui elle doit être organisée pour accélérer l'unification économique et politique (position interventionniste, défendue par la France). La crise de 1992-1993 a ajouté un autre débat, sur la possibilité même de garantir une relation fixe entre les monnaies européennes. Pour certains, c'est l'absence de convergences suffisantes entre les économies nationales qui a ébranlé des parités inchangées pendant quatre ans ; l'affaiblissement temporaire du SME ne condamne pas le processus d'unification monétaire, mais appelle au contraire un renforcement des politiques communes. Pour d'autres, l'Europe paie son choix en faveur de la libéralisation des mouvements de capitaux, qui a exposé ses monnaies aux turbulences d'un marché mondial des changes devenu incontrôlable ; le principe même d'un « îlot de stabilité « au sein d'un monde de changes flottants serait alors remis en cause. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Delors Jacques écu - 2.ÉCONOMIE euro France - Géographie - La vie économique - Introduction Union européenne (traité sur l') union monétaire Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Allemagne - Histoire - Après 1945 : de la partition à l'unification - L'Allemagne unie Les livres référendum - affichage pour le référendum sur le traité de Maastricht, page 4271, volume 8 Europe - la conférence de Maastricht (décembre 1991), page 1815, volume 4 Des risques de divergences Pendant plus de trois décennies, la construction européenne est apparue comme un processus progressif, combinant élargissement et consolidation. Certes, ce processus était marqué par des crises récurrentes, en particulier celles de la PAC, mais la marche vers l'union européenne semblait irréversible. La stratégie de convergence des politiques économiques, au coeur du dispositif mis en place par le traité de Maastricht, était une illustration de cette démarche pragmatique mais unificatrice. Avec le début des années quatre-vingt-dix, trois facteurs ont modifié les conditions de la construction européenne. D'abord, le bouleversement des économies socialistes d'Europe de l'Est a créé une alternative : soit élargir le champ géographique de l'Union à la dizaine de pays susceptibles d'y entrer, au risque d'en dissoudre le contenu ; soit aller vers une intégration accrue de l'Union dans ses frontières existantes. Ensuite, les économies européennes ont enregistré en 1993 la plus grave récession qu'elles aient connue depuis les années trente. La Commission suggéra bien des initiatives de relance commune et présenta à l'automne 1993 un « Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l'emploi « contenant en particulier un programme de modernisation des infrastructures de transports. Mais les réactions nationales se firent en ordre dispersé, chaque pays cherchant la voie de son propre salut. La récession a eu une autre conséquence : l'augmentation des déficits publics, qui rend plus incertaine l'application des critères fixés par le traité de Maastricht pour le passage à la monnaie unique, et plus illusoire encore l'harmonisation des politiques sociales. Enfin, c'est dans le domaine monétaire que les forces centrifuges ont été les plus vives. Après la dépréciation de la livre et de la lire consécutive à leur sortie du SME, et avec les ajustements répétés de parité de la peseta, est réapparu le spectre des dévaluations compétitives. En un peu plus de deux ans, ces monnaies ont perdu jusqu'à 25 % de leur valeur par rapport au franc ou au mark, favorisant ainsi pour les pays considérés l'accroissement de leurs parts de marché. En France, cela a suscité de nouvelles critiques de la politique d'arrimage du franc au mark ; elles se sont ajoutées à celles qui reprochaient que le coût de la réunification allemande eût été partiellement reporté sur les autres pays, à travers l'alignement de leurs taux d'intérêt sur celui qui est fixé par la Bundesbank. À la recherche de convergences affichées par le traité de Maastricht répondent ainsi des risques de divergences croissantes : entre les membres actuels de l'Europe des Quinze et ses futurs membres, entre les performances économiques ou les situations sociales des pays de l'Union, entre les évolutions des monnaies nationales. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, qu'ait été suggérée une adaptation de la stratégie, fondée sur la notion de « noyau dur «. Un nombre limité de pays (probablement l'Allemagne, la France, les PaysBas, la Belgique et le Luxembourg) constituerait l'avant-garde de l'Europe intégrée, les autres s'y agrégeant ultérieurement selon leur capacité ou leur volonté d'en respecter les règles. Ce noyau dur pourrait même être à géométrie variable, sa composition étant différente selon les domaines. Une telle stratégie permettrait certes d'éviter les blocages à l'approche des échéances fixées par le traité de Maastricht et faciliterait les rapprochements avec les pays candidats à l'adhésion. Mais elle susciterait, sans doute, deux inconvénients. D'une part, l'effet d'entraînement provoqué par la perspective de l'union serait affaibli par un processus « à la carte «. D'autre part, les différences de conditions reconnues entre les pays inciteraient ceux-ci à limiter les aspects de l'intégration susceptibles d'affecter leur compétitivité. La tonalité libérale, déjà reprochée au marché unique, s'en trouverait alors renforcée. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bundesbank (Deutsche) écu - 2.ÉCONOMIE Union européenne (traité sur l') Deux problèmes pour la fin du siècle Si la poursuite du processus d'intégration économique et monétaire est privilégiée, deux problèmes détermineront l'avenir de l'Union européenne en cette fin de siècle. Le premier est politique. La Conférence intergouvernementale (CIG) de 1996 doit fixer les contours de l'organisation politique de l'Union et de la réforme de ses institutions. Au-delà des questions de procédures dans la prise des décisions (unanimité, majorité ou consensus), le véritable enjeu est la mise en place d'une politique étrangère et de défense ou d'une politique sur l'immigration et la sécurité. L'attitude dans le conflit de l'ex-Yougoslavie ou les problèmes posés par l'application des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes montrent qu'il s'agit là de points sensibles. Plus largement, c'est la conception même de l'Europe politique qui est impliquée, avec, en débat, un modèle fédéral dans lequel le Parlement européen serait doté d'un pouvoir législatif accru et de contrôle sur un gouvernement communautaire succédant à la Commission. Le second problème est social. La dimension sociale de la construction européenne a depuis les années soixante-dix fait l'objet des préoccupations des institutions de l'Union. En 1989, la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux fut signée par onze États membres. En annexe du traité de Maastricht, l'« Accord sur la politique sociale conclu entre les États membres de la Communauté européenne... « a fixé les objectifs de la politique sociale de l'Union : « la promotion de l'emploi, l'amélioration des conditions de vie et de travail, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines permettant un niveau d'emploi élevé et durable et la lutte contre l'exclusion «. En 1996, des initiatives ont été prises, et notamment celle du président de la République française, pour relancer le débat sur l'Europe sociale (le « mémorandum français pour un modèle social européen «). Mais le mode de décision (unanimité requise) n'a pas toujours permis au Conseil de l'Europe de statuer efficacement dans les domaines fondamentaux de la protection sociale et d'appliquer le contenu de ce protocole. D'autant que la diversité des systèmes sociaux européens, leur mode de financement et leur niveau de développement rendent difficile l'harmonisation que la construction du grand marché européen exige fortement : mise en concurrence des différents systèmes sociaux et fiscaux nécessitant une véritable politique communautaire dans le domaine social (lutte contre le « dumping social «, mise à niveau des systèmes de protection et des moyens de leur financement, etc.). La solution de ces problèmes dépendra beaucoup de la capacité de la France et de l'Allemagne à maintenir leurs relations privilégiées, axe principal autour duquel l'Europe s'est construite jusqu'à présent. Mais elle sera aussi déterminée par les évolutions de l'environnement extérieur, qu'il s'agisse de la recomposition politique à l'Est, de l'explosion économique en Asie ou de la gestion monétaire et financière des États-Unis. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats euro Schengen (convention de) Union européenne (traité sur l') Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Europe - Géographie - Géopolitique : les trois Europe - La construction de l'Europe Les médias CEE - l'Europe des Quinze en 1995 Les livres CEE - naissance, page 912, volume 2 CEE - la signature du traité de Marché commun, à Rome, le 25 mars 1957, page 912, volume 2 CEE - les États membres de l'Union européenne en 1995, page 913, volume 2 CEE - Jacques Delors, page 916, volume 2 CEE - le « oui « de l'Autriche à l'Europe, page 917, volume 2 CEE - le « non « de la Norvège à l'Europe, page 917, volume 2 Les indications bibliographiques P. Fontaine, Dix leçons sur l'Europe, Documentation européenne, Luxembourg, 1995. C. Hen et J. Léonard, l'Union européenne, La Découverte, Coll. Repères no 170, Paris, 1995. C. Philip, Textes institutifs des Communautés européennes, « Que sais-je ? «, PUF, Paris, 1993.