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LA BOÉTIE (Étienne de)

Publié le 22/01/2019

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LA BOÉTIE (Étienne de), écrivain français (Sarlat 1530- Germignan 1563). Ce jeune mort de moins de 33 ans doit l'essentiel de sa célébrité à Montaigne, qui publiera leur amitié et, par fidélité, se fera le promoteur de sa reconnaissance posthume. On discute encore pour savoir si cette écrasante tutelle, finalement, n'aurait pas porté ombrage à son bénéficiaire. Car c'est un fait que La Boétie a vécu, pensé, écrit avant qu'ait lieu la rencontre légendaire (Montaigne l'avait lu et l'admirait déjà quand ils se rencontrèrent). Et, si c'est bien à Montaigne (à qui, par testament, La Boétie les avait destinés) que revient la responsabilité d'avoir publié la majorité de ses écrits, il n'en reste pas moins que la plupart d'entre eux remontent à une époque où l'auteur ne connaissait pas encore son futur éditeur. C'est de 1549 que date, selon toute vraisemblance, le Contr'un, dit aussi Discours de la servitude volontaire, le plus célèbre traité « républicain » (au sens antique du terme) ou encore « monarchomaque » qui aurait été rédigé après l'impitoyable répression par Montmorency de la révolte de la gabelle qui avait éclaté à Bordeaux l'année d'avant. C'est avant leur rencontre également que La Boétie écrivit ses poèmes que Montaigne juge les plus réussis : l'érotisme, dit-il, n'y

 

souffre pas encore de « je ne sais quelle froideur maritale » — c'est en 1555 que leur auteur devait se marier. Sans doute remontent-ils à l'époque où il étudiait le droit à Orléans. La plupart sont des sonnets et témoignent d'une prédilection pour une veine pétrarquiste que la Pléiade avait mise à la mode (La Boétie a été l'ami de J.-A. de Baïf, qui lui adresse un sonnet en 1555 et devait, lors d'un séjour à Paris, en 1560, rencontrer Dorât et peut-être Ronsard).

 

Montaigne, son cadet de trois ans, le rencontre donc en 1557 quand il entre au parlement de Bordeaux, où il devient son collègue. Leur amitié s'étendra sur six ans : l'auteur des Essais la déplorera près de trente. Platon a fait parler Socrate. La laideur n'est pas le seul trait qui autorisera Montaigne à faire de La Boétie son Socrate. Tout commence avec la mort ; le premier écrit connu de Montaigne consiste en une lettre où il retrace à l'intention de son père les derniers moments de son ami ; leur socratisme irréprochable ferait croire à une adaptation à peine libre du Criton. Cette lettre figure, sept ans après l'événement, en tête du premier volume des écrits de La Boétie que Montaigne publie en 1570 (il rassemble des traductions d'opuscules de Xénophon et de Plutarque avec des vers latins). Un second volume, des vers français, paraît en 1571. C'est l'année où Montaigne prend sa retraite. On sait que le projet initial des Essais se proposait de défendre et d'illustrer le Contr'un. Des considérations politiques conduiront Montaigne à y renoncer : le texte, après avoir circulé manuscrit pendant vingt-cinq ans, avait fini par être détourné par des séditieux plus ou moins huguenots (en 1574, dans le Réveille-matin des Français; en 1577, dans les Mémoires des états de France sous Charles IX}. Il le remplacera donc par 29 sonnets pétrarquisants qu'on vient opportunément de lui faire parvenir et qui, lorsque les Essais paraîtront en 1580, deviendront le chapitre central du premier Livre. On a pu remarquer pourtant qu'une hantise identique se trouvait au centre de ces deux textes, le Contr'un et ses remplaçants ; mais que l'attitude de l'auteur à son endroit changeait du tout au tout quand il quitte le pamphlet politique pour la poésie amoureuse. Le Contr'un, dirait-on, est devenu le « Pour une » : « C'est fait, mon cœur, quittons la liberté » (III) ; « Sans cesse, nuit et jour, à la servir je pense » (XXIII). Ces sonnets composent, en effet, un éloge de la servitude amoureuse volontaire.

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