IV L'AUTEUR DU COUP D'ÉTAT Les institutions nouvelles étant ce qu'elles sont, le coup d'État du 2 décembre 1851 apparaît comme inéluctablement inscrit dans la logique de l'élection du 10 décembre 1848.
Publié le 31/10/2013
Extrait du document
«
A
tout lemoins, quelquesoitlejugement infligéàl'initiative deLouis Napoléon, qu'onsedébarrasse decette
légende d'unebrave petiteRépublique, humaniste,socialeetdémocratique, abattueparunvilain conspirateur;
qu'on tordeenfinlecou àcette fiction quivoudrait quelaRépublique defévrier 1848soittombée sousles
coups deLouis Napoléon.
C'est làun mensonge éhonté,uneimposture flagrante.
Au petit matin du2décembre 1851,avantquetoutcommence, laRépublique deFévrier estmorte depuis
longtemps, assassinée lâchementparceux-là mêmequeLouis Napoléon vaquelque peurudoyer...
Aureste,
est-il permis d'observer, àl'intention desjuristes, qu'après le2décembre laRépublique vacontinuer ?Et que
rien, vraiment rien,nepermet d'affirmer qu'elleestpire que laprécédente !Et que sicertains deceux quiont
vécu loyalement etsincèrement l'illusionlyriquedespremiers
mois de1848 figurent parfoisdanslerang desvaincus, c'estqu'ils onteulachance d'échapper àla répression
qui s'est exercée aprèslesjournées dejuin 1848, répression dontsontresponsables d'autreshommes...
ayant
feint enfévrier departager lamême illusion...
Persigny, quin'est point sotetaquelque intuition, a,comme beaucoup d'autres,pressenti dèsl'origine quetout
cela nepourrait seterminer queparune épreuve deforce.
Ilen aconclu qu'ilconviendrait d'abordercette
épreuve danslesmeilleures conditionspossiblesauxyeux del'opinion etau regard del'Histoire.
Leconseil qu'il
donnait auprince était,avant deprendre toutengagement oude prêter quelque serment quecefût, de
demander laratification delaConstitution parlepeuple.
Ilne faisait d'ailleurs quereprendre uneproposition de
Victor Hugo, lequel avaitdéposé enson temps unamendement tendantàsubordonner lapromulgation àun
plébiscite préalable.
Uneinitiative dontl'adoption auraitpermis d'éviter unjour leparjure etdont lerefus eûtmis
en évidence quelaConstitution, ainsiprivée del'onction dusuffrage universel, n'étaitguèrequ'unmode
d'emploi decaractère provisoire.
Pour ingénieuse quefutcette solution, elleprésentait l'inconvénient deconduire àune crise immédiate.
Sila
position duprince enaurait étémoralement confortée,iln'est pascertain qu'elleauraitétépolitiquement mieux
assurée.
Onyrenonça donc.EtLouis Napoléon serésigna àentrer dansunmonde quasiinconnu pourlui,
acceptant d'enappliquer lesrègles etles rites...
***
« Ce futun malheur pourmoi,expliquera-t-il, den'avoir pudébuter parunministère républicain etd'avoir été
obligé deme confier auxhommes delarue dePoitiers.
»
Car c'est bienlasignification duchoix, auquel ildoit serésoudre, d'OdilonBarrot.
A tout prendre, LouisNapoléon eûtencore préféré Lamartine ouThiers.
Iloffrit d'ailleurs trèsexplicitement la
présidence duConseil àce dernier, aprèsl'avoir courtisé :le soir del'élection c'estchez luiqu'il alladîner et,le
lendemain même,illui rendit soninvitation àlaquelle lepetit homme répondit avecsesdames —puisqu'il était
en ménage aveclamère etlafille Dosne.
Thiers crutnéanmoins habilederefuser laproposition.
Comme nousaexpliqué PierreGuiral, ilexistait entreleprince etThiers untriple malentendu :« Thiers croyait
que Louis Napoléon étaitunminus habens etcelui-ci nel'était pas;ilpensait quesontemps seraitbrefetilne
le sera pas;ilespérait pouvoirleconseiller etlediriger etdéjà desdésaccords sansgravité maisnonsans
signification étaientapparus.
»
Lamartine ayantégalement déclinésonoffre, Louis Napoléon serabattit doncsurBarrot.
Odilon Barrot, toutunsymbole! Lesconservateurs, enl'imposant, vontau-delà delaprovocation.
Chefde
l'opposition dynastiqueàLouis-Philippe, ilavait éténommé parcelui-ci, enpleine révolution deFévrier, pour
tenter desauver lesmeubles.
Aveclui,unanplus tard, après tantd'événements, onrevient pratiquement àla
case dedépart, eton nesaurait mieuxsouligner qu'onentend renouer avecunesorte demonarchie deJuillet
revue etcorrigée...
C'estmême proclamer quetoutcequi apu sepasser entre-temps estnul etnon avenu, ou
le sera bientôt.
Comment penseruninstant, parexemple, queledernier vestige decette année folle,lesuffrage
universel, pourralongtemps subsister?Onnevoulait pasdecesuffrage, onn'en ajamais voulu,etce ne sont
certes paslesrésultats du10décembre quivont permettre, surceterrain, uneréconciliation plusquejamais
improbable.
Ces hommes-là n'ontdécidément rienappris nirien oublié.
LouisNapoléon seledit sans doute.
Touten
appréciant, peut-être,leparti àtirer, dans l'opinion, d'untelentêtement...
Pourl'heure, ildoit, quand même,
compter aveceux.
Certes, ilpourrait trouverdesalliés chezlesrépublicains.
Aprèstout,celaavait étélecas naguère, etdes
causes analogues pourraientpeut-êtredéboucher surdemêmes effets.Maisledivorce paraîtdèsl'abord
consommé.
Entreeuxetlui, lesobjectifs paraissent tropcontradictoires: ily a, bien sûr,l'ambition impérialequi
lui est prêtée ;mais aussi safoidans lesuffrage universel etses vues d'avant-garde dansledomaine socialqui.
»
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