hypnose
Publié le 04/04/2015
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hypnose n.f. (angl. Hypnosis; allem. Hypnose). État modifié de conscience transitoire et artificiel provoqué par la suggestion d'une autre personne, dite « hypnotiseur «, caractérisé par une susceptibilité accrue à l'influence de ce dernier et un amoindrissement de la réceptivité aux autres influences.
Ce changement dans la conscience et la mémoire s'accompagne d'idées et de réactions qui ne sont pas coutumières au sujet, étant en partie suggérées par l'hypnotiseur. Des phénomènes comme la léthargie, l'anesthésie, la paralysie, la rigidité musculaire et des modifications vasomotrices à localisation parfois très précise peuvent être provoqués dans cet état, entretenus ou supprimés, indépendamment de la libre volonté du sujet. C'est à un disciple de F. A. Mesmer, A. M. J. de Chastenet, marquis de Puységur, que revient le mérite d'avoir décrit le premier cet état de « somnambulisme provoqué« par le magnétisme animal, en 1784. Et c'est un dentiste de Manchester, J. Braid, qui utilisa ce «sommeil artificiel« comme méthode pour anesthésier ses patients et l'appela « hyp-nosis «, en 1843, en élaborant une première théorie de l'hypnotisme. Celle-ci allait être approfondie par les Nancéiens A. Liebault et H. Bernheim, mettant au premier plan le rôle de la suggestion, et par J. M. Charcot, qui, à Paris, à la même époque, en faisait une assimilation sans doute abusive avec les phénomènes de l'hystérie. S. Freud allait montrer, le premier, que l'hypnose permettait des manifestations de l'activité de l'inconscient, et c'est à par‑
tir de sa pratique qu'il allait découvrir la psychanalyse.
hystérie n.f. (angl. Hysteria; allem. Hysterie). Névrose caractérisée par le polymorphisme de ses manifestations cliniques.
La phobie, appelée parfois hystérie d'angoisse, doit être distinguée de l'hystérie de conversion. Cette dernière se distingue classiquement par l'intensité des crises émotionnelles et la diversité des effets somatiques, qui tiennent la médecine en échec. La psychanalyse contemporaine porte l'accent sur la structure hystérique de l'appareil psychique, engendrée par un discours et donnant lieu à une économie ainsi qu'à une éthique proprement hystériques.
L'HYSTÉRIE DANS LA PREMIÈRE TOPIQUE FREUDIENNE
Freud se dégage d'abord d'une conception innéiste et adopte l'idée d'une névrose acquise. Il pose le problème étiologique en termes de quantité d'énergie: l'hystérie est due à un «surplus d'excitation«. Dans les Études sur l'hystérie (1895), la parenté du mécanisme psychique des phénomènes hystériques avec la névrose traumatique est affirmée: «La cause de la plupart des symptômes hystériques mérite d'être qualifiée de traumatisme psychique.« Le souvenir de ce choc, devenu autonome, agit alors à la manière d'un «corps étranger« dans le psychisme : «C'est de réminiscences que souffre l'hystérique.« En effet, l'affect lié à l'incident causal n'a pas été abréagi, c'est-à-dire n'a pas trouvé de décharge d'énergie par voie verbale ou somatique, parce que la représentation psychique du traumatisme était absente, interdite ou insupportable. La scission du groupe de représentations incriminées constitue alors le noyau d'un «second conscient« infiltrant le psychisme lors des crises ou innervant une
zone corporelle par un symptôme permanent: névralgie, anesthésie, contracture, etc. Le mécanisme de défense présidant à la formation du symptôme hystérique est qualifié alors de «refoulement d'une représentation incompatible avec le moi «. Freud affirme parallèlement que le traumatisme en cause est toujours lié à une expérience sexuelle précoce vécue dans le déplaisir, y compris chez les jeunes garçons, ce qui libère l'hystérie de son attache exclusivement féminine. Ultérieurement, Freud pensera avoir surestimé la réalité traumatique aux dépens du fantasme de violence perpétrée par un personnage paternel.
La conception freudienne appelle quelques remarques: elle suppose que le rapport psychê-soma est celui de deux lieux, la psychê occupant la position haute, séparés par une barre franchissable par une représentation psychique. Freud décèle ainsi chez l'hystérique une «prévenance somatique«, sorte d'appel du corps à ce qu'une représentation refoulée vienne à s'y loger. Ainsi, Freud invitait à l'abandon du débat classique entre psychogenèse et organicisme de l'hystérie: le problème posé par cette névrose est celui de la rencontre entre le corps biologique et le «représentant pulsionnel «, qui est de l'ordre du langage, c'est-à-dire un signifiant. Le symptôme est alors un message ignoré de l'auteur, à entendre dans sa valeur métaphorique et inscrit en hiéroglyphes sur un corps malade car parasité.
LA DEUXIÈME TOPIQUE DE FREUD
Ce sont pourtant les difficultés rencontrées dans les cures qui amenèrent Freud à la mise en place de la seconde topique de l'appareil psychique. De nouvelles études sur l'hystérie, promises, ne virent cependant jamais le jour. La pertinence de la clinique freudienne apparaît dans divers textes,
mise en valeur par la relecture de J. Lacan et grâce aux instruments conceptuels qu'il proposa.
Ainsi, l'analyse du rêve dit «de la Belle Bouchère «, publié dans l'Interprétation des rêves (1900), permet à Freud d'avancer que la rêveuse hystérique est obligée de se créer un «désir insatisfait « : pourquoi ne veut-elle pas du caviar que pourtant elle désire ? C'est qu'elle réserve ainsi la place du désir en tant qu'il ne se confond ni avec la demande d'amour ni avec la satisfaction du besoin. Le manque constitutif du désir est cependant articulé à travers une demande au lieu de l'Autre, défini comme lieu symbolique du langage. Le manque est dans l'Autre, articulation signifiante du manque d'objet comme tel dont le signifiant est le phallus. Ainsi, le désir de l'hystérique révèle la nature générale du désir d'être désir de l'Autre. De plus, ce rêve est proprement celui d'une hystérique, qui est de n'accéder au désir que par le détour de l'identification imaginaire à une amie, identification qui conduit à une appropriation du symptôme d'un semblable par un raisonnement inconscient s'attribuant des motifs analogues d'être malade.
Le texte de ce rêve, mis en rapport avec le cas Dora, permet de franchir un pas de plus. Dora présentait de nombreux symptômes liés à la relation complexe que son père et elle-même entretenaient avec le couple K.: liaison amoureuse platonique dissimulée de son père et de Madame K., cour parfois pressante mais secrète de Monsieur K. à son égard. L'analyse de Dora fut orientée par Freud vers la reconnaissance de son désir refoulé pour Monsieur K. Cela lui permit de montrer l'importance, dans la mise en place de l'hystérie, de l'amour pour le père impuissant, séquelle oedipienne ici interprétée comme défense actuelle contre le désir. Mais Freud reconnaîtra avoir manqué la dimension homo
sexuelle du désir hystérique, d'où l'échec de la cure. Pour Lacan, il s'agit plutôt d'une « homosexualité « à entendre ici comme identification à l'homme, ici Monsieur K., par le médium duquel l'hystérique s'interroge sur l'énigme de la féminité : « C'est ainsi que l'hystérique s'éprouve dans les hommages adressés à une autre, et offre la femme en qui elle adore son propre mystère à l'homme dont elle prend le rôle sans pouvoir en jouir. En quête sans répit de ce que c'est qu'être une femme... « (Écrits, 1966.)
L'HYSTÉRIE APRÈS FREUD
La mise en place ultérieure de la structure des discours fondée sur un jeu de quatre éléments, le sujet, le signifiant maître, celui du savoir inconscient et l'objet cause du désir, a permis à Ch. Melman de proposer de Nouvelles Études sur l'hystérie (1984). Melman fait valoir que le refoulement propre à l'hystérique serait en fait un pseudo-refoulement. En effet, si, comme le soutenait déjà Freud, la petite fille passe par une phase où elle doit renoncer à la mère, donc ne connaît pas moins que le garçon la castration, la mise en place de la féminité suppose un second temps où elle refoule partiellement l'activité phallique à laquelle la castration semblait l'autoriser. «Nous avançons ici l'hypothèse que le refoulement porte électivement sur le signifiant maître, celui dont le sujet éventuellement se réclame pour interpeller l'objet.« Ce refoulement serait le premier mensonge du symptôme hystérique, car il se fait passer pour une castration (réelle et non symbolique) demandée par l'Autre et qui est à la source de l'idée qu'il puisse y avoir un fantasme propre à la femme. Ainsi, le refoulement du signifiant maître réorganise la castration première et la fait interpréter comme privation du moyen d'expression du désir. La symptomatologie hystérique «est dès lors liée à la résur‑
gence du signifiant maître dans le discours social qui suggère l'idée de viol« et le corps mime la possession par un désir totalisant dont les signifiants s'inscrivent sur lui comme sur une page.
Pourquoi alors toute femme n'est-elle pas hystérique ? C'est que l'hystérique interprète le consentement à la féminité comme un sacrifice, un don fait à la volonté de l'Autre qu'ainsi elle consacrerait. Dès lors, elle s'inscrit dans un ordre qui prescrit d'avoir à plaire et non de désirer. Elle oppose à ceux qui se réclament du désir un «nouvel ordre moral« ordonné par l'amour d'un père malade et impuissant et dont les valeurs sont le travail, la dévotion et le culte de la beauté. Ainsi naîtrait une nouvelle humanité «égalitaire parce qu'égale dans le sublime et débarrassée de la castration«. Une économie générale de l'hystérie s'en déduit, qui met en évidence deux formes cliniques apparemment paradoxales: «L'une est une forme dépressive, où le sujet se vit comme étranger au monde et refuse toute assertion comme tout engagement, l'autre est une forme sthénique, où le sujet fait de son sacrifice le signe d'une élection.« L'hystérique peut alors tour à tour se
dévouer, rivaliser avec les hommes, les remplacer lorsqu'ils sont jugés trop médiocres, «faire l'homme« non castré à l'image du Père. Elle est ainsi apte à tenir tous les discours constitutifs du lien social, mais «marqués de la passion hystérique «, cherchant à valoir pour tous. La contradiction reste qu'à interpeller les maîtres et travaillant à en abolir les privilèges elle réclame celui qui serait assez puissant pour abolir l'altérité.
Il est à noter que l'hystérie masculine relève des mêmes discours, économie et éthique. Elle se caractérise par le choix d'un jeune garçon de se ranger du côté des femmes et d'accomplir sa virilité par les voies de la séduction, comme créature exceptionnelle et énigmatique.
Masculine ou féminine, «la passion hystérique s'entretient de la culpabilité dont s'accable le sujet lorsqu'il s'accuse d'être fautif de la castration« et ainsi de faire tache dans l'univers. Il se rend responsable de l'impossible coaptation naturelle des hommes et des femmes dès lors qu'ils sont « hommes « et « femmes« de par le langage. Ce pourquoi l'hystérie fut à l'origine de la psychanalyse, le discours hystérique restant le défilé nécessaire à toute cure.