GuILLET (Pernette du)
Publié le 18/01/2019
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GuILLET (Pernette du), poétesse française (Lyon v. 1520-id. 1545). De famille noble, elle reçut une bonne culture littéraire. Elle connaissait le latin, l'italien et l'espagnol, et jouait agréablement du luth. Elle se lia avec Maurice Scève en 1536. Mariée, elle demeura la grande inspiratrice du poète. Sa mort prématurée (probablement lors d'une épidémie de peste) explique la minceur, en quantité, de son œuvre. Composées de 60 épigrammes, 10 chansons, 5 élégies et 2 épîtres, les Rymes (1re éd. 1545, 2e éd. augmentée 1552) se situent au confluent d'un ensemble de traditions diverses (courtoise, maroti-que, alexandrine, pétrarquiste, plato-nisante). Si l'influence du platonisme marque de manière prépondérante leur inspiration thématique, l'élaboration rhétorique et stylistique de ces poèmes d'amour doit beaucoup à l'école maroti-que. Mais cette poésie comporte une originalité perceptible tant au niveau de son contenu qu'à celui de sa forme : animée par la passion de la Science, par l'ardent désir du Savoir, elle procède d'une « exaltation intellectuelle » plutôt que d'une expérience morale. D'où l'usage d'un vocabulaire relativement pauvre et souvent abstrait, d'un travail du style allant parfois jusqu'à l'hermétisme. Poésie « singulièrement décantée, malgré quelques bouillonnements diaprés de lie baroque » (A. M. Schmidt), l'œuvre de Pernette du Guillet occupe, au sein de la triade lyonnaise, une place nettement originale aux côtés de celle (plus prestigieuse) de Maurice Scève et de celle (plus célèbre) de sa consœur Louise Labé.
«
comme pour leur copie», et
les réunit au sein du recueil
des Rymes de gentile et vertueuse
dame Pernette du Guillet, qui
paraît en 1545 chez Jean de
Tournes à Lyon.
Trois fois réé
ditée jusqu'en 1554, cette
œuvre sera bientôt oubliée et
ne sera redécouverte qu 'au
XIX• siècle.
Épigrammes et
chansons
Peu abondante, la production
poétique de Pernette du
Guillet consiste en à peine
une centaine de pièces, dont
une suite de soixante épigram
mes (pour la plupart des hui
tains et des dizains) parmi les
quelles s'interposent dix chan
sons, cinq élégies et deux
épîtres.
Mais sa qualité , même
immature, en fait une œuvre
véritable.
On y retrouve bien
sûr la manière de Maurice
Scève : souvent les vers de la
jeune femme semblent une
réponse à ceux de son maître
et amant, et sont comme leur
écho atténué.
Un peu prison
nière de l'hermétisme et de
tente d'imiter, la poétesse sait
pourtant se laisser aller à une
inspiration naturelle et spon
tanée , dont témoignent ses
fraîches chansons, aux rythmes
variés,
où elle donne libre
cours à ses talents de musi
cienne et dont plusieurs se
ront ultérieurement mises en
musique.
Charmantes sont
également la romance élé
giaque Conde Claros de Adonis et
des élégies teintées d'une tris
tesse voilée.
Pernette
du Guillet sait rendre
infiniment vivantes les anec
dotes ordinaires de son aven
ture amoureuse, telles la ren
contre, la jalousie, la promesse
d'une visite ou l 'absence .
Sa
liaison platonique et intellec
tuelle se révèle souvent dou
loureuse , le mariage de la
jeune femme plaçant les
amants dans la situation type
de l'amour courtois, c'est-à
dire confrontés à l'impossibi
lité d 'une transgression adul
tère, à laquelle ils se refusent.
Face à l'i naccessible , Pernette
se
livre volontiers à des plain
tes d'une mélancolie émou
vante.
Mais elle sait aussi se
l'abstraction scéviennes,
qu'elle montrer inattendue, malicieu-
UN AMOUR EN POÉSIE
« Celui qui fit pour moi ce )our au monde >> ••• Toute l'œuvre
de Pernette du Guillet témoigne de sa passion pour celui qu'elle appelle son « )our », Maurice Scève, dont elle se plaît à anagrammatiser le nom («vice à se muer»).
De son côté,
le grand poète est profondément et durablement touché par
cet amour d'automne (lors de leur rencontre, il approche de
la quarantaine) .
Cette expérience sentimentale, sensuelle et
spirituelle lui inspire l'œuvre à laquelle il doit sa gloire ,
Délie, obiet de plus haute vertu : « Nature a rassemblé
en elle tous ses dons .
1 A la fois femme et divinité ...
>>
Alors qu'il se montre très secret , Pernette , tout au long de ses
poésies, fait mention de l'identité véritable de celui qu 'elle
aime, et c'est elle qui révèle leur idylle.
Cette passion , qu 'ils
sont contraints (ou s'imposent) de vivre en poésie, Scève la
définit comme un sentiment complexe, qui va de l'aspiration
au platonisme à l 'ardeur des sens, puis à l'apaisement
péniblement acquis.
L'aspiration à un amour noble et pur ,
ainsi que le cheminement vers l'absolu s'expriment avec
la même intensité dans les vers de la poétesse et dans ceux
de son amant, en particulier dans Délie, qui paraît en 1544,
un
an avant la mort de Pernette , fauchée en pleine jeunesse .
Vf.
Libu viuois en J • Auril dt •on aa~
Dt crtrt t'Xtmpt fo•bz ctlk adokfl
Ou fœil , encor non expert dt dom;
Se veit furpris de la tl011lct prtfac:
Q11i par fa ha,Ju , & tlillint excelJ
M'tjlonna l'Amt- , & lt-fens telkm.
Q_ut de fos ytulx l'architr to11t btU
Maliberti luy à toute afferuit :
Et des ct iour continuelkmmt
E~t fa btaulté gift ma morr , & ma
VIl.
Celle beau/tt , qui embellit le Mond
Q.114711l nafquit cellt tn qui •ouran
A i111pri.t tri 1flfllu•im ro1tllt
Non fe~~kment Jts li~ttammn 11ift :
Mais ttlkment tient •es efprits rau
Extrait de Délie , obiet de plus haute vertu.
œuvre de Maurice Scève inspirée par Pernette du Guillet ,
dans une édition de 1544 (Paris, Bibliothèque
nationale).
se, capable de détourner les
thèmes et vocables conven
tionnels avec humour et iro
nie.
Ingénue, libertine parfois ,
elle fait preuve à l'occasion
d'une savoureuse ambiguïté
et se permet d'ex primer sans
emphase « le grand désir du
plaisir admirable».
Au mo
ment où Louise Labé affirme
le droit des femmes à l'étude
des lettres et à l'écrit ure, les
œuvres de ces deux poé
tesses disent le désir au fémi
nin et manifestent une certai
ne forme de libération..
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