GIROUX (Roger)
Publié le 18/01/2019
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GIROUX (Roger), poète français (Lyon 1925-Paris 1974). Bredouiller, chuchoter, murmurer, articuler, prononcer, psalmodier, hurler : ces titres de dessins-propositions de lecture, dans un album du peintre et graveur François Deck, illustrent sans doute la meilleure critique possible (le meilleur code d'usage) de cette œuvre brève, parcimonieuse dans sa forme même. Partie d'une rumination des formes classiques (au premier chef de l'alexandrin) dont sont interrogées les pertinences et l'obsolescence, parcourues les éventualités de reprise et recomposition laissées par leur « vieillesse » (l'Arbre le temps, 1964), l'œuvre en arrive à un éclatement concerté de tous les constituants poétiques (du mot en dernière instance) disposés sur la feuille comme autant de traces impossibles à rassembler : forgeant avec le vide chargé que figure la page presque blanche ce que Bataille aurait nommé « un silence violent ». Née non du constat mais de l'épreuve d'une déchirure à vivre, autobiographique au plus vrai sens (ne trahissant jamais rien de soi dans ses traits ; sachant au contraire, par la plongée au fond de l'intime, abstraire le singulier, donner à sa voix valeur pour tous — sœur en cela d'un autre resserrement poétique : l'œuvre de Paul Celan), l'écriture de Roger Giroux, de ses premières apparitions aux fragments laissés inédits par sa mort, cherche à dire : elle est, jusque dans ses plus tranchantes sorties du langage, poésie du sens. D'un sens qui serait celui de la langue même : comme contenant d'un juste et impossible Heu d'adéquation de l'être et de son expression, si déchiquetée soit-elle. Les poèmes du Giroux des dernières années sont tout entiers saisis par la dislocation. Ils ne peuvent être cités (sinon dans la page comme unité visuelle), échappent à l'oralisation (sinon comprise en « représentation contrariée » du texte). Poésie toujours portée à ses limites, vivant sans réserve le refus de l'esthétisme (la « haine de la poésie »), revenant incessamment sur elle-même, vivant la parole comme une exténuation (« Travailler un texte, c'est lui ôter : des mots, des phrases... le rétrécir le plus possible »). Pour elle, le silence ne se combat pas mais s'atteint (Voici, 1974; Théâtre, 1976; S, 1977; Lieu-je, 1979).
Liens utiles
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