Étroitement lié à l'histoire du socialisme, le syndicalisme a été traversé par les mêmes courants idéologiques et a connu, selon l'état de l'économie et la situation politique, des phases d'expansion et des moments de crise. Reconnus précocement dans certains pays comme les représentants légitimes des travailleurs auprès du patronat et de l'État, les syndicats se sont imposés plus difficilement dans d'autres pays, tels que la France et l'Italie, à la suite de conflits parfois très durs. Depuis la fin des années soixante-dix, la crise économique a mis le syndicalisme à l'épreuve. Le syndicalisme a des origines lointaines antérieures à l'industrialisation, les gens exerçant un même métier ayant éprouvé très tôt le besoin d'une organisation de défense. Les corporations (bien que rassemblant salariés et employeurs), les confréries, les associations, les compagnonnages, les sociétés de secours mutuels peuvent être considérés comme les premières expériences d'organisation professionnelle adaptée à une économie dominée par une structure artisanale. Complétez votre recherche en consultant : Les livres syndicalisme - grève des mineurs en Sibérie, en 1989, page 4992, volume 9 Le syndicalisme ouvrier français Les origines. En réaction à la société de l'Ancien Régime fondée sur les ordres, les corporations furent abolies par la Constituante (décret d'Allarde, de mars 1791). La même Assemblée, par la loi Le Chapelier, votée en juin 1791, interdit rigoureusement toute association, qu'elle soit ouvrière ou patronale, permanente ou temporaire. En dépit de cette loi, à l'époque du Consulat et de l'Empire, des sociétés de secours mutuels et des chambres syndicales patronales furent tolérées. Le Code pénal de 1810 créa cependant le délit de coalition, prévoyant, en cas d'infraction, des peines plus graves pour les salariés que pour les employeurs. Il maintint, en la sanctionnant pénalement, l'interdiction des groupements professionnels. Mais, en raison de l'essor industriel et de l'aggravation des conditions de travail (ainsi que le révèlent les grandes enquêtes ouvrières comme celle de Louis Villermé en 1840), le mouvement d'organisation, clandestin ou toléré, se renforça. Le compagnonnage déclina. Par ailleurs, les mutuelles et les chambres de résistance se multiplièrent en même temps que les insurrections (tout particulièrement celle des canuts lyonnais en 1831) et les grèves. Des espoirs réapparurent avec la révolution de 1848. La répression qui suivit les journées de juin 1848 ne put longtemps faire obstacle à cette tendance à l'organisation. Napoléon III chercha à s'appuyer sur le monde ouvrier, et les associations ouvrières furent tolérées, les grèves elles-mêmes, moins souvent réprimées. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats canuts juin 1848 (journées de) Le Chapelier Isaac René Guy mutualisme - 1.HISTOIRE ouvrier (mouvement) Reconnaissance et développement du mouvement syndical. Deux événements, qui révèlent l'importance des organisations ouvrières, allaient leur donner un nouvel essor. La loi du 25 mai 1864 supprima le délit de coalition. Si l'organisation syndicale demeura interdite, un régime de tolérance s'établit en 1868. Le second événement est la fondation, à Londres, le 26 septembre 1864, de l'Association internationale des travailleurs, dont la section française se développa bientôt. On assista, dès lors, non seulement à la multiplication des chambres syndicales, mais encore à l'organisation de fédérations dans certaines grandes villes. Ainsi furent créées à Paris, à Lyon, à Marseille et à Rouen des Chambres fédérales des sociétés ouvrières, et l'idée d'une fédération élargie fit son apparition. Ce mouvement fut interrompu par la guerre et la répression qui suivit la Commune. En 1872, l'Union syndicale ouvrière de Paris fut dissoute. Cependant, on assista très rapidement à un réveil du mouvement syndical. Dès 1881, on dénombrait cinq cents chambres syndicales dans l'ensemble de la France. Des congrès d'ouvriers se réunirent à Paris en 1876 ; à Lyon en 1878 ; et enfin à Marseille en 1879. Cet essor du mouvement ouvrier alla de pair avec la pénétration des idées socialistes (plus particulièrement sous l'influence de Jules Guesde, qui contribua à répandre la doctrine marxiste). La loi du 21 mars 1884, dite loi Waldeck-Rousseau, accorda finalement le droit d'association aux ouvriers et employés. Deux centrales syndicales apparurent : la Fédération nationale des syndicats (1886), regroupant des syndicats sur le plan professionnel, et la Fédération des Bourses du travail (1892), animée en particulier par Fernand Pelloutier, rassemblant les syndicats sur le plan local. Une organisation unifiée fut enfin créée en 1895 au congrès de Limoges : la Confédération générale du travail (CGT). Elle se donna en 1902 (congrès de Montpellier) une organisation plus structurée. Un tel mouvement ne put échapper aux grands courants politiques et idéologiques de l'époque. L'objectif de l'action syndicale ne se limita ainsi plus à la défense des intérêts professionnels, mais le syndicalisme tendit à mettre en question l'ensemble du régime économique et social. Tel est le sens de la résolution votée au congrès de la CGT, à Amiens, les 13-16 octobre 1906, et connue sous le nom de charte d'Amiens. Cette charte affirme en particulier que la CGT groupe « en dehors de toute école politique tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat ». Cependant, deux courants coexistèrent : un courant anarcho-syndicaliste, qui proclamait l'indépendance du syndicat par rapport aux partis politiques, préconisait l'« action directe » et la grève générale, considérant le syndicat comme la base de la réorganisation sociale ; un courant réformiste, qui ne repoussait la collaboration ni avec les pouvoirs publics ni avec les partis politiques, insistait sur le caractère primordial des revendications immédiates. Employant des formulations différentes, ces deux courants n'allaient jamais cesser de s'affronter dans le mouvement syndical français. En 1912, la CGT, seule centrale syndicale, rassemblait près de 700 000 adhérents, alors que le nombre total des salariés dépassait à cette date le chiffre de 7 millions. Avec la guerre, le mouvement syndical connut un véritable effondrement et le ralliement des dirigeants de la CGT à l'« Union sacrée » aggrava le désarroi du monde du travail. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Allemane Jean anarcho-syndicalisme bourse du travail CGT (Confédération générale du travail) Guesde (Mathieu Jules Basile, dit Jules) Internationale - La IIe Internationale Internationale - La Ire Internationale ouvrier (mouvement) - La diversification des mouvements ouvriers Pelloutier Fernand Pouget Émile Sorel Georges Varlin Louis Eugène Waldeck-Rousseau Pierre Les livres syndicalisme - une bourse du travail à Marseille, au début du siècle, page 4992, volume 9 syndicalisme - obtention du repos hebdomadaire, en 1906, page 4992, volume 9 syndicalisme - manifestation des terrassiers du métro en faveur de la « journée de 8 heures », en 1913, page 4993, volume 9 Le temps des divisions. Un nouvel essor du syndicalisme commença à partir de 1916 et surtout en 1917. Mais la révolution russe, la création de l'Internationale communiste et l'affrontement entre socialistes et communistes eurent une certaine répercussion sur le mouvement syndical lui-même. Au lendemain de la guerre, les effectifs de la CGT augmentèrent rapidement et de grandes grèves éclatèrent (celle des cheminots, en 1920, fut particulièrement importante). Les tendances s'opposèrent avec une violence croissante au sein de l'organisation syndicale pour aboutir en 1921, à la suite du congrès de Tours qui donna naissance au parti communiste, à la scission. À côté de la CGT, et en opposition avec elle, se constitua en 1922 la Confédération générale du travail unitaire (CGTU), qui agissait en liaison étroite avec le parti communiste et qui était favorable à l'Internationale syndicale rouge. Dès lors, l'histoire du mouvement syndical français se caractérisa par une succession de périodes de scission et d'unité. Le Front populaire et les grandes grèves de 1936 contribuèrent à une nouvelle unité au congrès de Toulouse en mars 1936. La CGT unifiée passa de 785 000 membres (total des deux organisations rivales) à environ 4 millions d'adhérents au début de 1937. Puis, en raison des déceptions qui succédèrent à l'enthousiasme de 1936, on observa un tassement des effectifs. La Seconde Guerre mondiale et les conséquences du traité germanosoviétique entraînèrent une nouvelle crise, marquée par l'expulsion des syndicats à direction communiste. La CGT fut elle-même dissoute par le gouvernement de Vichy (décret du 9 novembre 1940), et la « Résistance syndicale » s'organisa sous des formes diverses. En octobre 1943, par les accords dits du Perreux, l'unité de la CGT fut reconstituée dans la clandestinité ; le syndicat participa en tant que tel au Conseil national de la Résistance. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats CGT (Confédération générale du travail) communiste (parti) - Le parti communiste français Conseil national de la Résistance (CNR) Frachon Benoît grève Internationale - La IIe Internationale Internationale - La IIe Internationale Tours Les livres ouvrier (mouvement) - manifestation devant la Bourse du travail à Paris, le 1er mai 1906, page 3650, volume 7 ouvrier (mouvement) - cortège de manifestants en 1936, page 3650, volume 7 syndicalisme - affiche antiparlementaire, en 1920, page 4993, volume 9 syndicalisme - affiche de la CGT à l'occasion de la fête du 1er mai 1936, page 4994, volume 9 syndicalisme - la délégation de la CGT, conduite par Léon Jouhaux, arrivant à l'hôtel Matignon, en juin 1936, page 4994, volume 9 Depuis 1945. Au lendemain de la Libération, la CGT apparaissait comme une organisation puissante, forte en 1945 de 5,5 millions d'adhérents, avec à sa direction deux hommes qui représentaient les deux courants dominants : le militant communiste Benoît Frachon et Léon Jouhaux, nommé, dès 1909, au secrétariat général de la CGT. Mais, avec la guerre froide, une nouvelle scission se produisit : une minorité se constitua en tendance autonome et forma, en avril 1948, une nouvelle centrale, la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO). Entre-temps, un autre mouvement syndical était apparu : à partir de 1884 s'étaient formés des syndicats chrétiens. Cependant, malgré l'appui que leur apportait l'encyclique Rerum novarum, ces syndicats restaient isolés et n'influencèrent guère que le monde des employés. C'est le 2 novembre 1919 que fut créée la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Elle se développa d'abord avec une certaine lenteur, puis, l'évolution de l'Église aidant, elle connut elle aussi un accroissement de ses effectifs. Dissoute, comme la CGT, en novembre 1940, elle participa au mouvement de la Résistance syndicale, mais repoussa, en 1945, toutes les propositions de fusion qui lui furent faites par la CGT. En novembre 1964, elle décida d'abandonner la référence chrétienne et elle devint la Confédération française et démocratique du travail (CFDT). Toutefois, quelques syndicats n'acceptèrent pas cette décision et s'efforcèrent de maintenir en vie la CFTC. Ces différentes centrales syndicales ont étendu leur recrutement au monde des services publics et des fonctionnaires. Le droit syndical a été officiellement accordé aux fonctionnaires par la loi du 19 octobre 1946. Du fait des scissions à l'intérieur de la CGT, il s'est constitué un mouvement syndical particulier chez les enseignants. La Fédération de l'éducation nationale (FEN) était, en 1947, confédérée à la CGT ; afin de maintenir son unité, elle devint une fédération autonome, à la différence du Syndicat général de l'éducation nationale (SGEN), qui fait partie de la CFDT. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bergeron André CFDT (Confédération française démocratique du travail) CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) CGT (Confédération générale du travail) Descamps Eugène FEN (Fédération de l'Éducation nationale) FO ou CGT-FO (Confédération générale du travail-Force ouvrière) Frachon Benoît Jouhaux Léon Maire Edmond Séguy Georges Tessier Gaston Zirnheld Jules Les livres syndicalisme - les mineurs de Carmaux en grève, en 1948, page 4994, volume 9 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Amiens anarcho-syndicalisme CFDT (Confédération française démocratique du travail) CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) CGT (Confédération générale du travail) Code pénal Commune de Paris (1871) corporations FO ou CGT-FO (Confédération générale du travail-Force ouvrière) Frachon Benoît Front populaire Guesde (Mathieu Jules Basile, dit Jules) Jouhaux Léon Le Chapelier Isaac René Guy Lyon Maire Edmond Matignon (accords) Pelloutier Fernand socialisme - Le parti socialiste en France Vienne [Haute-] (87) Waldeck-Rousseau Pierre Le syndicalisme ouvrier hors de France Dans chaque pays, le mouvement syndical est apparu et s'est développé avec des caractères particuliers. Grande-Bretagne. C'est en Grande-Bretagne (en raison de l'avance de l'industrie britannique) que les syndicats (trade unions) sont d'abord apparus. En 1825, ils furent légalisés et, en 1833, se constitua, sous l'influence de Robert Owen, le Great Consolidated Trade Union (« Grande Union consolidée des métiers »), avec pour but une transformation radicale de la société. Mais ce mouvement fut sévèrement réprimé. Après un nouvel échec du chartisme, le mouvement ouvrier britannique s'orienta vers un syndicalisme avant tout corporatif. En 1871, la légalité des Trade Unions fut définitivement reconnue par le gouvernement. La spécificité du syndicalisme britannique tient au fait qu'il est à l'origine du parti travailliste, créé en 1906, avec lequel il entretient depuis le début du XXe siècle d'étroites relations. L'organe suprême est le Trade Union Congress (TUC), constitué en 1868. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bevin Ernest chartisme ouvrier (mouvement) - Les premières agitations ouvrières Owen Robert trade-union travailliste (parti) Les livres syndicalisme - grève des mineurs au pays de Galles, en 1985, page 4995, volume 9 États-Unis. Aux États-Unis, le syndicalisme se développa à la fin du XIXe siècle, d'abord par un syndicalisme de métier qui visait surtout à défendre les ouvriers qualifiés contre les ouvriers non qualifiés. Deux confédérations se formèrent, l'American Federation of Labor (AFL), qui date de 1886, et le Congress of Industrial Organization (CIO), né en 1938 d'une scission à l'intérieur de l'AFL. Au lendemain de la guerre, une loi votée en 1947 (loi Taft-Hartley) restreignit les droits des syndicats. Après une longue période de rivalité, les deux centrales syndicales fusionnèrent en 1955 au sein de l'AFL-CIO. La fonction essentielle des syndicats, aux États-Unis, est de négocier avec les chefs d'entreprise des conventions collectives, dans lesquelles sont insérés parfois des accords collectifs. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats AFL-CIO (American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations) Gompers Samuel Lewis John Llewellyn Les livres syndicalisme - fin de la grève des ouvriers de la General Motors à Flint (Michigan), en 1937, page 4995, volume 9 Italie et Espagne. L'Italie et l'Espagne partagent avec la France un certain nombre de traits communs : ancienne tradition anarcho-syndicaliste, politisation des syndicats, pluralisme syndical. Ainsi, le syndicalisme italien, qui s'était orienté à partir de 1906 vers le réformisme avec la création de la CGIL, a également connu une scission dès 1912 avant d'être interdit ou englobé dans le corporatisme fasciste. Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement syndical fut reconstitué, mais se divisa en trois organisations proches des trois principales composantes de la vie politique : CGIL (communiste-socialiste), CISL (démocrate-chrétienne), UIL (sociale-démocrate). En Espagne, l'UGT créée en 1888 et liée au parti socialiste dut, quant à elle, faire face à la puissance hors du commun de la centrale anarchiste CNT fondée en 1910. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats anarcho-syndicalisme Les livres syndicalisme - grève de conducteurs de tramways à Milan, en 1969, page 4995, volume 9 Allemagne. En Allemagne, à partir de 1868, ainsi que dans la plupart des pays scandinaves, le syndicalisme a profondément été marqué par la social-démocratie. Optant dès ses origines pour un réformisme graduel, le syndicat s'est imposé comme le seul interlocuteur légitime pour les pouvoirs publics et le patronat, cela d'autant plus facilement que les partis sociaux-démocrates étaient au pouvoir. Des syndicats tels que LO (Lands Organisationen, créé en 1903) en Suède ou l'ADGB (Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund, fondé en 1898) en Allemagne ont ainsi acquis un pouvoir de négociation beaucoup plus grand que celui des syndicats français, italiens ou espagnols. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats DGB (Deutscher Gewerkschaftsbund) Les livres syndicalisme - grève d'avertissement d'IG Metall en Allemagne, en 1992, page 4995, volume 9 Le syndicalisme dans les pays communistes. En Russie, le syndicalisme fut suspecté par les marxistes radicaux, et d'abord par Lénine, de détourner le prolétariat de la lutte des classes, qui devait être dirigée par le parti organisant des ouvriers conscients. Le syndicalisme se développa surtout après la révolution de 1905, qui provoqua la naissance des soviets, forme d'organisation autonome du prolétariat, dont les revendications étaient autant professionnelles que politiques. Face à ces organisations, Lénine et les bolcheviks avaient la même attitude : il fallait chercher à en assurer le contrôle par le parti, notamment en constituant en leur sein des « noyaux » communistes. Mais, avant la révolution d'octobre 1917, les bolcheviks avaient moins de poids dans les syndicats que leurs rivaux mencheviks, et certains syndicats s'opposèrent à la prise du pouvoir par le parti bolchevik (qui, en 1918, changea son nom pour celui de parti communiste) et furent sévèrement réprimés. Les syndicats furent insérés dans le système du parti unique, et il fut même question de les militariser en 1921. Cette solution extrême, préconisée par Trotski, fut repoussée, mais les syndicats soviétiques, au lieu d'être les instruments de la lutte des ouvriers, devinrent des « courroies de transmission » entre le pouvoir dictatorial et les masses. Cette fonction d'encadrement s'étendit avec les progrès de l'emprise totalitaire du parti-État sur la société civile : l'adhésion aux syndicats soviétiques, dont le modèle fut repris dans tous les pays communistes européens et asiatiques, était obligatoire : ils assuraient des fonctions de surveillance et de contrôle sur les ouvriers, et tous les moyens d'action qu'utilisent les syndicats dans les pays démocratiques (grève, manifestation) étaient interdits. Il a existé cependant, dans l'illégalité, des mouvements ouvriers et des tentatives de syndicalisation : en Hongrie, les ouvriers furent nombreux à s'insurger contre le pouvoir communiste en 1956 et, en Pologne, ils furent à la pointe du combat contre le parti. En décembre 1970 se produisit une véritable insurrection ouvrière sur les côtes de la Baltique et en 1973 fut créé le KOR (Comité de défense des ouvriers), un des foyers de l'action syndicale non officielle d'où devait naître le syndicat libre Solidarité (Solidarno??), dont Lech Wa?esa fut élu président en 1980. Solidarno?? mobilisait toute la société civile et mettait en avant des exigences politiques et civiques, comme la reconnaissance du droit d'association. Avec la décomposition de l'URSS, commencée en 1985 avec la perestroïka lancée par Mikhaïl Gorbatchev, des formes d'organisation collective réapparurent : en juillet 1989, les mineurs de Sibérie entreprirent une grève en dehors, bien sûr, des syndicats officiels, et, le 9 octobre, une loi reconnaissant le droit de grève fut adoptée tandis que se constituait un Front uni des travailleurs, qui renouait avec le syndicalisme libre. Parmi les mesures prises en novembre 1991 dans la Fédération de Russie et allant dans le sens de la privatisation et de la libéralisation de l'économie, le partenariat social en matière de conflits du travail a été institué. C'est là un type de dispositif fréquent en dehors des pays communistes et notamment en France. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats léninisme menchevik Solidarité soviet Trotski (Lev en français Léon, Davidovitch Bronstein, dit) Walesa Lech Les livres syndicalisme - grève à Gdansk, en Pologne, en 1980, page 4996, volume 9 syndicalisme - grève des mineurs en Sibérie en 1989, page 4996, volume 9 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats AFL-CIO (American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations) anarcho-syndicalisme chartisme CISL (Confédération internationale des syndicats libres) DGB (Deutscher Gewerkschaftsbund) menchevik socialisme - Les partis socialistes en Europe trade-union Walesa Lech Le syndicalisme non ouvrier en France Si le syndicalisme ouvrier, étendu aux fonctionnaires, apparaît comme le plus important des mouvements syndicaux, d'autres catégories sociales ont, pour assurer la défense de leurs intérêts, créé des organisations syndicales de plus en plus diversifiées et de plus en plus puissantes. Chaque catégorie professionnelle tend à constituer sa propre organisation syndicale. La Confédération générale des cadres (CGC), devenue en 1981 Confédération française de l'encadrement (CFE-CGC), comprend non seulement les ingénieurs et les cadres, mais aussi les représentants et les agents de maîtrise et techniques. Mais, en France, le fait le plus significatif est le développement du mouvement syndical dans les milieux paysans et étudiants. Dans le monde paysan, l'organisation syndicale a une tradition déjà ancienne. Après le vote de la loi de 1884, de nombreux syndicats agricoles se sont constitués (sans parler des salariés de l'agriculture qui adhèrent aux centrales ouvrières). Toutefois, c'est après la Seconde Guerre mondiale que le syndicalisme agricole trouva sa véritable expression avec la création de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Dans le monde étudiant, l'organisation syndicale est ancienne puisque l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) est née à Lille en 1907. Mais ce n'est qu'en 1945 (congrès de Grenoble) que l'UNEF prit le caractère d'un mouvement syndical étudiant. Elle a d'abord été la seule organisation représentative des étudiants ; mais, en raison de certaines de ses orientations politiques (par rapport à la guerre d'Algérie et des événements de mai 1968), elle a vu surgir à côté d'elle, et parfois en opposition avec elle, d'autres organisations étudiantes. À l'intérieur même de l'UNEF, une scission est apparue en 1971, et l'organisation a perdu une grande part de son influence. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats CFE-CGC (Confédération française de l'encadrement) CNPF (Conseil national du patronat français) FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) UNEF (Union nationale des étudiants de France) Zirnheld Jules Les moyens d'action Le syndicalisme a plusieurs moyens d'action : pétitions, délégations, manifestations de rue. Il peut utiliser des moyens violents : bris de machine (mouvement luddiste), sabotage. Mais son moyen spécifique est la grève : la lutte pour la reconnaissance du droit de grève fut un des axes essentiels du combat syndical au XIXe siècle. La grève permet d'exercer une pression forte sur les patrons qui recourent, quant à eux, à des techniques diverses visant à en contrer les effets : utilisation de « jaunes » et lock-out notamment. Mais, progressivement, des règles du jeu se sont dégagées : la grève est devenue légale, tandis que l'outil de travail est préservé. En Grande-Bretagne, la pratique du piquet de grève (picketing) a été autorisée dès 1875 : le piquet de grève est un moyen rationnel d'obliger les individus à coopérer dans une action collective. C'est en effet un des problèmes essentiels de l'action syndicale : les ouvriers non grévistes bénéficient des avantages arrachés par les grévistes, et il existe toujours des travailleurs excédentaires sans emploi prêts à briser les grèves. C'est ce qui a conduit au système du closed shop très important aux États-Unis : moyennant certaines garanties quant aux actions collectives, les patrons n'engagent que des ouvriers syndiqués. En France, cette situation est exceptionnelle et ne concernait plus, en 1992, que le syndicat CGT du Livre, une loi suivie de négociations dans chaque port ayant mis fin, cette année-là, au monopole de l'embauche des dockers par le syndicat CGT. Ainsi, dans certaines conditions, patrons et syndicats peuvent profiter tous deux de l'absence de concurrence sur le marché du travail et remettre en cause, ensemble, la liberté d'association. Dans certains cas, l'action syndicale touche moins un patron qu'elle ne pénalise des usagers : c'est le cas dans les services (transports, postes), où l'action syndicale a été progressivement réglementée (dépôt d'un préavis de grève, service minimal) depuis les années soixante. Dans certains pays, les syndicats ont eu recours à la grève avec occupation d'usine. Cette forme d'action a été développée en 1920 en Italie, en 1936 (Front populaire) et en mai-juin 1968 en France. Les syndicats ont été dans ce cas concurrencés par des formes d'organisation à la base, qui ont parfois dénoncé leur modération ou leur caractère bureaucratique. L'organisation syndicale peut, en outre, obéir à des modèles variés. Certains syndicats rassemblent tous les salariés (CGT, FO, CFDT, CFTC) ; d'autres, certaines catégories de salariés (les personnels enseignants et techniques de l'Éducation nationale à la FEN). Une structuration par branche de métier (chimie, transports) conduit souvent à une structure fédérale. Mais celle-ci peut être croisée avec une structure territoriale : en France, la CGT est organisée en branches, mais aussi en unions départementales. Généralement, en plus des cotisations de leurs adhérents (dont certains sont retraités), les syndicats bénéficient de subventions étatiques dans la mesure où ils participent à la vie économique et sociale de la nation. Dans certains cas, ils peuvent être liés à des mutuelles ou à des associations diverses qui permettent un véritable encadrement de la classe ouvrière. C'est là une des forces des syndicats liés à la social-démocratie en Europe du Nord. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats CFDT (Confédération française démocratique du travail) CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) CGT (Confédération générale du travail) comité d'entreprise entreprise - Entreprise et pouvoir - Pouvoir social grève lock-out manifestation militantisme négociation Une situation contrastée La France est, parmi les pays d'Europe, celui où le taux de syndicalisation est le plus faible, avec l'Espagne. On estime qu'il n'est guère supérieur à 10 % des salariés (ce taux étant plus élevé dans le secteur public), alors qu'il dépasse 85 % en Suède (taux le plus élevé du monde). Les cinq grandes confédérations syndicales ont reculé aux élections professionnelles et le taux d'abstention a augmenté aux élections prud'homales de 1992 (autour de 60 % en moyenne). La faiblesse du militantisme syndical est ancienne, mais elle a été accentuée par la crise économique, qui entraîne une augmentation du chômage, la baisse des effectifs salariés s'observant tout spécialement dans l'industrie issue du XIXe siècle : métallurgie lourde, mines, chantiers navals, textile. De plus, la dégradation des conditions économiques n'est pas un facteur de mobilisation de ceux qui en sont victimes : le taux de syndicalisation et la participation à des actions collectives (grèves en particulier) diminuent quand leur efficacité décroît. C'est en période d'expansion économique que les syndicats ont connu en France leur plus grande force, qui a culminé lors des événements de mai 1968. À l'inverse, quand le rapport de force leur est défavorable, les syndicats ont beaucoup plus de difficultés à mobiliser, ce qui a conduit à une diminution régulière du nombre de conflits à partir des années quatre-vingt. Parallèlement à cet affaiblissement du syndicalisme traditionnel, on constate une augmentation des conflits corporatistes, c'est-à-dire de ceux qui visent à la défense exclusive des intérêts spécifiques à un métier (instituteurs, infirmières, camionneurs), sans considération de l'intérêt de l'ensemble des salariés. Des syndicats s'alignent parfois totalement sur ce type de revendications et tendent, non sans difficulté, à fédérer des groupes d'intérêt. On peut considérer cette crise comme un effet de la crise de l'Étatprovidence qui sévit depuis les années soixante-dix : la fin de la prospérité économique généralisée conduit en effet chaque groupe à se défendre. Des syndicats ouvriers peuvent du reste fonctionner sur une base strictement corporatiste : c'est le cas de certains syndicats dits « autonomes », qui visent à défendre une catégorie donnée (ainsi, il existe des syndicats autonomes dans les transports en France : RATP, SNCF, pour défendre des employés exerçant des métiers spécifiques). Enfin, dans certains cas, les syndicats traditionnels sont remis en question par les militants eux-mêmes. En 1992, à la suite d'un désaccord profond entre le Syndicat national des instituteurs (SNI) et les syndicats de l'enseignement secondaire, la Fédération de l'Éducation nationale (FEN) a exclu les opposants, mais sa rivale, fondée l'année suivante, la Fédération syndicale unitaire (FSU), l'a emporté aux élections de 1996. À la CFDT, plusieurs membres, refusant à la fin des années quatre-vingt le recentrage imposé par Edmond Maire, créent aux PTT le premier syndicat SUD (Solidaires, unitaires et démocratiques). Depuis lors, cette formation, qui constitue un ensemble très souple de syndicats indépendants, est présente à France Telecom, dans les banques, au Trésor et, après le mouvement social de la fin 1995, à la SNCF. S'opposant au syndicalisme positif de la secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat, SUD a été aux avant-postes de plusieurs grèves. Il reste minoritaire au sein d'un syndicat qui est aujourd'hui à la tête de la Caisse nationale d'assurance maladie, mais il est arrivé en deuxième position à La Poste et à France Telecom en 1996. Une autre minorité, regroupée au sein du courant « Tous ensemble », s'oppose aussi de l'intérieur à la ligne novatrice de la centrale. De son côté, le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Marc Blondel, même réélu, doit affronter la montée en puissance de ceux qui n'admettent pas le rapprochement opéré avec la CGT à partir de 1995. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats ASSEDIC (Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce) Auroux (lois) FEN (Fédération de l'Éducation nationale) Grenelle (accords de) mai 1968 (événements de) RATP (Régie autonome des transports parisiens) relations industrielles salaire Sécurité sociale Les livres syndicalisme - grève des camionneurs contre le permis à points, en 1992, page 4997, volume 9 Le syndicalisme institutionnel. La crise du syndicalisme n'a pas effacé l'importance institutionnelle, qu'il possède. Les comités d'entreprise, dont les élus sont essentiellement des responsables syndicaux, ont vu leur rôle renforcé. Votés par le Parlement français en août et novembre 1982, les lois Auroux (du nom du ministre qui les a défendues devant les deux Chambres) ont étendu les pouvoirs des représentants des salariés : ils peuvent accéder aux comptes de l'entreprise ; les comités d'hygiène, sécurité et conditions de travail ont des prérogatives élargies ; il existe une obligation d'ouvrir chaque année une négociation sur les salaires et les conditions de travail dans l'entreprise et tous les cinq ans dans chaque branche professionnelle ; enfin, des comités d'expression doivent permettre aux salariés de prendre la parole au sein de l'entreprise. D'autre part, en France, plusieurs institutions et organismes jouant un rôle social central reposent sur les syndicats : ainsi, les tribunaux chargés de régler les litiges du monde du travail (conseil de prud'hommes) comprennent des juges non professionnels élus sur des listes syndicales ; dans la fonction publique, la gestion des carrières des fonctionnaires dépend de commissions paritaires composées de représentants des syndicats et de l'Administration ; l'indemnisation du chômage est du ressort des caisses cogérées par les organisations syndicales et patronales (UNEDIC) ; la Sécurité sociale, élément clef de l'équilibre social en France, est structurée par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) où siègent les syndicats. Si l'idée de cogestion, c'est-à-dire de gestion par entente entre patronat et salariés, a surtout été appliquée en Allemagne, on peut néanmoins parler d'une coresponsabilité des acteurs, souvent qualifiés, pour cette raison, de « partenaires sociaux ». Affaibli et contesté, le syndicalisme reste ainsi un mode central de régulation des sociétés industrielles. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Auroux (lois) comité d'entreprise prud'hommes (conseil de) relations industrielles Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bergeron André bourse du travail chômage corporatisme gauche grève groupe de pression idéologie Internationale mutualisme - 1.HISTOIRE négociation ouvrier ouvrier (mouvement) prolétariat revendication social-démocratie Sorel Georges Les indications bibliographiques G. Alezard, L. Brovelli, G. Delahaye et J.-M. Le-terrier, Faut-il réinventer le syndicalisme ?, Archipel, Paris, 1995. G. Bibes et R. Mouriaux (sous la direction de), les Syndicats européens à l'épreuve, Paris, PFNSP, 1990. P. de Laubier, Histoire et sociologie du syndicalisme XIXe -XXe siècle, Paris, Masson, 1985. M. Launay, le Syndicalisme en Europe, Imprimerie nationale, Paris, 1990. R. Mouriaux, le Syndicalisme en France, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1994 (1992).