Au moment même où les moines de Cîteaux rénovaient la vieille règle bénédictine, l'Occident médiéval s'enflamma, en un vaste élan mystique et chevaleresque, pour la délivrance des Lieux saints de Palestine occupés par les infidèles.

Au moment même où les moines de Cîteaux rénovaient la vieille règle bénédictine, l'Occident médiéval s'enflamma, en un vaste élan mystique et chevaleresque, pour la délivrance des Lieux saints de Palestine occupés par les infidèles. De cette aventure militaire éphémère, bientôt pervertie par les rivalités d'États et par le goût des ors de Byzance, le Moyen Âge devait extraire un idéal chrétien qui, transmis par la littérature épique (« le Cycle de la croisade «), influença durablement la société occidentale. Les croisades furent les expéditions militaires organisées par l'Europe chrétienne entre 1096 et 1291 pour soustraire Jérusalem, ainsi que tous les lieux associés à des événements de la vie terrestre du Christ, à la domination musulmane ; les historiens dénombrent traditionnellement huit grandes croisades, mais des opérations de moindre envergure eurent lieu tout au long des XIIe et XIIIe siècles. Le déroulement des croisades La première croisade : 1096-1099. En 1095, l'empereur byzantin Alexis Comnène, déjà habitué à faire appel à des mercenaires occidentaux, fit demander au pape Urbain II, lors du concile de Plaisance, une aide militaire contre les Turcs Seldjoukides. Le pape décida alors la croisade au cours du concile de Clermont (novembre 1095). Byzance recherchait un appui purement militaire, visant à protéger ses frontières, mais en Occident s'était développée une spiritualité du pèlerinage qui conféra à la prise d'armes un contenu religieux : la guerre défensive fut perçue comme une guerre sainte et toutes les classes de la société répondirent avec enthousiasme à cet appel à l'aide. Un premier contingent composé d'hommes du peuple, conduit par Pierre l'Ermite et Gautier Sans Avoir, se fit massacrer par les Turcs en 1096. L'armée des chevaliers assiégea Nicée, qui fut rendue aux Byzantins en juin 1097, fit la conquête d'Antioche (1098) puis celle de Jérusalem (1099), dont la population fut massacrée. Avec Édesse et Tripoli, ces territoires constituèrent ce qu'on appelle les États latins du Levant. Le royaume de Jérusalem eut pour chef Godefroi de Bouillon. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Syrie - Histoire - La Syrie arabe La deuxième croisade : 1147-1149. La prise d'Édesse par les musulmans en 1145 et le désir du roi de France Louis VII de se rendre à Jérusalem en pèlerinage débouchèrent sur la deuxième croisade. Celle-ci fut décidée par le pape Eugène III et prêchée par Bernard de Clairvaux, qui convainquit l'empereur germanique Conrad III de joindre ses forces à celles de Louis VII. Divisés et incapables de s'entendre avec l'empereur byzantin Manuel Comnène, les croisés échouèrent face à l'atabeg d'Alep, N?r ad-D?n. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Syrie - Histoire - La Syrie arabe La troisième croisade : 1189-1192. La reconquête de Jérusalem par Saladin (Sal?h ad-D?n), successeur de N?r ad-D?n, en 1187, déclencha la troisième croisade, conduite par les grands souverains occidentaux : l'empereur Frédéric Ier Barberousse, le roi de France Philippe II Auguste et le roi d'Angleterre Richard Ier Coeur de Lion. Les croisés conquirent Chypre et Acre et reconstituèrent le royaume de Jérusalem, réduit à une frange côtière, puis négocièrent une trêve avec Saladin. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Clément - Clément III Les livres croisades - Jérusalem reprise par Saladin, page 1326, volume 3 croisades - Richard Ier Coeur de Lion assistant à la décapitation de prisonniers turcs, en 1191, page 1327, volume 3 La quatrième croisade : 1202-1204. Le pape Innocent III, pour asseoir l'autorité pontificale, prit l'initiative d'une nouvelle croisade, prêchée par Foulques de Neuilly et dirigée par Thibaut III de Champagne puis par Boniface de Montferrat. Venise proposa son aide contre la promesse de conquérir la ville dalmate de Zadar occupée par les Hongrois. Malgré l'interdiction d'Innocent III et l'opposition d'une partie des croisés, Zadar fut prise en novembre 1202. La quatrième croisade était initialement dirigée contre l'Égypte. Mais, à la demande d'Alexis Ange, fils de l'empereur byzantin Isaac II Ange, qui avait été renversé par son frère, l'armée se dirigea sur Constantinople, où elle rétablit Isaac II en juillet 1203. Après une révolte de la population grecque, les croisés et les Vénitiens s'emparèrent du pouvoir à Constantinople et se partagèrent l'Empire byzantin. Ce fut donc la première des croisades « déviées « du XIIIe siècle, aux buts plus politiques que religieux. L'idéal de la croisade demeura cependant vivace dans les mentalités, surtout parmi les classes populaires. Cet idéal s'exprima lors d'expéditions vouées à l'échec comme la croisade des enfants en 1212. Des milliers de pèlerins français et allemands, qui étaient pour la plupart des bergers, moururent en se rendant en Palestine. Complétez votre recherche en consultant : Les livres croisades - la prise de Constantinople par les Croisés en 1203, page 1327, volume 3 La cinquième croisade : 1217-1221. Innocent III promulgua de nouveau la croisade en 1213 en raison de la menace que faisait peser sur Acre la forteresse construite sur le mont Thabor par al-Mal?k al-'?dil, frère de Saladin, en 1210. Cette croisade, animée par André II de Hongrie et par le duc d'Autriche Léopold VI qui débarquèrent à Acre, n'eut aucun résultat concret, excepté la prise éphémère de Damiette par Jean de Brienne, roi de Jérusalem. Mais l'armée des croisés, encerclée, dut rendre la ville au sultan. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Jacques de Vitry La sixième croisade : 1228-1229. Bien qu'excommunié, l'empereur germanique Frédéric II, qui avait épousé l'héritière du royaume de Jérusalem, prit la tête d'une nouvelle croisade, et conclut avec le sultan alMal?k al-K?mil le traité de Jaffa (11 février 1229), par lequel la ville de Jérusalem était restituée aux Latins, à l'exception de l'emplacement du Temple et des mosquées d'Omar et d'Al-Aqs?. La septième croisade : 1248-1254. La ville sainte de Jérusalem ayant été reprise par les musulmans en 1244, le pape Innocent IV lança une nouvelle croisade, dont le roi de France Louis IX (Saint Louis) prit la direction. L'armée ne put partir qu'en 1248, reprit Damiette en 1249 et tenta vainement de s'emparer de la place forte d'Al-Mans?rah en 1250. La famine et l'épidémie obligèrent Louis IX à capituler et le roi fut emprisonné. Ayant dû restituer Damiette en échange de sa libération, il gagna la Syrie, où il resta quatre ans avant de rentrer en France en 1254. Complétez votre recherche en consultant : Les livres croisades - retraite des croisés vers Damiette et capture de Saint Louis en 1250, page 1327, volume 3 France - Saint Louis s'embarquant à Aigues-Mortes pour la septième croisade, page 2006, volume 4 La huitième croisade : 1270. Menacés par le sultan mamelouk Baybars Ier , les États latins ne cessèrent d'appeler l'Occident à l'aide. Louis IX, voulant effacer l'échec de sa première expédition, organisa la dernière grande croisade. Mais, ayant à peine débarqué à Tunis en 1270, il mourut et l'armée française, conduite par son frère Charles d'Anjou, roi de Sicile, se retira aussitôt. Le prince Édouard d'Angleterre obtint de Baybars Ier le renouvellement des trêves. Les Mamelouks d'Égypte grignotèrent cependant les territoires latins. La chute d'Acre en 1291 marqua la fin de l'époque des croisades. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Jean - BRETAGNE - Jean Ier le Roux Syrie - Histoire - La Syrie arabe Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Achaïe Alexis - Alexis Ier Comnène Ange Antioche arabe (monde) - Histoire - Les envahisseurs successifs Baudouin - Baudouin Ier Bernard de Clairvaux Brienne (Jean de) Byzance - Histoire - L'Empire hellénique (717-1204) Byzance - Histoire - La dernière renaissance (1204-1453) Chypre Chypre - Histoire Clermont-Ferrand Conrad - Conrad III de Hohenstaufen Constantinople Damiette Édesse Empire latin d'Orient Empire romain d'Orient Eugène - Eugène III de Pise Foucher de Chartres Frédéric - EMPIRE D'ALLEMAGNE - Frédéric Ier de Hohenstaufen Frédéric - EMPIRE D'ALLEMAGNE - Frédéric II de Hohenstaufen Godefroi de Bouillon Innocent - Innocent III Isaac - Isaac II Ange islam - Religion - L'expansion de l'islam - Le temps des Empires Jérusalem Liban - Histoire - La conquête arabe Louis - FRANCE - Louis IX ou Saint Louis Moyen Âge - Les limites géographiques du monde médiéval Nicée pèlerinage Philippe - FRANCE - Philippe II Auguste Pierre l'Ermite Raymond - Raymond IV Richard - Richard Ier Coeur de Lion Robert - ARTOIS - Robert Ier, dit le Vaillant Saint-Jean-d'Acre Saladin Ier Seldjoukides Tancrède de Hauteville Thabor (mont) Tripoli Urbain - Urbain II Villehardouin (Geoffroi de) Les livres croisades - les trois premières croisades, page 1324, volume 3 croisades du XIIIe siècle (les), page 1325, volume 3 Organisation matérielle de la croisade La croisade ne s'est dotée que progressivement d'institutions codifiées. Le croisé s'est d'abord équipé à ses propres frais, comme n'importe quel pèlerin. Mais, au cours du XIIe siècle, les règles de la féodalité ont inclus la croisade dans l'« aide aux quatre cas «, c'est-à-dire les quatre circonstances pour lesquelles un seigneur pouvait exiger de ses vassaux une contribution financière. De même, les souverains prélevèrent des dîmes (notamment la « dîme saladine « de 1188). Par ailleurs, les croisades ont favorisé le développement des pratiques bancaires, particulièrement dans les villes italiennes. Le commandement militaire fut assuré par des conseils de barons, même lorsqu'un chef était désigné. Les armées se débarrassèrent rapidement des éléments populaires qui avaient caractérisé la première croisade et compromis sa réussite, pour n'être plus constituées que de chevaliers et d'une infanterie de plus en plus importante au XIII e siècle. Dès la fin du XII e siècle, on préféra traverser la mer Méditerranée en bateau plutôt que de la contourner par voie terrestre ; aussi des progrès furent-ils accomplis dans la construction navale. Le statut juridique des croisés fut défini en 1145 par la bulle Quantum praedecessores, qui les plaça sous la protection de l'Église ; ils relevaient donc des tribunaux ecclésiastiques et ne devaient plus rien à leur seigneur ni au roi tant qu'ils étaient à la croisade. Le pape fut toujours le chef spirituel de la croisade, mais il en confia souvent la prédication à autrui, notamment à des légats pontificaux. Tout croisé était réputé être « soldat du Christ « : la croix cousue sur ses vêtements était le signe par lequel Dieu le chargeait de représenter le royaume des cieux. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats dîme Conséquences historiques des croisades Les États issus de la conquête se dotèrent d'une législation de type occidental et féodal, avec toutefois quelques emprunts au substrat musulman et quelques influences byzantines. Aux atrocités de la première croisade succéda une relative tolérance envers les non-chrétiens. Les croisades donnèrent naissance à trois grands ordres militaires et religieux, qui, par la suite, contribuèrent beaucoup à la défense et à l'expansion de la chrétienté : Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, Templiers, chevaliers Teutoniques. Les Hospitaliers existaient en fait depuis 1050, et ils eurent uniquement, à l'origine, un rôle d'accueil et de protection des pèlerins. Les Templiers se dotèrent d'une règle en 1128 ; leur rôle, d'abord militaire, devint rapidement financier. La population franque se concentra dans les villes et ne se mêla que peu à la population locale ; les Latins nés en Orient reçurent le nom de « poulains «. On ne peut pas dire qu'il y ait eu brassage de civilisations, mais plutôt juxtaposition. Les Occidentaux s'adaptèrent à un monde plus urbanisé que le leur et à un nouveau milieu naturel, mais il y eut peu d'influences réciproques. C'est par l'Espagne que l'Occident acquit une meilleure connaissance de l'isl?m, plutôt que par le biais des croisés, même si certains d'entre eux furent amenés à parler couramment l'arabe. Les Latins introduisirent tels quels les styles artistiques et architecturaux qui prévalaient chez eux (krak des Chevaliers, dans le comté de Tripoli), ne faisant que des emprunts de détail à Byzance et à l'isl?m. L'influence sur la civilisation occidentale fut très faible, si ce n'est que la croisade devint un thème littéraire fréquemment traité dans les chroniques et les chansons de croisade, qui exhortaient au départ ou exposaient le dilemme entre l'amour terrestre et le devoir de chrétien. Cependant, la croisade, qui justifiait dans des circonstances bien précises l'activité guerrière, imprégna durablement la mentalité occidentale, en dépit des vives critiques que suscita au XIIIe siècle la « déviation « des croisades vers des buts plus politiques que religieux (croisade des albigeois, expéditions papales dirigées contre l'empereur). Aujourd'hui encore, le terme même de croisade est employé pour désigner une action d'envergure qui vise un but élevé, voire humanitaire. L'histoire des croisades ne s'est étendue que sur deux siècles et a surtout abouti à des massacres et à l'érection de quelques monuments architecturaux ; mais l'idéal de croisade est resté vivace jusqu'à l'époque moderne, et les croisades demeurent le témoignage du développement économique et culturel de l'Europe des XIIe et XIIIe siècles. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats albigeois hospitaliers (ordres) krak des Chevaliers Saint-Jean-de-Jérusalem, de Rhodes et de Malte (ordre de) templiers Teutoniques (chevaliers) Complétez votre recherche en consultant : Les livres croisades - rassemblement de chevaliers partant pour la croisade, page 1324, volume 3 croisades - le départ des croisés pour la Syrie, page 1325, volume 3 croisades - Hugues de Lusignan, vainqueur de Nur ad-Din, page 1325, volume 3 croisades - le krak des Chevaliers, page 1326, volume 3 Les indications bibliographiques R. Grousset, l'Épopée des croisades, Perrin, Paris, 1995. J. Martin-Bagnaudez, les Croisades : une tranche d'histoire méditerranéenne, Desclée De Brouwer, Paris, 1995. C. Morrisson, les Croisades, « Que sais-je ? «, PUF, Paris, 1992 (1973). J. Richard, l'Esprit des croisades, Le Cerf, Paris, 1970.