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SMITH ET LA DIVISION DU TRAVAIL

Publié le 21/05/2011

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La première phrase de La richesse des nations est célèbre : « Le travail annuel d'une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie; et ces choses sont toujours, ou le produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres nations avec ce produit « (t. I, p. 1). Apparemment, rien là que de très banal. Cependant, pour le lecteur du xviiie siècle, c'est une profession de foi qui a un sens précis. A l'époque, en effet, on discute à l'infini autour de la priorité qu'il faut accorder, soit à la « terre «, soit au « travail «, dans la production des richesses. Pour Quesnay et ses disciples - les physiocrates - la terre est la source unique des richesses. Pourquoi? Parce qu'elle est seule à donner un « produit net «. Dans la moisson, explique-t-il, il y a deux choses : le produit du travail de l'homme (labours, soins donnés à la terre, et ce travail capitalisé que sont les machines, les engrais etc.) et le produit du travail de la terre (semence, sol et, d'une manière générale, la nature).

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« la quatre mille huit centième partie de ce qu'ils sont maintenant en état de faire, en conséquence d'une division etd'une combinaison convenables de leurs différentes opérations » (t.

I, p.

7 et 8).Ce qui étonnerait volontiers dans l'analyse que Smith fait de la division du travail, c'est qu'il n'ait pas dit qu'elle estsimplement la suite, dans l'industrie, de la division des activités dans la société.

Il ne l'ignore pas puisqu'il écrit unpeu plus loin : « C'est cet avantage qui paraît avoir donné naissance à la séparation des divers emplois et métiers »(p.

8) et il y revient par la suite; mais cette filiation historique n'est pas ce qui l'intéresse. • Pourquoi elle crée la productivité Pourquoi la division du travail multiplie-t-elle par Io, par zoo, par i 000 ou bien davantage la productivité du travailindividuel? Smith en voit trois causes :1.

« L'accroissement de l'habileté de l'ouvrier augmente la quantité d'ouvrage qu'il peut accomplir, et la division dutravail, en réduisant la tâche de chaque homme à quelque opération très simple et en faisant de cette opération laseule occupation de sa vie, lui fait acquérir nécessairement une très grande dextérité » (p.

II).2.

La division du travail évite de perdre du temps « en passant d'une sorte d'ouvrage à une autre » (p.

12).3.

« C'est à la division du travail qu'est originairement due l'invention de toutes ces machines propres à abréger et àfaciliter le travail » (p.

13).La simple énumération de ces trois causes révèle à merveille les qualités et les défauts de l'esprit d'Adam Smith.

Ilobserve bien; il raisonne très mal.Les deux premières causes sont absolument insignifiantes.

A supposer qu'on les accepte, elles peuvent multiplier par2, par 3, ou par 4, la productivité du travail, mais non pas par 100, par 1000 ou par 10 000.C'est donc la troisième cause qui est seule digne d'attention, et on aperçoit immédiatement que ce n'est pas à ladivision du travail en tant que telle qu'est due la productivité industrielle mais à la machine.Si l'on tient à établir une relation entre « division du travail » et « machine », l'idée qui vient immédiatement àl'esprit, c'est que le développement du machinisme a pour effet le développement de la division du travail.

Pourjustifier son argumentation, Smith est obligé d'intervertir les termes de la relation.

Pour lui, c'est la division du travailqui engendre le machinisme.Son assertion n'est pas complètement fausse, en ce sens que dans la nature tout est action et réaction, les causeset les effets se développant par interaction réciproque.

Mais il y a toujours un élément qui est premier.

Affirmer quela division du travail est première dans le développement du machinisme serait hardi.

Smith s'en tire astucieusementen disant qu'elle est à l'origine de l'invention des machines.

C'est dire, de manière indirecte, que ce sont lesmachines qui sont cause de l'augmentation de la productivité du travail, et que c'est l'invention qui est cause de lafabrication des machines.La division du travail est-elle vraiment cause de l'invention ? Cela peut arriver.

Smith fournit une anecdote, souventreprise depuis lors : « Dans les premières machines à feu, il y avait un petit garçon continuellement occupé à ouvriret à fermer alternativement la communication entre la chaudière et le cylindre, suivant que le piston montait oudescendait.

L'un de ces petits garçons, qui avait envie de jouer avec ses camarades, observa qu'en mettant uncordon au manche de la soupape qui ouvrait cette communication, et en attachant ce cordon à une autre partie dela machine, cette soupape s'ouvrirait et se fermerait sans lui, et qu'il aurait la liberté de jouer tout à son aise.

Ainsiune des découvertes qui a le plus contribué à perfectionner ces sortes de machines depuis leur invention 2, est dueà un enfant qui ne cherchait qu'à s'épargner de la peine » (p.

13).Smith reconnaît cependant qu'un « grand nombre » d'inventions sont le fait, soit des constructeurs de machineseux-mêmes, soit de « ceux qu'on nomme savants ou théoriciens » (p.

14).

Pour ne pas perdre le fil de sonraisonnement, il fait remarquer que toutes ces personnes ont une activité spécialisée, et qu'on demeure ainsi dansla division du travail.Cependant, parce qu'il s'est aperçu (confusément) que la division du travail dans l'atelier n'est qu'un aspect duphénomène général de la spécialisation des activités dans la société, Smith s'interroge sur le « principe qui donnelieu à la division du travail ».

C'est le titre de son chapitre 11.

Il trouve ce principe dans le « penchant » qui porteles hommes « à trafiquer, à faire des trocs et des échanges d'une chose pour une autre » (p.

14).

Ce n'est pasfaux, mais ce n'est pas dire grand-chose.

Car d'où vient ce penchant lui-même? Smith, là-dessus, ne creuse pasbien profond.

Il invoque « l'intérêt personnel » (leitmotiv chez lui) et « la différence des talents naturels », mais il nesonge même pas à la diversité des produits naturels et à celle des besoins.

Dans une civilisation primitive, le pêcheuréchangera normalement son poisson contre le gibier du chasseur et le blé du cultivateur.

Puis les producteursagricoles échangeront leurs denrées contre le produit du travail des artisans, car il leur faut des outils, desvêtements, des logements.

Au XXe siècle, comme à toute époque, le grand commerce international est dû à ladiversité des produits naturels qu'on trouve dans les différents pays.

Et les besoins des hommes étant, au senspropre, infinis, tout produit nouveau sera toujours matière à échange.

Tout cela est banal et avait déjà été fort bienvu par Aristote. • Elle est limitée par l'étendue du marché Bien plus ingénieuses sont les réflexions que propose Smith dans son troisième chapitre : « Que la division du travailest limitée par l'étendue du marché » (p.

22).L'idée est simple et avait, naturellement, été aperçue de tout temps dans son expression élémentaire : qu'on trouvetout dans les grandes villes et presque rien dans les villages.

Il faut un marché important pour vendre des produits. »

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