Pour étudier les hiérarchies et la stratification sociales, les sociologues disposent de concepts et de notions très variés : classes, ordres, castes, groupes de statuts, catégories socioprofessionnelles, etc. A partir de vos connaissances et des documents qui vous sont fournis, vous tenterez d'analyser la stratification de la société soviétique.

« industrielle ».

L'étude sociologique de l'U.R.S.S.

renforce cette analyse, puisqu'on y constate la même évolution quedans les pays industriels à économie de marché : l'industrialisation et le développement se sont accompagnés d'uneforte progression du nombre des ouvriers et, parallèlement, d'une multiplication du nombre des spécialistes chargésd'organiser et de contrôler le travail des premiers.

Le système d'éducation, extrêmement sélectif, assure lareproduction de cette structure. 2) L'organisation de la consommation. Dans la société capitaliste, les revenus diffèrent selon la place occupée au sein de la production; il en est de mêmeen U.R.S.S.

: un ouvrier qualifié gagnera plus qu'un ouvrier spécialisé, un directeur d'usine plus qu'un ingénieur.Certaines différenciations de revenus sont cependant spécifiques de l'U.R.S.S, Ainsi, la paysannerie a longtemps eudes revenus très faibles en comparaison des travailleurs urbains.

C'était là l'expression d'un choix politiqueprivilégiant une industrie synonyme de progrès au détriment d'un monde agricole jugé réactionnaire.

De même lesplus hauts revenus sont perçus par des membres de l'appareil central de la bureaucratie du parti et de l'État alorsque, dans la société capitaliste, les traitements des gouvernants sont souvent relativement peu élevés encomparaison des revenus des grands industriels.

Mais, fondamentalement, dans les deux sociétés, la hiérarchie desrevenus est largement liée à la hiérarchie du pouvoir. • Ces différences de revenus engendrent une inégalité dans l'accès à la consommation des biens.

Comme à l'Ouest,les modèles de consommation vont être différents pour chaque groupe social.

Les kolkhoziens n'auront pas accèsaux mêmes biens que les membres du Comité Central du parti communiste de l'Union soviétique. • Cette différenciation des modes de consommation est renforcée par le fait qu'une grande partie des biens etservices ne sont pas mis sur le marché, mais font l'objet d'une répartition bureaucratique.

Ainsi, les loyers sont toustrès faibles, mais certains appartements sont bien plus spacieux que d'autres.

Les vacances sont un droit pour tous,mais les centres de vacances ne sont pas tous situés dans les plus beaux sites et la qualité du service est loin d'yêtre partout la même.

Citons enfin les magasins réservés aux membres les mieux placés dans la hiérarchie du parti,où sont disponibles certains produits introuvables dans les réseaux ordinaires. L'organisation de la consommation ne fait que refléter l'organisation de la production, puisque la nature des biensproduits et leur quantité dépend d'abord des décisions des planificateurs.

L'inégalité de la consommation reproduitdonc la concentration du pouvoir de décision dans l'économie et, au-delà, dans la société. 3) Un pouvoir politique dans les mains d'une minorité. • Le parti communiste de l'Union soviétique représente le peuple soviétique et dirige dans son intérêt l'action dugouvernement.

Dans la pratique, on constate une fusion entre l'ensemble du groupe dirigeant et la bureaucratiecentrale du P.C.U.S. © Ainsi, la totalité des responsables de niveau élevé sont membres du parti.

Certes, la majorité des membres duparti sont des ouvriers, des paysans ou des employés ; mais on peut être ouvrier sans être au parti et l'adhésion àla base n'apporte pas d'avantages particuliers.

Par contre, pour le jeune spécialiste qui veut réussir et devenirdirecteur d'usine ou haut fonctionnaire à Moscou, l'appartenance au parti est une condition indispensable et touteascension dans la hiérarchie suppose une montée parallèle au sein de l'appareil du parti.

On constate ainsi que lenombre d'adhérents au parti est cinq fois plus élevé chez les spécialistes que chez les ouvriers spécialisés. 4) Des groupes sociaux différenciés. • La division des fonctions dans l'entreprise, la hiérarchie des revenus et des modes de consommation,l'appartenance à l'appareil du parti, viennent déjà structurer la société soviétique en établissant de multiplesfrontières et hiérarchies.

Mais la différenciation entre groupes sociaux va au-delà de ces différences pour s'étendreaux modes de vie propres à chaque groupe.

Langage, mode d'habillement, goûts artistiques contribuent à opposerles différents groupes sociaux, à assurer leur cohérence interne, et à renforcer le sentiment d'appartenance de leursmembres. • Il apparaît donc que la société soviétique, à rencontre de ce qui est affirmé par la doctrine officielle, est stratifiéeen groupes sociaux hiérarchisés, comme le sont les sociétés capitalistes.

Cependant, on ne saurait identifiersimplement ces deux systèmes sociaux.

Il est donc nécessaire d'approfondir l'analyse pour tenter de cerner quelleest la nature de la société soviétique. Deuxième partie : quelle est la nature de la société soviétique ? Nous allons dans cette partie discuter un certain nombre d'hypothèses : la société soviétique n'est-elle pas unesociété de classes au sens marxiste, au même titre que le capitalisme ? Ou est-ce plutôt une société d'ordres,comme la société féodale ? Ou encore un modèle nouveau ? Enfin, au-delà des différentes interprétations possibles, nous tenterons de montrer qu'après avoir connu une fortemobilité sociale, la société soviétique est en train de se figer progressivement.. »