Le travail à l'usine peut-il se substituer au travail à l'école ?
Publié le 10/04/2012
Extrait du document


«
Ève ont été chassés du Paradis : et le premier devra dès lors "gagner son pain à la sueur de son front", et la seconde
"enfanter dans la douleur".
Dans cette optique, les prolétaires peuvent être assignés du statut de « fils d’Adam » dans
le sens où ils doivent travailler dur pour gagner de quoi subvenir à leurs besoins les plus élémentaires tels que se
loger, se vêtir et se nourrir.
Aussi, le travail à l’usine est un dur labeur qui est peu enrichissant et assommant.
L'analyse du travail industriel montre que le sens du travail est alors inversé : au lieu d'humaniser, il abrutit.
Le
travailleur pré-industriel pouvait retrouver une part de lui-même dans son produit ; l'ouvrier, qui ne définit ni les
conditions, ni le but, ni les moyens de son travail, ne peut en tirer la moindre satisfaction directe.
De plus, lorsque le
travail est jugé pénible, l’être humain témoigne de la nostalgie d'une vie dédiée à l'hédonisme –dans le sens où le plaisir
est la valeur suprême-, ou à des loisirs perçus comme des moments de liberté distincts des contraintes que semble
impliquer toute activité laborieuse.
Sans doute admettons-nous implicitement que le travail est utile ou nécessaire,
mais chacun rêve d'y échapper.
Bien qu’il n’y ait pas d’échappatoire au travail, vu sous cet angle, l’homme peut essayer
de s’y soustraire en évitant le travail scolaire et en ne considérant que le travail « essentiel », celui qui apporte de
l’argent ; mais ce raisonnement l’amène à ne voir s’offrir à lui qu’une seule alternative dans la vie : celle d’un travail
exigeant peu de qualifications et donc nécessairement un métier laborieux tant il rend l’homme esclave de son propre
destin.
Ainsi, le travail à l’usine asservit l’homme.
D’une part, il rend l’ouvrier dépendant d’un patron, soumis à un
tyran -l’ouvrier devient « esclave »- c’est l’aliénation de l’homme par l’homme d’après Karl Marx.
Or, l’esclave n’est
rien de plus qu’un « outil animé » selon Aristote.
Marx lui-même, après avoir affirmé que le travail sépare l'homme de
l'animalité, constate que, dans l'histoire, l'organisation sociale du travail en modifie la réalité.
S'il est vrai que "l'histoire
de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de la lutte des classes", c'est parce que toute société est
scindée en une classe de possédants et une classe d'exploités.
Ces derniers, qui ne possèdent pas les moyens de
production, doivent travailler, en échange d'un salaire, au profit des possédants et en dépit de conditions de travail
harassantes.
De même, chez les philosophes grecs, le travail –dans le sens d’action de produire une donnée - est jugé
indigne de l'homme véritable, et ce parce que seuls les esclaves en sont chargés.
Du reste, le travail à l’école apparaît
comme le sens moyen d’échapper au travail à l’usine car il permet l’acquisition d’aptitudes nécessaire à l’obtention d’un
métier enrichissant intellectuellement.
En second lieu, le travail à l’école désigne une activité consciente et volontaire par laquelle l’homme extériorise dans le
monde des fins destinées à le modifier par le biais d’une source d’enseignement qui l’instruit et le forme.
On voit ainsi
en quoi le travail à l’école est-il aussi capital – dans le sens d’important – puisqu’il permet à l’homme d’acquérir des
connaissances et un savoir-faire.
Le « travail » prend alors le sens de « transformation de l’homme lui-même », pour
tendre vers un certain idéal intellectuel et devenir un homme libre, qui pense par lui-même et qui est maître de sa
destinée.
De son côté, Marx souligne combien la conscience se forme et évolue à partir du moment où le travail
correspond à un projet : en imaginant le produit qu'il veut obtenir, l'homme développe ses capacités de penser et sa
volonté; il s’auto-défini par le travail scolaire.
L’école – établissement où l’on enseigne – est un lieu incontournable pour
l’homme qui veut évoluer intellectuellement, et donne lieu à un rapport tout à fait différent entre les couches
hiérarchiques.
Alors que la relation entre le patron et l’employé est distante et tendue, et se matérialise par la
servitude de l’un par rapport à l’autre pour un enrichissement unidirectionnel ; le rapport entre le maître et son élève –
le travailleur- peut être définie comme une véritable communion sous couvert de transmission de savoir.
Le maître
transmet son savoir pour faire évoluer son élève et cela suffit à le rendre satisfait ; d’un autre côté, l’élève considère
véritablement son tuteur comme un guide spirituel.
En d’autres termes, le travail à l’école se fait par et pour l’apprenti
tandis que le travail à l’usine résulte du labeur du prolétaire pour l’enrichissement du patron.
De surcroît, l’acquisition de savoirs et d’aptitudes permettent de choisir son métier, aussi intéressant et
enrichissant – tant financièrement qu’intellectuellement- soit-il.
L’homme se délie de ses chaînes pas le travail à
l’école, dans la pure tradition des Lumières – « Aufklarung » - , puisqu’il acquiert la raison.
On délimite alors deux types
d’hommes : le premier est un homme éclairé et instruit qui a acquis des savoirs et accédé à une certaine catégorie
socioculturelle : il peut vivre et jouir de plaisirs tant son travail professionnel le rend prospère.
Le second est ignare et
inculte, il se réduit à survivre grâce à un travail industriel qui nécessite un savoir-faire élémentaire pour la tâche à
accomplir, cet homme peut difficilement être épanoui dans son travail tant il est difficile physiquement – car il consiste.
»
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