« L'apporteur en industrie est-il un véritable associé ? »
Publié le 12/07/2012
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La reconnaissance de l’apport en industrie pose quelques problèmes, tant au niveau social que fiscal. Un des problèmes liés à l’apport en industrie est la distinction du statut d’associé apporteur en industrie avec celui de salarié. En principe, la mise à disposition d’un savoir-faire ou de compétences peut soit revêtir la forme d’un contrat de travail soit revêtir celle d’un apport en industrie. Or la jurisprudence a déjà indiqué que « le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail est fournie « (Cour de Cassation, chambre sociale, 25 octobre 2005). L’apport est marqué par l’affectio societatis, excluant le lien de subordination (i.e. fait d’effectuer une tâche en réponse aux directives d’une autre personne) qui caractérise juridiquement le contrat de travail. Mais la reconnaissance d’une mise des associés sur un pied d’égalité ne peut être possible que si l’on peut distinguer le salarié de l’apporteur en industrie.
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2) La jurisprudenceDans un arrêt de la Cour d'appel de Paris, du 6 juillet 2001, il a été jugé que l'apporteur en industrie n'est pas un associé comme les autres puisque ses parts sontexclues de la formation du capital, la société composée d'un apporteur en industrie et d'un apporteur en capital étant une société unipersonnelle (dont l'associé encapital peut décider seul la dissolution).
Cependant, un arrêt rendu par la première chambre de la Cour de Cassation, du 30 mars 2004, censure cette solution etretient que l'apporteur en industrie est un véritable associé, peu important pour cela qu'il ne participe pas au capital social.
L'apporteur en industrie semble ainsi n'être qu'un associé comme les autres, avec des droits multiples et divers et sa position d'associé dans une structure socialeassurée par une législation et une jurisprudence favorables.
Mais certains maintiennent que l'apporteur en industrie n'est pas un associé à cause de la particularité deson apport, qui plus est, il est très souvent difficile en pratique de distinguer un associé en industrie d'un salarié.
II) Un associé de nom seulement
A- La place de l'apporteur en industrie dans la société
Les caractéristiques mêmes des apports en industrie (1) permettent de douter d'une possible qualité « d'associé en industrie ».
En outre, l'apporteur en industrie détientde nombreuses obligations, dont certaines spécifiques à la nature de son apport, mais aussi des droits assez limités (2) ce qui le différencie des autres apporteurs etremet en question son statut d'associé.
1) Caractéristiques des apports en industrieAvec la loi du 15 mai 2001, les statuts déterminent les modalités selon lesquelles peuvent être souscrites des parts sociales en industrie.
Cette loi confirme en effet lefait que les apporteurs en industrie ne contribuent pas à la formation du capital social.- Caractéristiques des actions en industrieLes actions en industrie sont inaliénables.
Ce caractère est le pendant de l'intuitu personae de l'apport en industrie.
Les actions en industrie s'éteignent donc par ledécès de l'apporteur et ne sont pas transmissibles aux héritiers.Ce caractère incessible signifie concrètement que dans une opération de capital investissement dans laquelle les managers ont vocation à apporter leur industrie, cesderniers ne peuvent participer sous forme de plus-value à la sortie des investisseurs (sauf à organiser le retrait préalable du manager-apporteur en industrie).
Lerecours à ce type d'apports pour les managers (qui ne disposent en général pas des mêmes moyens financiers que les investisseurs) paraît donc assez limité dans cetype d'opération.Les actions en industrie ne concourent pas à la formation du capital.
Dès lors, les actions en industrie n'ouvrent pas droit au bénéfice du régime fiscal « mère fille ».
2) De nombreuses obligations et des droits limitésL'apporteur en industrie a de nombreuses obligations à réaliser.
Tout d'abord, l'associé qui s'est obligé à apporter son industrie à la société doit réaliser cet apport(comme tout associé).
Il doit donc fournir le travail ou la prestation promise, de façon successive.
Il a été déclaré que les apports en industrie ne peuvent se ramener àune aide occasionnelle ou à de simples tâches d'exécution matérielle (Cour d'appel de Paris, 15 novembre 1993).
Ils doivent constituer une participation à la directioneffective de la société (Cassation, Chambre Commerciale, 13 janvier 2009).
Contrairement aux apports en nature et en numéraire, il est donc plus difficile dedéterminer si l'apport en industrie a eu lieu ou non.
De plus, n'étant pas un apport occasionnel, l'apporteur en industrie a une obligation constante de démontrerl'existence de son apport, sinon quand l'apport n'est plus réalisé, l'associé en industrie cesse d'être associé.Ensuite, l'apporteur, étant un associé comme les autres, se doit de participer aux pertes (art.
1843-2 C.
civ.).
Par ailleurs, l'apporteur en industrie doit rendre compte àla société de tous les gains qu'il a réalisés par l'activité faisant l'objet de son apport (art.
1843-3 al.6 Code civil).Enfin, il résulte généralement de l'apport en industrie un engagement d'exclusivité et de non-concurrence dans le domaine ayant fait l'objet de l'apport.
L'apporteur enindustrie ne peut ainsi déployer les mêmes talents à son propre profit ou au profit d'une autre personne.
Cependant, il s'agit de noter que cette disposition n'est pasd'ordre public, et les co-associés pourront décider de l'application ou non du principe d'exclusivité et de non-concurrence.Les droits de l'apporteur en industrie sont assez limités en réalité car il n'est pas titulaire de parts de capital, ses droits sont intransmissibles, aussi bien entre vifs qu'àcause de mort[1].
De plus, l'apporteur en industrie n'a pas droit à une reprise de son apport ni à un remboursement lors des opérations de partage à la dissolution.
B- Les difficultés pratiques liées au statut d'apporteur en industrie
Les raisons pour lesquelles certains n'hésitent pas à dire que l'apporteur en industrie ne peut, voire ne doit pas être considéré comme un associé tiennent du fait qu'ilest difficile de distinguer en pratique l'apporteur en industrie et le salarié (1), et que la reconnaissance de l'apport en industrie remet le principe de la contribution auxpertes en question (2).
1) Distinction entre apporteur en industrie et salariéLa reconnaissance de l'apport en industrie pose quelques problèmes, tant au niveau social que fiscal.
Un des problèmes liés à l'apport en industrie est la distinction dustatut d'associé apporteur en industrie avec celui de salarié.En principe, la mise à disposition d'un savoir-faire ou de compétences peut soit revêtir la forme d'un contrat de travail soit revêtir celle d'un apport en industrie.
Or lajurisprudence a déjà indiqué que « le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais desconditions dans lesquelles la prestation de travail est fournie » (Cour de Cassation, chambre sociale, 25 octobre 2005).
L'apport est marqué par l'affectio societatis,excluant le lien de subordination (i.e.
fait d'effectuer une tâche en réponse aux directives d'une autre personne) qui caractérise juridiquement le contrat de travail.Mais la reconnaissance d'une mise des associés sur un pied d'égalité ne peut être possible que si l'on peut distinguer le salarié de l'apporteur en industrie.Et la distinction n'est pas aisée en pratique, alors que les conséquences sont importantes : il s'agit de déterminer quel régime d'affiliation sociale appliquer, le salaireminimum, etc.
en ce qui concerne le salarié.
Pour l'apporteur en industrie, il s'agit de vérifier que ce qu'il bénéficie de la société n'est pas un salaire mais bien desdividendes, s'il y a eu profit de la société.
Sinon, l'apporteur en industrie gagne un salaire fixe et ne doit pas être considéré comme un associé mais un salarié.De même, l'administration fiscale n'a pas encore pris position sur le traitement des produits des actions en industrie.
L'extension du régime applicable aux SARLconduirait à considérer que les rémunérations versées aux apporteurs en industrie ès qualités au titre de l'activité déployée dans la société, sous la forme d'unerémunération périodique (mensuelle ou trimestrielle) sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires ; à l'inverse, la quote-part des bénéfices distribuésrelève de la catégorie des revenus mobiliers.
En outre, les indemnités en cas de retrait (ou d'exclusion) d'un apporteur en industrie relèveraient des traitements etsalaires.
2) Le principe de la contribution aux pertes remis en questionDans les SRL, la contribution aux pertes se traduit par l'impossibilité d'obtenir le remboursement du montant des apports.
Pour l'apporteur en industrie, elle se traduitpar la perte de rémunération qu'il aurait dû recevoir.
Conception critiquée dans la mesure où tout associé subit un manque à gagner, mais en outre, les apporteurs ennuméraire et en nature perdent leur droit au remboursement de leur apport.
Pour certains, l'apporteur en industrie devrait contribuer aux pertes en apportant unesomme d'argent égale au montant de la perte subie par le plus petit des apporteurs.
En conclusion, l'admission des apports en industrie dans les SAS constitue une véritable reconnaissance du facteur humain et personnel dans les sociétés de capitaux.Cependant, hormis les cas spécifiques tels que l'apport d'une notoriété ou d'un savoir-faire, le recours à ce dispositif pour les personnes physiques ne semble paspouvoir rivaliser avec le statut d'auto-entrepreneur ou de salarié..
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