INTERCULTURALITE, ATTRACTIVITE TOURISTIQUE ET DEVELOPPEMENT Approche d'une expérience locale : Le cas du F.I.P. Festival International de Percussions de Longueuil Master 2 RICI - Relations Interculturelles et Coopération Internationale Option : Expertise en développement et mutations culturelles Année universitaire 2013-2014 Remerciements « La gratitude est non seulement la plus grande des vertus, mais c'est également la mère de tous les autres. » Emil Cioran, philosophe et écrivain Merci à mon directeur de mémoire, Mme Christine Bracquenier et à mes proches, pour leur soutien et leur grande patience. Introduction Avant d'entrer pleinement dans le coeur de notre travail de recherche, il convient de présenter le contexte qui a amené ce travail. Contexte et choix de l'objet de recherche Le goût d'accomplir ce travail de recherche est double. Il part tout d'abord de l'intérêt pour la notion d'interculturalité, la rencontre d'une nouvelle culturelle et de tout ce qui en découle. L'identité et la diversité culturelle sont des sujets particulièrement fournis. et, étant en « mouvement », une curiosité pour la complexité s'est donc développée à l'égard de ces sujets. La seconde raison de ce travail de recherche réside dans la passion sans bornes pour la musique et les festivals de musique. Ce mémoire nait de l'interaction entre un milieu professionnel particulier, celui de l'événementiel (milieu de stage) et un milieu universitaire, celui des Langues Etrangères Appliquées, option Relations Intercuturelles. Ce travail représente donc un pont entre ces deux mondes, dont le principal objectif de produire des connaissances nouvelles sur un sujet particulier : « Interculturalité, attractivité touristique et développement - Approche d'une expérience locale : le cas du F.I.P. Festival International de Percussions de Longueuil ». L'aire géographique choisie pour ce sujet de mémoire est le Québec et plus particulièrement Longueuil, lieu du F.I.P. Festival International de Percussions. Il est important de rappeler que ce travail de recherche s'intéresse, pour toutes les parties de ce mémoire, à la zone du Québec. Problématique de recherche La réflexion de ce travail s'est structurée autour d'une question de recherche et d'une sous-question, qu'il s'agira de confirmer ou infirmer. La première part du principe que l'interculturalité constituerait un vecteur de développement. La seconde cherche les moyens de valorisation de l'interculturalité en tant qu'attractivité touristique dans un but de développement. Dans quelle mesure l'interculturalité est-elle un vecteur de développement ? Comment valoriser l'interculturalité en tant qu'attractivité touristique dans un but de développement ? Pertinence de la recherche HYPOTHETICO DEDUCTIVITE Nous faisons l'hypothèse par une étude de cas, celle du F.I.P. Festival International de Percussions de Longueuil, festival interculturel, multidisciplinaire et participatif, que l'Interculturalité peut représenter une activité touristique et permettre ainsi le développement de l'organisme émetteur, de la population participante au Festival ainsi que du territoire sur lequel il est ancré. Partant de cette hypothèse, l'objet de recherche est d'établir en premier lieu, à partir d'exemples significatifs théoriques, le lien qui existe entre interculturalité, attractivité touristique et développement. Il a été essentiel de choisir une méthodologie pertinente et adaptée pour qu'il y ait une cohérence entre la théorie, la méthodologie utilisée et le terrain de recherche. La démarche hypothético-déductive1La démarche hypothético-déductive sera présentée dans la partie III de ce mémoire. est la démarche qui a été choisie pour ce travail. Elle a pour point de départ des concepts, des définitions, des principes à appliquer et a pour but de les mettre en pratique par des applications concrètes. En plus d'une problématique pertinente et d'une littérature fiable, fournie et actuelle, une enquête terrain est indispensable. Sans cette dernière, la démonstration serait vide de sens. Compte tenu de la nature du sujet, il est donc apparu intéressant de jumeler ce travail de recherches documentaires avec des enquêtes menées auprès d'acteurs concernés. Afin de répondre au mieux à la question, le travail de ce mémoire a été divisé en trois étapes. Dans un premier temps, il a été question d'effectuer des recherches approfondies sur les concepts clés en recensant le maximum d'informations grâce à une littérature adaptée (sur les internet, dans des ouvrages, dans des articles universitaires, dans des revues spécialisées du tourisme,...) pour ensuite collecter des informations relatives au sujet de recherche. Il existe un nombre considérable d'études sur l'interculturalité et le développement. Mais peu sur leur lien avec l'attractivité touristique. Comme le souligne François-Pierre Gringras2In. Gauthier B., (2008), Recherche Sociale: De la Problématique à la Collecte des Données, Presse de l'Université de Québec, p. 112 : « La théorie est avant tout un moyen de donner un sens à nos connaissances. On peut la définir comme un ensemble de propositions logiquement reliées, encadrant un plus ou moins grand nombre de faits observés et formant un réseau de généralisations dont on peut dériver des explications pour un certain nombre de phénomènes sociaux. » Dans un second temps, il a été question de faire le lien entre interculturalité, attractivité touristique et développement. La relation par binôme a donc été étudiée pour chacune des trois entités. D'une part, la zone géographique du F.I.P. s'avérant être le Québec, j'ai donc dressé un état des lieux du développement culturel et du tourisme au Québec. D'autre part, afin de se rapprocher au plus près de l'étude de cas, la notion d'interculturalité a été étudiée dans les arts. Cette recherche a été jumelée sur le festival en tant qu'outil d'attractivité touristique et de développement du territoire. Nous donnerons des exemples comparatifs de festivals au F.I.P. Ces connaissances théoriques ont pu être perfectionnées par un contact direct avec des personnes impliquées dans le milieu du tourisme et de l'événementiel. Ces précieux avis et conseils ont constitué une base sur laquelle j'ai fondé une partie de mon raisonnement. Enfin, il a été question de réaliser des entrevues avec les deux fondateurs du F.I.P. Festival International de Percussions de Longueuil, M. Gilbert Lucu, fondateur du F.I.P. et Mme France Cadieux, Directrice Générale et Artistique du F.I.P.. Dans le même temps, un formulaire Google docs a été envoyé aux artistes de la Scène des Découvertes Journal de Montréal, du Chapiteau de danse Courrier du Sud - les deux scènes m'ayant été assignées pour le Festival ainsi qu'aux artistes en arts visuels. Les deux instruments de recherche ont porté sur le lien entre interculturalité, attractivité touristique et développement dans le but d'avoir des regards précis et différents sur un même sujet. Il a constitué à dégager des pistes d'action pour le F.I.P., pour assurer la triade Interculturalité, attractivité touristique et développement. C'est donc ce triangle d'interrelations où l'articulation entre ces trois entités peut s'effectuer selon différentes modalités, que je me propose d'explorer en analysant les trajectoires et les regards de différents acteurs. Prémices du travail de recherche Dans un travail de recherche, on tend en premier lieu à mettre en relation différentes variables3FELIX M., Cours de méthodologie 2014 . Ce travail permet de pouvoir apprécier les effets d'une variable indépendante sur une variable dépendante. Rappelons que dans une expérience, la variable indépendante agit à titre de variable explicative d'une autre variable, la variable dépendante. La variable dépendante subit l'influence de la variable indépendante. Ci-dessous, le tableau qui a servi de base à l'élaboration du sujet du mémoire de recherche. Question de recherche Sous-question Variables dépendantes Variable indépendante Stratégie de preuve Dans quelle mesure l'interculturalité est-elle vecteur de développement ? Comment valoriser l'interculturalité en tant qu'attractivité touristique dans un but de développement ? Attractivité touristique Développement Interculturalité Décrire le sens et la relation entre interculturalité, attractivité touristique et développement Les variables sont utilisées dans le but de valider des hypothèses de recherche. Il existe deux types de validité : la validité interne et la validité externe. La validité interne est le degré auquel l'étude établit que les effets observés découlent de la manipulation de la variable indépendante. La validité externe s'opère si les résultats d'une expérience peuvent par la suite être généralisés à des individus, à des situations ou à des moments indépendants de l'expérience de départ. Lors de la recherche des parties pour ce mémoire, il a été question de savoir sur quels concepts et notions, nous allions travailler. Le tableau ci-dessous reprend les éléments de recherche au premier jour de la recherche. Culture Développement Relations entre les concepts Festivals Interculturalité Développement local Communication interculturelle et Québec Attractivité touristique Développement durable Référents culturels Montréal Tourisme Développement économique Dialogue interculturel Longueuil Tourisme culturel Développement social Musique, tourisme et développement Eléments de comparaison Cette « ébauche » reprend les termes principaux du sujet de mémoire. Sommaire « La culture est une boussole sans laquelle les membres d'une société ne sauraient ni d'où ils viennent, ni où ils vont ou souhaitent aller, ni comment ils leur convient de se comporter » Jean-Pierre Warnier (1997) Partie I : Cadre théorique : les concepts utilisés La culture et sa contribution à la compréhension de la notion d'interculturalité. La notion de culture La culture, essais de définition en un bref tour historique Pour traiter l'interculturalité, il est nécessaire avant toute chose de s'interroger sur la notion de « culture » et de son usage historique. S'il y a une notion particulièrement difficile à définir, c'est la notion de culture. Depuis l'Antiquité, on se dispute sur la définition de ce terme sans vraiment trouver un véritable terrain d'entente. Les différentes « maisons de pensée » sont parfois radicalement opposées. L'Europe, prône la figure de l'homme cultivé, aux bonnes manières. On situe toutefois la notion de culture à la fin du XVIIIe siècle en Allemagne. Au milieu du XXème siècle, les anthropologues A. Kroeher et C. Kluckhohn publient la somme de toutes les définitions du mot « culture »4KROEHER A.L. et KLUCKHOHN C. (1963). Culture. A critical Review of Concepts and Defi nitions, New York, Vintage Books, Random House. : ils se retrouvent avec cent soixante-quatre définitions. Il y a plusieurs siècles de cela, dans la langue française le mot « culture » se rapportait à l'agriculture. Il désignait le soin apporté à la terre et au bétail. Plus tard, la « culture » au sens figuré s'applique successivement aux productions de l'esprit (arts, lettres, sciences, etc.). . les Lumières se sont données comme mission « d'éclairer les esprits ». D'autres spécialistes ont tenté de trouver une définition de la culture. L'anthropologue britannique, E. B. Tylor donne la première définition opératoire et scientifique de la culture dans Primitive Culture (1871). Selon lui, la société porte la culture et inculque les habitudes et valeurs aux individus de cette même société : La culture ou la civilisation, entendue dans son sens ethnographique étendu, est cet ensemble complexe qui comprend connaissances, croyances, arts, lois, de morale, de coutume, et toutes autres capacités ou habitudes acquises par l'homme en tant que membre de la société5Tylor E. 1920 [1871]. Primitive Culture, New York : J.P. Putnam's Sons. Volume 1, page 1. . En Allemagne, la pensée est différente de celles des Lumières. La Kultur fondée sur des connaissances scientifiques, artistiques et philosophiques exprime le génie du peuple allemand6Volksgeist : le génie du peuple allemand. . Elle se refuse à définir la culture en un mouvement civilisationnel réducteur en reconnaissant la spécificité et la singularité de chaque peuple. En France, le linguiste français, E. Benveniste dit la culture dans Problèmes de linguistique générale (1966) : J'appelle culture le milieu humain, tout ce qui, par-delà l'accomplissement des fonctions biologiques, donne à la vie et à l'activité humaine, forme, sens et contenu. La culture est un phénomène entièrement symbolique, elle se définit comme un ensemble très complexe de représentations, organisées par un code de relations et de valeurs : traditions, religion, lois, politique, éthique, arts, tout cela dont l'homme, où qu'il naisse, sera imprégné dans sa conscience la plus profonde et qui dirigera son comportement dans toutes les formes de son activité, qu'est-ce donc sinon un univers de symboles intégrés en une structure spécifique et que le langage manifeste et transmet ? Par la langue, l'homme assimile la culture, la perpétue ou la transforme. Or comme chaque langue, chaque culture met en oeuvre un appareil spécifique de symboles en lequel s'identifie chaque société. La diversité des langues, la diversité des cultures, leurs changements, font apparaître la nature conventionnelle du symbolisme qui les articule. C'est en définitive le symbole qui noue le lien vivant entre l'homme, la langue et la culture7Beneveniste E., 1966. Problèmes de linguistique générale, t.l., Editions Gallimard. pp 29. . L'anthropologue américain, E. T. Hall, soutient dans La danse de la vie (1984), que la culture est « comme un ensemble de règles tacites de comportements inculquées dès la naissance lors du processus de socialisation précoce dans le cadre familial8Hall E., 1984. La danse de la vie, cité dans SAUQUET M., L'Intelligence de l'autre. Paris : Editions Charles Léopold Mayer. . » Dans Le langage silencieux, il analyse la culture en tant que communication : «En somme, la culture est l'ensemble des pratiques d'une société résultant des multiples processus de communication9Hall E., 1984. Le langage silencieux. Paris: Le Seuil, p. 39. . » En 1987, l'ethnologue français, F. Laplantine donne une définition anthropologique de la culture : La culture est l'ensemble des comportements, savoirs et savoir-faire caractéristiques d'un groupe humain ou d'une société donnée, ces activités étant acquises par un processus d'apprentissage et transmises à l'ensemble de ses membres10LAPLANTINE F., L'anthropologie, Petite Bibliothèque Payot / 227 . Enfin, la définition de référence de l'Unesco sur la diversité culturelle de 2011 donne un sens élargi à la culture : La culture doit être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social ; elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances11Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Unesco. Culture. Patrimoine immatériel. A propos de patrimoine immatériel. Qu'est-ce que le patrimoine immatériel ? SITE [en ligne], consulté le 01/08/2014 . La culture au Canada Au Canada, la culture est définie comme : « Activité artistique créative et les biens et services produits par cette activité, et la préservation du patrimoine12Statcan.gc.ca - Statistique Canada .» ------ Il parait intéressant de dresser un « portrait » de la culture. La culture revêt plusieurs visages....13LE HUU K., Cours de management interculturel 2014 « No social stability, without individual stability. » Aldous Huxley, Brave New World (1932) La culture se façonne par des croyances et des valeurs propres à chaque groupe d'individus. Des traits culturels communs suscitent un sentiment d'appartenance. La communication et le dialogue entre deux cultures permet la rencontre interculturelle, ainsi qu'une appréciation réciproque de ces échanges. La paix peut s'installer. La culture est aussi un « phoenix ». Elle nous permet de nous réaliser. Grâce à l'innovation et à la créativité, elle permet la réinvention de chacun. C'est en ce sens que la culture est un moteur de développement. ------ La notion de culture est au centre de l'interculturalité. La culture est donc constitutif de l'interculturel. L'interculturalité Etymologie : du latin inter : « entre », « parmi » et cultura : « culture », « agriculture », dérivé du verbe colere : « habiter », « cultiver ». Le préfixe « inter » introduit la liaison et la séparation. Distinction entre « interculturel » et « multiculturel » « Multi » signifie « beaucoup de ». « Multiculturel » correspond à une coexistence des cultures, sans qu'il n'y ait nécessairement d'interaction entre elles. A l'inverse, « interculturel » inclut la notion d'interaction et donc de réciprocité (contacts ou rapports) entre ces cultures. La notion d'interculturalité L'interculturalité est une expression que l'on retrouve partout. Dans un monde de plus en plus mondialisé et globalisé, ceci n'est pas un hasard. Les relations interculturelles font l'objet d'études de diverses disciplines de sciences humaines ou sociales : sociologie, éducation, psychologie, philosophie, etc. La notion d'interculturalité est née pendant les années 1970 comme conséquence de la situation multiculturelle en salles de classe d'immigration en France et en Allemagne. Cette notion marque un changement dans la façon de penser. Au début du XXe siècle, la culture fait l'individu L'interculturalité renverse cette « croyance » en plaçant l'individu comme acteur : il fait la culture. L'interculturalité a été reconnue par le Conseil de l'Europe en 1986 dans le contexte des défis des changements socioculturels14Conseil de l'Europe (1986), L'Interculturalisme : de l'idée à la pratique didactique et de la pratique théorique. . L'interculturalité est un mode particulier d'interactions et d'interrelations. C'est une rencontre de cultures différentes. Par contact, des changements et des transformations s'opèrent et donnent lieu à une pluralité d'identités culturelles. Cela suppose une relation d'égalité et non de hiérarchie. Ces relations reposent sur différents processus: processus d'interaction interculturelle, de perception de l'autre, de transfert et réception entre cultures. ------ « Etrangement, l'étranger nous habite : il est la face cachée de notre identité ...De le reconnaître en nous, nous nous épargnons de le détester en lui-même. Symptôme qui rend précisément le « nous » problématique, peut-être impossible, l'étranger commence lorsque surgit la conscience de ma différence et s'achève lorsque nous nous reconnaissons tous étrangers, rebelles aux liens et aux communautés. » Julia Kristeva, Etrangers à nous-mêmes (1988) Les enjeux de l'interculturalité Notions clés L'inclusion sociale La notion d'inclusion sociale a été utilisée par le sociologue allemand Niklas Luhmann. Elle se définit par le respect de la diversité et la promotion de l'égalité des chances pour tout membre d'une communauté. L'objectif est de permettre à un individu d'avoir accès aux ressources et services nécessaires en vue d'acquérir un sentiment d'appartenance et de valorisation au sein d'une même communauté et de pouvoir développer des liens sociaux. L'altérité L'altérité est le caractère de ce qui est l'autre. Maître mot du travail interculturel, l'altérité est la reconnaissance de l'autre dans sa différence : l'intelligence de l'autre15Référence à l'ouvrage de M. SAUQUET, L'intelligence de l'autre . Chacun de nous peut expérimenter l'altérité dans toutes les situations de la vie quotidienne. Les frictions interculturelles ne se résolvent pas grâce à la tolérance mais grâce par l'apprentissage de l'effort de compréhension. L'altérité est à la fois rencontre avec l'exotique et une différence. L'ombre au tableau de cette rencontre interculturelle se traduit par l'écart entre les attentes que l'on souhaite rencontrer chez l'autre, situation rêvée nourrie de stéréotypes et ce que l'on trouve en situation réelle. Le résultat se traduit par un choc culturel i.e. une perte de repères. La diversité culturelle La diversité culturelle est un fait. Il existe une grande variété de cultures différentes dans le monde. Dans un contexte de multiplicité et de complexité des rapports sociaux, la diversité culturelle est devenue un véritable enjeu de société en tant que ressource à préserver et levier de développement durable. L'identité culturelle A travers les âges, le concept de « culture » a donné lieu à l'apparition du concept d' « identité ». Par leur complexité, ces deux entités sont évolutives puisqu'elles sont influencées par des facteurs internes et des facteurs externes. L'identité est une dynamique évolutive. L'individu relie ses projets à travers son passé, son présent et son futur. Chaque individu a une identité propre qui le rend semblable à ses pairs tout en préservant des caractéristiques qui le différencient. « J'intègre un peu d'Autrui en moi tout en gardant ce que j'ai de moi-même, un changement s'opère. » Les frontières du « Je/ Nous » et du « Eux » se rencontrent : c'est la dynamique du sentiment d'identité. C'est principalement en Amérique du Nord que des études ont été effectuées. A la différence de l'Europe, le continent nord-américain est une terre d'immigration : les populations viennent d'horizons culturels différents. Les communautés se distinguent les unes des autres. Ceci est un fondement de l'intégration. En 1969, l'anthropologue norvégien, F. Barth donne une conception relationnelle de l'identité culturelle soutenant que les identités sont créées par les interactions entre les groupes16Barth F., 1969. Ethnic Groups and Boundaries. The Social Organisation of Cultural Difference. F. Bart éd., Boston. . Le paradoxe de ces notions repose dans le fait que la culture est associée au changement tandis que l'identité est rattachée à la stabilité. ------ Chaque individu est exposé à la multiplicité d'identités potentielles. Traits culturels et aires culturelles Les premiers auteurs qui s'intéressent à la dimension culturelle des phénomènes culturels sont Alfred Louis Kroeber et C. Wisher. Cette entreprise, bien que titanesque ne fut pas réalisable dans l'absolu. Selon eux, les aires culturelles17In Cairn.Info, VISONNEAU G., Le développement des notions de culture et d'identité : un itinéraire ambigu. Carrefours de l'éducation 2002/2 (n°14). Editeur : Armand Colin sont une distribution géo spatiale de traits culturels de cultures. L'aire culturelle pourrait être comparée à une cellule : Au centre d'une aire, le noyau de la cellule : les traits sont propres à la culture ; En périphérie, l'enveloppe de la cellule : le contact avec d'autres aires est rendu possible aux frontières. De nouveaux traits culturels peuvent naitre. Dans les années trente, les anthropologues américains se focalisent sur un point nouveau touchant la culture : comprendre la façon dont la culture est intériorisée, vécue et transmise. L'anthropologue américaine Ruth Benedict a consacré une grande partie de son travail à l'étude des « patterns of culture »18Benedict R. 1934, Patterns of Culture. Mariners Books. 290 pages. . Selon elle, les différences entre cultures résultent des différentes combinaisons culturelles réalisées par les groupes humains. ------ L'accélération des échanges humains et la mondialisation de la communication occasionnent la rencontre. Nul n'est enfermé dans une position statique. Nous sommes entrainés dans la vague des rencontres interculturelles. On ne parle plus d'acculturation - qui tendait à réduire la rencontre interculturelle à une relation dominant-dominé, mais d'inculturation. L'inculturation tend à reconnaitre les contributions respectives des acteurs les uns envers les autres. Le dialogue interculturel - Unesco Le dialogue interculturel dépend en grande partie des compétences interculturelles, c'est-à-dire de cet ensemble complexe de capacités qui sont nécessaires pour interagir comme il se doit avec des personnes différentes de soi19Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Unesco. Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel. . Organisation mondiale des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, Rapport mondial de l'Unesco - Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel - 2009 (résumé) En tant qu'êtres humains, nous sommes liés les uns aux autres par la société et exprimons cette relation par la culture. Bien sûr, nous avons nos propres caractéristiques, nos propres pensées, nos propres comportements, nos propres créations ; il n'empêche que nos ressemblances sont plus profondes que nos différences culturelles. Qui plus est, ces différences renferment un potentiel, car c'est grâce à elles que nous nous complétons et pouvons développer l'environnement dans lequel nous vivons. La diversité culturelle représente les solutions et le dialogue, le pont qui les relie. Les interactions culturelles Les cultures sont comme les nuages, leurs confins sont toujours changeants, elles s'assemblent ou se séparent (...) et s'unissent parfois pour produire de nouvelles formes naissant des précédentes, mais tout à fait différentes d'elles. (Droit dans l'Unesco, 2007) L'emprunt « L'emprunt se produit lorsque la pratique culturelle d'une population est assimilée par une autre en raison des avantages qu'elle y voit par rapport à sa propre pratique. » Unesco - Partie I - La diversité culturelle et ses enjeux - Définition p.59 L'appropriation culturelle L'appropriation culturelle découle de l'emprunt. Elle a pour objectif l'adoption de référents culturels d'une communauté ou d'un groupe. Elle est le levier nécessaire à la transmission culturelle. La transmission culturelle La transmission culturelle est un processus de construction identitaire qui se déroule tout au long de la vie d'un individu, quel que soit le milieu dans lequel il évolue. C'est donc un acte d'interprétation et de réappropriation d'un héritage. Les échanges culturels A l'heure actuelle, dans notre monde interconnecté, les échanges entre les cultures sont d'autant plus développés grâce à la révolution des transports et au développement de l'Internet. ------ C'est par ces interactions culturelles que naissent des concepts. Les processus dynamiques interculturels résultant des interactions culturelles L'acculturation L'acculturation a été définie dans le Mémorandum pour l'étude de l'acculturation en 1936 par les anthropologues américains Robert Redfield, Merville J. Herskovits et Ralph Linton comme « l'ensemble des phénomènes qui résultent d'un contact continu et direct entre des groupes d'individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturels initiaux de l'un ou des deux groupes20Redfield, R., Linton, R. et Herskovits, M.J. 1936. Mémorandum pour l'étude de l'acculturation. P.149 (traduction de l'anglais) . » L'acculturation a deux visages. Dans le meilleur des cas, elle se traduit par l'emprunt de traits culturels et donc un métissage des cultures. Ces dernières gardent toutefois leurs principales caractéristiques. Dans le pire des cas, elle se traduit par une déculturation ou un ethnocide. Le métissage Du latin mixticius ou mixtus qui signifie « mélangé » / « mêlé », le métissage désigne les personnes nées de parents de différentes ethnies. Le multiculturalisme : un cas à part Le multiculturalisme suppose la pluralité des cultures au sein d'une même société. Le terme apparaît sur une terre d'immigration : les Etats-Unis, au cours des années 1960. On y constate le « mélange » de plusieurs cultures. Rappelons que la différenciation de chaque culture n'est pas prise en compte dans le multiculturalisme. Les limites aux interactions culturelles : les dérives de la culture La culture vernis Pour sauver les apparences en société, il se peut que les individus aient recours à la culture vernis. La culture vernis est une culture superficielle. Il ne faut pas oublier que la culture n'est pas uniquement un mode de vie mais aussi une manière de pensée. Les stéréotypes culturels, l'intolérance et le racisme Les stéréotypes culturels sont omniprésents. Avant la rencontre interculturelle, on se base fréquemment sur des « on-dit ». Avec l'interconnexion des communications et le développement des réseaux sociaux, on pourrait croire que les contacts entre différentes cultures font « taire » les stéréotypes et préjugés. Ce n'est pourtant pas le cas : les rencontres interculturelles supposent invariablement une tension culturelle. Dans le pire des cas, elles font tendre vers le racisme, la pire des formes d'intolérance culturelle. ------ Le dialogue interculturel vient donc en réponse comme correcteur à la diversité de nos tensions culturelles. Interroger la culture de l'autre, la conscience des référentiels culturels et la communication interculturelle : une réponse aux limites des interactions culturelles Bien qu'elle puisse parfois pousser à se retrancher, la diversité culturelle peut également être vécue comme une invitation à découvrir l'autre. Dans la pratique, cela exige des compromis ainsi qu'un engagement en faveur de la compréhension d'Autrui. Dans une très large mesure, le dialogue interculturel dépend de compétences interculturelles. La communication interculturelle Pour communiquer, l'homme fait appel à des référents indispensables aux échanges intra ou interculturels. Nous devons posséder des compétences linguistiques nous permettant d'échanger avec des cultures différentes de la nôtre. La communication interculturelle est un champ qui a très largement été étudié dans les études et recherches en management et dans les disciplines des sciences humaines et sociales. Elle réunit trois composantes : les individus, la communication et la culture. Le réflexe interculturel fait appel à l'intelligence, il est question de faire confiance à l'autre. D'autres qualités sont elles aussi à ne pas oublier. Elles représentent des critères d'efficacité interculturelle: le respect, la tolérance, l'empathie, l'émerveillement, l'intérêt pour la culture locale, l'écoute, la flexibilité et l'ouverture d'esprit. L'émerveillement est la capacité à être touché par la différence. C'est en cela qu'il représente une ouverture d'esprit. L'ouverture d'esprit est importante parce qu'elle permet de ne pas se cloisonner dans les a priori, les stéréotypes, les préjugés et l'ethnocentrisme. Malgré tout, le contenu d'un message culturel est loin de n'être que dans les mains de son émetteur ; il dépend également de son récepteur et des représentations qu'il se fait du message. Communiquer avec des japonais En japonais, étranger se dit gaijin ou gaikokujin21Les termes sont quelque peu différents. En effet, gaijin désigne la plupart du temps des étrangers à la peau blanche, tandis que gaikokujin désigne toute personne non ethniquement japonaise. littéralement « personne de l'extérieur » et « personne d'un pays extérieur ». Longtemps fermé aux étrangers, ce n'est qu'en 1945 que le pays s'ouvre sur l'extérieur. Au Japon, il est de coutume de catégoriser les groupes et assimiler la mauvaise action d'un individu à la totalité des individus du même groupe, de la même nationalité, du même pays, etc. Les « on-dit » tendraient à soutenir que les japonais sont des individus très bien élevés, discrets et respectueux des individus et de leurs coutumes. Ces postulats sont vérifiés. Avant de rencontrer un japonais, il m'est apparu intéressant de dresser un tableau quant à l'attitude à adopter en situation de communication. Etre respectueux Faire des phrases courtes. Parler lentement, sans parler trop fort, en articulant le plus possible Valider la compréhension de l'autre. Si la personne n'a pas compris, lui demander d'expliquer les points non compris Ne pas l'interrompre lorsqu'il s'exprime Eviter le vocabulaire spécifique que l'autre, ne pourrait saisir Évitez de faire de l'humour Toujours être tolérant : respecter les différences; ne pas porter de jugement pour cela, essayer d'être empathique, id est se mettre à la place de l'autre pour comprendre ce qu'il ressent. ------ « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux». Marcel Proust, écrivain français ------ L'attractivité touristique Notions essentielles à l'attractivité touristique: le tourisme et le tourisme culturel Le tourisme L'histoire du tourisme est une histoire du regard : regard dirigé vers l'autre et regard tourné vers soi. Le tourisme a à voir avec l'imaginaire qui nait pendant le voyage. La notion de voyage : un outil d'interculturalité ? Le voyage a une connotation à la fois historique et magique. Il fait référence aux grands explorateurs des siècles d'antan. De nos jours, presqu'aucune parcelle de terre n'a été pas foulée par le pied de l'homme. Le voyage a donc pris une nouvelle tournure, celle de redécouverte des cultures. La rencontre avec Autrui, avec l'altérité donc, ne s'opère pas nécessairement avec un voyage à l'autre bout du continent. Le simple fait de voyager dans sa propre ville est propice à la rencontre interculturelle. Prenez l'exemple de la ville de New York City avec ses districts multiculturels. Le voyageur dans cette aventure, se démunit de ses certitudes en tentant de se baigner dans une nouvelle culture. Ce parcours initiatique l'invite à la découverte de soi en faisant l'expérience de l'autre. Il est question d'une « triade » de l'identité : Du « je » : moi face à moi-même en contexte avec Autrui ; Du « nous » : Autrui et moi, dans un contexte nouveau pour tous deux, rencontre avec l'altérité ; Du « eux » : des individus avec des caractéristiques et spécificités parfois inconnues du « je ». Le tourisme Le tourisme permet le contact entre des différentes cultures. Il favorise la richesse et la pluralité des échanges interculturels entre voyageurs et locaux. Le voyage est source de découverte, de plaisir, d'aventure et de dépaysement. De nos jours, dans un contexte de mondialisation, concurrence, segmentation accrue des clientèles touristiques, recherche de nouvelles sources de revenus et de tendance au développement durable, le tourisme est devenu un phénomène économique mondial. Il s'adresse à toute personne, quelles que soient ses conditions sociales, économiques et culturelles. Internationalisé, le tourisme est devenu une obligation pour ceux qui ont la « pulsion du voyageur » i.e. le besoin de changer de lieu pour se sentir vivre. Et dans le même temps, parfois une contrainte pour les locaux des pays visités. Le tourisme est également un ensemble de secteurs d'activités (transport, hébergement, restauration, loisirs, entreprises de voyages,etc.). Les nations appréhendent le tourisme international comme clé de développement, de modernité et de croissance économique. (OMT - Faits saillants 2014)22Veille tourisme info.fr - poids et impact du tourisme dans le monde Caractéristiques du tourisme En 1963, la Conférence des Nations Unies identifie officiellement deux catégories de visiteurs : les « touristes » et les « excursionnistes ». Cette classification23La définition de l'OMT et de la Commission statistique des Nations Unies (2000) tient de référence pour l'ensemble des pays membres : "Les activités déployées par les personnes au cours de leur voyages et de leurs séjours dans les lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs". Il ne s'agit que de recommandations, chaque pays précise donc ses propres concepts. est ensuite reprise par les organismes supranationaux : l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) et l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE). Le changement de lieu, la durée et les motifs de séjour sont les trois caractéristiques du tourisme. L'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) propose la classification suivante des motifs de visite24Mettre site : Loisirs, détente et vacances ; Visite à des parents ou amis ; Affaires et motifs professionnels ; Traitement médical ; Religion et pèlerinage ; Autres. Une pléiade de motivations pousse l'être humain à voyager. L'élément commun à toutes ces motivations reste la découverte. On se laisse emporter par la splendeur d'un lieu, la gentillesse de ses habitants. On revit le passé au présent. On part à la découverte de la différence. Qu'est-ce qu'un touriste au Canada ? Au Canada, on parle de touriste, d'excursionniste, de visite-personne ou de visite-province. « Un touriste est un voyageur dont le lieu de résidence se trouve à plus de quarante kilomètres de son lieu de résidence et dont le séjour est d'une durée de plus de vingt-quatre heures »25Colloque 2008 - tourisme et culture - Québec P46 . Le touriste peut voyager dans un but de loisirs (vacances), un but de découverte, un but professionnel (tourisme d'affaires) ou un but sanitaire (tourisme de santé). Un touriste est une personne ayant passé au moins une nuit hors de son lieu de domicile ; Un excursionniste est un voyageur dont le lieu de résidence est à plus de quarante kilomètres de la région visitée, mais dont le séjour ne dépasse pas vingt-quatre heures ; Les visiteurs regroupent l'ensemble des voyageurs i.e. les touristes et les excursionnistes ; Les voyageurs internationaux sont les visiteurs qui sortent de leur territoire pour l'international ; Au Canada, la visite-province26Exemple : un touriste japonais qui qui visite Ontario et Montréal comptera pour deux visites-provinces (Ontario et Québec) mais pour une visite-personne puisqu'il ne voyage qu'au Canada. représente la visite d'un touriste dans une province canadienne ; Tandis qu'une visite-personne représente la visite d'un touriste au pays. Enfin, toute personne n'ayant pas passé de nuit hors du lieu de son domicile et qui réside à moins de quarante kilomètres du lieu de l'événement est identifiée comme local. ------ Nouvelles formes du tourisme La « tendance du moment » : le tourisme durable, un retour vers l'Autre Selon l'OMT : Les principes directeurs du développement durable et les pratiques de gestion durable du tourisme sont applicables à toutes formes de tourisme dans tous les types de destination, y compris au tourisme de masse et aux divers créneaux touristiques. Les principes de durabilité concernent les aspects environnemental, économique et socioculturel du développement du tourisme. Pour garantir à long terme la durabilité de ce dernier, il faut parvenir au bon équilibre entre ces trois aspects. Le tourisme durable est un tourisme qui : exploite de façon optimum les ressources de l'environnement ; respecte l'authenticité socioculturelle des communautés d'accueil ; offre à toutes les parties prenantes des avantages socioéconomiques.27Site de l'OMT Le tourisme durable tente de proposer des solutions pour faire du tourisme un vecteur de développement vers les territoires d'accueil. Au XXIe siècle, le bilan du tourisme est tel que les flux touristiques sont répartis entre trois régions principales : Amérique du Nord, Méditerranée et mer de la Chine. Une tendance se dessine : fini les trois S : Sand, Sun & Sea, bonjour les trois E Entertainement, excitement and education28« Divertissement, impatience et éducation » ! Le tourisme durable, grande tendance du XXIe siècle, permet le rapprochement culturel. Contrairement au tourisme de masse, les échanges interculturels permettent le rapprochement entre le visiteur et le visité. Ce type de tourisme est particulièrement axé sur la protection et la préservation de l'environnement naturel, culturel et social. Le tourisme durable prend plusieurs formes. Elles sont toutes à regrouper sous l'appellation de « tourisme durable »: L'écotourisme, outil de protection et préservation des milieux naturels; Le tourisme solidaire, hors zone touristique, outil de financement de projet de développement local ; Le tourisme équitable, outil de rééquilibre des rapports commerciaux Nord/Sud ; Le tourisme communautaire, dans les zones défavorisées. La nécessité d'une gouvernance locale Les stratégies de tourisme durable efficaces sont celles qui respectent les diversit&...