Histoire du capitalisme
Publié le 18/12/2010
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L'mergence du capitalisme Le Syndic des drapiers, par Rembrandt (1662). uvre de commande, elle symbolise la russite de la bourgeoisie ainsi que la puissance d'Amsterdam Toutefois, l'mergence du capitalisme est plus souvent associe aux prmices de la rvolution industrielle, et en particulier au XVIIIe sicle. Les formes de proprit prive des moyens de production et de salariat se dveloppent durant cette priode. volution des rapports sociaux Dans le domaine artisanal, le capitalisme connat des formes antrieures l'usine ou la manufacture. L'agriculture induit des priodes de faible activit (la morte saison surtout) et les manufacturiers des villes s'intressent rapidement cette main d'uvre rgulirement oisive. Le travail domicile, ou
domestic system , va se dvelopper. Il permet aux artisans et manufacturiers de sous-traiter une partie de leur production aux familles paysannes. Dans le cadre plus spcifique du
putting-out system , les entrepreneurs fournissent aux travailleurs ruraux (et toujours domicile) des matires premires, voire des outils, puis viennent rcuprer en change d'un salaire le produit transform, qui sera parfois achev dans les ateliers urbains. Ce systme a, par exemple, un intrt majeur dans le cadre de la production textile. Si on ne peut qualifier de telles mthodes de capitalistes, elles sont bien annonciatrices des futurs rapports sociaux entre employeurs et salaris. Signes de dclin de l'artisanat La spinning-jenny de James Hargreaves, invente en 1765, dcuplait la productivit du fileur ; 20000 furent vendues avant 1790 Les innovations des dbuts de la rvolution industrielle restent accessibles aux petits artisans (cf. image de la
spinning-jenny ci-contre) et ne requirent pas encore la concentration du capitalisme industriel. On assiste pourtant de premires grandes concentrations sporadiques, sans lien avec le machinisme mais lies des productions particulires, comme par exemple l'impression sur toile. Cette dernire ncessite des terrains tendus afin de blanchir les toiles, des pices immenses o les scher. Elle requiert un outillage diversifi et complexe, et entrane des stocks importants de toiles et de colorants. Enfin, elle ncessite le regroupement d'ouvriers spcialistes dans des tches distinctes. Finalement, de nombreuses formes de productions, pas encore mcanises, entranent les premires grandes concentrations de capitaux et de la main-d'uvre. La question de l'accessibilit du capital aux plus humbles est essentielle dans l'analyse marxiste. En effet, Marx distingue deux formes diffrentes de proprit prive : celle du travailleur qui possde les moyens de la production qu'il met en uvre et celle de la bourgeoisie qui emploie la force de travail des proltaires. La premire forme historique correspond au dveloppement de l'artisanat et de la petite agriculture, elle permet le dveloppement des qualifications. Puis la seconde forme, lie l'appropriation des moyens de production (voir l'Inclosure Act par exemple) par la bourgeoisie (ou la noblesse), permet l'apparition de la grande industrie, des grandes proprits Histoire du capitalisme 7 agricoles, du salariat et donc de l'ensemble des mcanismes qui fondent le mode de production capitaliste. Appropriation des terres Un acte d'enclosure datant de 1793 Dans le domaine agricole, le systme fodal perdure longtemps (le servage n'est aboli qu'en 1861 en Russie, ce qui en fait un cas exceptionnel). En 1727, l'Enclosure Act permet aux lords britanniques de s'approprier et de clturer les champs. Auparavant, la proprit revenait aux communes, et les champs taient exploits par l'ensemble des paysans locaux qui profitaient ensemble des rcoltes. Toutefois les premires vagues d'enclosures sont plus anciennes et datent du XVe sicle. Les bouleversements qu'elles provoquent marquent dj les esprits de l'poque : Thomas More dnonce dj dans Utopia (1516) les consquences sociales des balbutiements du capitalisme naissant et dcrit un monde alternatif, un nulle part imaginaire marqu par un style de vie s'apparentant au communisme. Le long processus des enclosures et l'imposition des droits de proprit sur les champs vont crer une distinction nette entre le propritaire et le salari (les anciens petits exploitants devenant les salaris des landlords). La France connat dans ce domaine un phnomne diffrent au dbut du XIXe sicle : le Code Napolon, qui disperse les terres entre les hritiers au moment du dcs, freine le dveloppement des grandes proprits du capitalisme agricole. En pleine transition dmographique, cette appropriation est le fait d'un intrt nouveau pour le monde agraire de la part des lites britanniques, qui souhaitent dvelopper une agriculture haut rendement, et donc lucrative, sur le modle de la Hollande et des Flandres. Cette appropriation entranera immdiatement une activit et des investissements importants, du fait mme de l'installation des cltures. Sur le modle des les britanniques, la proprit prive des terres s'tend travers l'Europe et les Amriques, non sans rencontrer des oppositions, notamment morales :
Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire : ceci est moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la socit civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misres et d'horreurs n'et point pargns au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le foss, et cri ses semblables :
Gardez-vous d'couter cet imposteur ; vous tes perdus si vous oubliez que les fruits sont tous, et que la terre n'est personne ! Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine de l'ingalit, 1755 La lgitimit historique du capitalisme agraire se trouve essentiellement dans son effet direct : la Rvolution agricole. Comme l'a montr Max Weber, l'introduction de l'ide de profit individuel a permis l'mergence du rationalisme dans la production, source principale de la productivit :
Lorsque les fruits sont tous et que la terre n'est personne, la terre ne produit que des bruyres et des forts. Jean-Baptiste Say Les progrs de l'agriculture capitaliste ont t ncessaires pour alimenter une population dont la croissance exponentielle (elle passe en Grande-Bretagne de 6 18millions entre 1750 et 1850) faisait craindre aux plus pessimistes (Thomas Malthus en particulier) une fin dsastreuse. Histoire du capitalisme 8 L'avnement politique du capitalisme Selon Braudel, le capitalisme ne peut s'tablir profondment que l o les lois le lui permettent et assurent son panouissement :
Il y a des conditions sociales la pousse et la russite du capitalisme. Celui-ci exige une certaine tranquillit de l'ordre social, ainsi qu'une certaine neutralit, ou faiblesse, ou complaisance de l'tat. La Dynamique du Capitalisme La constitution des conomies capitalistes telles que nous les connaissons a donc suppos d'importants changements lgislatifs instaurant la proprit prive du capital et un march du travail. Pour Karl Marx, ces changements ne sont que la manifestation de la prise de pouvoir au sein de l'tat de la bourgeoisie, une des tapes essentielles de la lutte des classes. Proprit prive des moyens de production En Grande-Bretagne, le vote de l'Enclosure Act marque l'avnement de la proprit prive du capital, il est suivi au XIXe sicle de la libralisation de l'actionnariat. En 1825, le Bubble Act, qui limitait la taille des entreprises, est abrog. En 1856, la cration de socits anonymes est libre de toute contrainte. C'est le dbut de la domination des thories du laissez-faire, souhaitant limiter l'intervention de l'tat dans l'conomie : idologie rpandue en Grande-Bretagne par les auteurs de l'cole classique anglaise [1] . L'article XVII de la Dclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen En France, suite aux mouvements rvolutionnaires de la capitale, les chteaux des campagnes sont assaillis la fin juillet 1789 par les paysans qui contestent la proprit seigneuriale. Dans la nuit du 4 aot 1789, les privilges de la noblesse sont abolis et la proprit foncire est ds lors ouverte la bourgeoisie, tandis que la disparition de nombreux impts d'Ancien Rgime permet de (re)lancer l'investissement. Le 26 aot, la proprit prive est,
sous les auspices de l'tre suprme , reconnue dans la Dclaration des droits de l'homme et du citoyen comme un droit inalinable. Aux tats-Unis, depuis la colonisation, la proprit prive des terres a t la rgle. Toutefois, la lgislation amricaine a pu se montrer trs favorable envers les moins riches et a su, grce l'immensit du territoire, faire de la proprit prive de la terre une notion fondamentale dfendue par les plus humbles (non esclaves). Une loi de 1862 accorde en effet la proprit prive de 160arpents aux pionniers. Le Homestead Act, en offrant un jardin cultiver aux Europens dmunis, stimule les flux migratoires vers les tats-Unis. March du travail En Grande-Bretagne, les conomistes classiques de la fin du XVIIIe sicle et du dbut XIXe sicle vont concentrer leurs critiques sur les lois tablies afin de permettre l'mergence de lois favorisant le march. Hrites du XVIIe sicle, les poor laws britanniques offraient via les paroisses une assistance aux indigents en leur attribuant un travail dans des workhouses, voire leur faisaient la charit de quelques denres ncessaires leur survie. Les grands classiques de l'conomie (Adam Smith, Thomas Malthus et David Ricardo) s'acharnent contre ce systme qui empcherait la mobilit des travailleurs. En 1834, la quasi-abrogation de ces lois contraint les pauvres se rendre en ville afin d'viter la famine, en trouvant par la vente de leur force de travail les ressources ncessaires leur survie. Cette rforme intervient cependant une poque o le Royaume-Uni a dj lanc sa rvolution agricole puis industrielle et doubl sa population au cours du XVIIIme sicle, grce notamment au succs des usines de coton, prenant une norme avance sur le reste du monde, qu'il perd peu peu partir de 1850. Histoire du capitalisme 9 En France, la constitution du march du travail et la libert des capitaux est permise en juin 1791 par la Loi Le Chapelier, qui interdit toute libert d'association : corporations, associations et coalitions (c'est--dire syndicats et grves). Aux tats-Unis, c'est le 13e amendement de la Constitution qui abolit l'esclavage le 18 dcembre 1865, qui conclut la libralisation du travail dans l'ensemble des secteurs d'activit. Histoire du capitalisme moderne Introduction La machine vapeur, exemple-type de la ncessaire concentration des capitaux Alors que la lgislation favorise la bourgeoisie, la rvolution industrielle s'emballe au dbut du XIXe sicle. Les productions de plus en plus importantes en volume, et les produits de plus en plus complexes, ncessitent des investissements de plus en plus grands. C'est le cas dans l'industrie naissante, mais aussi dans l'agriculture o de grosses machines (les moissonneuses batteuses ds 1834) font leur apparition. L'cart croissant entre le cot de ces machines et les salaires, ainsi que la limitation des biens communs et la duret du travail, contribuent segmenter la socit en deux groupes bien distincts : les propritaires du capital, et ceux que Marx appellera plus tard les
proltaires . Les usines se dveloppent, les paysans sont emmens de leurs campagnes pour rejoindre les villes et vendre leur force de travail dans l'industrie. En un sicle, le triomphe du capitalisme industriel a transform une socit traditionnelle, rurale et agricole, en une socit urbaine et industrielle. L'exode rural, combin l'explosion dmographique, a dpeupl les campagnes (il est toutefois intressant de noter qu'en 1881, plus de 62 % des Franais sont encore des ruraux) et les ouvriers sont venus s'entasser dans les banlieues des grandes cits industrielles. Cette concentration humaine, associe la misre ouvrire et au chmage de masse (l'
arme de rserve dcrite par Marx), contribue l'mergence de la conscience de classe au sein du proltariat. Auparavant une misre agricole au moins gale, peut-tre souvent pire n'entranait pas de tels problmes sociaux du fait de l'absence de concentration. Les paysages sont profondment transforms, les
villes champignons se multiplient, les grands centres conomiques sont rebtis (Paris par Haussmann), les rgions charbonnires sont dfigures... Toujours au plan social, le
capitalisme managrial (Alfred Chandler, la Main visible des managers) mergeant au tournant des deux sicles provoque de nouvelles distinctions entre
propritaires ,
entrepreneurs ,
ouvriers et
gestionnaires . Ds lors, les profits des propritaires sont de moins en moins lgitimes et s'apparentent une rente, car il n'est plus seulement question de la rmunration de leur talent d'entrepreneur. Toutefois, les riches familles de rentiers sont dpasses par les entrepreneurs de gnie ds la fin du XIXe (Siemens, Edison, Ford et plus rcemment Bill Gates), comme le fut en son temps la noblesse. Aprs la Seconde Guerre mondiale, une priode de forte croissance conomique, les
Trente Glorieuses (Jean Fourasti) en France, amne de nombreuses conomies du Nord la socit de consommation, tandis que s'impose une classe moyenne et que les niveaux de vie ont tendance s'uniformiser. Histoire du capitalisme 10 Le dernier quart du XXe sicle est marqu par l'ouverture croissante des marchs financiers et par le nivellement des niveaux de vie. Les petits actionnaires se multiplient, l'actionnariat salari se dveloppe, ainsi que les fonds de pensions dans les pays anglo-saxons. Il semble que dans ses dernires volutions, le capitalisme veuille se montrer comme bnficiant un plus grand nombre qu'auparavant. Mais surtout, la fin du XXe sicle est marque par la chute du systme conomique alternatif exerc dans les pays du
bloc communiste (dont certains estiment qu'ils constituaient en vrit une forme tatique du capitalisme[2] ) ayant dsormais des conomies de transition. Le capitalisme est alors dominant sous sa forme librale, mais des secteurs avec des modes de fonctionnement diffrents coexistent (conomie sociale, conomie publique, professions librales), celles-ci reprsentent 50 60% du PIB dans les pays dvelopps, ce qui rend relatif le poids de l'conomie capitaliste dans ces socits. Institution de l'conomie de march Selon Karl Polanyi (La Grande Transformation, Aux origines de notre temps, 1944), l'Occident a connu depuis la fin du XVe sicle, une gnralisation des relations de march. Il note toutefois que la prpondrance de celles-ci sur les relations traditionnelles, bases par exemple sur le don, le servage, le travail collectif ne devient effective qu'au XIXe sicle. C'est en effet durant cette priode que se met en place en Occident une civilisation dont l'conomie repose sur le march autorgulateur, l'tat libral, l'talon-or comme systme montaire international, et l'quilibre des puissances depuis la fin des guerres napoloniennes. Pour dcrire cette transformation, K. Polanyi reprend l'exemple de l'avnement du march du travail en Grande-Bretagne. Le systme traditionnel encadrait le travail par d'importantes restrictions juridiques. Les corporations imposaient des rgles, davantage bases sur la coutume que sur les lois du march, concernant aussi bien les rapports entre matres, compagnons et apprentis, que les conditions de travail ou les salaires. Ces derniers taient par exemple annuellement valus par des fonctionnaires. Encore en 1795, des juges de Speenhamland, un village de Grande-Bretagne, avaient dcid d'accorder des complments de salaires, voire un revenu minimum aux indigents. Cette dcision inspira la Grande-Bretagne entire et l'instauration d'un march du travail, bas sur l'ide librale que seul le travail doit tre source de revenu, se heurtait l'ide charitable que quiconque a un
droit de vivre . Cet obstacle, critiqu par les classiques de l'conomie et certaines philosophes utilitaristes fut finalement lev en 1834 avec la disparition des poor laws (cf. supra). Le dogme du march autorgul s'impose alors la Grande-Bretagne (et par la suite au Royaume-Uni), et est complt par de nouvelles mesures qui vont former un systme cohrent propice l'expansion du grand capitalisme. Afin de garantir la rgulation du march, on indexe l'mission montaire sur l'encaisse-or en 1844. Cette discipline montaire, adopte par la plupart des nations dans la seconde moiti du XIXe permet la stabilisation, ou l'autorgulation, des balances des paiements, suivant le principe des points d'entre et de sortie d'or. Cette rigueur montaire induit une dflation continue au XIXe qui ncessite une baisse proportionnelle des salaires nominaux (afin de garantir les profits), que seules les dures lois du march peuvent imposer aux travailleurs. De mme, afin de garantir une stabilit du pouvoir d'achat des travailleurs, malgr la baisse des salaires nominaux, le libre-change s'impose comme moyen d'alimenter la baisse des prix par l'importation de produits trangers moindres cots, d'o l'abolition des corn laws (lois protectionnistes sur le bl) en 1846 (cf infra). XIXe XXe sicle : histoire de l'
entreprise Le capitalisme reste au XIXe sicle essentiellement familial ( l'exception de quelques grandes socits dj voques). Les noms des grandes familles industrielles et financires les plus connues de nos jours voquent toujours cette priode : Rothschild, Schneider, Siemens, Agnelli, C'est dans une optique familiale que se dveloppe le grand capitalisme : on s'accorde pour viter la dispersion de l'entreprise entre les hritiers, tandis que les
fusions de l'poque se font par l'entremise d'alliances matrimoniales. Histoire du capitalisme 11 Dans la seconde partie du sicle, une nouvelle bourgeoisie s'impose, non celle des propritaires mais celle des diplms. En France par exemple, les Grandes coles fournissent l'essentiel des nouveaux entrepreneurs (Armand Peugeot, Andr Citron, etc.). Mais l'arrive de ces diplms la tte des grandes entreprises ne brise pourtant pas la tradition familiale :
Dans un cas de figure repris souvent dans les romans, l'ingnieur brillant pouvait succder au patron aprs avoir pous sa fille. (Patrick Verley) Dessin d'une usine automobile de la Peerless Motor Car Company Cleveland (USA) au dbut du XXe Le dveloppement de la lgislation sur les socits anonymes (libralisation totale en 1856 au Royaume-Uni, 1867 en France et 1870 en Prusse), permet progressivement des capitaux anonymes de se joindre ceux des grandes dynasties industrielles. Dans Capitalisme, socialisme et dmocratie (1942), Joseph Schumpeter prvoit que ces volutions juridiques feront terme disparatre la fonction d'entrepreneur-innovateur et qu'
au romantisme des aventures commerciales d'antan succde[ra] le prosasme . La disparition de l'entrepreneur, entendu au sens du XIXe sicle, mne selon Schumpeter la disparition de l'initiative capitaliste. L'
vaporation de la substance de la proprit nuit la vitalit de l'conomie, et de par ses succs mmes,
l'volution capitaliste, en substituant un simple paquet d'actions aux murs et aux machines d'une usine, dvitalise la notion de progrs . Finalement, Joseph Schumpeter craint l'poque que le capitalisme disparaisse au profit du socialisme. Au XXe sicle, les volutions des productions, la taille des entreprises et la complexit de leur gestion poussent de nombreux conomistes annoncer la fin du pouvoir des propritaires du capital au profit des
gestionnaires (managers). John Kenneth Galbraith prvoit que le pouvoir au sein de l'entreprise passe
de faon invitable et irrvocable, de l'individu au groupe, car le groupe est seul possder les informations ncessaires la dcision. Bien que les statuts de la socit anonyme placent le pouvoir entre les mains de ses propritaires, les impratifs de la technologie et de la planification les en dpouillent pour les transmettre la technostructure. On assiste une
rvolution managriale (corporate revolution), o le manager prend le relais de l'entrepreneur. Les quilibres entre les diffrents caractres du capitalisme en sont subtilement transforms : l'objectif essentiel est dsormais moins le profit (qui proccupait l'entrepreneur propritaire) et les dividendes (soucis de l'actionnaire) que l'agrandissement de l'entreprise et de sa prosprit, dont dpendent la rmunration et le prestige des managers. L'accumulation du capital devient la nouvelle priorit. Les volutions les plus rcentes de l'entreprise traduisent toutefois un retour en force des propritaires. L'actionnaire redevient la finalit de l'entreprise. Il ne s'agit gnralement plus d'un individu, mais souvent de fonds de placement ou de fonds de pensions, ou de banques charges de faire fructifier l'pargne des dposants, exigeants qu'ils soient petits ou grands. La logique de la
rentabilit financire reprend l'avantage sur celle de la rentabilit conomique. Les plus mme de remplir ces nouveaux objectifs restent les managers qui, bien qu'ayant perdu leur pouvoir d'orientation au profit de ce qu'on appelle dsormais la
gouvernance d'entreprise (corporate governance), obtiennent des salaires toujours plus importants. Histoire du capitalisme 12 Certains conomistes contestent cette nouvelle puissance des actionnaires au sein de l'entreprise. Pour Joseph Stiglitz (Quand le capitalisme perd la t
te, 2004) les entreprises sont toujours aux mains des managers et des comptables qui ne fournissent pas aux actionnaires des donnes relles sur la sant des entreprises et n'hsitent pas voler ces derniers via des manuvres financires incomprises, en particulier la distribution de stock-option. XIXe XXe sicle : capitalisme et salariat La machine contre l'ouvrier ? Une usine de verre de l'Indiana, en 1856, o travaillent entre autres des enfants Cette problmatique s'illustre ds les dbuts de la premire rvolution industrielle. Les modifications du travail et de son organisation engendres par l'arrive de machines entranent pour les travailleurs une source de chmage, mais surtout de dqualification. Adam Smith (Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776) reconnat que le dveloppement du machinisme et la division du travail abrutissent les hommes et amnent les considrer comme de simples machines devant raliser un mme geste simple toute la journe. En 1811, les ouvriers du Nottinghamshire se rvoltent, inspirs par la lgende du clbre Robin des Bois, sous la direction d'un mythique Ned Ludd, pour dtruire les machines, devenues leurs ennemies. Il en fut de mme en 1831, lors de la
rvolte des Canuts (ouvriers de la soie Lyonnais). De fait, pour les capitalistes, la machine a longtemps prim sur l'Homme. C'est ce dernier qu'on adapte. Lorsqu'un accident le prive d'un bras, on change l'Homme sans s'inquiter de l'adquation de la machine. Lorsque la machine et certains de ses composants sont d'accs difficiles, on emploie les enfants, dont la taille permet d'aller dans des endroits peu accessibles. D'un point de vue gnral, les tudes sur longues priodes ont montr que le rsultat de l'introduction des machines est plus complexe que l'unique concurrence envers le travailleur, puisqu'elle amne aussi crer de nouveaux postes plus qualifis (apparition des ingnieurs) en parallle des anciens postes d'ouvriers. Plus tardivement, les machines ont aussi pu rduire la pnibilit et la dure du travail lorsque leur conception prenait en compte cette approche. Elles ont aussi permis aux hommes d'accder une socit o les biens sont plus abondants grce l'augmentation de la productivit. Certains auteurs, enthousiastes face la forte productivit des secteurs primaire et secondaire, confiants en la robotisation, n'hsitent pas prophtiser
la fin du travail (Jeremy Rifkin, 1996), et encouragent l'avnement d'une conomie essentiellement tourne vers les services la personne (
la production de l'homme par l'homme selon Robert Boyer). Histoire du capitalisme 13 Les droits sociaux
Dsesprs, rduits l'alternative de mourir de faim ou d'arracher leur matre par la terreur la plus prompte condescendance leur demande. Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776 Sous la pression du dveloppement du mouvement ouvrier et de la question sociale, le lgislateur va devoir ragir pour amliorer les conditions de vie des travailleurs. Des lois vont progressivement amliorer le temps de travail, les conditions de travail, le premier ge du travail, l'accs aux soins, la
retraite , etc. Ds 1833 au Royaume-Uni avec le Factory Act, mais de faon trs progressive puisque la loi de 1833 ne fait que limiter 9 h par jour le travail des enfants de moins de 13 ans. Ces progrs humains ne se font donc que lentement, et dans le cadre d'un rapport de forces permanent. Cette priode voit aussi se dvelopper de nouvelles formes de solidarit entre travailleurs qui s'auto-organisent pour faire face un dur quotidien. Les formes modernes de l'conomie sociale se dveloppent en opposition au capitalisme et proposent des services aux salaris. Dans un premier temps, les premires mutuelles servent financer les enterrements, puis elles tendent leur champ d'action au financement des jours de grves, puis aux congs maladie et la retraite. Certains grands patrons ne seront pas insensibles la misre du monde ouvrier, et s'illustreront par leur paternalisme, par leur philanthropie et leurs mthodes de travail tout aussi avant-gardistes que comptitives. Robert Owen commena ainsi poser les bases du mouvement coopratif dans son usine de New Lanark, en proposant ses ouvriers aussi bien des cours du soir, que des jardins pour leurs enfants. En France, au Creusot, Schneider offre aussi divers services ses salaris, sans ngliger toutefois de faire implanter une caserne. Les salaires Henry Ford Plus tard, Henry Ford comprendra que l'insatisfaction de l'ouvrier, engendre par les mthodes de travail tayloristes, se fait au dtriment de la productivit, et proposera des salaires bien au-dessus du march afin de limiter la rotation du personnel et de fidliser une main-d'uvre devenue difficile recruter sur des postes peu valorisants de travail la chane en une priode sans chmage. Cette pense se gnralisera et aboutira au
compromis fordiste des annes 1945-1970, priode sur laquelle la part des salaires dans la valeur ajoute va progresser au dtriment de la part relative du profit. Toutefois, la productivit toujours accrue des salaris satisfaits de leurs salaires permet aux profits de s'accrotre dans l'absolu : c'est ici qu'apparat l'ide de compromis. La fin du compromis fordiste, depuis les annes 1970 ou 1980 selon les pays, va cependant entraner un mouvement inverse toujours en cours, dans lequel la part du profit progresse rapidement au dtriment des salaires
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