Chapitre 4 : Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier
Publié le 17/04/2024
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Chapitre 4 : Comment expliquer les crises financières et
réguler le système financier
4.1 Introduction
Le samedi 7 février 2009, peu avant l’aube, 3 582 pompiers sont intervenus sur l’ensemble du
territoire de l’État australien du Victoria.
Ce jour-là, les feux de brousse ont dévasté 400 000
hectares, détruit 2 056 maisons et ôté la vie à 173 personnes.
Les Australiens ont qualifié cette
journée de « Samedi noir » (Black Saturday, en anglais).
Cependant, ce matin-là, aucune alerte d’incendie n’avait été lancée.
Comment les pompiers de
l’État du Victoria ont-ils donc été alertés ? Ils l’ont été grâce à un indicateur appelé l’indice de
danger d’incendie de forêt de McArthur (McArthur Forest Fire Danger Index ou FFDI, en
anglais) qui, la veille, avait dépassé ce qui était (jusque-là) son niveau maximal calibré à 100,
un niveau qui avait été atteint seulement lors des feux de brousse de janvier 1939.
Lorsque cet
indice est supérieur à 50, il indique un danger « extrême ».
Une valeur excédant 100
représente un danger « catastrophique ».
Le 6 février 2009, l’indice FFDI avait atteint 160.
Ce n’était pas une simple étincelle ou un éclair qui avait causé le Samedi noir.
Tous les jours,
des étincelles provoquent des petits feux de brousse et, pour cette seule journée, la
Commission royale signala 316 cas distincts de feux d’herbe, de broussaille ou de forêt.
Ce
sont des circonstances particulières qui transformèrent des feux apparemment sans réel danger
en un désastre sans précédent.
Comme pour le Samedi noir, de petites causes ont parfois des conséquences très importantes.
Dans le cas d’un réseau électrique, la défaillance d’un seul maillon du réseau entraîne la
surcharge d’autres maillons, entraînant des coupures électriques en cascade.
Les avalanches
constituent un autre exemple naturel.
On retrouve également ce phénomène d’effet papillon (petites causes aux lourdes
conséquences) en économie, par exemple lors de la Grande Dépression (période de forte
baisse de la production et de l’emploi dans beaucoup de pays dans les années 1930) ou lors de
la crise financière mondiale (crise qui débuta en 2007 avec l’effondrement des prix
immobiliers aux États-Unis.
Les effets de la crise se firent sentir partout dans le monde
puisque la croissance ralentit, le chômage augmenta et le commerce mondial recula
considérablement en 2008).
Contrairement aux feux de brousse au sud-est de l’Australie en 2009, la crise financière
mondiale a pris par surprise les ménages, les entreprises et les gouvernements du monde
entier.
Le potentiel d’une croissance fondée sur l’endettement à créer de tels ravages fut
complètement négligé durant les années précédentes de croissance stable, caractérisées par
une gestion macroéconomique apparemment réussie et que l’on a appelées la Grande
Modération (Période de faible volatilité de la production globale dans les économies
avancées entre les années 1980) et la crise financière de 2008.
Le terme fut suggéré par les
économistes James Stock et Mark Watson et popularisé par Ben Bernanke, alors président de
la Fed.
Les décideurs économiques à l’échelle mondiale n’étaient tout simplement pas préparés.
Ils
découvrirent à cette occasion qu’une longue période d’accalmie sur les marchés financiers
pouvait rendre une crise plus probable.
C’est un argument que l’économiste Hyman Minsky
avait pourtant avancé bien avant la Grande Modération.
En 1982, Minsky écrivit un ouvrage
intitulé Can “It” Happen Again? (Est-ce que cela peut se reproduire ?) sur le
fait que des périodes de tranquillité conduisent les entreprises à recourir à des méthodes de
financement de leurs investissements (Dépenses mises en œuvre par les entreprises
pour acquérir des biens de production comme des biens d’équipement ou encore des
bâtiments).
Elles effectuent aussi des dépenses de R&D, on parle alors d’investissement
immatériel plus risqué.
En d’autres termes, une période telle que la Grande Modération
contenait les germes de la prochaine crise financière.
Son avertissement fut ignoré.
De nombreux économistes continuèrent de penser que l’instabilité économique était un
phénomène du passé, jusqu’à ce que la crise éclate.
C’est comme si les pompiers australiens
avaient appris que l’indice FFDI avait atteint un niveau de 160, mais qu’ils n’avaient pas
réagi, parce qu’ils ne pensaient pas qu’un incendie soit possible.
À quelques exceptions près, la plupart des décideurs politiques et leurs conseillers
économiques continuaient de penser que le secteur financier était capable de s’autoréguler.
Au
lieu de se montrer plus vigilants, les économistes et régulateurs se complaisaient dans cette
période d’accalmie que fut la Grande Modération.
Certaines des personnes impliquées admirent par la suite que leurs anticipations sur la stabilité
de l’économie étaient erronées.
Par exemple, Alan Greenspan, l’ancien président de la banque
centrale américaine (la Réserve fédérale), reconnut que la crise financière avait révélé un
« défaut » dans sa croyance que des marchés libres et concurrentiels garantissaient la stabilité
financière.
Pour les économistes et les historiens, les événements de 2008 ressemblaient de
façon inquiétante aux événements qui avaient marqué le début de la Grande Dépression de
1929.
Les causes de la Grande Dépression nous apparaissent comme étant dramatiques, et ont
dû être terrifiantes pour ceux qui l'ont réellement vécue.
Ainsi, les événements de 2008
montrent également comment le fait de ne pas tirer entièrement les enseignements de
l’Histoire crée les conditions de nouvelles crises.
En 2008, les économistes se sont souvenus des leçons de la Grande Dépression aux ÉtatsUnis : ils ont alors encouragé les décideurs publics à adopter des actions concertées à l’échelle
internationale pour garder le système bancaire en état de fonctionnement et stopper
l’effondrement de la demande agrégée.
En novembre 2008, lors du sommet du G20 à
Washington, le Premier ministre britannique Gordon Brown dit aux journalistes : « Nous
devons nous accorder sur l’importance de coordonner les politiques monétaires et budgétaires.
Il y a urgence.
En agissant maintenant, nous pouvons stimuler la croissance dans toutes nos
économies.
Le coût de l’inaction sera bien plus important que le coût de n’importe quelle
action.
» Nombre de décideurs politiques influents dans cette crise étaient alors des
économistes qui avaient étudié la Grande Dépression.
Ils appliquèrent les leçons tirées de leur
analyse.
4.2 Quelles sont les principales caractéristiques de la crise
financière des années 1930 et de celle de 2008 ?
Quelles sont les caractéristiques spécifiques de la crise financière des
années 1930 ?
Effondrement boursier
Un indice boursier est un indice composite (une moyenne) permettant de suivre l’évolution des
cotations des entreprises industrielles les plus représentatives (ici, les plus importants groupes
industriels cotés à New York).
Le jour qui marque le début de la Grande Dépression est aujourd’hui nommé « Jeudi noir »
(Black Thursday, en anglais).
Le jeudi 24 octobre 1929, l’indice boursier américain Dow
Jones des valeurs industrielles s’effondra de 11 % à l’ouverture (au début des échanges
d’actions), plongeant le marché boursier (Un marché financier où des actions ainsi
que d’autres d’actifs financiers sont échangés.
Il comporte une liste d’entreprises dont les
actions y sont échangées.) américain dans le déclin pour trois ans lors desquels il perdit
89 % de sa valeur (voir le Graphique 4.1).
Il fallut attendre 1954 pour que le Dow Jones (30
plus grandes entreprises industrielles de la Bourse de New York) retrouve sa valeur de 1929.
Cet effondrement soudain des valeurs à la Bourse est appelé krach boursier, en allemand, en
référence à l’effondrement de la Bourse de Vienne en 1873.
Graphique 4.1 L’évolution du Dow Jones lors de la Grande Dépression (janvier 1924–avril
1932).
Crise de surproduction
Graphique 4.2 Changement dans les composantes de la demande globale au cours
des fluctuations à la hausse et à la baisse (3e trimestre 1924–4e trimestre 1941).
Gordon, Robert J., The American Business Cycle: Continuity and Change.
Vol.
25.
University of
Chicago Press.
2007.
Si vous observez bien
le Graphique 4.2, vous
remarquez trois périodes
de récession, c’est-àdire de baisse du PIB.
Comme nous l’avons vu
dans le Chapitre 1,
quand des périodes
d’expansion (hausse du PIB) et de récession se succèdent régulièrement, on parle de cycles
économiques.
Vous remarquez aussi que la variation du PIB peut être décomposée selon les contributions de
chaque poste de dépenses, c’est-à-dire de la demande globale :
Les investissements des entreprises et des ménages (surtout des
logements) auxquels on a ajouté la consommation de biens
durables.
Il s’agit de dépenses qui peuvent être reportées dans le
temps (on peut continuer à utiliser sa voiture sans en racheter
une, même si celle-ci est très ancienne et mériterait d’être
changée).
La consommation finale non durable des ménages.
Il est plus
difficile de reporter ces dépenses, il faut y renoncer pour les
réduire (acheter moins de viande, par exemple).
Les dépenses publiques, c’est-à-dire les consommations et les
investissements des administrations publiques, en particulier de
l’État.
Les exportations nettes qui désignent la différence exportations –
importations.
On observe ainsi que, lors des phases de récession, l’investissement (barre rouge) contribue le
plus fortement à la baisse du PIB.
En effet, l’incertitude sur l’état de l’économie provoquée
par le spectaculaire krach boursier d’octobre 1929 rendit les entreprises et les ménages plus
prudents, les amenant à différer dans le temps leurs achats de machines, de biens
d’équipement et de....
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