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Bénéfices, prix, marché chez GALBRAITH

Publié le 29/02/2020

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Raisonner en termes d’économie de marché et de choix libre du consommateur, c’est utiliser un mode d’explication désuet, dont la validité est désormais périmée. Cette explication était adéquate au début du développement économique : ce n’est donc pas en elle-même qu’elle est mauvaise. Il est seulement erroné de vouloir l’appliquer aux circuits économiques du système industriel, c’est-à-dire à un domaine qui lui est originellement et définitivement étranger. Les économistes classiques, une fois encore, transportent les lois du marché en des lieux où elles sont devenues caduques.

« Quand les biens étaient moins abondants, quand ils servaient à satisfaire des besoins physiques urgents et que leur acquisition faisait l’objet d’une mûre réflexion, l’acheteur était infiniment moins manœuvré. Quant au producteur, il ne connaissait pas, dans ce monde plus simple et moins technique, l’obligation de planifier. Aussi n’éprouvait-il pas la nécessité de persuader, ou, si l’on préfère, de conditionner la demande. » Comme on le voit, Galbraith n’hésitc pas à mobiliser des arguments psychologiques pour étayer ses thèses : il cherche, légitimement, les fondements socio-historiques des réactions psychologiques du consommateur.

C’est qu’en réalité, le problème ici est plus qu’économique. Maintenir à tout prix la filière classique, c’est imposer l’idée que, dans tout système économique, le pouvoir est exercé en dernier ressort par l’individu. Une telle attitude est exemplaire d’une civilisation qui a le culte de l’individu et postule que celui-ci est détenteur d’une liberté qu’il utilise toujours en pleine connaissance de cause et au mieux de ses intérêts. L’enjeu, on le voit, dépasse le simple domaine de l’économie : la conception même des rapports entre l’individu et la société, quelle qu’elle soit, se trouve en question.

Mais peut-être en fait cette illusion elle-même est-elle, selon Galbraith, la ruse dernière du système. En effet, « il est possible que les gens aient besoin de croire qu’ils ne sont pas manœuvrés pour pouvoir l’être effectivement ». Au fond, nous ne sommes jamais autant pris dans le système que lorsque nous avons l’impression

LE NOUVEL

ÉTAT

INDUSTRIEL

de GALBRAITH

globale (ou ce « qu’on l’a persuadé d’accepter pour objectifs »). C’est pourquoi ce contrôle des prix par les grosses entreprises n’est nullement inefficace comme le prétend la théorie traditionnelle. En outre, puisqu’il correspond aux objectifs du corps social, on comprend qu’il reste impuni par les lois, dans la mesure où la justice sociale ne peut jamais condamner réellement un comportement qui est accepté par la société globale.

« Le système industriel exerce sur les prix le contrôle qui lui est nécessaire comme une sorte de sous-produit de son propre développement. » A cause de la planification qui privilégie les grandes entreprises, le marché se partage en un petit nombre de firmes. Chacune d’entre elles a besoin de gouverner ses propres prix, mais en pensant qu’il en va de même pour les autres. C’est pourquoi elles évitent toutes de mener des actions qui seraient dangereuses pour leur intérêt commun, c’est-à-dire la maîtrise des prix. En particulier une firme renoncera toujours à opérer une brutale baisse des prix, qui lui serait tout aussi préjudiciable qu’à ses concurrents.

La notion de concurrence a donc changé de sens, dans la mesure où la grande entreprise cherche avant tout à éliminer les incertitudes et les risques. « L’effondrement des prix est par excellence le danger : c’est une éventualité inhérente à tout marché incontrôlé, ou qu’un accès soudain de concurrence à la baisse peut toujours déclencher. La technostructure déploie de grands efforts pour le prévenir. » C’est pour la même raison qu’une fois fixés, les prix restent, dans le système industriel, stables durant un long laps de temps, et cela constitue une caractéristique importante de la nouvelle structure économique : il est nécessaire d’expliciter ce point.

La planification exige des prix relativement stables car cette stabilité permet une prévision convenable sur un assez long terme, « et puisque les prix d’une firme constituent les coûts d’une autre, les coûts sont également prévisibles ». Le bénéfice de la stabilité des prix est donc double : le contrôle s’en trouve facilité, et le risque d’un effondrement brutal en est fortement minimisé. Elle contribue donc largement à la réalisation des

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