1978: Les difficultés économiques de la Grande-Bretagne
Publié le 20/02/2011
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Sous la forme qu'elle prend dans le libellé du sujet, l'appréciation de la situation économique de la Grande-Bretagne peut étonner : comment oser appliquer l'expression « au bord du gouffre« au pays de la Révolution industrielle, à un pays hier encore maître d'un immense empire ? Certes, l'écho des difficultés britanniques nous est parvenu, essentiellement par le biais des relations extérieures, sans cependant atteindre à ce niveau dramatique. Seul un rigoureux constat critique, précédant une recherche systématique des causes de la dégradation de la situation économique de la Grande-Bretagne, permettra de justifier ou d'infirmer l'emploi d'une telle expression.
«
Le déséquilibre de la balance commerciale entraîne celui de la balance des paiements.
Le solde négatif est passé de2,1 milliards de dollars en 1973 à 8,7 milliards en 1974, avant de revenir à 2,75 milliards en 1976 (document 1).
Unetelle situation a des effets négatifs sur la livre sterling, ce qui renforce la dépendance de la Grande-Bretagne face àl'extérieur.Joints à cette analyse globale des relations de la Grande-Bretagne avec l'étranger, d'autres signes concrets — tell'exode des cerveaux — pourraient renforcer l'impression d'affaiblissement général de ce pays, largement lié à lacoexistence de deux graves déséquilibres internes: l'inflation et le chômage.Depuis 1945, le chômage est toujours resté important et supérieur à l'ensemble des pays de l'O.C.D.E.
(documentn°3): affectant plus de 5% de la population active, il est bien au-delà du niveau qualifié de « plein-emploi » par lecélèbre « rapport Beveridge » .L'inflation a atteint des records durant ces dernières années.
Si la hausse des prix n'est plus de 25 %, elle estrestée supérieure à un rythme annuel de 15% durant l'été 1977.
3 — Quelques données pour nuancer le jugement.Il existe toutefois un certain nombre d'éléments, récents ou plus anciens, qui plaident en faveur d'une appréciationplus fine que « l'Angleterre est au bord du gouffre...
»Si nous considérons les agrégats, l'évolution assez lente du P.N.B.
a mis la Grande-Bretagne à l'abri d'une évolutiontrop heurtée, les « creux » étant moins profondément marqués.
Cela fut le cas lors de la grande dépression desannées trente, mais aussi en 1975, année particulièrement dure pour les économies occidentales.En ce qui concerne les investissements, La Presse économique du 6 septembre 1976 incriminait plus leur manque deproductivité que leur volume.
Il faut aussi remarquer que le taux de chômage de la Grande-Bretagne resterelativement voisin de celui de la R.F.A.
ou de la France, et inférieur à celui des Etats-Unis : c'est un élémentpositif, bien que cela s'accompagne d'une faible productivité.
Les deux derniers documents nous invitent à préciser la puissance des conglomérats industriels et financiers quidominent la vie économique Outre-Manche et au-delà.En 1974, les investissements britanniques directs à l'étranger étaient deux fois plus importants que ceux réalisés enGrande-Bretagne par d'autres pays.
Les investissements de portefeuille étaient près de trois fois plus importants.
Autotal, le secteur privé anglais aura investi près de douze fois plus à l'étranger que l'inverse.
La puissance de la Citydemeure.
Si la Grande-Bretagne n'est plus le banquier du monde, elle n'a pas abdiqué toute prétention à devenircelui de la C.E.E.
(document n°9).D'autre part, à la même date, que ce soit pour le chiffre d'affaires, la croissance ou les profits réalisés, les grandesentreprises britanniques dominent largement leurs concurrents européens, y compris allemands.
Sur les centpremières entreprises européennes par le chiffre d'affaires, près d'un tiers sont anglaises et, pour les profits réalisés,plus de deux tiers des cent premières sont britanniques.Enfin, d'un point de vue social, il est important de souligner l'existence d'un fort consensus social qui, malgrél'antagonisme des «deux nations», laisse espérer à un gouvernement travailliste la compréhension des syndicatspour la mise en place d'une politique d'austérité.
Le soutien des T.U.
(Trade-Unions) aux mesures conjoncturelles duChancelier D.
Healey a permis d'obtenir une forte décélération de la hausse des salaires en 1977, au prix d'unebaisse importante du pouvoir d'achat.Ainsi, un examen détaillé montre bien la situation, en son ensemble précaire, dans laquelle se trouve plongéel'Angleterre.
L'analyse des causes de cette situation va conduire à proposer une série d'explications.
2.
Déments d'explication.Trois grands ensembles d'éléments permettent de rendre compte de la situation actuelle : le poids du passé, le chocd'une nouvelle conjoncture et l'adoption de politiques économiques critiquables.
1 — Le poids du passé.Le passé prestigieux du premier pays à s'être industrialisé pèse au niveau des structures industrielles, del'organisation de la production et des forces sociales.
Les structures industrielles sont encore profondément marquées par les secteurs anciennement dominants : textile,charbon et sidérurgie.
Bien qu'elle soit en diminution, leur importance relative est inquiétante, car leur compétitivitéest faible.
Ainsi, l'entreprise nationale British Steel Corporation, qui regroupe l'ensemble de la sidérurgie, « est lecauchemar de tout aciériste : la production d'acier par homme et année s'élève en moyenne à 122 tonnesseulement, à peine la moitié de la moyenne du meilleur ouvrier aciériste américain, japonais ou européen ».Au niveau de l'industrie, entre 1963 et 1974, l'augmentation de la productivité a été de 82,6 % en R.F.A., de 100 %en France et de 16,8 % seulement en Grande-Bretagne.
Pour l'ensemble de l'économie, la productivité n'a augmentéque de 2,9% par an, en moyenne, de 1964 à 1973, au lieu de 4,7 % pour la R.F.A.
et 4,9 % pour la France.
En1974, le taux de croissance n'a été que très légèrement positif.
Certes, la situation s'est améliorée par rapport auxannées soixante, mais le pays partait d'un niveau relativement bas.Cette faible productivité est directement liée aux modalités de la concentration des entreprises et à la faiblesse desinvestissements.
Le mouvement de concentration, amorcé dès le début du siècle, explique que l'industrie soit plusfortement concentrée qu'en France, d'autant que le mouvement s'est nettement accéléré depuis 1965.
Mais lesdifficultés rencontrées dans ce pays du laissez-faire n'ont pas toujours permis une modernisation satisfaisante :citons de nouveau la British Steel Corporation, qui tire sa production de dix-huit usines disséminées dans toute la.
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