Y a-t-il une pensée sans sujet pensant ?

Qu'est-ce donc qui pourra être estimé véritable ? Peut-être rien autre chose, sinon qu'il n'y a rien au monde de certain. Mais que sais-je s'il n'y a point quelque autre chose différente de celles que je viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse avoir le moindre doute ? N'y a-t-il point quelque Dieu, ou quelque autre puissance, qui me met en l'esprit ces pensées ? Cela n'est pas nécessaire, car peut-être que je suis capable de les produire de moi-même. Moi donc à tout le moins ne suis-je pas quelque chose ? Mais j'ai déjà nié que j'eusse aucun sens ni aucun corps. J'hésite néanmoins, car que s'ensuit-il de là ? Suis-je tellement dépendant du corps et des sens que je ne puisse être sans eux ? Mais je me suis persuadé qu'il n'y avait rien du tout dans le monde, qu'il n'y avait aucun ciel, aucune terre, aucuns esprits, ni aucuns corps; ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n'étais point ?

Se demander s'il y a une pensée sans sujet pensant dévoile d'emblée un paradoxe trés fort : penser présuppose un sujet qui pense, une subjectivité qui pense et qui se veut comme le lieu et le véhicule de toute extériorisation de la pensée. Y a-t-il une pensée sans sujet pensant nous interroge sur l'émission de la pensée et la possibilité pour celle-ci de se donner en dehors du je pensant. Il se peut donc qu'une pensée advienne sans que "je" puisse en être à l'origine. Une pensée sans sujet pensant est-elle une pensée privée du "je" pensant, en ce sens comment une telle pensée se donne et quel sens lui donner? Si une pensée sans sujet pensant est possible, est-ce encore une pensée? Y-at-il des pensées qui m'échappent et qui se donnent en mon absence? Le "je" ne serait alors pas cette entité souveraine défini comme le lieu de toute pensée? Si le "je" ne pense pas, qui pense? Le corps? Linconscient?