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Wells, la Machine à explorer le temps (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Wells, la Machine à explorer le temps (extrait). Paru il y a un siècle, ce roman de H. G. Wells est le plus célèbre de son auteur et le premier qu'il a publié. Le chapitre IV est en fait le véritable début du roman puisqu'il relate, sous la forme d'un récit emboîté, le voyage fait par l'« Explorateur du temps « devant quelques témoins. Si cette relation occupe la quasi-totalité du roman, c'est aussi parce que le narrateur et personnage principal prend plaisir à décrire, comme dans ces lignes, le voyage proprement dit et les sensations qu'il lui procure, avant son arrivée dans le passé. La Machine à explorer le temps de H. G. Wells (chapitre IV, « le Voyage «) « Les sensations désagréables du départ étaient maintenant moins poignantes. Elles se fondirent bientôt en une sorte d'euphorie nerveuse. Je remarquai cependant un balancement lourd de la machine, dont je ne pouvais m'expliquer la cause. Mais mon esprit était trop confus pour y faire grande attention, si bien que je me lançais dans l'avenir avec une sorte de folie croissante. D'abord, à peine pensai-je à m'arrêter, à peine pensai-je à autre chose qu'à ces sensations nouvelles. Mais bientôt une autre série d'impressions me vint à l'esprit -- une certaine curiosité et avec elle une certaine crainte --, jusqu'à ce qu'enfin elles se fussent complètement emparées de moi. Quels étranges développements de l'humanité, quelles merveilleuses avances sur notre civilisation rudimentaire n'allais-je pas apercevoir quand j'en arriverais à regarder de près ce monde vague et illusoire qui se déroulait et ondoyait devant mes yeux ! Je voyais des monuments d'une grande et splendide architecture s'élever autour de moi, plus massifs qu'aucun des édifices de notre époque, et cependant, me semblait-il, bâtis de brume et de faible clarté. Je vis un vert plus riche s'étendre sur la colline et demeurer là sans aucun intervalle d'hiver. Même à travers le voile qui noyait les choses, la terre semblait très belle. C'est alors que l'idée me vint d'arrêter la machine. Le risque que je courais était de trouver quelque nouvel objet à la place que la machine et moi occupions. Aussi longtemps que je voyageais à toute vitesse, cela importait fort peu. J'étais pour ainsi dire désintégré -- je glissais comme un éther à travers les interstices des substances interposées ! Mais s'arrêter impliquait peut-être mon écrasement, molécule par molécule, dans ce qui pouvait se trouver sur mon passage, comportait un contact si intime de mes atomes avec ceux de l'obstacle qu'il en résulterait une profonde réaction chimique -- peut-être une explosion formidable, qui m'enverrait, mon appareil et moi, hors de toute dimension possible... dans l'Inconnu. Cette possibilité s'était bien souvent présentée à mon esprit pendant que je construisais la machine ; mais alors je l'avais de bon coeur envisagée comme un risque nécessaire -- un de ces risques qu'un homme doit toujours accepter. Maintenant qu'il était inévitable, je ne le voyais plus du tout sous le même jour. Le fait est que, insensiblement, l'absolue étrangeté de toute chose, le balancement ou l'ébranlement écoeurant de la machine, par-dessus tout la sensation de chute prolongée, avait absolument bouleversé mes nerfs. Je me disais que je ne pouvais plus m'arrêter et, dans un sursaut nerveux, je résolus de m'arrêter sur-le-champ. Avec une impatience d'insensé, je tirai sur le levier ; aussitôt la machine se mit à ballotter et je dégringolai la tête la première dans le vide. Il y eut un bruit de tonnerre dans mes oreilles ; je dus rester étourdi un moment. Une grêle impitoyable sifflait autour de moi, et je me trouvai assis sur un sol mou, devant la machine renversée. Toutes choses me paraissaient encore grises, mais je remarquai bientôt que le bruit confus dans mes oreilles s'était tu. Je regardai autour de moi. J'étais sur ce qui pouvait sembler une petite pelouse, dans un jardin, entouré de massifs de rhododendrons dont les pétales mauves et pourpres tombaient en pluie sous les volées de grêlons. La grêle dansante et rebondissante s'abattait sur la machine et descendait sur le sol comme une fumée. En un instant, je fus trempé jusqu'aux os : « Excellente hospitalité, dis-je, envers un homme qui vient de parcourir d'innombrables années pour vous voir ! « Enfin je songeai qu'il était stupide de se laisser tremper ; je me levai et je cherchai des yeux où me réfugier. Une figure colossale, taillée apparemment dans quelque pierre blanche, apparaissait, incertaine, au-delà des rhododendrons, à travers l'averse brumeuse. Mais le reste du monde était invisible. « Source : Wells (H. G.), la Machine à explorer le temps, Paris, Gallimard, coll. « Folio Junior «, 1987. Trad. par Henry D. Davray (Mercure de France, 1959, pour la traduction). Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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