Voltaire, Candide. L'auto-da-fé
Publié le 11/09/2006
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Cet extrait est tiré du chapitre 6 de CANDIDE, livre écrit anonymement par l’écrivain philosophe Voltaire (1694-1778) en 1759. A cette époque, Voltaire s’était réfugié dans la propriété de Ferney, située à cheval sur la frontière franco-suisse. Candide est un conte philosophique qui contredit la théorie de l'optimisme selon laquelle tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, mais sans la détruire tout à fait puisque la plupart des personnages finissent par cultiver sagement leur jardin en renonçant à la métaphysique. Il sera publié en 1759, sous couvert de l'anonymat, puis du pseudonyme en 1761. Nous savons que déjà Candide a été plusieurs fois confronté à des situations difficiles et douloureuses. En effet, nous avons vu Chapitre 1 et 2 où Candide est chassé, victime des sergents recruteurs. Le Chapitre 3 relate la guerre, le champ de bataille, la désertion et la fuite en Hollande. Candide fait aussi la connaissance de Jacques, un homme généreux qui s’affirme lors du chapitre 4, des retrouvailles avec Pangloss et lors du voyage à Lisbonne. La chapitre 5 lui raconte la tempête, le naufrage et le tremblement de terre que subissent nos héros. Dans cet extrait, Candide et son inséparable précepteur Pangloss, philosophe et incorrigible optimiste, traverse la capitale portugaise aux lendemains du tremblement de terre de Lisbonne, survenu en 1755. Ce chapitre 6 est une critique ironique de l’Inquisition et nous déduisons vite les objectifs de Voltaire qui sont la lutte contre l'intolérance, la dénonciation de la superstition et la dénonciation de l'optimisme naïf. On retrouvera à travers cet épisode, Voltaire, farouche ennemi du fanatisme. C’est pourquoi nous pouvons développer deux axes de lecture : l’omniprésence de l’ironie et la dénonciation. La critique du fanatisme est dans cet extrait manifestée par la tonalité ironique employée par le narrateur. La mise en valeur des sages, du caractère apparemment réfléchi et raisonnable de leur décision souligne l’ironie de leur comportement. Tout ce qui touche à la décision d'organisation de la cérémonie est présenté de manière apparemment élogieuse, avec une insistance particulièrement admirative sur ce qui, précisément, ne mérite aucune admiration. L’auteur souligne avec dérision la sagesse et le savoir. L’accent est donc mis sur l’aspect savant de la décision : Le mot sages, est déjà hautement provocateur car dans la bouche de Voltaire « sage « ne peut être pris au premier degré. De plus il ajoute des références à une vénérable université, qui n’a aucune crédibilité réelle. Une formulation impersonnelle il était décidé donne plus de poids. Quant à l’articulation logique en conséquence, elle analyse un lien de cause à effet qui n'a aucune raison d'exister. Ce n'est pas parce qu'on a décidé d'un autodafé qu'on doit trouver des coupables : normalement c'est l'inverse. On recherche ceux-ci après avoir décidé du châtiment, ils sont des Boucs émissaires issus d’une fausse logique. Les quatre raisons de punir données par les sages ne sont pas acceptables mais s'intègrent dans un système de relation de cause à effets : avoir épousé sa commère, avoir arraché le lard d'un poulet, avoir parlé et avoir écouté sont présentés comme des raisons suffisantes pour condamner à mort les 5 victimes. Pour finir le vocabulaire théologique et juridique, saisi, convaincu créée un sérieux artificiel. Tout cet ensemble d’éléments souligne l’aspect officiel, administratif, institutionnel de la décision et donc son poids (supposé) de réflexion et de sagesse. Néanmoins, le manque de sagesse est visible grâce au connecteur temporel, "huit jours après" qui met en valeur une ellipse ; la narration passe sous silence pendant huit jours durant lesquels il n'y a pas de procès. C’est une manière de mettre en évidence que le contenu de la décision est inique, sans relation logique avec la situation et s’explique par la supersitition. Opposition décelable également car "cérémonie" et "spectacle" sont mis sur le même plan. L’aspect solennel et l'amusement pur se mêlant. (Objectif : satisfaire le peuple et seulement cela). L’ironie vient du décalage entre les circonstances et la décision ; sa forme et son contenu. Voltaire utilise ici ce procédé propre à attirer l'attention du lecteur. L’autre grande présence de l’ironie est assurée par l’exagération de la présentation esthétique de la cérémonie ; la réalité masquée par le spectacle. Tout d’abord le décalage entre gravité de la situation (condamnations à mort) et légèreté avec laquelle les choses sont traitées : spectacle, réjouissance populaire. Cet effet de décalage est un moyen de mettre en relief ce qui critiquable et horrible afin de faire réfléchir le lecteur sur l’incohérence réelle de comportements en apparence logiques. Les effets de décalage principaux sont tout d’abord la périphrase qui désigne le cachot : « des appartements d’une extrême fraîcheur «, euphémisme qui présente les lieux sous des connotations valorisantes. Puis le champ lexical de l’esthétique : bel autodafé, spectacle, grande cérémonie, belle musique, cadence, enchantait. Ensuite les détails vestimentaires : orna, revêtus : souci du détail : la forme des flammes, des diables : souci d’harmonie, de variété ; la symbolique réelle est totalement occultée. Et enfin le déroulement de la cérémonie : procession, musique, chant, Candide fessé, bûcher, pendaison. Cérémonie et exécutions sont relatés sur le même ton neutre ; continuité narrative qui met sur le même plan le fait d’entendre un sermon et d’être fessé, brûlé ou pendu. C’est un phénomène de banalisation qui souligne le peu de cas que ces sages font d’une vie, la légèreté de leurs décisions lorsqu’il s’agit d’une condamnation à mort. On peut aussi remarquer ce procédé en analysant la périphrase par rapport à l'autodafé : l.4-5 : "Le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu", «spectacle « renvoie au voyeurisme Les 2 premières phrases sont redondantes, cette insistance attire l’attention sur leur contenu . Plus concrètement, l'autodafé qui est une exécution est , lui aussi, présenté sur le mode du spectacle. Il faut aussi remarquer tout ce qui relève du soucis de l'esthétique, dans la description qui est faite de l'apparence vestimentaire du condamné. Les précisions concernant les mitres (qui servent à orner), puis les san-benito insistent avec beaucoup de complaisance sur des détails présentés comme importants sur le plan visuel alors que leur signification est autre. On s'attarde ici sur des détails là où le lecteur attend plus une description de la psychologie des personnages Cette façon de procéder relève du processus de détournement : il consiste à valoriser ce qui est en réalité horrible en attirant l'attention sur ce qui n'est pas l'essentiel mais l'essentiel est également donné ("furent brûlés, fut pendus"). La description insiste de manière tout à fait décalée sur le déroulement harmonieux de la cérémonie d’où ton superlatif hors de propos qui suggère l’ironie, en effet, ces procédés de décalage, de distorsion, sont caractéristiques de l’ironie. Enfin, l'ironie passe par l’effet de rupture qui se trouve principalement dans la dernière phrase du second paragraphe. En effet, sur un ton très détaché, et comme en passant, avec beaucoup de désinvolture, Voltaire constate l’inefficacité du cérémonial : "le même jour, la terre trembla de nouveau". L'ironie Voltairienne correspond tout à fait à la définition qui la présente comme l'affirmation du contraire de ce que l'on veut faire entendre. Il est donc utile de se demander ce que Voltaire veut faire ici comprendre. Cette arme qu’est la distance ironique et le décalage oblige à voir ce passage comme un texte de dénonciation. Dénonciation qui vise différentes cibles : l’auteur dénonce d’abord la superstition, le fanatisme et l’intolérance, mais surtout il révèle la crédulité et l’optimisme naïf de Candide et de ceux qu’il représente. La superstition est un thème constant du chapitre, mais est symbolisée par l’absurdité de l’autodafé : en quoi un autodafé peut-il empêcher la terre de trembler ? Ces croyances irraisonnées, irrationnelles mettent en relief des liens supposés logiques entre des éléments qui n’ont en fait rien à voir. Parmi ces liens « logiques « Voltaire utilise un raisonnement faussement scientifique pour rapprocher les sages, le tremblement de terre, l’université et l’autodafé. Ce raisonnement relève en fait de croyances magiques, voire maléfiques. Il dénonce par là l'amalgame entre science et croyance, comme l'avaient fait avant lui Bayle et Fontenelle. Dans le même ordre d'idée, on peut citer le rapprochement entre les termes "spectacle", "brûler à petit feu", "secret infaillible" et "tremblé". Il n'y a rien de logique et la démarche mise en relief relève de l'application de superstitions. La critique menée ici s'inscrit tout à fait dans le combat philosophique contre la superstition et les préjugés. Dans ce combat là, Voltaire ironise encore dans la phrase « après le tremblement de terre....prévenir. «. L’autre cible des critiques est le fanatisme et l’intolérance, thèmes chers à Voltaire. Tout d’abord, spatialement, le lieu est important : l’Inquisition est fortement implantée au Portugal de plus, la référence à Coïmbre ajoute un autre poids à la critique puisque cette ville est celle d’une université célèbre et que Voltaire se moque des universités et de leurs enseignants qui sont de faux savants. Les motifs d’arrestation complètements arbitraires soulignent l’intolérance car ils sont purement et simplement des différences de culture et de religion mais qui sont considérées comme une hérésie. Biscayen a épousé la marraine d’un enfant dont il est le parrain. C’est un non respect d’une pratique uniquement catholique. Les deux portugais respectent des pratiques alimentaires juives. Ils sont considérés comme relaps. Quant à Candide et Pangloss, ils sont arrêtés pour des raisons absurdes. Les condamnations sont disproportionnées. En effet on observe une incompatibilité morale entre le non respect d'une pratique imposée par le catholicisme, le retour à des pratiques traditionnelles pour deux Portugais issus du Judaïsme, des propos prétendument dangereux tenus par Pangloss et l’attitude simplement attentive du disciple et le châtiment qui en découle : la mort. Le dernier paragraphe est là pour nous ramener à l’horreur de ces châtiments, qui avait été un peu gommée, par une accumulation d’adjectifs qui fait ressortir les conséquences de l’horreur. Ceci montre aussi l’absence de jugement constatée précédemment, toujours avec la valeur de l’ellipse temporelle huit jours après. L’alliance de l’intolérance et de la superstition fait que ces exécutions deviennent des sacrifices magiques. La relation incohérente établie entre la cérémonie et sa raison officielle (1er paragraphe et liaison "logique" de "en conséquence") illustre la dénonciation de l’intolérance. La raison évoquée cache, en fait, la lutte fanatique contre l'hérésie. Enfin et surtout, Voltaire dénonce dans ce passage comme dans tout son conte, l’optimisme ambiant. Par optimisme il faut comprendre naïveté et crédulité de son milieu social des années 1750. Dans le dernier paragraphe, le narrateur contemple de manière amusée les interrogations de Candide qui sont d’ailleurs rapportées au style direct. Il faut aussi relever le caractère emphatique des phrases soulignées par l’apostrophe « Ô «. La répétition de la même structure dans les phrases du début du dernier paragraphe éclaire le ridicule et la naïveté de Candide. L’autodafé est une preuve supplémentaire de l’existence du mal et que la vie en société est loin d’être parfaite. L’arbitraire religieux et l’intolérance devraient jeter le doute dans l’esprit de Candide. Voltaire déstabilise ce mode de pensée en le mettant en application au détriment de ses personnages, qui sont de ce fait également déstabilisés. L'optimisme est l'objectif essentiel du conte. Les aventures dans lesquelles Voltaire place son héros ont pour finalité de lui faire comprendre que tout n'est pas pour le mieux. La découverte de l'arbitraire religieux et de l'absurdité destructrice des superstitions doivent mener Candide vers le doute et le pousser à s’interroger sur l’injustice dont, avec ses camarades d’infortune, il fait la cruelle expérience. Ce texte narratif et ironique présente une force argumentative indéniable. A travers un récit chronologique et, en apparence, logique Voltaire veut convaincre le lecteur que les raisonnements des sages et des religieux, leurs décisions sont illogiques, incohérentes, inefficaces et souvent inhumaines. Ce texte s’inscrit dans le combat philosophique qu’est la lutte contre l’intolérance, la barbarie, la superstition et pour le développement de la raison que mènent les Encyclopédistes.
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voyeurisme Les 2 premières phrases sont redondantes, cette insistance attire l'attention sur leur contenu .
Plus concrètement,l'autodafé qui est une exécution est , lui aussi, présenté sur le mode du spectacle.Il faut aussi remarquer tout ce qui relève du soucis de l'esthétique, dans la description qui est faite de l'apparence vestimentaire ducondamné.
Les précisions concernant les mitres (qui servent à orner), puis les san-benito insistent avec beaucoup decomplaisance sur des détails présentés comme importants sur le plan visuel alors que leur signification est autre.
On s'attarde icisur des détails là où le lecteur attend plus une description de la psychologie des personnages Cette façon de procéder relève duprocessus de détournement : il consiste à valoriser ce qui est en réalité horrible en attirant l'attention sur ce qui n'est pas l'essentielmais l'essentiel est également donné ("furent brûlés, fut pendus").La description insiste de manière tout à fait décalée sur le déroulement harmonieux de la cérémonie d'où ton superlatif hors depropos qui suggère l'ironie, en effet, ces procédés de décalage, de distorsion, sont caractéristiques de l'ironie.
Enfin, l'ironie passe par l'effet de rupture qui se trouve principalement dans la dernière phrase du second paragraphe.
En effet, surun ton très détaché, et comme en passant, avec beaucoup de désinvolture, Voltaire constate l'inefficacité du cérémonial : "lemême jour, la terre trembla de nouveau".L'ironie Voltairienne correspond tout à fait à la définition qui la présente comme l'affirmation du contraire de ce que l'on veut faireentendre.
Il est donc utile de se demander ce que Voltaire veut faire ici comprendre.Cette arme qu'est la distance ironique et le décalage oblige à voir ce passage comme un texte de dénonciation.
Dénonciation quivise différentes cibles : l'auteur dénonce d'abord la superstition, le fanatisme et l'intolérance, mais surtout il révèle la crédulité etl'optimisme naïf de Candide et de ceux qu'il représente.
La superstition est un thème constant du chapitre, mais est symbolisée par l'absurdité de l'autodafé : en quoi un autodafé peut-ilempêcher la terre de trembler ?Ces croyances irraisonnées, irrationnelles mettent en relief des liens supposés logiques entre des éléments qui n'ont en fait rien àvoir.
Parmi ces liens « logiques » Voltaire utilise un raisonnement faussement scientifique pour rapprocher les sages, letremblement de terre, l'université et l'autodafé.
Ce raisonnement relève en fait de croyances magiques, voire maléfiques.
Ildénonce par là l'amalgame entre science et croyance, comme l'avaient fait avant lui Bayle et Fontenelle.Dans le même ordre d'idée, on peut citer le rapprochement entre les termes "spectacle", "brûler à petit feu", "secret infaillible" et"tremblé".
Il n'y a rien de logique et la démarche mise en relief relève de l'application de superstitions.
La critique menée icis'inscrit tout à fait dans le combat philosophique contre la superstition et les préjugés.
Dans ce combat là, Voltaire ironise encoredans la phrase « après le tremblement de terre....prévenir.
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L'autre cible des critiques est le fanatisme et l'intolérance, thèmes chers à Voltaire.Tout d'abord, spatialement, le lieu est important : l'Inquisition est fortement implantée au Portugal de plus, la référence à Coïmbreajoute un autre poids à la critique puisque cette ville est celle d'une université célèbre et que Voltaire se moque des universités etde leurs enseignants qui sont de faux savants.Les motifs d'arrestation complètements arbitraires soulignent l'intolérance car ils sont purement et simplement des différences deculture et de religion mais qui sont considérées comme une hérésie.Biscayen a épousé la marraine d'un enfant dont il est le parrain.
C'est un non respect d'une pratique uniquement catholique.
Lesdeux portugais respectent des pratiques alimentaires juives.
Ils sont considérés comme relaps.
Quant à Candide et Pangloss, ilssont arrêtés pour des raisons absurdes.Les condamnations sont disproportionnées.
En effet on observe une incompatibilité morale entre le non respect d'une pratiqueimposée par le catholicisme, le retour à des pratiques traditionnelles pour deux Portugais issus du Judaïsme, des proposprétendument dangereux tenus par Pangloss et l'attitude simplement attentive du disciple et le châtiment qui en découle : la mort.Le dernier paragraphe est là pour nous ramener à l'horreur de ces châtiments, qui avait été un peu gommée, par une accumulationd'adjectifs qui fait ressortir les conséquences de l'horreur.
Ceci montre aussi l'absence de jugement constatée précédemment,toujours avec la valeur de l'ellipse temporelle huit jours après.
L'alliance de l'intolérance et de la superstition fait que cesexécutions deviennent des sacrifices magiques.
La relation incohérente établie entre la cérémonie et sa raison officielle (1erparagraphe et liaison "logique" de "en conséquence") illustre la dénonciation de l'intolérance.
La raison évoquée cache, en fait, lalutte fanatique contre l'hérésie.
Enfin et surtout, Voltaire dénonce dans ce passage comme dans tout son conte, l'optimisme ambiant.
Par optimisme il fautcomprendre naïveté et crédulité de son milieu social des années 1750.
Dans le dernier paragraphe, le narrateur contemple de manière amusée les interrogations de Candide qui sont d'ailleursrapportées au style direct.
Il faut aussi relever le caractère emphatique des phrases soulignées par l'apostrophe « Ô »..
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