Voltaire, Candide, chapitre troisième (extrait).
Publié le 25/07/2010
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ETUDE
Voltaire est un philosophe des Lumières et un écrivain très engagé, ce qui lui a valu plusieurs séjours à la Bastille et un exil en Angleterre. Candide ou l'Optimisme est un conte philosophique qui raconte les péripéties de Candide, jeune héros naïf, à travers différents pays. Cet extrait très célèbre se situe au début du conte et Candide vient d'être chassé du château du baron de Thunder-ten-tronckh pour avoir embrassé sa fille Cunégonde. Nous allons voir comment Voltaire dénonce la guerre dans cet extrait. Pour cela, nous verrons qu'il a une vision particulière de la guerre, puis quelles sont les images de cette « boucherie héroïque « et enfin l'efficacité de cette dénonciation.
I Une vision particulière de la guerre La guerre est présentée de façon inattendue : l'accent est mis sur son aspect esthétique au début du passage. 1. l'aspect esthétique On remarque quatre adjectifs élogieux intensifiés par « si «: beau «, « lest «, « brillant «, « ordonné «. C'est un véritable spectacle, à rapprocher d'un tableau. De même, il y'a un accompagnement musical: insistance sur « l'harmonie «, les « Te Deum « finals. 2. la justification de la guerre Le massacre est ici moralement et socialement justifié: « infectaient «, « coquins « présentent les victimes comme des coupables. La guerre serait donc une mesure d'assainissement. 3. la comptabilité Le narrateur tient une véritable comptabilité des tués, et énumère les chiffres et le total final sans manifester aucune émotion: comme si l'importance des chiffres traduit à elle seule l'opinion de l'auteur et valoriser la guerre (cf. les communiqués militaires). De même, il fait des approximations avec désinvolture: « à peu près «. « le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes «: déshumanise les morts en les considérant dans un ensemble uniforme. II Les images de la « boucherie « Voltaire fait ici voir les évènements à travers les yeux de Candide, qui découvre les effets de la « boucherie héroïque « en passant dans un village qui a été détruit et dont les habitants ont été massacrés; l'horreur de la guerre est vue de façon très réaliste, et l'écriture change: changement de temps du passé simple à l'imparfait, temps de la description; le regard de Candide se développe. 1. la diversité des victimes Toutes les victimes sont répertoriées: femmes, enfants, vieillards. Une description d'un réalisme très cru montre l'ampleur des massacres: le champ lexical de la violence est très étendu et diversifié, désigne les actes meurtriers des soldats et leurs résultat: « criblés de coups «, « égorgées «, « éventrées «, « brûlées «, etc. (assonance en « é «); Le narrateur précise des détails anatomiques horribles, suggère la souffrance des agonisants, et montre qu'il s'agit de familles entières. 2. la réciprocité Ces massacres se produisent dans les deux camps, « Bulgares « et « Abars «: le comportement similaire des deux armées montre que ces massacres sont la conséquence directe de la guerre; la barbarie n'appartient pas qu'à un seul camp. III La dénonciation et son efficacité En principe, la description très réaliste de la guerre et de ses conséquences devrait suffire à la rendre condamnable, mais Voltaire a utilisé d'autres moyens pour la dénoncer: la double vision et l'ironie; il cherche à attirer l'attention de son lecteur par des effets de décalage. 1. une légitimité apparente La guerre aurait avant tout une légitimité esthétique: Voltaire la montre ironiquement comme un spectacle (champ lexical du spectacle, conception théâtrale de la guerre: « héroïque «), puis il décrit de façon très réaliste ses conséquences avec les massacres de civils. Il s'agit là de deux visions inconciliables de la guerre; il évoque également la complicité de la religion : « Te Deum «. 2. la responsabilité La responsabilité de la guerre est identique dans les deux camps, et incombe à leurs souverains: « les deux rois « et à leur appétit de conquête. On trouve dans la description de la bataille des images implicites de la critique; par exemple le dernier instrument évoqué est « le canon «: la guerre n'est pas de la musique, mais la mort. « telle qu'il n'y en eu jamais en enfer « monde de l'insoutenable, de l'inimaginable. Voltaire discrédite ironiquement Candide: « tremblait comme un philosophe «; il discrédite sérieusement son aveuglement, cr au milieu des massacres: « et n'oubliant jamais Mlle. Cunégonde «. CONCLUSION Les moyens mis en œuvre par Voltaire pour la dénonciation sont ici diverses: la description réaliste, mais également l'ironie et la critique déguisée. Ce chapitre peut être lu de plusieurs façons; on peut le considérer dans une perspective simplement narrative: c'est le premier choc de Candide, qui le confronte au problème de la guerre. Il y'a également une lecture philosophique: c'est l'apparition pour lui du mal sur la terre => texte représentatif du XVIIIème, où la guerre est un thème récurrent.
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