Vivre sans passion est-il souhaitable ?

Comme le dit Marcel Proust, « le désir fleuri, la possession flétri toute chose », dans Les plaisirs et les jours (1896). Cela signifie donc que vivre en désirant sans cesse quelque chose nous permet d’avoir un but à notre vie, et dès lors que nous sommes en possession de la chose désirée, nous n’avons plus aucun plaisir à l’avoir.

         Nous pouvons donc nous demander si l’homme aimerait vivre sans passion ?

         D’abord, vivre sans passion semble difficile, puisque chaque être vivant est différent et aime donc des choses différentes. Elles peuvent être la musique, l’amour, le théâtre,… Bien que le plaisir qu’elles procurent reste le même pour tous.  Cependant la passion que l’on porte pour un certain domaine peut aussi être source de souffrance dès lors que nous ne pratiquons pas cette activité, nous ressentons une certaine frustration, et nous ne pouvons être heureux. Ainsi l’homme peut-il vivre heureux sans passion, ou bien est-il obligatoire pour lui d’en avoir pour ressentir le bonheur ?

         D’abord, désirer donne un sens à la vie, il est donc naturel que tout le monde possède des passions. Celles-ci dépendent des personnes, elles peuvent être d’ordre culturel, politique, social,… Nous pouvons prendre comme exemple, Alexandre le grand. La seule raison de son existence était d’agrandir son empire. Il traversa l’Europe, et meurt en après avoir conquis le Moyen-Orient, l’Asie centrale, et être allé jusqu’en Inde. Sa soif de pouvoir, et son envie d’avoir toujours et encore plus de territoires lui ont permis d’avoir un empire colossale. Cependant quand les plans tournent mal, la passion peut se retourner contre nous, Napoléon, qui lui aussi vivait pour conquérir le monde à perdu la bataille de Waterloo et a été exilé sur l’île de Sainte-Hélène. Il a échoué dans son but, et en a été sévèrement puni. Bien que ses deux personnages vivaient à des époques très écartés en siècles, leur passion était la même. Ainsi, la soif de pouvoir est une passion qui traverse le temps, et qui est aussi très dangereuse pour la personne elle-même, mais aussi pour l’humanité entière.

         Ensuite, ces passions nous entrainent à faire des choses incroyables et vraiment surprenantes. Beethoven, grand compositeur de musique classique, très connu grâce à ses Symphonies, continuait de composer après qu’il soit devenu sourd. Il connaissait chaque note d’un piano, et le son de celle-ci, son handicap n’a donc jamais pu l’arrêter dans la pratique de cette passion. Cependant, d’autres actes tout autant incroyables dus à la passion, peuvent être négatif, et prouvent que l’homme, n’est pas toujours humain. Le onze septembre 2001, Les Etats-Unis furent touchés par une série d’attentats sur les tours jumelles, et le pentagones. Ben Laden, a organisé ces attentats dans un but certainement politique, mais pour convaincre les pilotes des avions qui sont des kamikazes, il a utilisé la passion religieuse, leur promettant le paradis. Difficile à croire pour des personnes qui possèdent la liberté de penser, mais ces personnes y croyaient dur comme fer, et ont entrainé la mort de milliers d’américains innocents, pour servir leur passion. Ainsi, les passions nous font souvent faire des actes surprenants, qui semblent normaux pour la personne passionnée, et complètement fous pour les spectateurs, ou victimes de cette ardeur.

         Enfin, nous pouvons dire que les passions procurent un bonheur à durée limitée. Comme le dit Thomas Hobbes « L’objet du désir humain n’est pas de jouir une seule fois seulement », c’est-à-dire que l’homme ne peut se contenter une seule fois du plaisir procuré par une passion. Il cherchera tout au long de sa vie à ressentir une fois de plus les sensations et émotions éprouvées grâce à cette passion parce qu’il se sent heureux et que tout le monde sur terre cherche le bonheur. Cependant, si l’on prend le cas d’une personne dépressive, on se rend vite compte qu’elle n’a plus aucun but dans la vie. Tous ses désirs, passions, et envies ont disparus. Dans la plupart des cas, l’unique désir qu’il reste chez ces personnes est de mettre fin à ses jours. Ces individus ne sont pas dépressifs sans raison, et les motifs sont très divers, cependant, le plus courant est la perte d’un être cher. Ainsi, tout le monde cherche à profiter de ces passions au maximum, sauf le cas d’une personne dépressive, où le fait de désirer peut devenir souffrance.

         D’abord, nous pouvons dire que la passion est source de souffrance. Dans le cas du personnage Œdipe, de La Machine infernale de Cocteau, qui est un homme heureux, il a trouvé l’énigme du sphinx, et a donc pu épouser la reine, qui était devenue veuve. Après plusieurs années, sont royaume se porte de plus en plus mal, et ce jusqu’à ce qu’il découvre la vérité. Une fois que celle-ci a été révélée, il apprend donc que sa femme est en réalité sa mère, et que quelques années plus tôt, il a tué son père de ses propres mains. Toute sa passion, pour son royaume, et sa femme s’effondre, et il finit par se crever les yeux. Cependant, certaines personnes pratiquant le sadomasochisme trouve le plaisir à travers la souffrance. Leur passion est la souffrance, et cette peine les rend heureux. Il s’agit évidemment d’une pratique physique, et non morale. Ces personnes sont d’ailleurs souvent représentées par des habiles en cuir noirs, et des accessoires de tortures tel qu’un fouet. Ainsi la passion est source de souffrance, mais l’inverse est aussi possible.

         Ensuite, il est souvent dit que l’humain ne désire que ce qu’il ne peut avoir. L’impossible nous attire, comme le mythe d’Icare, qui a voulu voler il s’est alors fabriqué des ailes en cire, et a volé trop près du soleil. Celles-ci ont donc fondues et Icare en est mort. Il est impossible pour un homme de voler grâce à son propre corps, et il cherche donc des moyens différents pour combler ce manque, comme le parachutisme. C’est dans la nature humaine de désirer l’impossible, et cela entraine donc une certaine souffrance, plus ou moins poussée selon les individus. Cependant, il existe une deuxième sorte d’impossible, comme les records mondiaux en sport. Il semble impossible de pouvoir les battre et pourtant les grands sportifs se démènent et s’entrainent de plus en plus pour faire mieux encore, et une fois que l’objectif est atteint, un autre tentera l’impossible à son tour. Ainsi l’homme ne peut se contenter de ce qu’il a et cherche toujours à faire mieux que l’autre.

         Enfin, d’après la hiérarchie des besoins d’Epicure, pour être heureux, l’homme devrait se contenter de la première, les besoins naturels et nécessaires, c’est-à-dire de boire, manger et se reproduire. Pas très compliqué à première vue mais l’humain est doté d’une certaine capacité de réflexion, et va donc chercher à savoir plus. Nous pouvons donc dire que l’homme ne peut se contenter de la première catégorie, et va donc chercher à combler la deuxième, puis la troisième, qui correspondent aux désirs naturels et non nécessaires, puis au désirs non naturels et non nécessaires, c’est-à-dire, la deuxième catégorie, qui correspond à tout ce qui est culturel, puis la troisième, à l’immortalité, l’honneur, et la gloire. Pour Epicure, personne ne sera heureux s’il cherche à combler les besoins naturels, non naturels et non nécessaires, mais le genre humain est têtu, et personne au monde ne se contente de la première partie. Ainsi l’humain n’atteindra jamais le bonheur absolu parce qu’il ne peur pas tout savoir, et n’est pas forcément promis à un avenir glorieux.

         Toutes ces passions que l’on possède, ont évidemment des conséquences sur l’homme. D’abord, nous avons bien sûr le bonheur, comme avec cette expression populaire « l’amour rend aveugle », la personne amoureuse vit sur son petit nuage, plus rien n’est grave, elle est envahit par l’amour, la sécurité, la joie,… Elle est heureuse, et cherche souvent à partager ces sentiments, avec son entourage, qui en général est très satisfait de voir ce proche prospère. Cependant, un amour vécu excessivement peut conduire au crime passionnel. C’est souvent le cas, quand la personne éprouve de la jalousie vers un autre individu. Les crimes passionnels sont eux aussi nombreux, violence morale, ou physique, et dans le pire des cas, l’assassinat de quelqu’un. En France, ce genre de crime est moins sévèrement puni parce que la personne ne serait pas totalement consciente de ses actes. Ainsi, l’homme peut être très heureux en amour, à condition que ces sentiments ne se transforment pas en jalousie, paranoïa, voire folie.

         La deuxième conséquence sur les hommes, est justement la folie, comme le personnage de Renfield, dans Dracula de Bram Stocker, qui voue un culte étrange et excessif envers son maître, Dracula. Il fini dans un asile pour aliénés où le Dr. Stewart tente de comprendre sa folie, par d’innombrables entretiens, et hypothèses, malheureusement tous ces efforts seront vains. Sa folie se résumait à avaler le plus de vies possibles, il mangeait alors des insectes, ou encore des animaux, comme les oiseaux. Au final, Dracula ne lui offre pas la vie éternelle qu’il lui avait promise. En résumé, Renfield est devenu fou pour une passion qui ne l’a jamais rendu heureux et qui l’a tué. Cependant l’expression populaire « je suis fou de toi », indique qu’une personne amoureuse serait atteinte d’une forme de folie. Seulement celle-ci procure une fois de plus le bonheur extrême lorsque les sentiments sont réciproques. La passion dans ce cas n’est que la personne pour qui l’on porte ces émotions, au point d’en devenir fou, comme ne penser qu’à elle, vouloir sans cesse être en se présence, elle devient en fait une réelle obsession. Ainsi, les passions peuvent rendre fou, dans un sens positif ou négatif.

         Enfin, la dernière conséquences, et évidemment la mort. L’homme veut toujours plus que ce qu’il a et parfois, sa passion fini par le rattraper. Par exemple, Hitler et son obsession à vouloir contrôler le monde s’est finalement retournée contre lui et il s’est suicidé. C’était sa dernière option parce que de toute manière, il aurait été condamné à mort, dans les procès qui ont suivis la Seconde Guerre mondiale. Nous pouvons donc dire que sa passion l’a tué. Cependant, l’inverse est possible aussi, c’est-à-dire que certains hommes n’hésitent pas à se tuer pour leur passion. Comme les kamikazes japonais qui ont attaqué Pearl Harbour, également pendant la Deuxième Guerre mondiale, avaient été prévenu qu’ils ne reviendraient pas vivants, et que la possibilité de survie était nulle. Cela ne les a pourtant pas découragés, et ils ont foncé tête baissée vers la mort. Tout ce qui comptaient pour eux, étaient l’amour de l’empire japonais, et l’honneur. Ainsi certaines passions poussées à l’extrêmes peuvent entrainer la mort, mais procurer la gloire et l’honneur.             

         La première réponse serait donc : non, l’homme ne peut souhaiter vivre sans passion, puisque c’est celle-ci qui donne un sens à sa vie. Cependant il serait beaucoup plus simple de vivre sans passion ni désir. D’ailleurs, il existe des personnes qui vivent de cette manière, les hommes et femmes mentalement retardés sont heureuse comme le dit cette expression populaire « un fou ne sait pas qu’il est fou ».