Verne, le Tour du monde en quatre-vingts jours (extrait).
Publié le 07/05/2013
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Verne, le Tour du monde en quatre-vingts jours (extrait). La première partie du tour du monde de Phileas Fogg le conduit jusqu'en Inde à bord d'un paquebot traversant la mer Rouge. Personnalité insensible qui ne s'humanisera qu'en découvrant l'amour, l'étrange Phileas Fogg apparaît comme un hommemachine dont la passion réside dans un décompte maniaque du temps. Homme-pendule animé du seul souci froid de l'exactitude, son unique distraction reste le whist, jeu lui aussi de calcul et de prévision. Se jouant tant de sa propre entreprise -- décrire le monde dans des récits de voyage à valeur pédagogique -- que de son héros impassible, Verne introduit ici ironie et distanciation ludique en faisant par la négative la description des régions traversées. Le Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne (chapitre 9, « Où la mer Rouge et la mer des Indes se montrent propices aux desseins de Phileas Fogg «) La plupart des passagers embarqués a Brindisi avaient presque tous l'Inde pour destination. Les uns se rendaient à Bombay, les autres à Calcutta, mais via Bombay, car depuis qu'un chemin de fer traverse dans toute sa largeur la péninsule indienne, il n'est plus nécessaire de doubler la pointe de Ceylan. Parmi ces passagers du Mongolia on comptait divers fonctionnaires civils et des officiers de tout grade. De ceux-ci, les uns appartenaient à l'armée britannique proprement dite, les autres commandaient les troupes indigènes de cipayes, tous chèrement appointés, même à présent que le gouvernement s'est substitué aux droits et aux charges de l'ancienne Compagnie des Indes : sous-lieutenants à 7 000 F, brigadiers à 60 000, généraux à 100 000. On vivait donc bien à bord du Mongolia, dans cette société de fonctionnaires, auxquels se mêlaient quelques jeunes Anglais, qui, le million en poche, allaient fonder au loin des comptoirs de commerce. Le « purser «, l'homme de confiance de la Compagnie, l'égal du capitaine à bord, faisait somptueusement les choses. Au déjeuner du matin, au lunch de deux heures, au dîner de cinq heures et demie, au souper de huit heures, les tables pliaient sous les plats de viande fraîche et les entremets fournis par la boucherie et les offices du paquebot. Les passagères -- il y en avait quelques-unes -- changeaient de toilette deux fois par jour. On faisait de la musique, on dansait même, quand la mer le permettait. Mais la mer Rouge est fort capricieuse et trop souvent mauvaise, comme tous ces golfes étroits et longs. Quand le vent soufflait soit de la côte d'Asie, soit de la côte d'Afrique, le Mongolia, long fuseau à hélice, pris par le travers, roulait épouvantablement. Les dames disparaissaient alors : les pianos se taisaient ; chants et danses cessaient à la fois. Et pourtant, malgré la rafale, malgré la houle, le paquebot, poussé par sa puissante machine, courait sans retard vers le détroit de Bab-el-Mandeb. Que faisait Phileas Fogg pendant ce temps ? On pourrait croire que, toujours inquiet et anxieux, il se préoccupait des changements de vent nuisibles à la marche du navire, des mouvements désordonnés de la houle qui risquaient d'occasionner un accident à la machine, enfin de toutes les avaries possibles qui, en obligeant le Mongolia à relâcher dans quelque port, auraient compromis son voyage. Aucunement, ou tout au moins, si ce gentleman songeait à ces éventualités, il n'en laissait rien paraître. C'était toujours l'homme impassible, le membre imperturbable du Reform-Club, qu'aucun incident ou accident ne pouvait surprendre. Il ne paraissait pas plus ému que les chronomètres du bord. On le voyait rarement sur le pont. Il s'inquiétait peu d'observer cette mer Rouge, si féconde en souvenirs, ce théâtre des premières scènes historiques de l'humanité. Il ne venait pas reconnaître les curieuses villes semées sur ses bords, et dont la pittoresque silhouette se découpait quelquefois à l'horizon. Il ne rêvait même pas aux dangers de ce golfe Arabique, dont les anciens historiens, Strabon, Arrien, Arthémidore, Edrisi, ont toujours parlé avec épouvante, et sur lequel les navigateurs ne se hasardaient jamais autrefois sans avoir consacré leur voyage par les sacrifices propitiatoires. Que faisait donc cet original, emprisonné dans le Mongolia ? D'abord il faisait ses quatre repas par jour, sans que jamais ni roulis ni tangage pussent détraquer une machine si merveilleusement organisée. Puis il jouait au whist. Source : Verne (Jules), le Tour du monde en quatre-vingts jours, 1873. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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