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VERLAINE : Mon rêve familier

Publié le 22/10/2010

Extrait du document

verlaine
 
 I. Situation 
Poèmes Saturniens: Saturne symbole de la mélancholie 
Section Melancholia 
Inspirations romantiques: femme idéalisée 
 
II. Plan 
1. Contraste rêve/réalité 
2. Problème de l’identité 
3. Thème du temps 
 
III. Etude 
  Contraste rêve/réalité 
· Confusion 
rêve accompagne la réalité de l’auteur: “je fais souvent” à passivité 
“familier” mais “étrange et pénétrant” à confusion : il s’agit d’un monde différent mais ou il se retrouve 
Rythme confus, flou: en effet, enjambement, refus de la césure à l’hémistiche, (v. 9, 13-14..), diérèses (inflexion) 
à rêve confus: perte de la réalité: monosyllabe “tues” à la chute 
    Problème dde l’identité 
pronoms personnels: “je”, “elle” à femme mais identité incertaine 
· La femme aimée 
seule certitude: amour pour le locuteur “et que j’aime et qui m’aime” “elle me comprend” 
redondance: “pour elle seule” àintimité relationnelle des 2 
· La femme mystérieuse 
“unique” et “insaisissable”; “ni tout à fait la meme…””son nom?” à femme singulière et mystérieuse 
· La femme rêvée 
“regard des satues”; “qui se sont tues” : femme n’est pas un souvenir, n’appartient pas à la réalité 
“hélas” mais “elle seule les sait rafraichir…” àmélancholie 
è bonheur d’être triste dépend aussi du temps 
    Le Temps 
· Les temps verbaux 
Présent domine “et que j’aime et qui m’aime” : vérité générale 
Ruptures aux vers 11 et 14: caractère insaisissable de la femme, présente et absente (vie/mort) 
· L’atemporalité 
“souvent” : présent qui englobe passé et futur 
“statues”: atemporalité, éternité et immobilité comme source de bonheur 
   Premier quatrain 
 — assonance en [ ã ] qui constitue l’alexandrin en trimètre enrichi de rimes internes 
 — « Je « 1re des dix occurrences de la 1re pers. 
 — « fais souvent « présent itératif (ou d’habitude) en relation avec le déterminant démonstratif « ce rêve « qui implique que le rêve est déjà connu puisque c’est ici un pronom anaphorique (il fait référence à quelque chose de déjà évoqué dans le texte). Mais comme ce qu’il désigne n’a pas été évoqué avant, il crée un effet d’annonce qui met en valeur le mot clé du poème (« rêve «), répété après le titre et placé juste avant ce qui peut être considéré comme la césure (même si grammaticalement et métriquement le vers est un trimètre). 
 — « étrange et pénétrant « contraste avec l’adj. du titre (ce qui est familier ne devrait pas être étrange). En effet étrange vient du latin extraneus qui signifie « qui vient du dehors, extérieur «. Il a d’abord désigné ce qui est hors du commun ( ‘extraordinaire’ et ‘épouvantable’ dans la langue classique). Il désignera plus tard, par affaiblissement, ce qui est « très différent de ce qu’on a l’habitude de voir «, l’étrange (n.m.) désignant un genre littéraire (XIXe) dans lequel des éléments étranges sont intégrés au récit. Il y a donc une inquiétude paradoxale (par rapport à familier) dans ces deux adj. « Pénétrant « désigne ce qui émeut fortement et ce qui laisse une trace forte (idée de douleur). Il faut noter, dans le même ordre d’idées, l’allitération en [r] et en [t] qui fait sonner durement ce vers, ainsi que l’alternance des phonèmes vocaliques clairs (ouverture) [é] et nasalisés (profondeur) [ ã ] qui imite le mouvement allant de la tristesse à la consolation et qui sera reprise dans les voyelles de certaines rimes du poème. 
 — cohésion grammaticale du 1er groupe (« D’une femme inconnue «) permet la lecture d’un alexandrin ternaire (formé de trois groupes grammaticaux), tout comme pour le précédent 
 — « inconnue « mis en valeur devant la césure est en opposition logique avec les deux relatives suivantes : il y a là un paradoxe avec alliance de mots, mais qui peut être décrypté à condition que le lecteur s’y arrête. Le paradoxe fait du reste partie des figures de soulignement. 
 — Les deux relatives (« et que j’aime et qui m’aime «) sont mises en valeur par le rythme (3/3) et par la reprise de la structure gram. équivalente (la seule nuance étant la fonction du pronom relatif d’abord sujet puis cod. ce qui implique que tout tourne autour de cette femme aimée). Ces deux procédés soulignent la similitude du sentiment et la symbiose (= le couple miraculeux). 
 — D’autre part l’insistance forte sur le verbe aimer sera reprise par l’homophonie des vers 2-3-4 (« la même « pronom indéfini et « m’aime « verbe aimer 3e pers. sg. prst. ind.) pour faire entendre de façon obsessive le thème du poème. 
 — La polysyndète [fait de répéter une conjontion (ici elle est appelée copulative) plus que la grammaire ne l’exige] procède aussi du soulignement de cette recherche d’une symbiose (polysyndète qui sera d’ailleurs continuée dans le vers suivant, et d’autant plus que cette conjonction de coordination est répétée onze fois dans le poème). 
 — La molle douceur de l’allitération en [m] qui prolonge elle aussi l’homophonie « m’aime « / « même «, et la répétition de « m’aime «. Cette allitération se poursuivra dans certains des vers suivants [vv. 3, 4, 5, rime du vers 6, 7, 11], et elle paraît d’autant plus pertinente à souligner qu’elle apparaît dans ‘aime’, ‘femme’, ‘me’, ‘aimés’, ‘calme’, ‘blême’, termes qui entrent tous dans l’orientation lyrique du poème. 
    3/3//6 [4/2]  — allitération en m 
 — « chaque fois « comme « souvent « est itératif mais insiste plus sur le nombre de fois que le rêve a été fait. 
 — « ni tout à fait la même « ni… ni… conjonction de coordination répétée, coordonne deux termes de la même catégorie grammaticale et doit être répétée, il ne s’agit donc pas d’une polysyndète. Cependant, comme expression corrélative (à deux éléments disjoints obligatoires), elle nous fait attendre la deuxième partie, qui est mise en valeur par la mise en attente. 
 D’autre part, la mise en valeur est double à cause de l’opposition de sens des deux pronoms indéfinis antonymes (la même / une autre), placés de manière équivalente dans une expression marquée par la reprise grammaticale et le même rythme, et tous les deux juste avant la césure, donc sous l’un des deux accents principaux du vers. 
 La négation de l’affirmation catégorique (assertion) qui est redoublée par la locution adverbiale, implique une indécision qui est bien de l’ordre de l’étrange, du rêve inquiétant, ou, pour reprendre l’expression freudienne, de l’ordre de « l’inquiétante étrangeté «. Enfin, les deux pronoms indéfinis antonymes désignent le même antécédent (« une femme inconnue et que j’aime et qui m’aime «), ce qui ajoute du flou au paradoxe. 
 — Grande cohésion rythmique des vers 2 et 3, apparentés par la suite de relatives censées définir la femme aimée (rappelons que le texte est descriptif), mais qui ne font que l’obscurcir un peu plus. Ils présentent la suite rythmique suivante : 6/3/3/3/3/6. Cette construction symétrique donne l’idée du miroir, et met en valeur ces oppositions de sens, ces paradoxes qui caractérise ce personnage féminin. 
    6 [4/2]// 2/4  — « Ni tout à fait une autre « (cf. vers 3) 
 — polysyndète (cf. v. 2) 
 — répétition de m’aime (cf. v. 2) 
 — Structure sous forme de chiasme rythmique 4/2/2/4 
 — « me comprend « me = pronom personnel objet (passivité du poète). Moi objet qui s’oppose au moi sujet du vers 1 (mais faire un rêve, est-ce faire quelque chose ?), et qu’on retrouve à trois reprises [v. 2, 4, 5]. Il participe du registre lyrique du poème. 
 Deuxième quatrain 
    6 [2/4]//3/3  — allitération en m [ainsi que dans le vers 7, aussi à la rime v. 6 et 7] 
 — conj. de coordination, ici connecteur logique servant à introduire une justification ou une preuve à l’appui de l’énoncé précédent. Il a pour effet, dès lors qu’une partie de l’expression précédente est répétée, de souligner sa véracité bien qu’elle puisse paraître étrange. 
 — « mon cœur « siège des émotions. 
 — « transparent « ‘qui se laisse pénétrer, saisir, apercevoir aisément’, épithète détachée en contre-rejet externe (sous l’accent principal devant la césure) est doublement mis en valeur. Il rime avec « me comprend « dont les connotations sont proches (symbiose de deux êtres). 
 — « et « de nouveau une polysyndète (cf. vv. 2, 4) qui se situe sur tout le quatrain (v. 5 et v. 7). 
    4/2//6 [3/3]  — On note dans ce quatrain la prépondérance du pronom personnel féminin de troisième personne, ici anaphorique (il fait référence à quelque chose de déjà évoqué dans le texte, cf. v. 1). Cette omniprésence obsédante de la femme tranche avec celle du pronom personnel de première personne dans le quatrain précédent, et elle se poursuivra d’ailleurs dans tout le reste du poème. D’ailleurs, ce pronom est d’autant plus mis en valeur qu’il apparaît dans le premier groupe de chaque vers (mis en valeur aussi : sous l’accent dans le v. 5, dans l’épiphore dans les vers 6 et 7, par l’allitération en [l] dans les vv. 6, 7, 8). 
 — « hélas ! « interjection lyrique par excellence (exprime la douleur). Mise en valeur par le rythme (groupe bref entre deux groupes plus longs 4/2//3), par la présence devant la césure [suspension sur le a de –las, insistance forte sur l’idée de lassitude], et par l’exclamation. 
 — « cesse d’être un problème « lié sémantiquement au groupe prépositionnel suivant (cf. épiphore), suppose un implicite douloureux (= pas pour autrui). La répétition du groupe « elle seule « insiste sur la solitude du poète (mais cela s’intensifiera par la suite, notamment par le retour à l’inquiétude à travers les périphrases) et sur la symbiose miraculeuse du couple. En effet, l’adj. « seule « a ici une valeur adverbiale (après un pronom accentué) ‘se dit d’une personne qui réalise l’action à l’exclusion des autres’. 
 — dans cet hémistiche, allitération en è. Son clair plutôt positif dans le quatrain précédent, et qui apparaît ici dans un membre de phrase où l’espoir luit encore (mais pour combien de temps, compte tenu du « elle seule « et du sens des deux mots à la rime « problème « et « blême « ?) 
    4/4/4  — « Pour elle seule « (cf. v. 6) 
 — « Les moiteurs « (moite = humide). Le langage poétique employait le mot moite pour désigner l’humidité en général, et la périphrase ‘le moite élément’ désignait la mer. Rappelons, par rapport à notre remarque à propos de la quasi-paronomase au v. précédent que le Styx est un fleuve (le rivage blême- les moiteurs de mon front blême). Et le dernier mot du quatrain relève aussi du champ lexical de l’eau (pleurant). 
 — allitération en l. La remarque précédente s’enrichit de cette allitération (le [l] est une consonne liquide de même que le [r]. 
    6 [3/3]//3/3  — harmonie rassurante (consolation) du rythme de ce vers. 
 — « les sait « l’inversion de l’ordre auxiliaire de modalité complément permet a) l’allitération en l b) la position du semi-auxiliaire devant la césure (et le rejet interne du deuxième élément du groupe verbal). savoir ici est de l’ordre d’une compétence unique de la femme aimée (cf. les remarques liées à la thèse d’un couple miraculeux) 
 — rejet interne particulièrement fort = groupe verbal scindé (mise en valeur d’une des deux qualités de la femme aimée) 
 — allitération en [l] et en r. 
 Premier tercet 
 — La bi-répartition du sonnet (deux mouvements) est ici respectée, puisque après la description morale de la femme aimée vient la description physique (couleur des cheveux, voix, regard) et identité (son nom). 
    5/4/7 (deux coupes lyriques ?)  — question = indécision (cf. femme inconnue v. 2), difficulté de se souvenir de son physique. Femme désincarnée. 
 — allitération en b et en [r]. 
 — « Je l’ignore « La 1re personne réapparaît dans le cadre d’une incapacité à se souvenir. 
    2/4// 6 [3/3]  — « Je me souviens « implique (de même que le v.1) que nous ne soyons plus dans ce rêve. Ce verbe annonce « lointaine « au v. 13, et les deux périphrases. 
 — « doux et sonore « (mais il n’en reste que l’impression, que le souvenir, il est défunt, lui aussi). 
    6 [3/3]// 6 [3/3]  — comparaison (donner une idée précise de ce qu’on ne peut pas dire immédiatement). Définition par un pronom indéfini pluriel (ceux). 
 — allitération en [m] et lyrisme (cf. v. 2 pour le commentaire). 
 — « la Vie « majuscule = personnification allégorique. =La Mort ? 
 — « que la Vie exila « = qui sont morts (périphrase). 
 — « exila « métaphore (euphémisante, pour ne pas dire la mort, pour échapper au risque de lui faire face). Le passé simple, totalement coupé du présent, tranche très fortement avec le présent dominant dans le sonnet, et signant ici une sorte de faire-part de décès. 
 — chiasme phonique ([l])[a]-[i] / [i]- ([l])a. [cf. v. 13 avec la rime sur « elle a «] 
 Deuxième tercet 
    3/3//3/3  — comparaison : statue [non animée] qui rejoint la périphrase et la métaphore du v. précédent. Sorte de surprise ici, qui tranche avec les présents d’actualisation du début du sonnet. 
 — « statue « rime avec « se sont tues «, ce qui renforce singulièrement cette impression. 
    4/2//2/2/2  — « pour « = pour ce qui est de sa voix, quant à sa voix. 
 — 3 épithètes détachées marquées par une polysyndète (rythme très particulier de cette suite). 
 — les trois épithètes sont connotées par l’idée de mort. 
 — « elle a « contre-rejet externe particulièrement fort (verbe/COD) + rime avec « exila «. 
    6 [4/2]// 6[2/4]  — diérèse sur inflexion (4 syllabes) tend à allonger le rythme de ce vers (+ chères en 2 syllabes puisque le e est prononcé). 
 — généralisation par le pluriel (cf. v. 11 des aimés) + périphrase (« qui se sont tues « = « que la Vie exila « v. 11). Sorte de parallélisme entre les deux vers, qui sont tous deux en dernière position dans le tercet. 
 — rejet interne sur « chères « qui connote l’affection perdue (cf. l’expression « nos chers disparus «). 
 — « tues « le sonnet se termine par ce mot lugubre, qui sonne comme un couperet, obligeant presque à relire le sonnet autrement. 
 Plan 
 « Mon rêve familier « est un sonnet extrait du premier recueil de Verlaine, Poèmes saturniens et de sa première section « Melancholia «. Dans ce poème, Verlaine joue de l’ambiguïté et de la richesse du mot « rêve «, du charme musical et puissant de ses vers. La mélancolie y apparaît comme le pays où la poésie prend sa source, elle transforme les contours du monde et de l’être. La femme célébrée ici reste imprécise et floue, définie seulement par sa douceur. Elle est femme, mère et Muse. 
 I. Une quête de la femme idéale 
 a. Une non-description 
 b. Un rêve paradoxal 
 c. le sonnet comme forme privilégiée de l’évocation de la femme : une femme imaginaire 
 II. Un rêve de réciprocité 
 a. Un sonnet lyrique 
 b. Les qualités de la femme rêvée et le rêve d’une réciprocité absolue 
 c. Un rêve qui peut se terminer en long sommeil 
 III. Poésie et musicalité 
 a. Un sonnet où la musicalité renforce l’onirisme 
 b. Un rêve actualisé par la poésie 
 c. Une femme-Muse. 
 

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