Devoir de Philosophie

urbanisme 1 PRÉSENTATION urbanisme, discipline de la géographie et de l'architecture dont l'objet est l'aménagement et l'organisation des villes et de leurs environs.

Publié le 15/04/2013

Extrait du document

architecture
urbanisme 1 PRÉSENTATION urbanisme, discipline de la géographie et de l'architecture dont l'objet est l'aménagement et l'organisation des villes et de leurs environs. Le terme « urbanisme « est une création récente : il est apparu dans la langue française au cours des années 1910 pour désigner un champ d'action pluridisciplinaire nouveau, né des exigences spécifiques de la société industrielle. Développant une pensée et une méthode de penser sur la ville, l'urbanisme se présente comme la science de l'organisation spatiale et comporte une double face théorique et appliquée. C'est l'art d'aménager et d'organiser les agglomérations urbaines et, de façon plus précise, l'art de disposer l'espace urbain ou rural (bâtiments d'habitation, de travail, de loisirs, réseaux de circulation et d'échanges) pour obtenir son meilleur fonctionnement et améliorer les rapports sociaux. Cette discipline s'est progressivement imposée dans le monde entier. L'urbanisme comprend l'ensemble des règles relatives à l'intervention des personnes publiques dans l'utilisation des sols et l'organisation de l'espace. Il définit la disposition matérielle des structures urbaines en fonction des critères de l'architecture et de la construction. Vers le milieu du XXe siècle, l'urbanisme s'est élargi pour faire place à une réflexion sur l'environnement économique et social des sociétés. Il s'est développé selon deux grands courants issus des utopies du XIXe siècle : l'urbanisme progressiste, dont les valeurs sont le progrès social et technique, l'efficacité et l'hygiène, élabore un modèle d'espace classé, standardisé et éclaté ; l'urbanisme culturaliste, dont les valeurs sont, à l'opposé, la richesse des relations humaines et la permanence des traditions culturelles, élabore un modèle spatial circonscrit, clos et différencié. Les éléments caractéristiques de l'urbanisme moderne sont les plans généraux d'urbanisme, qui résument les objectifs et les limites de l'aménagement des sols ; les contrôles du zonage et des subdivisions, qui spécifient l'utilisation autorisée des sols, les densités, les conditions requises pour les rues, les services publics et les autres aménagements ; les plans de la circulation et des transports en commun, les stratégies de revitalisation économique des zones urbaines et rurales en crise ; les stratégies de soutien des groupes sociaux défavorisés et les principes de protection de l'environnement et de préservation des ressources rares. En tant que tissu de l'organisation humaine, la ville est aujourd'hui un système complexe. À un premier niveau, l'urbanisme concerne l'aménagement des quartiers selon des critères esthétiques et fonctionnels et la création des services publics indispensables. À un second niveau, il concerne le milieu socioculturel, l'éducation, le travail et les aspirations des résidents, le fonctionnement général du système économique auquel ils appartiennent, la position qu'ils occupent dans ce système et leur capacité à prendre ou à influencer les décisions politiques qui affectent leur vie quotidienne. 2 HISTOIRE DE L'URBANISME Les fouilles archéologiques ont révélé des traces d'urbanisme intentionnel dans les cités anciennes : disposition de l'habitat en structures rectangulaires régulières et emplacement bien en vue des bâtiments publics et religieux en bordure des rues principales. 2.1 Le préurbanisme en Grèce et à Rome L'importance de la planification s'intensifia durant les époques grecque et romaine. L'architecte grec Hippodamos de Milet conçut les plans d'importantes villes grecques, comme Priène et Le Pirée (échiquiers orthogonaux), accentuant la disposition géométrique des villes. Les citadelles religieuses et administratives étaient orientées de façon à donner une impression d'équilibre esthétique : les acropoles étaient bâties sur les hauteurs, tandis que les agoras étaient déployées dans la plaine, les monuments se découpant contre le ciel sans risque de se superposer. Les rues étaient disposées en damier et l'habitat intégré aux installations culturelles, commerciales et militaires. Les Romains accentuèrent cette organisation réfléchie de l'espace public : les plans de leurs temples, portiques, gymnases, thermes et forums sont autant d'exemples de constructions qui tiennent rigoureusement compte de la symétrie. Leurs cités coloniales, conçues comme des camps militaires appelés « castra «, possédaient de grandes avenues et un quadrillage de rues entourées de murs d'enceinte rectangulaires ou carrés, canalisant ainsi la vision de la ville. Après la chute de l'Empire romain, les villes déclinèrent en population et en importance. Du Ve au XIVe siècle apr. J.-C., l'Europe médiévale disposa ses villes autour des châteaux, des places fortes, des églises et des monastères, dont le tracé ne correspondait à aucun plan. 2.2 L'urbanisme en Asie La Chine et les régions incluses dans sa sphère d'influence développèrent une haute culture urbaine, le gouvernement central chinois utilisant les villes comme une arme administrative. Le style d'urbanisme fut déterminé par Chang'an (aujourd'hui Xi'an), capitale des dynasties Han et Tang. Dès la fin du VIe siècle, elle était disposée en damier et entourée par un mur de terre battue d'une circonférence de 36,7 km avec de larges avenues (jusqu'à 155 m) allant du nord au sud et d'est en ouest. Ce plan fut repris pour les villes de nombreux autres pays influencés par la Chine, notamment pour la capitale impériale japonaise Heiankyo (aujourd'hui Kyoto), fondée en 794 apr. J.C. Le développement du commerce et d'une économie monétaire en Chine sous la dynastie Song favorisa l'essor des cités qui, pour la plupart, s'efforcèrent de reprendre le même plan. D'autres pays d'Asie orientale (le Tibet, l'ancien empire Mongol) se sont inspirés du modèle chinois tout en le modifiant afin de corriger sa trop grande rigidité. 2.3 La ville médiévale Le bas Moyen Âge, qui vit l'essor de nombreuses villes, se traduisit par une oblitération des volumes purs. Les maisons étaient soudées entre elles et les monuments perdirent leur autonomie pour s'enraciner dans le tissu urbain. À un langage essentiellement temporel dans les dispositions urbaines (la ville est le fait du prince) correspondait une architecture antispatiale. Les villes se développèrent à la façon d'un palimpseste ; elles procédaient en effet d'une accumulation sédimentaire, se reconstruisant en permanence sur elles-mêmes à la suite des guerres qui les ravageaient périodiquement. La ville médiévale, limitée par ses fortifications, progressait selon un modèle concentrique, ajoutant à la première enceinte, historique, une deuxième enceinte de défense militaire qui distinguait clairement l'espace ville de l'espace rural. Très dense, close et souvent chaotique, elle opérait également une confusion totale entre le travail et le logement, ignorant les voies de transport. 2.4 La Renaissance L'émulation du classicisme gréco-romain durant la Renaissance relança les efforts d'urbanisme dans le style classique, sans toutefois parvenir à détruire la structure urbaine issue du Moyen Âge. L'exemple le plus célèbre fut celui de Michel-Ange, qui détermina les centres fonctionnels de Rome : centre religieux avec Saint-Pierre de Rome et l'immense place qui lui fait face, centre résidentiel avec le palais Farnèse, centre municipal avec le Capitole, ainsi que l'axe d'expansion vers l'est. Comme dans le cas de Venise et de la place Saint-Marc, il modifia ainsi la ville sans en avoir préalablement dessiné le plan, la développant par « pôles « et par des liens successifs capables de susciter un processus de construction. Conçues sans plan régulateur, ces villes italiennes symbolisaient leur idéal de grandeur dans les structures administratives et les places publiques. En opposition aux rues étroites et irrégulières des villes médiévales, l'urbanisme de la Renaissance accentuait les rues larges, régulières, en étoile ou en circonférence (certaines rues formaient des cercles concentriques autour d'un point central et d'autres étaient disposées en étoile à partir de ce point, comme les rayons d'une roue), mettant en perspective l'espace urbain. Une ville comme Ferrare, en Italie, souvent considérée comme la première ville européenne moderne, présentait ainsi des rues droites et des angles droits, mais intégrées dans des blocs de construction asymétriques liés à la dynamique et à l'histoire ancienne de la cité. La « cité idéale « ne devint ainsi concrète que dans de rares cas, comme par exemple Urbino en Italie ou les villes-forteresses de Vauban. On trouve d'autres exemples d'une disposition néoclassique dans le plan de Londres de l'architecte anglais sir Christopher Wren (1666) ainsi que dans les villes de Mannheim et de Karlsruhe en Allemagne. 2.5 L'urbanisme du Nouveau Monde Ces thèmes de l'urbanisme de la Renaissance et de la mise en perspective de la ville ont été transposés dans le Nouveau Monde, dans les cités coloniales anglaises et espagnoles fondées aux XVIe et XVIIe siècles, entre autres Savannah dans l'État de Géorgie, Williamsburg en Virginie ou Mexico au Mexique et Lima au Pérou. Disposant de larges espaces vierges pour y implanter des structures urbaines, les bâtisseurs des villes américaines ont pu progressivement expérimenter une ville moderne rompant avec le développement concentrique et effaçant les défauts de la ville médiévale (croissance impossible en raison des enceintes, problèmes de transport et de repérage dans la ville, etc.). Les plans en damier (New York, Chicago, etc.) se démarquaient de la ville historique à l'européenne mais créaient parallèlement de nouveaux problèmes comme la monotonie des rues et l'hétérogénéité des volumes et des constructions. L'urbanisme de la première période des États-Unis reflétait une prédilection pour les bâtiments publics et les rues de grande dimension : la conception du district de Columbia par l'architecte franco-américain Pierre Charles L'Enfant en 1791 en fut un exemple célèbre. Son plan prévoyait un réseau de larges avenues convergeant vers d'importants parcs, allées et autres espaces libres et sur des structures publiques comme le Capitole et la Maison-Blanche. Dès la fin du XVIIIe siècle, les problèmes sociaux, économiques et politiques qui surgissaient dans une société en pleine transformation favorisèrent la naissance d'une réflexion critique et suscitèrent une vague de projets à grande échelle. Les phalanstères de Fourier (petites villes miniatures), le « familistère « construit par l'industriel Godin près de son usine à Guise (1859-1870) ou encore le concept de ville idéale de Claude Nicolas Ledoux rompaient avec la ville ancienne, s'efforçant de regrouper le travail et l'habitat et de développer les voies de circulation. 2.6 La naissance d'un urbanisme appliqué Vers le milieu du XIXe siècle, une partie des villes européennes apparaissaient anachroniques, impropres à remplir les fonctions que leur imposaient l'industrialisation et les concentrations démographiques. Pour survivre et s'adapter, elles réclamaient des transformations globales de grande envergure. La transformation la plus spectaculaire, sans équivalent ailleurs, fut accomplie entre 1853 et 1869 par le baron et préfet de Paris Georges Eugène Haussmann. À la différence de certains projets qui ne tenaient parfois aucun compte des conditions matérielles et esthétiques les plus élémentaires, son plan s'appliquait à une ville déjà existante et ne s'appuyait ni sur une critique sociale, ni sur une théorie de l'aménagement : pour la première fois, il traitait l'ensemble de l'espace parisien comme une totalité, de façon méthodique et systématique. Il fit exécuter le premier plan global de Paris, avec des courbes de niveaux, ce qui lui permit d'analyser de façon approfondie la topographie et la morphologie parisiennes. Pour résoudre les problèmes d'une circulation congestionnée et améliorer une hygiène souvent inexistante (Paris avait subi deux graves épidémies de choléra dans la première moitié du siècle), la solution radicale d'Haussmann fut le percement. Il donna une priorité à la création d'axes nord-sud, à la construction du boulevard Sébastopol et à l'extension à l'est de la rue de Rivoli (137 km de nouveaux boulevards). Concevant la ville en termes de systèmes homologues, hiérarchisés et solidaires, il mit en relation tous les points névralgiques de la ville. Grâce à un alignement sur rue très réglementé, il contribua largement à l'aération et à une uniformisation architecturale de la capitale. Cependant, les îlots du Paris haussmannien présentaient plusieurs inconvénients, notamment celui d'empêcher une bonne diffusion de la lumière (les pièces donnant sur cours étaient très sombres). L'oeuvre novatrice d'Haussmann inspira la transformation du réseau urbain français et exerça une influence considérable en Europe (notamment à Vienne, à Berlin et à Anvers) et aux États-Unis où elle fut à l'origine du remodelage de Chicago par Daniel Burnham (1909). 2.7 L'urbanisme au XXe siècle Les pays anglo-saxons réagirent de façon uniforme à la nécessité d'améliorer les conditions de vie dans les cités. Ils commencèrent par réguler les conditions sanitaires et la densité des immeubles. En France, des expériences d'habitat amenèrent à la construction des premiers logements ouvriers, comme la fondation Lebaudy, installée rue Gassendi à Paris. La cité-jardin créée par le Britannique Ebenezer Howard en 1903 (modèle culturaliste) fut adoptée par quantité d'urbanistes qui la généralisèrent dans de nombreux pays. La « ville-jardin « communautaire de Welwyn (1920), construite d'après ses plans, avait été conçue comme une cité indépendante, protégée de l'empiétement urbain par une ceinture verte ou une zone agricole. Un peu plus tard apparurent les premières habitations à bon marché (HBM) que l'on retrouve dans l'actuelle ceinture parisienne des Maréchaux. Un urbanisme social et quelque peu paternaliste vit ainsi le jour (modèle hygiéniste), bientôt radicalisé par les premiers modèles urbanistes progressistes (la cité linéaire de Soria, la cité industrielle de Tony Garnier, etc.). Ce mouvement prônait une approche globale et à long terme de l'urbanisme, impliquant l'abandon ou la destruction des centres anciens. Les idées développées étaient d'abord des thérapies sociales afin d'éliminer le « cancer « de la ville ancienne. Les programmes cherchaient à concilier technologie moderne et justice sociale, s'efforçant de définir les différents facteurs affectant les cités modernes (travail, logement, transport et loisirs). D'importantes mesures visant à formaliser et à légaliser l'urbanisme furent prises au début du XXe siècle : en 1909, la Grande-Bretagne vota une loi d'urbanisation permettant aux autorités locales de préparer des plans de contrôle du nouvel aménagement. En 1909, également, eut lieu aux États-Unis la première Conférence nationale d'urbanisme. Entre le premier après-guerre et la fin des années 1960, l'urbanisme progressiste s'imposa, consacrant la figure de l'architecte français d'origine suisse Le Corbusier. Il resta néanmoins cantonné dans la théorie et dans une expérimentation limitée jusqu'en 1945, année après laquelle il trouva de nombreuses applications sur le terrain. Cette période fut caractérisée par l'effacement progressif du projet social, propre aux modèles de la première génération. Les membres du Bauhaus et du mouvement De Stijl projetaient des cités plantées sur des espaces verts, inondées de soleil, sillonnées de voies de circulation pour drainer harmonieusement la population évoluant entre les différents quartiers définis par leurs activités (habitat, travail, loisir). La doctrine de l'urbanisme progressiste fut élaborée lors des Congrès internationaux d'architecture moderne (CIAM), la charte d'Athènes définissant les critères de la ville moderne. Le logement était privilégié, la rue « corridor « bannie et la nature largement introduite dans les villes. Appliquant à la ville un fonctionnalisme radical (à chaque quartier et à chaque bâtiment une fonction unique : travail, habitat, loisir, etc.), ces urbanistes proposaient un zonage séparé dans les villes où le développement des techniques de construction (béton, immeubles de grande hauteur, ascenseurs) permettaient toutes les audaces. À partir de la grande dépression des années 1930, l'intervention des États en matière d'urbanisme s'accentua. Pour stimuler le développement économique dans les régions en déclin, la Grande-Bretagne autorisa la nomination de commissaires spéciaux aux pouvoirs étendus. La Grande-Bretagne, la France, les Pays-Bas et d'autres pays européens réalisèrent plusieurs programmes de logements sociaux inspirés des théories progressistes et surtout hygiénistes. Aux États-Unis, le président Franklin Roosevelt créa, dans le cadre du New Deal, une Administration des travaux publics chargée de l'amélioration des investissements, un Bureau national d'urbanisme destiné à coordonner l'aménagement à long terme ainsi qu'un programme de création de trois ceintures vertes. 2.8 Après la Seconde Guerre mondiale Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les grands travaux de reconstruction des villes et l'urgence du logement entraînèrent une application massive des principes de la charte d'Athènes. Ils inspirèrent d'abord la rénovation des quartiers et des centres urbains anciens, c'est-à-dire leur démolition au nom de l'hygiène et de la modernisation et leur reconstruction selon les normes nouvelles. Ce type de rénovation débuta d'abord aux États-Unis sous l'influence des anciens protagonistes du Bauhaus et gagna progressivement l'Europe. Elle a permis en région parisienne plus de cent opérations couvrant près de 600 hectares (à Paris les secteurs du Front de Seine, des Halles-Beaubourg et de la place d'Italie). Les villes orientales ne furent pas épargnées par cette chirurgie radicale, comme en témoignent certaines opérations au Maroc et au Moyen-Orient. L'urbanisme progressiste inspira également (et inspire toujours) l'aménagement des périphéries urbaines, qu'il s'agisse de quartiers nouveaux (Stockholm, Amsterdam, etc.) ou surtout de grands ensembles : tours et barres de logements identiques sur tous les continents, dans lesquelles la rue a disparu (la cité des Quatre Mille de Le Corbusier à La Courneuve, Sarcelles, etc.). Le mouvement progressiste fut également à l'origine de la création ex nihilo de villes comme Brasilia au Brésil (Oscar Niemeyer) ou Chandigarh en Inde (Le Corbusier), mais ne put mettre en oeuvre de colossaux projets utopiques (les cités lacustres de Kenzo Tange, les villes entonnoirs de Walter Jonas, etc.). Seule la Grande-Bretagne resta relativement fidèle au modèle culturaliste de Howard dont les villes nouvelles, résultant du New Town Act (1946), portent la marque. Bâties autour d'un noyau central, elles intégraient des activités diversifiées, se distinguant du modèle progressiste par leur refus d'un fonctionnalisme systématique. En raison de cette politique volontariste, de nombreux ensembles d'habitations de ce type furent érigés dans les banlieues de Londres mais aussi en France, où la construction de neuf villes nouvelles (Melun-Senart, Saint-Quentin-en-Yvelines, etc.) fut lancée à l'occasion de la publication du Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne (1965). 2.9 L'urbanisme moderne Après une phase d'euphorie, le triomphe de l'urbanisme progressiste suscita une critique croissante sur ses réalisations et sa démarche à partir des années 1960. Les effets sociaux provoqués par le gigantisme et la pauvreté formelle et sémantique de ces innombrables cités-dortoirs et déserts de béton d'une part et le scientisme quelque peu dogmatique de ses théoriciens, d'autre part, amenèrent à une remise en cause de sa suprématie. Parallèlement, on prit conscience que, dans la « nouvelle ville «, l'urbanisme dépassait la simple dimension matérielle et qu'il englobait également les questions sociales, économiques et politiques. Ces questions étaient trop importantes pour laisser tout pouvoir aux urbanistes et à leurs rêves de cités radieuses. C'est ainsi qu'un mouvement postmoderne vit le jour, caractérisé par son hostilité au mouvement moderne et par une plus grande modestie et un plus grand réalisme en matière d'urbanisme. 2.10 La ville de l'âge III Selon le terme de l'architecte et urbaniste français Christian de Portzamparc, lauréat du prix Pritzker 1994, nous serions aujourd'hui au troisième stade de la ville : après la ville médiévale et la ville moderne, la ville de l'âge III opérerait en quelque sorte un retour à une structure urbaine plus traditionnelle tout en intégrant les acquis du mouvement moderne (la lumière, l'espace, les réseaux de circulation, etc.). Avec la ville contemporaine, qui s'est affranchie des limites de la vieille ville médiévale, les mégalopoles sont devenues infinies et ont donc d'autant plus besoin de repères, à l'opposé des blocs et des objets urbains isolés de la ville moderne, tramée et sans continuité. L'histoire de l'urbanisme a ainsi montré que les « fonctions « de la ville étaient en interactivité permanente, témoignant de l'hétérogénéité absolue du tissu urbain. Alors que les progressistes cherchaient systématiquement à exprimer la fonction du bâtiment (une usine doit ressembler à une usine), les postmodernes (Antonio Rossi, Portzamparc, etc.) cherchent à faire ressortir l'hybridité de la ville et refusent les formes figées. Parallèlement à la vogue du patrimoine qui a fini par englober le tissu urbain ancien (loi Malraux sur les secteurs sauvegardés en 1962, charte d'Amsterdam en 1975), les urbanistes disposent aujourd'hui de moyens accrus pour recycler, transformer et restituer les ensembles anciens dans le processus d'urbanisation. Les villes, qui sont des formes complexes ou imparfaites, deviennent ainsi des villes flexibles, plus soucieuses de cohésion formelle que fonctionnelle. Pour autant, il ne faut pas supprimer les différences entre les territoires, ni trop « coudre « les espaces urbains les uns aux autres pour tout homogénéiser. La banlieue ne doit pas être comme le centre, sans quoi les sens humains, qui lisent le dedans et le dehors d'une ville, peuvent se perdre. Il convient de créer des sous-villes, offrant ainsi des échelles d'appropriation plus petites aux mégapoles. Le quartier Massena, dans l'Est parisien, se veut une illustration de ces théories, un quartier-laboratoire de la ville de l'âge III : à l'opposé des îlots fermés haussmanniens, il est composé d'une succession d'îlots ouverts, avec des fentes pour permettre le passage de la lumière. En même temps, l'alignement sur rue est respecté, tout comme une certaine homogénéité des constructions qui donne sa cohérence à l'ensemble. La ville de reconversion, de modification et de transformation du contexte se substitue ainsi à la ville moderne de la rupture. 3 DROIT ET POLITIQUE DE L'URBANISME ET DE L'AMÉNAGEMENT On distingue schématiquement quatre types d'urbanisme : l'urbanisme de développement, l'urbanisme de gestion, l'urbanisme de réhabilitation et l'urbanisme de participation. Ces différents types d'intervention correspondent à des règles précises qui se sont affinées parallèlement au développement de cette discipline et sont codifiées dans des lois et des règlements (code de l'urbanisme). Ces règles expriment l'intérêt général face à la diversité des intérêts particuliers des constructeurs et des aménageurs. Au régime des contraintes inhérent au droit de l'urbanisme, le législateur a ajouté des règles d'aménagement qui traduisent la volonté d'une réflexion globale pour une organisation plus rationnelle et plus harmonieuse de l'espace (habitat, cadre de vie, équipements collectifs, infrastructures). Le concept d'aménagement permet notamment de concilier les préoccupations urbaines et environnementales, parfois antagonistes. 3.1 L'évolution historique Les nécessités de la reconstruction puis l'explosion démographique ont progressivement justifié l'encadrement juridique de l'aménagement urbain et le développement des contraintes juridiques liées à l'utilisation du sol. Après la Première Guerre mondiale, le législateur créa au profit des communes les premiers instruments de planification urbaine et les maires furent habilités à délivrer des autorisations de construire en fonction des règlements de construction qu'ils édictèrent. La loi du 14 mars 1919 donnait aux conseils municipaux la compétence en matière de plans d'alignement et au maire la compétence en matière de police d'urbanisme. Avec le régime de Vichy, la volonté de centralisation l'emporta. La loi du 15 juin 1943 créa véritablement le droit de l'urbanisme en généralisant le permis de construire. La planification urbaine quant à elle continuait à ne concerner que les communes d'une certaine importance. De la Libération au début des années 1960, l'urbanisation se développa rapidement mais le droit de l'urbanisme, pourtant consacré par un code de l'urbanisme, parut peu efficace pour permettre aux autorités publiques de faire face aux problèmes fonciers et à la demande de logements et d'équipements collectifs. La loi d'orientation foncière de 1967 s'attacha à repenser entièrement l'encadrement juridique de l'aménagement urbain. Ce fut l'époque de l'avènement des SDAU (schémas d'aménagement et d'urbanisme) et des POS (plans d'occupation des sols). Le législateur s'attacha également à créer un nouvel équilibre entre les compétences de l'État et celles des collectivités locales, permettant ainsi aux élus locaux de pouvoir mieux maîtriser le développement de la cité. Cette loi connut un succès mitigé. Les POS ont été établis malgré les réticences, mais les SDAU ne furent élaborés qu'en nombre réduit. Devant la persistance du problème foncier, le gouvernement fit adopter la loi établissant le principe du PLD (plafond légal de densité). En cas de dépassement du PLD autorisé, le constructeur était redevable d'une participation financière assez dissuasive pour que le plafond soit effectivement respecté. La loi de janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales opéra ensuite une profonde décentralisation de l'urbanisme au profit des communes (contrôle des POS). L'État continuait toutefois à exercer ses pouvoirs de contrôle. La loi de juillet 1985 relative à l'urbanisme opérationnel (définition et mise en oeuvre de l'aménagement) modernisa encore le droit de l'urbanisme, accroissant les responsabilités des communes et garantissant aux administrés une véritable concertation. Enfin, la loi d'orientation pour la ville (LOV) de 1991 mit l'accent sur la cohésion sociale dans les quartiers et les besoins de logements sociaux. Elle correspondait à la mise en oeuvre d'une politique globale de la ville, conséquence du malêtre de certains quartiers constitués de grands ensembles construits dans les années 1960. 3.2 L'administration de l'urbanisme Selon l'évolution de l'organisation administrative de l'État, l'urbanisme est administré au sein de structures ministérielles ou interministérielles et, le cas échéant, par des structures organisées par les collectivités locales. Le développement de l'urbanisme réglementaire a justifié l'organisation d'une administration d'État à la fois centrale et déconcentrée. Celle-ci est aujourd'hui rattachée à un grand ministère de l'Équipement ou à un ministère spécifiquement chargé de l'urbanisme et du logement. L'administration de l'aménagement et de l'urbanisme est relayée dans chaque département par une Direction départementale de l'équipement (DDE). En l'état du processus de décentralisation, les régions et les départements n'ont aucune compétence décisoire en matière d'urbanisme. En revanche, ce sont aujourd'hui les communes qui ont en charge l'essentiel de l'urbanisme décentralisé. La réalisation des opérations d'urbanisme est souvent déléguée à un établissement public désigné à cet effet, association ou société d'économie mixte locale (SEML). 3.3 La planification urbaine La planification urbaine est la méthode de prévision et d'organisation qui permet aux autorités publiques d'orienter et de maîtriser le développement urbain par l'élaboration et la mise en oeuvre de documents d'urbanisme. Elle s'exprime par les plans d'occupation des sols (POS) et les anciens SDAU, appelés aujourd'hui schémas directeurs (SD). Les POS sont des documents qui déterminent avec précision l'affectation des sols et les règles de leur utilisation ; les SD définissent quant à eux les règles générales du développement urbain à l'échelle d'une ou de plusieurs agglomérations. Le maillage de la planification urbaine s'insère dans celui de la planification générale de l'espace et rejoint de ce fait les préoccupations d'aménagement du territoire. Le régime du permis de construire est aujourd'hui étroitement lié aux prescriptions du POS. Les schémas directeurs sont des documents prévisionnels qui fixent les orientations fondamentales de l'organisation des territoires intéressés en tenant compte en principe des besoins de l'extension urbaine, de l'exercice des activités agricoles, industrielles et tertiaires et de la préservation des sites et des paysages. Documents d'orientation et non de prescription, les SD précisent la destination des sols, le tracé des grands équipements d'infrastructure et la localisation des services. En vertu de la loi de décentralisation de 1983, la procédure d'élaboration des SD est très largement du ressort des communes. Ces schémas ont peu à peu été abandonnés, puisque seulement dix-huit SD ont été approuvés depuis 1983 -- leur difficulté principale provenant du fait qu'ils supposent une concertation au niveau intercommunal. Le SDRIF, schéma directeur de la région Île-de-France élaboré entre 1990 et 1994, a permis aux collectivités locales d'imposer leurs vues en matière d'aménagement du territoire à l'État. Au lieu de s'inscrire dans des frontières administratives, les communes ont opté pour un espace géologique, celui du Bassin parisien, repoussant ainsi les frontières du développement à 150 ou à 200 km de la capitale. Le POS détermine les règles générales de l'utilisation et de la destination des sols dans un périmètre qui est généralement celui de la commune. Le POS se compose d'un document graphique et d'un règlement. Il comporte un zonage et des prescriptions d'urbanisme, établissant pour chaque zone un coefficient d'occupation des sols (COS). Il détermine au minimum l'affectation des sols et la nature des activités qui peuvent y être exercées, prescrit le droit d'implantation des constructions, leur destination et leur nature (un permis de construire doit impérativement respecter le POS). Le POS doit se fonder sur les données existantes pour prévoir, programmer et maîtriser l'urbanisation et l'équipement de la commune à moyen terme. Le conseil municipal prend la décision d'élaborer un POS ; les administrés ont alors la possibilité de le consulter et de le contester le cas échéant. Susceptible d'évoluer, le POS peut par conséquent être révisé. Il constitue un document de planification urbaine essentiel, placé entre les mains des élus locaux qui peuvent ainsi gérer et maîtriser la croissance de l'aménagement urbain. Dans certains lieux, l'utilisation de certains sols est réglementé par la loi, qui spécifie les restrictions générales concernant la hauteur, le volume et l'usage des bâtiments. D'autres règlements contiennent les normes générales, beaucoup plus souples, concernant les usages multiples ou l'architecture d'un bâtiment. Les règles de la construction et du logement portent sur la qualité et la sécurité de la construction de nouveaux bâtiments ainsi que sur leur entretien ultérieur. Dans la plupart des cas, les règles spécifient les matériaux devant être utilisés, leur qualité minimale et les éléments de construction nécessaires à une structure appropriée à l'occupation humaine. 3.4 L'urbanisme opérationnel L'urbanisme opérationnel désigne l'ensemble des actions dont l'objet est la conception et la réalisation d'opérations de construction et d'équipements menés ou contrôlés par les autorités publiques. C'est l'expression la plus forte de l'interventionnisme public dans le domaine urbain. Une libéralisation progressive des procédures a permis d'y associer plus largement les opérateurs privés et les administrés. La loi d'aménagement de 1985 a voulu relancer l'urbanisme opérationnel en donnant aux collectivités locales plus de pouvoir en la matière et surtout plus de moyens pour en maîtriser la conception et la mise en oeuvre. Les opérations d'urbanisme les plus répandues sont les lotissements et les zones d'aménagement concerté, les ZAC, qui ont remplacé les ZUP (zones à urbaniser en priorité) et permettent la réalisation d'opérations complexes, mêlant souvent la réalisation de constructions à usage d'habitation, de commerces, d'entreprises, d'installations et d'équipements collectifs. Les réalisations de ZAC engagent des établissements publics d'aménagement (EPA) et éventuellement des sociétés d'économie mixte (SEC) lorsqu'une entreprise privée participe à l'opération. La ville de Paris a actuellement trois projets de ZAC en construction (Aubervilliers, Alésia-Montsouris, porte d'Asnières), mais souhaite se réorienter vers des opérations plus légères. 3.5 Le développement économique Le développement et la reconversion économiques de la ville font également partie de l'urbanisme. Les plans de développement économique ont recours aux primes, à l'assistance technique et au marketing pour créer des emplois, établir de nouvelles industries et entreprises, aider les entreprises existantes à s'épanouir, réhabiliter ce qui est récupérable et reconvertir ce qui ne peut être conservé. Le mouvement de renouveau urbain des années 1940 fut insensible aux fluctuations des quartiers urbains. Des années 1940 aux années 1960, le credo consistait, lors de l'échec d'un agent économique, à laisser affleurer le « pourrissement « et à déblayer le terrain en vue de sa réutilisation. Dans bien des cas, la reconversion n'avait jamais lieu. Les multiples facteurs qui ont entraîné la mutation des quartiers furent ignorés ou mal analysés. La programmation financière des investissements est l'instrument budgétaire utilisé par les urbanistes pour établir le programme de construction et de financement des travaux publics. Les projets d'investissements -- comme l'amélioration des routes, l'éclairage des rues, les parcs de stationnement publics et l'achat de terrain pour les espaces libres -- doivent être classés par priorités. Un contrat d'objectifs annuel précise les projets prioritaires sur une période de six ans, qui auront pour but de mettre en oeuvre le plan général et de remplacer l'infrastructure usagée. Dans les régions à forte croissance, les urbanistes sont continuellement confrontés à des équipements collectifs qui ne correspondent plus aux critères de l'aménagement futur. Dans les zones en déclin, la reconversion économique est de première importance. Avant même d'établir un programme financier d'investissement, il faut établir une estimation du quartier, de sa viabilité et adopter des stratégies de redressement. Les urbanistes ont maintenant compris qu'une ville est affectée par les conditions économiques régionales, interrégionales, nationales et internationales. Ils savent également que l'efficacité des plans dépend de la qualité de l'analyse et de l'interprétation de ces conditions. Telles sont les leçons qui ont été tirées des bouleversements qui ont marqué les structures économiques suburbaines et interrégionales dans les années 1960 et 1970. 3.6 Le contentieux de l'urbanisme Le droit de l'urbanisme alimente un important contentieux. Ce sont les tribunaux administratifs qui sont compétents en première instance ; en appel, à la suite de la réforme du contentieux instituée par la loi de 1987, ce sont les cours administratives d'appel qui sont compétentes. Aujourd'hui, le contentieux de l'urbanisme représente à lui seul entre 10 et 15 p. 100 des affaires traitées par les tribunaux administratifs. Les litiges les plus nombreux tendent à demander aux juges l'annulation d'une décision dont la légalité est contestée, ou des indemnités pour des préjudices subis du fait d'une faute de l'administration. 4 L'AVENIR DES VILLES ET DE L'URBANISME Au cours des dernières décennies du XXe siècle, l'urbanisme a été de plus en plus impliqué dans la définition et la réalisation de la politique des services publics ainsi que dans la fourniture de ces services. Depuis qu'il est manifeste que les ressources sont limitées et que les évolutions d'ensemble ont des répercussions sur l'avenir de chaque communauté, l'urbanisme a dû s'intégrer aux structures nationales et internationales de planification de l'aménagement. Dans ce contexte, différents groupes urbains d'habitants ont appris à défendre leurs intérêts. Mieux informés, ils connaissent les lois et les procédures et sont à la fois plus militants et plus tenaces. Conscients que la planification permet de structurer le changement, ils cherchent à influencer celle-ci. En retour, les urbanistes cherchent à équilibrer les intérêts rivaux par un consensus communautaire minimal permettant de prendre des décisions. D'autre part, les réactions contre la centralisation de la planification et les appels au développement privé dans les années 1980 et 1990 ont donné lieu à d'ambitieuses expériences en matière de réduction des contrôles de planification, parfois -- comme dans le cas de la reconversion du quartier des docks à Londres -- avec des résultats mitigés. À l'avenir, l'urbanisme continuera de faire face à l'insuffisance des ressources économiques municipales tout en étant continuellement confronté à la concurrence des priorités -- des quartiers, des groupes d'intérêts, des entreprises et des habitants. Le ciblage et la fourniture de services publics appropriés posera de grands problèmes d'ici la fin du XXe siècle. Au fur et à mesure que les villes cherchent à redéfinir leur rôle, elles font l'objet de réajustements périodiques. Il revient à l'urbanisme de minimiser l'impact qu'ont ces mutations cycliques sur la population et l'activité urbaines. 4.1 Une explosion urbaine Dans les cinquante prochaines années en effet, les urbanistes seront confrontés au défi d'une croissance urbaine qui va s'intensifier et dont le centre de gravité se déplacera en Asie et dans le tiers-monde. En 2005, plus de la moitié de la population mondiale sera concentrée dans les villes et 60 p. 100 en 2025, perspective vertigineuse puisque la terre ne comptait que 10 p. 100 de citadins au début du XXe siècle. Alors que Londres a mis cent trente ans pour passer de 1 à 8 millions d'habitants, Lagos au Nigeria, qui n'en avait que 290 000 en 1950, en comptera 24,4 millions en 2015. Sur les 33 mégapoles annoncées par l'ONU pour 2015, 27 seront situées dans les pays les moins développés, dont 19 en Asie. Tokyo (28,7 millions d'habitants en 2015) sera la seule ville « riche « à continuer de figurer sur la liste des dix plus grandes villes du monde. Paris, classée au 4e rang des villes les plus peuplées en 1950, sera reléguée en 29e position en 2015. Bombay (Inde), Shanghai (Chine), Jakarta (Indonésie), São Paulo (Brésil) et Karachi (Pakistan) dépasseront toutes les 20 millions d'habitants. Devant de tels bouleversements, les avis des experts sont partagés entre ceux qui croient aux « mégavilles « comme facteur d'émancipation de l'humanité et ceux, plus sceptiques, qui considèrent que la poursuite de ce processus mènera à une implosion urbaine. 4.2 L'espoir d'une ville nouvelle Plusieurs phénomènes tendent en effet à démontrer que la croissance des villes est un phénomène non seulement inéluctable mais porteur d'espoir. Le mouvement d'urbanisation est déjà si profondément engagé que l'essentiel de l'expansion des villes repose désormais non plus sur l'exode rural, en voie de marginalisation, mais sur leur démographie interne galopante. Urbanisation et développement vont de pair, plaide aujourd'hui l'ONU, dont un récent rapport concluait que les citadins pauvres étaient trois à dix fois plus riches que les ruraux pauvres. Les villes, carrefours des compétences et des initiatives, supports stimulants pour l'éducation et l'innovation, lieux d'ouverture au monde, favorisent non seulement le décollage économique mais aussi la baisse de la fertilité. Déjà, les rythmes de croissance s'essoufflent dans les vieux pays industrialisés : l'urbanisation porterait en elle les remèdes à ses propres ravages. En soulageant les campagnes, la croissance des villes permettrait une hausse de la productivité agricole et une meilleure préservation des ressources naturelles. Dans les pays riches, le fait urbain est non seulement une réalité démographique ancienne (85 p. 100 des Français vivent dans une commune comptant plus de 30 000 habitants ou jouxtant une telle commune), mais l'unique référence en matière de mode de vie. Les agglomérations urbaines modernes tendent de plus en plus à s'étendre sur un espace plus vaste. Les urbanistes parlent désormais de conurbations, ces zones d'habitat humain s'étendant sur plusieurs centaines de kilomètres, de Boston à Washington, de Tokyo à Kobe, d'Amsterdam à la Ruhr. 4.3 Une menace pour la planète Au rythme de croissance actuel de la population urbaine, soit 170 000 personnes de plus par jour dans le monde, les nouvelles mégalopoles sont, selon l'avis de certains spécialistes, lourdes de menaces pour l'humanité. La plupart d'entre elles ont atteint une taille critique au-delà de laquelle les problèmes de la vie urbaine (pollution, embouteillages, prix élevé de l'immobilier) en balaient les avantages, étouffant chaque jour un peu plus ses habitants. Dix millions de citadins meurent chaque année du fait de la mauvaise qualité des logements, de l'eau et de l'hygiène. Le déracinement et le chômage, la violence, l'éclatement social et ethnique comptent parmi les plaies consécutives à la prolifération des villes. Déjà en 1964, un grand historien du monde urbain, Lewis Mumford, appelait Nécropolis la cité moderne : « ceux qui prétendent que la prolifération des grandes métropoles est inévitable oublient que celles-ci ont marqué, d'une manière constante, l'effondrement de toute une période civilisatrice «, écrivait-il dans la Cité à travers l'histoire. Dans de nombreuses villes du tiers-monde -- mais aussi des pays industrialisés --, la croissance urbaine s'accompagne en effet aujourd'hui d'une misère profonde. À l'échelle mondiale, la pauvreté touche jusqu'à 60 p. 100 de la population des villes. Même dans les pays développés, qui se révèlent désormais incapables de loger l'ensemble des ménages à faibles revenus, l'équilibre qui maintenait des liens entre quartiers riches et quartiers pauvres s'est rompu. La ville, qui était le lieu de la civilisation par excellence, l'endroit où l'on trouvait sécurité, bien-être et liberté, est aujourd'hui cernée par une périphérie trouble et incertaine. Dans les métropoles modernes, des quartiers entiers deviennent des lieux d'enfermement et d'exclusion. De Lagos à Shanghai en passant par nombre de villes américaines protéiformes comme Mexico, Los Angeles ou São Paulo, la ville est devenue un espace urbain subi et cisaillé par les tribus sociales et ethniques, des damiers où chaque case se fortifie et se durcit et dans lesquelles l'individu ne joue plus qu'un second rôle. Une ville comme Atlanta, aux États-Unis, est assez caractéristique du standard mondialisé en train de se mettre en place : au centre, un quartier d'affaires dominé par les tours de Coca-Cola et de la chaîne d'information en continu CNN ; légèrement décalé, le centre administratif, beaucoup plus modeste ; tout autour se trouvent différents quartiers, organisés de façon ethnico-sociale et qui ne sont reliés entre eux que par un réseau autoroutier urbain ; les Blancs, plus aisés (20 p. 100 de la population), ont fui le centre-ville pour aller vivre dans des banlieues résidentielles. Ainsi, au nord comme au sud de la planète, la ville se structure désormais comme un archipel de zones isolées les unes des autres, abritant des groupes de population qui ne se côtoient plus. La mondialisation fait planer une lourde menace sur les villes et l'État paraît dans de nombreux pays de plus en plus incapable de gérer le développement urbain. 4.4 Habitat II Pour rendre les villes plus viables et plus respirables et pour débattre de ces questions, près de 9 000 spécialistes (urbanistes, maires de grandes villes, architectes, etc.) se sont réunis de mai à juin 1996 à Istanbul, en Turquie, pour un sommet de l'ONU consacré aux défis du développement urbain. Vingt ans après Habitat I, organisé à Vancouver (Canada) en 1976, qui avait préconisé des politiques centralisées et focalisées sur le logement peu suivies d'effets, le sommet d'Istanbul a marqué une réorientation de la politique onusienne dans ce domaine. Longtemps en effet, l'idée largement dominante dans les organisations internationales était que le salut du tiersmonde passait par le développement rural et l'agriculture. Cependant, devant la croissance urbaine continue et l'accélération de la « tertiarisation « des économies nationales, les enjeux urbains (3 p. 100 seulement des budgets de l'aide internationale vont aux villes) sont devenus l'une des grandes priorités du III e millénaire. La conférence, dont l'ambition finale était la mise en oeuvre d'un plan mondial de développement urbain pour les cinquante prochaines années, a insisté sur le droit de tous au logement, l'importance des femmes dans l'accès à la ville et la nécessité d'intensifier l'action urbaine comme moteur du développement, particulièrement dans les domaines des infrastructures de transport et de la lutte contre la pollution. Une ambition qui, d'une part, ouvre la porte à de nouveaux modes de fonctionnement démocratique (décentralisation, revalorisation des pouvoirs locaux avec un rôle accru donné aux élus locaux et aux associations d'habitants) et, d'autre part, encourage une participation plus active du secteur privé industriel (BTP notamment) dans les projets de développement en coopération avec les collectivités locales, pour répondre aux besoins d'équipements des nouvelles mégalopoles. Entre deux mythes, celui de Babylone, mère de tous les vices et l'utopie de la Jérusalem céleste, les urbanistes vont devoir trouver de nouvelles solutions. L'urbanisme a changé d'échelle : intervenant à un niveau plus général, il s'est rapproché de l'aménagement du territoire et doit prendre en compte des phénomènes jouant à l'échelle régionale, nationale ou même planétaire. Aménager des îlots entre deux ruelles, concevoir des liens de communication entre deux espaces urbains ou encore réinventer des villages, comme au Brésil. Reparcourir en quelques années le cycle pluriséculaire de l'invention urbaine, afin, comme le disait Georges Perec dans Espèces d'espaces (1974), qu'il n'y ait « rien d'inhumain dans une ville, sinon notre propre humanité «. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
architecture

« 2.5 L’urbanisme du Nouveau Monde Ces thèmes de l’urbanisme de la Renaissance et de la mise en perspective de la ville ont été transposés dans le Nouveau Monde, dans les cités coloniales anglaises etespagnoles fondées aux XVIe et XVII e siècles, entre autres Savannah dans l’État de Géorgie, Williamsburg en Virginie ou Mexico au Mexique et Lima au Pérou.

Disposant de larges espaces vierges pour y implanter des structures urbaines, les bâtisseurs des villes américaines ont pu progressivement expérimenter une ville moderne rompant avecle développement concentrique et effaçant les défauts de la ville médiévale (croissance impossible en raison des enceintes, problèmes de transport et de repérage dans laville, etc.).

Les plans en damier (New York, Chicago, etc.) se démarquaient de la ville historique à l’européenne mais créaient parallèlement de nouveaux problèmes commela monotonie des rues et l’hétérogénéité des volumes et des constructions.

L’urbanisme de la première période des États-Unis reflétait une prédilection pour les bâtimentspublics et les rues de grande dimension : la conception du district de Columbia par l’architecte franco-américain Pierre Charles L’Enfant en 1791 en fut un exemple célèbre.Son plan prévoyait un réseau de larges avenues convergeant vers d’importants parcs, allées et autres espaces libres et sur des structures publiques comme le Capitole et laMaison-Blanche. Dès la fin du XVIII e siècle, les problèmes sociaux, économiques et politiques qui surgissaient dans une société en pleine transformation favorisèrent la naissance d’une réflexion critique et suscitèrent une vague de projets à grande échelle.

Les phalanstères de Fourier (petites villes miniatures), le « familistère » construit par l’industrielGodin près de son usine à Guise (1859-1870) ou encore le concept de ville idéale de Claude Nicolas Ledoux rompaient avec la ville ancienne, s’efforçant de regrouper letravail et l’habitat et de développer les voies de circulation. 2.6 La naissance d’un urbanisme appliqué Vers le milieu du XIXe siècle, une partie des villes européennes apparaissaient anachroniques, impropres à remplir les fonctions que leur imposaient l’industrialisation et les concentrations démographiques.

Pour survivre et s’adapter, elles réclamaient des transformations globales de grande envergure. La transformation la plus spectaculaire, sans équivalent ailleurs, fut accomplie entre 1853 et 1869 par le baron et préfet de Paris Georges Eugène Haussmann.

À ladifférence de certains projets qui ne tenaient parfois aucun compte des conditions matérielles et esthétiques les plus élémentaires, son plan s’appliquait à une ville déjàexistante et ne s’appuyait ni sur une critique sociale, ni sur une théorie de l’aménagement : pour la première fois, il traitait l’ensemble de l’espace parisien comme unetotalité, de façon méthodique et systématique.

Il fit exécuter le premier plan global de Paris, avec des courbes de niveaux, ce qui lui permit d’analyser de façon approfondiela topographie et la morphologie parisiennes.

Pour résoudre les problèmes d’une circulation congestionnée et améliorer une hygiène souvent inexistante (Paris avait subideux graves épidémies de choléra dans la première moitié du siècle), la solution radicale d’Haussmann fut le percement.

Il donna une priorité à la création d’axes nord-sud,à la construction du boulevard Sébastopol et à l’extension à l’est de la rue de Rivoli (137 km de nouveaux boulevards).

Concevant la ville en termes de systèmeshomologues, hiérarchisés et solidaires, il mit en relation tous les points névralgiques de la ville.

Grâce à un alignement sur rue très réglementé, il contribua largement àl’aération et à une uniformisation architecturale de la capitale.

Cependant, les îlots du Paris haussmannien présentaient plusieurs inconvénients, notamment celuid’empêcher une bonne diffusion de la lumière (les pièces donnant sur cours étaient très sombres).

L’œuvre novatrice d’Haussmann inspira la transformation du réseauurbain français et exerça une influence considérable en Europe (notamment à Vienne, à Berlin et à Anvers) et aux États-Unis où elle fut à l’origine du remodelage deChicago par Daniel Burnham (1909). 2.7 L’urbanisme au XXe siècle Les pays anglo-saxons réagirent de façon uniforme à la nécessité d’améliorer les conditions de vie dans les cités.

Ils commencèrent par réguler les conditions sanitaires et ladensité des immeubles.

En France, des expériences d’habitat amenèrent à la construction des premiers logements ouvriers, comme la fondation Lebaudy, installée rueGassendi à Paris.

La cité-jardin créée par le Britannique Ebenezer Howard en 1903 (modèle culturaliste) fut adoptée par quantité d’urbanistes qui la généralisèrent dans denombreux pays.

La « ville-jardin » communautaire de Welwyn (1920), construite d’après ses plans, avait été conçue comme une cité indépendante, protégée del’empiétement urbain par une ceinture verte ou une zone agricole. Un peu plus tard apparurent les premières habitations à bon marché (HBM) que l'on retrouve dans l'actuelle ceinture parisienne des Maréchaux.

Un urbanisme social etquelque peu paternaliste vit ainsi le jour (modèle hygiéniste), bientôt radicalisé par les premiers modèles urbanistes progressistes (la cité linéaire de Soria, la citéindustrielle de Tony Garnier, etc.).

Ce mouvement prônait une approche globale et à long terme de l’urbanisme, impliquant l’abandon ou la destruction des centres anciens.Les idées développées étaient d’abord des thérapies sociales afin d’éliminer le « cancer » de la ville ancienne.

Les programmes cherchaient à concilier technologie moderneet justice sociale, s’efforçant de définir les différents facteurs affectant les cités modernes (travail, logement, transport et loisirs). D’importantes mesures visant à formaliser et à légaliser l’urbanisme furent prises au début du XXe siècle : en 1909, la Grande-Bretagne vota une loi d’urbanisation permettant aux autorités locales de préparer des plans de contrôle du nouvel aménagement.

En 1909, également, eut lieu aux États-Unis la première Conférence nationaled’urbanisme. Entre le premier après-guerre et la fin des années 1960, l’urbanisme progressiste s’imposa, consacrant la figure de l’architecte français d’origine suisse Le Corbusier.

Il restanéanmoins cantonné dans la théorie et dans une expérimentation limitée jusqu’en 1945, année après laquelle il trouva de nombreuses applications sur le terrain.

Cettepériode fut caractérisée par l’effacement progressif du projet social, propre aux modèles de la première génération.

Les membres du Bauhaus et du mouvement De Stijlprojetaient des cités plantées sur des espaces verts, inondées de soleil, sillonnées de voies de circulation pour drainer harmonieusement la population évoluant entre lesdifférents quartiers définis par leurs activités (habitat, travail, loisir).

La doctrine de l’urbanisme progressiste fut élaborée lors des Congrès internationaux d’architecturemoderne (CIAM), la charte d’Athènes définissant les critères de la ville moderne.

Le logement était privilégié, la rue « corridor » bannie et la nature largement introduitedans les villes.

Appliquant à la ville un fonctionnalisme radical (à chaque quartier et à chaque bâtiment une fonction unique : travail, habitat, loisir, etc.), ces urbanistesproposaient un zonage séparé dans les villes où le développement des techniques de construction (béton, immeubles de grande hauteur, ascenseurs) permettaient toutesles audaces. À partir de la grande dépression des années 1930, l’intervention des États en matière d’urbanisme s’accentua.

Pour stimuler le développement économique dans les régionsen déclin, la Grande-Bretagne autorisa la nomination de commissaires spéciaux aux pouvoirs étendus.

La Grande-Bretagne, la France, les Pays-Bas et d’autres payseuropéens réalisèrent plusieurs programmes de logements sociaux inspirés des théories progressistes et surtout hygiénistes.

Aux États-Unis, le président Franklin Rooseveltcréa, dans le cadre du New Deal, une Administration des travaux publics chargée de l’amélioration des investissements, un Bureau national d’urbanisme destiné àcoordonner l’aménagement à long terme ainsi qu’un programme de création de trois ceintures vertes. 2.8 Après la Seconde Guerre mondiale Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les grands travaux de reconstruction des villes et l’urgence du logement entraînèrent une application massive des principesde la charte d’Athènes.

Ils inspirèrent d’abord la rénovation des quartiers et des centres urbains anciens, c’est-à-dire leur démolition au nom de l’hygiène et de lamodernisation et leur reconstruction selon les normes nouvelles.

Ce type de rénovation débuta d’abord aux États-Unis sous l’influence des anciens protagonistes du Bauhauset gagna progressivement l’Europe.

Elle a permis en région parisienne plus de cent opérations couvrant près de 600 hectares (à Paris les secteurs du Front de Seine, desHalles-Beaubourg et de la place d’Italie).

Les villes orientales ne furent pas épargnées par cette chirurgie radicale, comme en témoignent certaines opérations au Maroc etau Moyen-Orient.

L’urbanisme progressiste inspira également (et inspire toujours) l’aménagement des périphéries urbaines, qu’il s’agisse de quartiers nouveaux(Stockholm, Amsterdam, etc.) ou surtout de grands ensembles : tours et barres de logements identiques sur tous les continents, dans lesquelles la rue a disparu (la cité des. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles