Une critique de la loi des « coûts comparatifs »
Publié le 15/05/2020
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Il est clair qu'il n'en est rien. Si la division internationale du travail améliore quelque chose, ce sont les conditions de valorisation du capital. Car c'est celui-là le critère suprême. Lorsque Ricardo et ses successeurs plaident en faveur d'une répartition internationale des activités selon la comparaison des coûts, de quoi s'agit-il? Qu'il faille plus de travail et plus de moyens de production pour faire mûrir des oranges en Allemagne Fédérale qu'en Espagne, qui en doute? Cette « dotation en facteurs » - comme disent les économistes non marxistes - crève les yeux, et nul ne sera assez fou pour nier qu'il vaut mieux faire pousser les orangers là où il y a beaucoup de soleil et les patates là où le climat est plus rude. On n'a pas attendu les économistes et leurs démonstrations « scientifiques » pour le faire. Ce n'est pas cette répartition « naturelle >> là qui est visée par la « loi » des coûts comparatifs. C'est celle qui consiste à dire : il est possible de produire ici ou là; mais il vaut mieux le faire ici parce que cela revient moins cher. Et si cela revient moins cher ici que là, c'est - en un siècle où les coûts de transport sont le plus souvent minimes par rapport aux autres -- soit parce que l'équipement est plus efficace, soit parce que la force de travail est moins onéreuse. Bref, en termes capitalistes, c'est parce que le capital - fixe ou variable - que doit avancer la bourgeoisie se révèle moins important au regard de la plus-value qui én résulte. On peut soutenir que telle est bien la condition du « progrès », et que, Marx l'a lui-même souligné, cette recherche incessante d'une meilleure valorisation du capital est à la source de l'efficacité croissante du système capitaliste et du dynamisme de la bourgeoisie. Certes. Mais c'est oublier que le capital ignore tout ce qui n'est pas valeur marchande. Et que, par conséquent, I' « efficacité >> dont il est question se paye : par du chômage, des suppressions d'emplois, par la destruction des modes de vie traditionnels et des solidarités sociales, par une désertification ici et une hyper-concentration là. Bref, une modification dans la nature et dans la répartition spéciale des activités économiques ne. se limite jamais à ses conséquences marchandes (moindre coût de production). Elle a toujours un impact social dont le capital n'a cure, car, si cet impact social est négatif, ce sont d'autres qui le supportent. C'est à partir du moment où le marché capitaliste a imposé un prix unique pour le blé que l'agriculture de montagne a périclité et que la monoculture céréalière a triomphé dans le Bassin Parisien. Mais c'est la collectivité qui est menacée par les déséquilibres écologiques que l'excès d'engrais nitrés provoque.
Comme l'écrit Arghiri Emmanuel : « N'est-il pas merveilleux ce jeu où l'on a toutes les changes de gagner, sans le moindre risque de perdre?».
La loi des coûts comparatifs est !a conclusion logique de cet exemple : le libre-échange permet à chaque pays de se spécialiser dans la ou les productions pour lesquelles il possède un avantage relatif. La communauté mondiale ne peut qu'y gagner, et personne ne peut y perdre, car il en résulte un surcroît d'efficacité, donc une augmentation de production. Au bout du compte, la loi des coûts comparatifs légitime la division internationale du travail. ..
On remarquera également que l'exemple de Ricardo n'est pas tout à fait innocent. Car il aboutit à la conclusion que le Portugal doit se spécialiser — c'est son intérêt — dans la production de vin, et l'Angleterre dans celle de drap. Aux uns les matières premières, aux autres les produits manufacturés. Ou, plus exactement, aux uns les produits traditionnels, aux autres les produits de pointe (à l'époque). Comment ne pas voir que cet exemple apportait une caution « scientifique '» àia pratique impérialiste de la Grande-Bretagne? Comment ne pas constater que cette dernière s'est convertie au libre-échange au moment même où elle jouissait d'un quasi-monopole mondial : celui des produits industriels dans un monde partout encore agricole aux quatre cinquièmes?...
Depuis le premier énoncé, d'innombrables auteurs ont perfectionné, discuté, compliqué la« loi »... C'est la« loi » des coûts comparatifs qui est à la base du traité du G.A.T.T. (1) et de son orientation libre-échangiste. C'est encore à elle que sont imputés les succès du Marché Commun.
«
Exercices
d'application 1 53
Il est clair qu'il n'en est rien.
Si la division internationale du tra
vail améliore quelque chose, ce sont les conditions de valorisation du
capital.
Car c'est celui-là le critère suprême.
Lorsque Ricardo et ses
successeurs plaident en faveur d'une répartition internationale des
activités selon la comparaison des coûts, de quoi s'agit-il? Qu'il faille
plus de travail et plus de moyens de production pour faire mûrir des
oranges en Allemagne Fédérale qu'en Espagne, qui en doute? Cette
« dotation en facteurs » -comme disent les économistes non marxis
tes -crève les yeux, et nul ne sera assez fou pour nier qu'il vaut mieux
faire pousser les orangers là où il y a beaucoup de soleil et les patates là
où le climat est plus rude.
On n'a pas attendu les économistes et leurs
démonstrations « scientifiques >> pour le faire.
Ce n'est pas cette répar
tition > là qui est visée par la « loi »
des coûts comparatifs.
C'est celle qui consiste à dire : il est possible de produire ici ou là; mais
il vaut
mieux le faire ici parce que cela revient moins cher.
Et si cela
revient moins cher ici que là, c'est -en un siècle où les coûts de trans
port sont le plus souvent minimes par rapport aux autres soit parce
que l'équipement est plus efficace, soit parce que la force de travail est
moins onéreuse.
Bref, en termes capitalistes, c'est parce que le capital
- fixe ou variable n, -que doit avancer la
1bourgeoisie
se révèle moins
important au regard de la plus-value qui én résulte.
On peut soutenir
que telle est bien la condition d\J « progrès », et que, Marx l'a lui-même
souligné, cette recherche incessante d'une meilleure valorisation du
capital est à la source de l'efficacité croissante du système capitaliste
et du dynamisme de la bourgeoisie.
Certes.
Mais c'est oublier que le
capital ignore tout ce qui n'est pas valeur marchande.
Et que, par
conséquent, I' « efficacité >> dont il est question se paye : par du chô
mage, des suppressions d'emplois, par la destruction des modes de vie
traditionnels et des solidarités sociales, par une désertification ici et
une hyper-concentration là.
Bref, une modifièation dans la nature et
dans la répartition spéciale des activités économiques ne.
se limite
jamais à ses conséquences marchandes (moindre coût de production)
.
Elle a toujours un impact social dont le capital n'a cure, car, si cet
impact social est négatif, ce sont d'autres qui le supportent.
C'est à
partir du moment où le marché capitaliste a imposé un prix unique pour
le blé que l'agriculture de montàgne a périclité et que la monoculture
céréalière a triomphé dans le Bassin Parisien.
Mais c'est la collectivité
qui est menacée par les déséquilibres écologiques que l'excès
d'engrais nitrés provoque.
11) Dans le langage marxiste, le capital variable désigne la mise de fonds nécessaire pour s'assurer la force
de travail des salariés : c'est donc le salaire et les charges sociales que l'employeur doit avancer en attendant
de pouvoir vendre le fruit du travail fourni par les salariés.
Quant au capital fixe, ce sont les mises de fonds
nécessaires pour acquérir matière et équipements nécessaires à la production (note de l'auteur)..
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