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Un personnage médiocre peut-il être un héros de roman ?

Publié le 20/02/2011

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Les termes du sujet : préciser dans l'introduction le sens du mot médiocre (latin medius, "qui est au milieu".) Ainsi médiocre désigne ici ce "qui est sans éclat". Le sujet présuppose donc que le roman n'admet pas de héros « moyens «, ce qui s'oppose à la conception classique (« Des héros de roman fuyez les petitesses «, conseille Boileau aux poètes dans son Art Poétique.) La position de la problématique : elle pourra partir de l'une des constantes du romanesque qui repose souvent sur l'exceptionnel et se demander si la "médiocrité" peut y avoir sa place. Le libellé du sujet : La question posée sous cette forme rhétorique semble répondre par la négative. Implicitement, une thèse s'exprime ici, qui nie que le roman puisse admettre des personnages médiocres. Le domaine d'application : le genre romanesque. La recherche du plan : Il convient donc de suivre ici un plan dialectique où vous évaluerez la thèse implicitement proposée (thèse /antithèse/ synthèse). I - LE ROMAN A BESOIN DE HÉROS : de destins exceptionnels (Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal) de personnalités hors du commun (Mme de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses de Laclos) de passions absolues (Des Grieux dans Manon Lescaut de Prévost) le rythme romanesque et la nécessité de susciter l'intérêt obligent à rendre exemplaire le destin de personnages pourtant médiocres (Gervaise dans L'Assommoir de Zola).

II - POURTANT CERTAINS PERSONNAGES SONT DES MÉDIOCRES : c'est le cas des personnages des romans réalistes qui ont choisi une peinture "objective" des milieux et des êtres : Georges Duroy dans Bel-Ami, Jeanne dans Une vie de Maupassant, les héros de Zola, pour qui « le premier homme qui passe est un héros suffisant « (Deux définitions du roman). le personnage peut être destiné à illustrer la contingence, l'absurde (Meursault dans L'Étranger de Camus, Roquentin dans La Nausée de Sartre, Bardamu dans Voyage au bout de la nuit de Céline). le Nouveau Roman a choisi d'abolir le héros et de confier la représentation d'un monde énigmatique à des individualités transparentes ("L'époque actuelle est plutôt celle du numéro matricule" écrit Robbe-Grillet).

III - LE ROMAN N'ADMET LA MÉDIOCRITÉ QU'A CERTAINES CONDITIONS : si le personnage peut être un médiocre, il convient de faire la part de l'époque : cette esthétique n'est que celle du XX° siècle et certains théoriciens du nouveau roman l'ont abandonnée (romans de Le Clézio). il ne faut pas ignorer le goût légitime du public pour des ½uvres où la création artistique lui évite de rencontrer des voisins de palier (Meursault lui-même accède peu à peu à un destin exceptionnel). « Eh ! bon Dieu, nous ne voyons que trop autour de nous la triste et désenchanteresse réalité : la tiédeur insupportable des demi-caractères, des ébauches de vertus et de vices, des amours irrésolus, des haines mitigées, des amitiés tremblotantes, des doctrines variables, des fidélités qui ont leur hausse et leur baisse, des opinions qui s'évaporent ; laissez-nous rêver que parfois ont paru des hommes plus forts et plus grands, qui furent des bons ou des méchants plus résolus ; cela fait du bien.« (Vigny, Réflexions sur la vérité dans l'art). de toutes façons, le roman a pour privilège de rendre la médiocrité unique et certains médiocres de la littérature sont devenus de véritables mythes (Emma dans Madame Bovary de Flaubert).

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