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Tympan de conque

Publié le 04/03/2014

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L'ART ROMAN LE TYMPAN DE SAINTE FOY DE CONQUES, une église abbatiale de l'Aveyron Christine Jacrot LE TYMPAN DE L'EGLISE SAINTE FOY DE CONQUES, o o o L'église abbatiale Sainte Foy de Conques en Aveyron fut construite au XIe siècle en style roman dans le cadre de l'abbaye bénédictine qui se trouvait sur la route de Saint Jacques de Compostelle. Son tympan a été sculpté au XIIe siècle ; il est orné d'un bas relief représentant un Jugement dernier*. Le tympan de Conques est une des oeuvres fondamentales de la sculpture romane, par ses qualités artistiques, son originalité et ses dimensions (6,73 x 3,63 m). Il n'abrite pas moins de 124 personnages, dans un remarquable état de conservation car réalisé dans un calcaire très résistant avec des traces de polychromie. Le portail aurait été commandé par les moines de l'abbaye et réalisé presque en totalité par un seul sculpteur anonyme qui aurait travailler auparavant à Saint Jacques de Compostelle (portail des Orfèvres). Le reste du portail n'a pas été décoré. Le tympan Introduction : un message symbolique o o o o o o o La sculpture romane exprime une foi partagée. Le portail, avec son tympan, est un passage obligatoire pour entrer dans l'église ; une occasion de se livrer à un enseignement moral. Les images et les formes transmettaient à la société romane leurs messages symboliques. A travers ceux-ci Dieu se révélait aux yeux des fidèles qui l'attendaient tout naturellement. Le symbolisme chrétien reprend les croyances qui travaillent les tréfonds de l'âme humaine : la lutte entre l'ombre et la lumière, la victoire de la vie sur la mort etc... Le fantastique a créé le démon roman. Satan symbolise le déchaînement du Mal. C'est une entité, une présence réellement ressentie à l'époque , tout comme celle de Dieu et des saints. Le moine Raoul Glaber (« Les histoires «, V, 1) dit l'avoir rencontré et le décrit. Les fantasmes monastiques enflammèrent les imaginations et cette figure d'épouvante devint un symbole du climat moral de l'époque (tensions et luttes). Ainsi « les démons sont légions « (= nombreux) et divers. L'enfer engloutit les démons, les réprouvés et les damnés ; c'est un anti-ciel, une image négative du paradis. Satan, prince de l'enfer, préside ce monde violent. Les damnés qui lui ont livrés leur âme sont punis par là où ils ont péché. Les démons de Conques inventent des supplices sadiques. Tout ce monde d'horreur est englouti par la Gueule d'enfer, une figure monstrueuse qui a pris la succession du Léviathan biblique. Le Jugement dernier a une valeur dissuasive, mais il ne correspond pas à une généralisation de la peur. Il prend place dans une prise de conscience du destin de l'homme où la confiance dans le Salut est primordiale. On espère la miséricorde de Dieu et on connaît la gloire du Christ réssuscité. Dans la lutte contre Satan on peut compter sur l'appui de la Vierge Marie, des saint et des anges notamment l'archange St Michel qui présidera au jugement. D'après Marcel Durliat, « L'art roman «, éd Mazenot. Dans une composition en registres superposés, on reconnaît, autour du Christ dans une mandorle*, le cortège des élus et des damnés suppliciés ( à gauche du Christ), le paradis (à droite du Christ), les anges sonnant de la trompette , la pesée des âmes etc... « L'enfer est comme l'image négative du paradis, un anti-ciel ; dans l'autre cas, tout est ordre, clarté, paix, contemplation et amour, dans l'autre, violence, agitation convulsive, effroi" (M Durlat) Le Jugement Les anges Le Christ Les damnés suppliciés par les démons Les élus Le Paradis L'Enfer Au registre inférieur, la grande originalité consiste dans ces deux blocs de pierre reproduisant la forme du linteau* au-dessus des deux portes d'entrée de l'église. Ils sont séparés par le panneau de la pesée des âmes, dans le prolongement du trumeau*. Ce panneau est surmonté par la grande dalle renfermant le Christ, que complètent latéralement deux pierres très étroites, cou vertes de nuées et d'étoiles. De chaque côté, deux dalles rectangulaires accueillent le groupe des élus à gauche, les quatre anges et des scènes de l'enfer à droite. (D'après "Rouergue roman", Zodiaque) Les anges sonnent l'annonce du jugement l Jésus Christ juge Le paradis et comment y accéder à droite de Jésus La pesée des âmes Les anges et les évangélistes L'enfer et la punition des péchés à gauche de Jésus Une oeuvre accessible aux fidèles o o o o Le thème de du Jugement dernier est, pour l'essentiel, tiré de l'oeuvre de St Matthieu. La composition est d'une grande simplicité puisque tout s'organise autour de la figure centrale du Christ. Jésus a une taille démesurée par rapport aux autres personnages (1.16 m). Mais le tympan est très lisible malgré le grand nombre de personnages. On oppose 2 mondes : - à gauche du Christ, c'est l'agitation, le grouillement des diables et des damnés en enfer, - à droite du Christ, c'est l'ordre et le calme qui règnent au paradis. o o o o Le Jugement dernier est un thème assez rare dans l'art roman : on le retrouve à la cathédrale d'Autun en bourgogne et à l'abbaye de Baulieu en Dordogne. Le tympan de Conques s'addresse aux gens du peuple, sa tournure est narrative, pédagogique : c'est une véritable BD en couleurs et en relief qui expliquent. Les scènes réalistes sont originales et touchent l'âme des fidèles de l'époque. L'église est consacrée à la prière : c'est d'elle que dépend le Salut éternel du peuple chrétien et donc dans une certaine mesure, son bonheur sur la terre. Ainsi moines et fidèles doivent avoir une prière de qualité. Le Christ en majesté o o o Le Christ est au centre du tympan. A la foi juge et roi (les mots IVDEX et REX) sont gravés sur son nimbe*, il trône « en majesté « dans une gloire parsemée d'étoiles au milieu des nuées. Il accueille les élus, le bras droit levé, et il désigne l'enfer aux pécheurs de la main gauche abaissée. o Placé dans la mandorle* identifiant l'état de ressuscité, le Christ est vêtu d'une longue tunique plissée à l'orientale, et porte autour du cou le pallium, cette écharpe de laine blanche brodée de croix noires. En haut, deux anges tiennent des phylactères et en bas, deux autres des chandeliers. Ces chandeliers rappellent qu'à l'annonce du Jugement Dernier, le ciel s'obscurcira. o Au passage, on remarque les restes de peinture bleue qui indique que le tympan était coloré. o Dans la partie où vont les sauvés, le bleu, celui des cieux où est supposé être le Paradis était majoritaire. Cette couleur est presque entièrement effacée aujourd'hui, comme de l'autre côté, le rouge de l'Enfer, le rouge, couleur du magma. Sur le linteau est inscrit en latin la phrase suivante : « Pécheurs, si vous ne réformez pas vos moeurs, sachez que vous subirez un jugement redoutable «. Les anges L'ange sonneur La croix du Christ portée par deux anges portant la lance (LANCEA) et le clou (CLAVI). Le soleil (SOL) et la lune (LUNA) sont personnifiés car une éclipse eut lieu le vendredi saint à l'heure de la mort du Christ. « OC SIGNVM CRVCIS ERIT IN CELO CVM « (Ce signe de croix sera dans le ciel) Les anges o o Les Anges séparent le Christ de l'enfer. Pour le protéger des démons, deux anges sont armés, l'un d'un bouclier et d'un glaive, l'autre d'une lance. Le livre évoque les évangélistes qui on raconté la vie de Jésus. Le cortège des élus. o o les 4 vertus Les élus sont en marche vers le Christ. En tête, Marie, les mains jointes, vêtue de bleu. Puis l'apôtre Pierre, en chasuble, avec le bâton pastoral et les clés du royaume. Tous deux ont l'auréole de sainteté. En troisième position, Dadon, fondateur du premier oratoire de Conques, avec la canne en T caractéristique de l'ermite. Il est suivi d'un abbé de Conques, Oldoric, crosse en main, étole sur son vêtement liturgique, qui entraîne, par la main, Charlemagne, bienfaiteur légendaire du monastère, tenant un sceptre fleuri. Au-dessus des élus, des anges tiennent des inscriptions rappelant les quatre vertus : Foi, Charité, Constance, Humilité. o o o Marie 1 abbé Pierre Charlemagne Dadon (Ces informations et les suivantes sont tirées de la brochure du frère Jean-Régis Harmel, prieur de l'abbaye de Sainte-Foy, "Le Tympan de Conques en détail") Sainte Foy Sainte Foy La main de Dieu Sainte Foy se prosterne devant la main de Dieu. Derrière elle, les arcades évoquent l'église avec, aux voûtes, des entraves déposées en ex-voto. o Les fers, les entraves o o Les arcades ou voûtes de l'église En effet, la spécialité de Sainte Foy, était la libération des prisonniers. Le livre des miracles raconte « le genre de prodiges le plus renommé entre tous, c'est la délivrance des prisonniers. En leur donnant la liberté, elle leur recommande d'emporter leurs lourdes entraves ou leurs chaînes et de se diriger vers Conques". C'est pourquoi on voit, sous les voûtes de l'église, derrière Sainte Foy, des fers pendus à une poutre. Il y en eut tellement que les moines les firent fondre pour fabriquer les magnifiques grilles forgées qui ceinturent l'église. La Jérusalem céleste Les arcatures La porte du paradis 2 x 2 femmes élus Abraham 2 prophètes 2 prophétesses Sous des arcatures surmontées de croix et de tours crénelées ainsi que d'un toit en bâtière*, se trouve Abraham, au centre. Il reçoit auprès de lui des élus portant le sceptre fleuri. A sa gauche deux prophètes* auréolés tiennent un rouleau de la loi. Puis deux prophétesses complètent l'évocation de l'Ancien Testament. Viennent ensuite deux fois deux femmes. Les premières tiennent les onguents, les autres portent un livre ouvert et la lampe allumée de la parabole évangélique*. LES ACTEURS DU DRAME : o o Les protagonistes du tribunal Le tympan de Conques met en scène un drame eschatologisque *: le Jugement n'est pas encore prononcé mais tous les acteurs sont en place. Il se joue entre quatre protagonistes : - l'Accusateur (Satan), - deux défenseurs (Sainte Foy et Marie), et le Juge, - le Christ, Roi-Juge (« IVDEX REX"). Les acteurs sont répartis sur un triptyque* dont le Christ occupe le panneau central. Paradis ou enfer ? o C'est "l'entre-deux". o On a deux portes, l'une gracieuse et arrondie ouvrant sur le paradis, l'autre angulaire, donnant sur l'enfer : - à la porte céleste, les anges conduisent et accueillent par la main les élus. - devant la porte infernale, des monstres diaboliques frappent et enfournent les damnés dans la gueule du Léviathan. "C'est pourquoi le shéol dilate sa gorge et bée d'une gueule démesurée" (Isaïe). Porte du paradis Porte de l'enfer La pesée des âmes On assiste à la pesée des âmes par Saint Michel lors du Jugement particulier : le plateau penche du côté angélique. Mais un diable triche et met le doigt pour faire pencher le plateau de la balance de son côté... Tout en attireant le regard du saint de l'autre main pour le distraire. La pesée des âmes L'arrivée en enfer o o Charon L'âme descend par une trappe jusqu'en enfer Suivons l'âme du défunt après son jugement... Le pécheur va en enfer. o La trappe La victoire sur le démon n'est pas reportée à la Fin des Temps. Elle est acquise dès maintenant, à l'article de la mort. Passée par la trappe, l'âme choît aux pieds de Charon armé d'une massue. La miséricorde divine et la porte de l'enfer o o o o L'ange miséricordieux Une âme se sauve de l'enfer Le Léviathan. Derrière Charon, la cloison qui sépare le sas de l'enfer de la porte du paradis n'est pas hermétique. Ici le l'octroi de la miséricorde divine se renouvelle et un ange sauve une nouvelle âme de la massue de Charon. Puis les pécheurs sont jetés en enfer dans la gueule d'un monstre. Le Léviathan avale le nouveau venu : la porte de l'enfer se referme sur le damné dont on aperçoit les pieds. Les supplices commencent... Les péchés o o o o A Conques, trois catégories de péchés sont particulièrement mis en scène : ils concernent le Pouvoir, l'Avoir et le Savoir. On montre les péchés collectifs et les péchés individuels (7 péchés capitaux) : personne n'y échappe. Le chasseur peut faire allusion au privilège seigneurial de la chasse, et le moine qui profère les paroles sacrilèges connait les chants sacrés et sait ce qu'il profane. Mais les exemples les plus évidents se situent à l'étage des faiblesses individuelles (avec par exemple le chevalier, l'avare ou le chaudron aux potions maléfiques), mais surtout au niveau des tentations collectives (lucre* et pouvoirs temporel et spirituel). C'est le sujet des vues suivantes. L'enfer et les péchés La vanité La luxure La paresse Satan 1- A la sortie du Léviathan , commencent les tourments infligés par les démons. 2- Un seigneur, deux amants,un avare, un menteur... Tous les péchés capitaux sont représentés. Dans les parties en triangle, on peut voir deux autres tourments. 3- Satan trône au milieu de l'enfer, un serpent enroulé autour de ses jambes et posant ses pieds sur un malheureux. Satan accueille les damnés au milieu de diablotins fort affairés. La description des péchés capitaux commence... 4- Allongé sous ses pieds, le paresseux, assis pour l'éternité dans les flammes. À la pointe de ses pieds, un crapaud, symbole de la paresse. 5- En haut à gauche, la vanité. Un diable bossu vient de s'emparer de la harpe d'un damné, auquel il arrache la langue avec un crochet. Ce malheureux, musicien et chanteur donc, représente probablement l'histrion, l'amuseur public, symbole de la vanité des plaisirs de ce monde. 6- A la droite de Satan, la luxure : les deux amants adultères sont dénudés, liés par le cou et vont être pendus. Les péchés capitaux L'orgueil (le chevalier). o Un chevalier en cotte de mailles est désarçonné de sa monture. L'orgueilleux est vexé, un diable le transperce d'une fourche, un autre le tire par le bras. Les péchés capitaux L'avarice o o Lucifer ou Satan Le diable et le pendu (l'avare avec sa bourse autour du cou). A droite se trouve Satan (ou Lucifer, l'ange déchu), personnage le plus grand de l'enfer. Les péchés capitaux Le mensonge o o Le menteur se fait arracher la langue par un démon. La calomnie était un grave péché. Les péchés capitaux La gourmandise o A droite, le gourmand, cuit dans les flammes de sa passion. Autres scènes infernales Les moines L'hérétique o o L'abbé Le faux monnayeur A gauche, les mauvais moines. La prosternation de l'abbé du monastère est inversée et forcée. Trois autres moines sont pris dans les filets de pêche du diable. Au centre, l'hérétique. Renversé sur le sol, la bouche écrasée, tenant à la main un livre fermé, l'hérétique ne peut plus proclamer ou prêcher, ni lire ni écrire. En dessous, un démon le poignarde et lui dévore le crâne. A droite, le faux-monnayeur (prochaine vue). Autres scènes infernales Le monnayeur, le maître de la monnaie. o Au sommet des péchés collectifs du pouvoir, voici le Maître du monde, l'argent. On ne peut servir Dieu et Mammon*. o Le faux monnayeur porte en main les insignes de son pouvoir : le poinçon. A ses pieds les creusets où l'or est fondu. Un moulage a révélé au XXe siècle que le stylet du frappeur de monnaie portait à son revers l'inscription "CUNEUS" qui identifie clairement son propriétaire comme le serviteur de Mammon. Ce dernier, penché sur lui, le prenant par la barbe, lui fait ingurgiter le métal en fusion, comme Moïse fit boire aux Hébreux le Veau d'or pilé. (péchés = avoir et pouvoir temporel) o Le monnayeur et son maître Mammon Autres scènes infernales o Un damné est écorché vif par une démone, sa peau dévorée à pleines dents par un démon narquois. (Voir image suivante pour autres détails) Une démone Autres scènes infernales o o L'écorché vif Le glouton ou l'ivrogne (?) Le glouton ou l'ivrogne (?) est pendu par les pieds pour le faire dégurgiter. Il vomira le vin ou la nourriture dont il a abusé toute sa vie. A gauche, l'écorché vif et la démone évoqués dans l'image précédente. Autres scènes infernales o Le braconnier. Il est rôti à la broche par les lièvres qu'il pourchassait au mépris du droit féodal ou abbatial. o On fait allusion au privilège seigneurial de la chasse. o Certains y voient aussi le péché de gourmandise... Autres scènes infernales * Comme repoussé par la main de l'ange au gonfanon, le roi est nu. * La couronne qui l'identifie va lui être arrachée par la gueule d'un démon qui singe la révérence. * Plein d'envie, ce roi déchu désigne l'empereur Charlemagne de son index et d'un regard torve. (Personne n'est épargné lors du Jugement : ni roi, ni clerc...) L'ange Le roi Autres scènes infernales A en bas à gauche, des démons à mine patibulaire brandissant piques, pelles, masses d'armes et arbalètes semblent une illustration des horreurs de la guerre. Une nouvelle explication du tympan o o o Le Jugement représenté au tympan roman de l'abbatiale de Conques est-il vraiment, comme on le croit souvent, le Jugement dernier ? Est-ce exactement l'Enfer qui serait représenté à la gauche du Seigneur ? La condamnation est-elle sans appel et les supplices infligés le sont -ils pour l'Eternité ? La réalité semble bien plus subtile. A bien le regarder, les scènes ne répondent pas tout à fait au critère "Enfer et Paradis" qui découlerait d'une condamnation définitive : il y a bien des diables, affreux et grimaçants, mais aucun des éprouvés ne semble souffrir des tourments qu'ils subissent. Nul visage de pécheur n'est tordu par la douleur, aucun rictus n'indique la moindre trace de souffrance humaine tandis que les démons expriment la méchanceté. On voit bien des flammes, mais elles ne semblent pas brûler ! Au contraire, tous les humains représentés dans ce que beaucoup pensent être l'Enfer, affichent des visages impassibles, insensibles, inertes voire parfois sereins. Certains même y échappent ! Drôle d'enfer où les damnés seraient insensibles aux tortures et dont, en plus, ils pourraient sortir ! Il est pourtant bien question d'un jugement, avec sa balance ; mais si ce n'est pas le Jugement dernier de quel jugement s'agit-il alors ? Et si ce n'est pas l'Enfer, dans quel lieu résident donc les âmes tourmentées par les démons ? La réponse est inscrite au tympan : "Homines perversi sic sunt in Tartara mersi" : les hommes pervertis sont ainsi plongés dans les Tartares*. Suite de l'explication du tympan o Mais alors qu'est-ce que le Tartare ? Pour la pensée religieuse du premier tiers du XIIe siècle (1130-1140), c'est simplement le séjour des morts dans l'attente du Jugement Dernier. Le tympan de Conques est une étonnante préfiguration de ce que l'on nommera bientôt le Purgatoire* concept inventé, comme l'a démontré Jacques Le Goff, trente à quarante ans plus tard, vers 1170. o Le tympan de Conques représente très précisément le retour du Christ sur terre à la fin des Temps, ce que les théologiens appellent la Parousie* Selon les Ecritures, le Messie doit revenir pour "juger les vivants et les morts" lors du Jugement Dernier. Le tympan met en scène l'instant précédant ce jugement : celui-ci est annoncé, il est imminent mais il n'est pas encore prononcé. Tous les acteurs sont en place. Quel sera le verdict ? Condamnation ou Grâce* ? o Plus de cent figures, quarante personnes, cent trois inscriptions dans un saisissant « face à face « avec le spectateur, mettent en scène un drame liturgique dont l'enjeu n'est autre que la destinée humaine : vie ou mort pour l'éternité. o Mais le tympan ne représente-t-il pas alors aussi en quelque sorte le moment présent ? Le Messie à son retour sur terre, ne trouve-t-il pas le monde en son état actuel ? Et n'y sommes-nous pas représentés ? Débarrassons nous des projections que notre société contemporaine applique depuis le XIXe siècle à ce tympan, pour proposer u ne interprétation éclairée par les travaux des médiévistes et les écrits des théologiens médiévaux, capable de refléter le plus fidèlement possible la pensée monacale qui présidait à l'édification de cette oeuvre. Vu sous cet angle, le thème général du tympan de l'abbatiale dédiée au Saint Sauveur devient naturellement celui du Salut*, et notamment du Salut par la foi, c'est à dire la rédemption accordée par un Christ miséricordieux à tous ceux qui ont cru en Lui. C'est cette lecture originale du tympan de Conques à laquelle Pierre Séguret, nous invite sur son site. Les scènes décrivent les étapes d'une véritable "Histoire" du Salut, depuis les temps bibliques jusqu'à l'actualité la plus récente de ce début du XIIe siècle. Ce récit s'enracine dans le cadre d'une époque, d'un contexte politique, d'une doctrine catholique et d'une mentalité monacal e : le XIIe siècle. Le portail de l'abbaye de Conques se révèle être le meilleur exemple de la "Renaissance Romane « du XIIe siècle, qui par la magie du ciseau, rend visible l'invisible, mais efficiente Grâce*, du Seigneur. o o o Les trois ères du temps o La façade reproduit le schéma d'une maison répartissant les habitants sur trois niveaux correspondant aux trois ères du temps (passé, présent, futur). L'ensemble constitue la Cité ou Maison de Dieu, car Il règne sur les deux mondes. 1) Au rez-de-chaussée, le temps passé avec les personnages des temps bibliques dans les Limbes* sous six arcades à la droite du Christ ; et les morts du Tartare* (séjour des morts bientôt dénommé Purgatoire*) à sa gauche A l'étage central, les temps présents, l'ici-bas des vivants, avec les personnages clés de l'ère chrétienne et de l'Eglise les vivants et leurs turpitudes de l'autre, du côté du Diable. Au sommet : l'avenir, l'au-delà céleste d'après le Jugement. C'est le Ciel, l'éternité, avec la Croix glorieuse, les astres fleuris du ciel nouveau, les anges sonnant de la trompette. On notera que le Christ ouvre une brèche entre les deux niveaux supérieurs, appartenant à l'un comme à l'autre, la Parousie* pouvant être considérée d'ailleurs comme "un éternel présent". Le ciel n'est pour l'heure peuplé que par les anges ; les Elus accèderont au Ciel à la fin des Temps, après le Jugement Dernier. 2) 3) Les trois ères du temps o Sur les trois étages de la Maison de Dieu, déployée en deux volets latéraux des "Demeures"* et des Tartares*, se déploie sous nos yeux un véritable calendrier eschatologique*de l'Histoire avec une procession de personnages sagement alignés à la droite du Messie qui évoquent la marche de l'Église, tout en se fondant sur les assises des patriarches et prophètes de l'Ancien Testament représentés dans les Limbes* à l'étage inférieur. C'est aussi une fresque du temps présent, avec l'enchevêtrement des individus dans le Tohu-bohu à la gauche du Christ. o Les Vivants et les Morts sont répartis, soit dans les Demeures angéliques à la droite du Christ, soit dans les Tartares à sa gauche, selon la terminologie employée par Saint Bernard de Clairvaux lorsqu'il évoque la répartition des âmes après la mort : « Quand les péchés de quelques uns, ainsi que l'évidente ardeur au bien de quelques autres passent en jugement, alors les premiers insouciants d'une sentence immédiate à la propre mesure de leur crime disparaîtront dans le Tartare (in Tartara deficiuntur). Les autres, directement et sans tarder, l'âme entièrement libérée, s'élèvent aux demeures préparées pour eux (regione paratas sibi sedes) «. (Dictionnaire de théologie catholique, Paris, librairie Letouzey, 1931). Lexique o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o Bâtière : toit à deux versants en forme de bât. Demeures : sorte de paradis Enfer : séjour et lieu de supplices des damnés après la mort. Eschatologique : adjectif qui désigne les croyances portant sur le sort ultime de l'Homme. Le gonfanon (ou gonfalon) : un étendard sous lequel se rangeaient les vassaux ; il fût adopté par l'Eglise. Jugement dernier : acte par lequel , à la Parousie, le Christ manifestera le sort de tous les humains. Les limbes : séjour où les justes de l'Ancien Testament attendaient la venue rédemptrice du Christ. Le linteau : bloc de pierre qui ferme la partie supérieure d'une ouverture ; il sert souvent de base au tympan. Le lucre : profit recherché avec avidité. La luxure : recherche sans retenue des plaisirs de l'amour physique. La mandorle : gloire en forme d'amande qui entoure la figure du Christ triomphant ( = « en majesté «) dans certaines représentations. Miséricorde : pardon accordé à un coupable par pure bonté. Nimbes : halo ou cercle lumineux, auréole entourant quelqu'un. Parabole évangélique : comparaison développée dans le récit des Evangiles. Paradis : séjour des âmes des justes après la mort. Pérousie : le retour du Christ sur terre à la fin des Temps. Purgatoire : lieu de purification temporaire pour les défunts morts en état de grâce mais qui n'ont pas encore atteint la perfection qu'exige le paradis. Rédemption : action de ramener quelqu'un au bien, de se racheter. Salut : le fait d'être sauvé de l'état de péché et d'accéder à la vie éternelle. Tartares : séjour des morts dans l'attente du Jugement Dernier. Sorte d'enfer. Trumeau : pilier divisant en deux le portail d'une église afin de soulager le linteau. Tympan : espace situé au dessus d'un portail entre le linteau et l'archivolte (= voussures concentriques encadrant un portail). Triptyque : tableau en trois volets dont les deux latéraux peuvent se rabattre sur celui du milieu et le recouvrir.

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