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tres, et je me trouvai comme contraint d'entreprendre moi-même de me conduire.

Publié le 22/10/2012

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tres, et je me trouvai comme contraint d'entreprendre moi-même de me conduire. Mais, comme un homme qui marche seul et dans les ténèbres, je me résolus d'aller si lentement et d'user de tant de circonspection en toutes choses que, si je n'avançais que fort peu, je me garderais bien, au moins, de tomber. Même je ne voulus point commencer à rejeter tout à fait aucune des opinions qui s'étaient pu glisser autrefois en ma créance sans y avoir été introduites par la raison, que je n'eusse auparavant employé assez de temps à faire le projet de l'ouvrage que j'entreprenais, et à chercher la vraie méthode pour parvenir à la connaissance de toutes les choses dont mon esprit serait capable. J'avais un peu étudié, étant plus jeune, entre les parties de la philosophie à la logique 5 et entre les mathématiques à l'analyse des géomètres 6 et à l'algèbre 7, trois arts ou sciences qui semblaient devoir contribuer quelque chose à mon dessein. Mais en les examinant je pris garde que, pour la logique, ses syllogismes et la plupart de ses autres instructions servent plutôt à expliquer à autrui les choses qu'on sait, ou même, comme l'art de Lulle 8, à parler sans jugement de celles qu'on ignore, qu'à les apprendre. Et bien qu'elle contienne en effet beaucoup de préceptes très vrais et très bons, il y en a toutefois tant d'autres mêlés parmi, qui sont ou nuisibles ou superflus, qu'il est presque aussi malaisé de les en séparer que de tirer une Diane ou une Minerve hors d'un bloc de marbre qui n'est point encore ébauché. Puis, pour l'analyse des anciens 6 et l'algèbre des modernes 7, outre qu'elles ne s'étendent qu'à des matières fort abstraites, et qui ne semblent d'aucun usage, la première est toujours si astreinte à la considération des figures qu'elle ne peut exercer l'entendement sans fatiguer beaucoup l'imagination; et on s'est tellement assujetti en la dernière à certaines règles et à certains chiffres * qu'on en a fait un art confus et obscur qui embarrasse l'esprit, au lieu d'une science qui le cultive. Ce qui fut cause que je pensai qu'il fallait chercher quelque autre méthode qui, comprenant les avantages de ces trois, fût exempte de leurs défauts. Et comme la multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices, en sorte qu'un Etat est bien mieux réglé lorsque, n'en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées, ainsi, au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j'aurais assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à les observer. Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que ,je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention *" et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si claire- * Caractères, symboles (ici, les caractères cossiques). ** Le préjugé. ment et si distinctement à mon esprit que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute. Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux résoudre. Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant , par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connaissance des plus composés : et supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales que je fusse assuré de ne rien omettre. Ces longues chaînes de raisons toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m'avaient donné occasion de m'imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s'entresuivent en même façon, et que, pourvu seulement qu'on s'abstienne d'en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu'on garde toujours l'ordre qu il faut pour les déduire les unes des autres, il n'y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu'on ne découvre. Et je ne fus pas beaucoup en peine de chercher par lesquelles il était besoin de commencer : car je

« 1 10 Discours de la méthode marbre qui n'est point encore ébauché.

Puis, pour l'analyse des anciens 6 et l'algèbre des mo­ dernes 7, outre qu'elles ne s'étendent qu'à des matières fort abstraites, et qui ne semblent d'aucun usage, la première est toujours si as­ treinte à la considération des figures qu'elle ne peut exercer l'entendement sans fatiguer beau­ coup l'imagination; et on s'est tellement assu­ jetti en la dernière à certaines règles et à cer­ tains chiffres ~, qu'on en a fait un art confus et obscur qui embarrasse l'esprit, au lieu d'une science qui le cultive.

Ce qui fut cause que je pensai qu'il fallait chercher quelque autre mé­ thode qui, comprenant les avantages de ces trois, fût exempte.

de leurs défauts.

Et comme la multitude des lois fournit souvent des excu­ ses aux vices, en sorte qu'un Etat est bien mieux réglé lorsque, n'en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées, ainsi, au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j'aurais as­ sez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne man­ quer pas une seule fois à les observer.

Le premier était de ne recevoir jamais au­ cune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter soigneusement la précipitation et la préven­ tion H et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si claire- * Caractères, symboles (ici, les caractères cossiques).

** Le préjugé.. »

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