tique dans tous les êtres, ne tend partout qu'à une seule fin qui est de s'objectiver dans la vie et dans l'existence, sous des formes infiniment variées et différentes, résultant de son adaptation aux circonstances extérieures ; ce sont comme les variations nombreuses d'un même thème musical.
Publié le 23/10/2012
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tique dans tous les êtres, ne tend partout qu'à une seule fin qui est de s'objectiver dans la vie et dans l'existence, sous des formes infiniment variées et différentes, résultant de son adaptation aux circonstances extérieures ; ce sont comme les variations nombreuses d'un même thème musical. (Monde, I, 227.) D) LA BEAUTÉ HUMAINE DANS LA SCULPTURE Représenter d'une manière immédiate et intuitive les Idées dans lesquelles la volonté atteint le plus haut degré de son objectivation, telle est enfin la grande mission de la peinture d'histoire et de la sculpture. Le côté objectif du plaisir esthétique est ici tout à fait dominant ; le côté subjectif passe dans l'ombre. Il faut aussi remarquer qu'au degré immédiatement inférieur à celui-ci, je veux dire dans la peinture d'animaux, l'expression du trait spécifique se confond encore complètement avec celle de la beauté : le lion, le loup, le cheval, le mouton, le taureau qui expriment le mieux l'espèce, sont toujours aussi les plus beaux. La raison en est que les animaux ont des caractères spécifiques, mais qu'ils n'ont point de caractères individuels. Au contraire, lorsqu'on représente l'homme, il faut distinguer les caractères spécifiques des caractères individuels : l'expression des caractères spécifiques prend alors le nom de beauté (dans le sens entièrement objectif) ; l'expression des caractères individuels s'appelle simplement caractère ou expression. De là d'ailleurs, une nouvelle difficulté, celle de représenter ces deux sortes de caractères avec une égale perfection dans un même individu. La beauté humaine est une expression objective qui figure l'objectivation la plus parfaite de la volonté au plus haut degré où elle soit connaissable ; j'entends par là l'Idée de l'homme, exprimée complètement sous une forme intuitive. Mais ici, à mesure que l'élément objectif de la beauté se dégage, l'élément subjectif lui est plus uni : il y a, entre les deux, parfaite concomitance ; il n'y a, en effet, aucun objet qui nous élève plus vite à la contemplation purement esthé- tique que la beauté du visage et de la forme humaine ; à leur aspect, il nous suffit d'un instant pour être saisis d'une volupté ineffable, pour être ravis au-dessus de nous-mêmes et de tout ce qui nous afflige ; par suite, si cette extase est possible, c'est uniquement parce que la représentation la plus nette et la plus pure que nous puissions avoir de la volonté est en même temps la voie la plus facile et la plus courte qui nous puisse conduire à l'état de pure connaissance ; or, une fois que nous y sommes parvenus, et tant que la jouissance esthétique dure pour nous, nous sommes quittes de notre personnalité, de notre vouloir et de toutes les misères qu'ils entraînent ; c'est là ce qui fait dire à Goethe : « Celui qui contemple la beauté humaine, le souffle du mal ne peut rien sur lui : il se sent en accord avec lui-même et avec le monde. « — Si la nature réalise une belle forme humaine, voici comment nous sommes amenés à l'expliquer : forte de toutes les circonstances favorables et de sa propre puissance, la volonté, lorsqu'elle s'objective à ce degré supérieur dans un individu, triomphe parfaitement de toutes les résistances et de tous les obstacles que lui opposent les manifestations de la volonté à des degrés inférieurs, telles que les forces de la nature ; ce sont là les ennemis auxquels la volonté doit disputer et enlever la matière qui est l'enjeu commun de tous. En outre, les phénomènes de la volonté, dans leurs degrés supérieurs, revêtent toujours une forme extrêmement complexe : l'arbre lui-même n'est qu'un agrégat systématique de fibres sans nombre qui se répètent et qui s'augmentent ; la complication croît toujours à mesure que l'on monte l'échelle des êtres ; le corps humain est un système prodigieusement agencé de parties tout à fait différentes ; chacune de ces parties est subordonnée au tout, mais elle n'en conserve pas moins sa vie particulière, vita propria : il faut que toutes ces parties soient exactement subordonnées au tout et coordonnées entre elles dans un rapport convenable ; il faut qu'elles conspirent d'une façon harmonieuse à l'expression du tout ; il faut que rien ne soit hypertrophié ni atrophié. Telles sont les conditions dont le concours exceptionnel produit la beauté, c'est-à-dire l'expression parfaite des caractères spécifiques. Ainsi opère la nature. Comment procède l'art ? — Les uns croient qu'il imite la nature. Mais comment l'artiste reconnaîtra-t-il dans la nature le chef-d'oeuvre, le modèle à imiter, comment le distinguera-t-il parmi la foule des êtres manqués, s'il n'a une conception de la beauté antérieure à l'expérience ? — Non, nous ne pouvons acquérir purement a posteriori, par la seule expérience, aucune connaissance de la beauté ; cette connaissance nous vient toujours, du moins en partie, a priori, bien qu'elle soit d'un tout autre genre que les expressions du principe de raison qui nous sont également connues a priori. Celles-ci concernent la forme générale du phénomène considéré comme phénomène, en tant que cette forme constitue la condition générale de la possibilité de la connaissance ; elles concernent le « comment «, question générale et universelle qui vise le phénomène ; c'est de ce genre de connaissance que procèdent les mathématiques et les sciences naturelles pures : au contraire cet autre genre de connaissance a priori qui rend possible la réalisation du beau concerne non la forme, mais le contenu des phénomènes, non le comment, mais la nature même de la représentation. Nous savons tous reconnaître la beauté humaine, lorsque nous la voyons ; mais le véritable artiste la sait reconnaître avec une telle clarté, qu'il la montre telle qu'il ne l'a jamais vue ; sa création dépasse la nature : pareille chose n'est possible que parce que nous sommes nous-mêmes cette volonté dont il s'agit ici d'analyser et de créer l'objectivation adéquate, dans ses degrés supérieurs. Cela suffit pour nous donner un réel pressentiment de ce que la nature, identique avec la volonté constitutive de notre propre essence, s'efforce de réaliser ; à ce pressentiment, le génie, digne de ce nom, joint une incomparable profondeur de réflexion : à peine a-t-il entrevu l'Idée dans les choses particulières, aussitôt il comprend la nature comme à demi-mot ; il exprime sur le champ d'une manière définitive ce qu'elle n'avait fait que balbutier ; cette beauté de la forme qu'après mille tentatives la nature ne pouvait atteindre, il la fixe dans les grains du marbre ; il la place en face de la nature, à laquelle il semble dire : « Tiens, voilà ce que tu voulais exprimer. « — « Oui, c'est cela «, répond une voix qui retentit dans la conscience du spectateur. (Monde, I, 228-30
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