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thomas more utopie

Publié le 04/01/2011

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L'Utopie (1516). Thomas More.   Chacun est libre d'occuper à sa guise les heures comprises entre le travail, le sommeil et le repas - non pour les gâcher dans les excès et la paresse, mais afin que tous, libérés de leur métier, puissent s'adonner à quelque bonne occupation de leur choix. La plupart consacrent ces heures de loisirs à l'étude. Chaque jour en effet des leçons accessibles à tous ont lieu avant le début du jour, obligatoires pour ceux-là seulement qui ont été personnellement destinés aux lettres. Mais, venus de toutes les professions, hommes et femmes y affluent librement, chacun choisissant la branche d'enseignement qui convient le mieux à sa forme d'esprit. Si quelqu'un préfère consacrer ces heures libres, de surcroît, à son métier, comme c'est le cas pour beaucoup d'hommes qui ne sont tentés par aucune science, par aucune spéculation, on ne l'en détourne pas. Bien au contraire, on le félicite de son zèle à servir l'État.      Après le repas du soir, on passe une heure à jouer, l'été dans les jardins, l'hiver dans les salles communes qui servent aussi de réfectoire ; on y fait de la musique, on se distrait en causant. Les Utopiens ignorent complètement les dés et tous les jeux de ce genre, absurdes et dangereux. Mais ils pratiquent deux divertissements qui ne sont pas sans ressembler avec les échecs. L'un est une bataille de nombres où la somme la plus élevée est victorieuse ; dans l'autre, les vices et les vertus s'affrontent en ordre de bataille. [...]   Arrivés à ce point il nous faut, pour nous épargner une erreur, considérer attentivement une objection. Si chacun ne travaille que six heures, penserez-vous, ne risque-t-on pas inévitablement de voir une pénurie d'objets de première nécessité ?      Bien loin de là : il arrive que cette courte journée de travail de travail produise non seulement en abondance, mais même en excès, tout ce qui est indispensable à l'entretien et au confort de la vie. Vous me comprendrez aisément si vous voulez bien penser à l'importante fraction de la population qui reste inactive chez les autres peuples, la presque totalité des femmes d'abord, la moitié de l'humanité ; ou bien, là où les femmes travaillent, ce sont les hommes qui ronflent à leur place. Ajoutez à cela la troupe des prêtres et de ceux qu'on appelle les religieux, combien nombreuse et combien oisive ! Ajoutez-y tous les riches et surtout les propriétaires terriens, ceux qu'on appelle les nobles. Ajoutez-y leur valetaille, cette lie de faquins en armes; et les mendiants robustes et bien portants qui inventent une infirmité pour couvrir leur paresse. Et vous trouverez, bien moins nombreux que vous ne l'aviez cru, ceux dont le travail procure ce dont les hommes ont besoin.

« Le pilote ne quitte pas son navire dans la tempête, parce qu'il ne peut maîtriser les vents 1 Thomas More (1478-1535) Thomas More, contemporain de Machiavel, n'a pas légué à la postérité une épithète, mais un néologisme entré dans le langage courant : , du titre de son ouvrage le plus connu, publié en 1516.

Comme Machiavel, More est un servi­ teur de l'État avant d'être un philosophe; comme Socrate, il paiera son engagement et ses convictions du prix de sa vie. Après des études de droit au cours desquelles il se lie d'amitié avec Érasme, son professeur, More entre chez les Chartreux, pour renoncer quatre ans plus tard à la vie religieuse - il préfère être « un mari chaste plutôt qu'un moine impudique)>.

II entre en politique et est élu au Parlement en 1504.

Cette carrière lui vaut bien des turpitudes: son opposition à Henri VII le contraint à s'exiler en France.

L'avènement d'Henri VIII en 1509 marque son retour en grâce.

Le roi lui confie plusieurs missions diplo­ matiques qui le mènent à Anvers et à Bruges, dans les Pays-Bas, où il rédige la seconde partie de L'Utopie.

Son ascension le hisse ensuite au sommet de l'État: il est élu speaker de la Chambre des communes en 1523, puis nommé chancelier du royaume en 1529.

Cette carrière politique de premier plan lui coûtera la vie: quand Henri VIII décide de divorcer malgré le refus du pape, More, catholique fervent, refuse d'avaliser la rupture avec Rome, sans toutefois s'élever ouvertement contre son souve­ rain.

Il démissionne en 1532, mais est arrêté deux ans plus tard et décapité en 1535. L'Utopie n'est donc pas le délire d'un rêveur, la fantaisie d'un «utopiste>>, au sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot, mais la réflexion d'un homme d'action, enracinée, comme celle. »

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