Tchekhov, la Mouette (extrait).
Publié le 07/05/2013
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DORN .
— Jupiter, tu es en colère…
ARKADINA .
— Je ne suis pas Jupiter, je suis une femme.
(Elle allume une cigarette.) Je ne suis pas en colère, je trouve seulement qu’il est triste de voir un jeune homme perdre son temps à des choses aussi mornes.
Je n’ai pas voulu le
blesser.
MEDVÉDENKO .
— Il n’y a aucune raison de séparer l’esprit de la matière, puisque l’esprit lui-même peut être un ensemble d’atomes matériels.
(Avec animation, à Trigorine.) Pourquoi n’écrirait-on pas une pièce sur la vie de l’instituteur,
pourquoi ne la jouerait-on pas ? C’est une vie si dure, très dure !
ARKADINA .
— C’est juste, mais ne parlons donc plus ni de pièces ni d’atomes.
La soirée est si bonne ! Vous entendez, on chante… (Elle écoute.) C’est beau !
PAULINA ANDRÉEVNA .
— C’est sur l’autre rive.
(Un temps.)
ARKADINA , à Trigorine. — Asseyez-vous plus près de moi.
Il y a dix ou quinze ans, on entendait ici, sur le lac, presque toutes les nuits de la musique et des chants.
Le lac est entouré de six propriétés.
Je me rappelle, les rires, le bruit, les
coups de feu, et des histoires d’amour sans fin… Le jeune premier et l’idole de ces châteaux était alors… Voilà, je vous le présente (elle désigne, de la tête, Dorn), le docteur Evguéni Serguéevitch.
Il est toujours charmant, mais à
l’époque il était irrésistible.
Ah, voilà que je commence à avoir des remords.
Mon pauvre petit, je lui ai fait mal ! Je ne me sens pas tranquille.
(Elle appelle.) Costia ! Mon fils ! Costia !
MACHA , s’en allant à gauche. — Hou-hou ! Constantin Gavrilovitch ! Hou-hou !
Elle sort.
NINA , venant de derrière l’estrade. — Je crois qu’on ne continue pas, et que je peux me montrer.
Bonsoir.
(Elle embrasse Arkadina et Paulina Andréevna.)
SORINE .
— Bravo ! Bravo !
ARKADINA .
— Bravo ! Bravo ! Nous vous avons admirée.
Avec un pareil physique, avec une si belle voix, ce n’est pas permis, c’est criminel de s’enterrer à la campagne.
Vous avez du talent, c’est incontestable.
Vous m’entendez ? Vous
devez monter sur les planches !
NINA .
— Oh, c’est mon rêve ! (Avec un soupir.) Mais il ne s’accomplira jamais.
ARKADINA .
— Qui sait ? Mais permettez-moi de vous présenter Trigorine, Boris Alexéevitch.
NINA .
— Oh, comme je suis heureuse… (Intimidée.) Je vous lis toujours.
ARKADINA , la faisant s’asseoir auprès d’elle. — Il ne faut pas qu’il vous intimide, ma chère.
Il est célèbre, mais il a une âme simple.
Voyez, il est intimidé lui-même.
DORN .
— Je suppose qu’on peut maintenant lever le rideau, il fait peur.
CHAMRAEV , crie. — Jacob, lève le rideau, mon vieux ! (Le rideau monte.)
NINA .
— Une pièce étrange, n’est-ce pas ?
Source : Tchekhov (Anton), la Mouette, in Œuvres, trad.
par Elsa Triolet, Paris, Gallimard, coll.
« Bibliothèque de la Pléiade », 1967.
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