Sujet: L'écrivain peut-il par ses œuvres contribuer à l'amélioration de la société ?
Publié le 25/02/2012
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DISSERTATION Sujet: L'écrivain peut-il par ses œuvres contribuer à l'amélioration de la société ? De nombreux écrivains combattent ou ont combattu pour le triomphe d'idées politiques au travers de leurs œuvres. En France, cette idée d'engagement des hommes de lettres est assez récente dans l'histoire littéraire puisqu'elle apparait au XVIIIème siècle. Depuis, se succèdent des périodes où beaucoup d'hommes de lettres se désintéressent de la vie de la cité et des périodes où l'engagement national et politique prédomine chez la majorité d'entre eux. Historiquement, les premières manifestations de l'engagement de l'écrivain remontent à l'époque des philosophes de la Grèce antique. Mais, l'écrivain peut-il vraiment par ses œuvres influencer la société et contribuer à son amélioration ? De nombreux obstacles entravent la liberté d'expression des écrivains. Cependant, au cours de l'histoire, beaucoup d'entre eux, poussés par leurs idéaux, ont réussi à les surmonter. La diffusion des idées de l'écrivain et, donc, son influence sur la société peut rencontrer différents obstacles.Le premier obstacle peut être constitué par l'incapacité des destinataires de l'œuvre à la comprendre, voire à la lire. En effet, avant la Révolution, on estimait à 60% le taux d'analphabètes, sachant que les 40% restant étaient dénombrés sur leur seule capacité à signer. Au XVIIIème siècle, le peuple n'avait pas accès à la culture littéraire ni même, tout simplement, à l'éducation. A cet égard, les idées de certains philosophes des lumières, prônant pourtant l'égalité, sur l'éducation du peuple n'allaient pas dans le sens d'une diffusion la plus large possible des œuvres littéraires au sein de la société. Ainsi Rousseau affirmait: \"les pauvres n'ont pas besoin d'éducation\" et Voltaire soutenait : \"Ce n'est pas le manœuvre qu'il faut instruire, c'est le bourgeois, l'habitant des villes.\" Un siècle plus tard, Jules Ferry fera avancer la réflexion sur la société en faisant dépendre l'effectivité de la démocratie d'une meilleure éducation populaire. L'écrivain doit donc s'efforcer de rendre son message accessible à tous. Ce n'est pas chose facile quand il doit passer à travers les mailles de la censure étant alors obligé d'exposer ses idées implicitement. Un certain niveau intellectuel est donc nécessaire pour saisir la pensée de l'auteur derrière l'apparence fictionnelle de ses œuvres. Cependant, sous les régimes totalitaires la censure est telle que même une argumentation implicite ne peut la déjouer. Le second obstacle peut donc être constitué par la censure sous les régimes totalitaires: l'œuvre est interdite voire détruite, donc elle ne peut être lue. Ainsi, sous le nazisme, seuls les livres officiels étaient acceptés, les autres étant brûlés lors d'autodafés. La \"purification\" du pays se traduisit, en partie, par la destruction des écrits non seulement juifs mais aussi allemands et étrangers relevant selon la propagande nazie de \"l'esprit antiallemand\". L'autodafé ayant, sans doute, le plus marqué les esprits est celui de l'Opernplatz à Berlin en mai 1933: 20 000 livres sont alors jetés au feu. Toute liberté d'expression était donc prohibée, réduisant les écrivains au silence. C'est ainsi qu'Hitler s'assura l'assujettissement de la culture au parti. Les livres ne sont toutefois pas les seuls cibles des régimes totalitaires. Ainsi, Soljenitsyne, écrivain russe, est expulsé d'URSS après la publication de son ouvrage sur les camps de travail forcé russes, Une journée d'Ivan Denissovitch, et de sa lettre écrite en 1967 au Congrès des écrivains soviétiques, dans laquelle il exige \"la suppression de toute censure-ouverte ou cachée-sur la production artistique\". Par la suite, le KGB le surveillera de façon de plus en plus étroite. Il manquera d'être assassiné en août 1967. En décembre 1973, paraît à Paris L'Archipel du Goulag où il expose le système concentrationnaire soviétique du Goulag, qu'il a vécu de l'intérieur, et la nature totalitaire du régime. Il avait envoyé une copie de son œuvre en Occident pour qu'elle échappe à la censure. Cette publication lui vaudra d'être déchu de sa citoyenneté et d'être arrêté puis expulsé d'Union Soviétique début 1974. Les régimes totalitaires s'emploient donc à réduire au silence les intellectuels afin de les empêcher d'exercer une influence sur les sociétés qui les asservissent. Enfin, le troisième obstacle peut être constitué par l'écrivain lui même. En effet, durant la seconde moitié du XIXème siècle, apparaît en France un nouveau mouvement littéraire, le Parnasse. Les Parnassiens étaient partisans d'une conception idéale de l'art et du \"culte de la forme\". Pour eux, l'art n'avait aucune finalité, aucune autre justification que lui même en tant que réalisation esthétique. Un des précurseurs de ce mouvement était l'écrivain Théophile Gautier qui avança la théorie de \"l'art pour l'art\". Par la suite, les Parnassiens se réunirent autour du poète Leconte de Lisle (Le rêve du jaguar). Ce dernier invita, dans la préface de son recueil de poèmes antiques, l'ensemble des poètes à se réfugier \"dans la vie contemplative et savante.\" En 1866 est publié un recueil poétique le Parnasse contemporain qui rassembla les publications d'auteurs aussi divers que José Maria de Heredia, Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé ou encore Charles Baudelaire. Par ailleurs, des écrivains tels que Marcel Proust pensent que l'engagement peut être synonyme d'asservissement. Les obstacles ne sont donc pas toujours dus à une influence extérieure mais parfois à l'écrivain lui-même qui choisit de ne pas s'engager.La mission de l'écrivain engagé, c'est-à-dire celui qui a choisi de \"prendre sa plume pour une épée\" et non d'adhérer à la conception parnassienne: l'art pour l'art, est donc difficile. Cependant, les écrivains ont réussi, malgré ces obstacles, à avoir une influence certaine sur la société puisqu'ils ont été à l'origine de nombreux changements positifs. Les possibilités de prendre position sont multiples: de la critique indirecte à la critique directe, ou bien encore proposition d'un nouveau modèle sociétal.Tout d'abord, ils disposent d'une palette très étendue de genres littéraires divertissants permettant de déjouer la censure, de rendre leurs écrits plus légers et, ainsi, plus accessibles à l'ensemble de la population. Nous pouvons prendre pour exemple les philosophes des lumières qui, au XVIIIème siècle, utilisèrent, pour faire passer leurs idées le conte philosophique, Candide de Voltaire, le roman épistolaire, les lettres persannes de Montesquieu, le théâtre, La Colonie de Marivaux... Ces livres, basés sur des fictions attrayantes aux argumentations implicites, permettent à ces hommes de lettres de porter un regard critique mais aussi ironique sur leur société. Beaumarchais, notamment, fustige, dans Le Mariage de Figaro, la noblesse. Son personnage, lancé dans un long monologue, dit à propos d'un Comte: \"vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus.\" Leurs idées ont directement inspiré la Révolution française qui installera la démocratie. Plus récemment, deux auteurs du début du XXème siècle se sont servis de contre-utopies pour faire réfléchir le lecteur sur la société actuelle : Aldous Huxley décrit dans Le meilleur des mondes une société où le contrôle des individus se fait par le conditionnement et la génétique; George Orwell dans 1984 dépeint une société où \"Big Brother\" surveille tout et où il n'y a plus de liberté de pensée. Ces deux auteurs mettent en garde contre les sociétés réduisant l'espace de liberté individuelle et où l'individu laisse la place au groupe. Cependant, les écrivains n'optent pas tous pour les livres divertissants afin exprimer leur opinion. En effet, certains choisissent d'écrire des plaidoyers, des essais à l'argumentation explicite, une manière plus directe de prendre position. A l'aide de ces écrits, ils veulent convaincre, faire réagir, provoquer une prise de conscience chez les citoyens. En ce sens, nous pouvons citer Sartre, symbole de la littérature engagée du XXème siècle, dont la conviction était: \"la littérature efficace, c'est la littérature qui entraîne l'homme vers l'amélioration de la condition des hommes et vers l'humanité\". A titre d'exemple, en 1829 est publié le Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo qui signe là un plaidoyer contre la peine de mort. Simone de Beauvoir, écrivaine et philosophe du XXème siècle, s'engage, avec Le deuxième sexe, dans le combat pour l'égalité des hommes et des femmes. Elle désire, par cet essai, provoquer un changement dans la vision de la femme par la société. Les écrivains peuvent aussi utiliser leurs œuvres pour amener la lumière sur certains faits, dénoncer des injustices comme le fait Zola dans J'accuse où il défend le capitaine Dreyfus parce qu'il veut \"hâter l'explosion de la vérité et de la justice\". Dans sa lettre ouverte, Zola s'indigne, et ses propos sont explicites : \"machinations les plus saugrenues et les plus néfastes\", \"une des plus grandes iniquités du monde\", \"ma protestation enflammée n'est que le cri de mon âme\". Son but est de bousculer les idées préconçues de la population, ici les idées antisémites. Ces écrivains, poussés par un profond désir de changement, s'engagent dans de véritables actions idéologiques et politiques en sollicitant l'opinion publique. Enfin, certains écrivains proposent carrément un autre modèle sociétal. Tout d'abord, Platon, philosophe de la Grèce antique, présente un modèle de vie communautaire dans son ouvrage majeur, La République. Sa pensée politique se fonde sur l'idée qu'il faut toujours sauvegarder l'unité et l'harmonie de la cité car c'est la seule garantie de justice. Chacun ne doit pas suivre d'une manière égoïste ses penchants personnels pour défaire cette unité. C'est sur ces fondements que Platon esquisse sa théorie de l'Etat idéal où la cité forme une unité individuelle. Les idées de Platon ont joué un rôle crucial dans le développement du christianisme et dans la pensée islamique médiévale. L'influence de Platon fut prolongée jusqu'au XXème siècle par des penseurs comme Alfred North Whitehead qui lui rendit hommage dans Procès et réalité en écrivant que toute l'histoire de la philosophie était pour lui \"des notes en bas de page de l'œuvre de Platon.\" Autre exemple, Karl Marx, philosophe allemand du XIXème siècle, développa la théorie de l'exploitation par les capitalistes de la classe ouvrière dans son ouvrage Le Capital. Ce livre fut à l'origine du renversement du régime tsariste par la masse des ouvriers russes dont l'avant-garde y avait appris sa leçon révolutionnaire. La Russie tsariste avait autorisé la publication de l'ouvrage, inconsciente de la menace que représentait l'analyse scientifique faite par Marx du monde capitaliste. Celui-ci avait pourtant affirmé que son ouvrage était \"certainement le plus redoutable missile qui ait été lancé à la tête de la bourgeoisie.\" Marx estimait que le capitalisme devrait être remplacé par un mode de production fondé sur la propriété commune remplaçant le travail salarié par le travail libre et coopératif. Sa théorie fut à l'origine de l'établissement de régimes politiques communistes dans de très nombreux pays. L'œuvre de l'écrivain peut donc aussi consister en une réflexion théorique sur la société qu'il critique directement et qu'il entend ainsi influencer.Nous pouvons donc avancer, à la lumière de ces exemples, que les hommes de lettres peuvent par leurs œuvres contribuer à l'amélioration de la société. Les intellectuels sont utiles à la société. Ainsi, comme le dit Paul Claudel, dans Conversations dans le Loir-et-Cher, au travers de son personnage Flaminius: \"Ils représentent dans l'Etat quelque chose de nécessaire, de dangereux et de bienfaisant, cet esprit critique et de démangeaison, cette garantie contre le sommeil, ce mécontentement radical, cet approvisionnement électrique.\" En ce sens, par ses œuvres, l'écrivain engagé contribue à l'amélioration de la société. En effet, l'idéologie des écrivains permet d'agir sur celle-ci, dans la mesure où elle fournit aux individus des repères pour comprendre la société dans laquelle ils se trouvent. Elle leur offre ainsi la possibilité d'évoluer au sein de celle-ci et, en proposant des buts et des moyens, de la réformer. Cependant, l'écrivain rencontre aussi des obstacles, la censure ou l'analphabétisation, pouvant être un frein à la diffusion de ses idées. Aujourd'hui, la fonction du livre n'est-elle pas affaiblit par l'arrivée puis le développement d'internet ? La nouvelle page de l'écrivain pour assurer la diffusion de son œuvre ne sera t-elle pas la page numérique ?
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