Sujet : En partant des textes de corpus vous vous demanderez si la tâche du romancier quand il crée des personnages, ne consiste qu'à imiter le réel.
Publié le 30/09/2010
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Le Roman permet l’évasion, il emporte le lecteur dans un monde, une vie, autre que la sienne. Le lecteur rencontre des personnages fictifs (qui peuvent être basés sur la réalité) auxquels il s’attache et suit leurs aventures suscitant de la passion, de l’angoisse, de l’empathie et de la frustration. Mais le roman peut aussi se mettre à imiter le réel de manière très exacte, s’efforçant à être un miroir du monde dont il fait le portrait.
Nous nous demandons si la tâche du romancier quand il crée des personnages, ne consiste qu’à imiter le réel. Pour répondre au sujet nous allons le voir en trois parties: Après avoir vu comment un romancier peut créer des imitations de personnages réels, nous étudierons l’intérêt à imiter le réel suivi par les inconvénients et enfin nous verrons comment un personnage réel est impossible à imiter parfaitement et en quoi il sera toujours subjectif.
Le romancier peut imiter le réel d’abord par des descriptions précises, du décor, des habits des personnages et du physique du personnage lui même. Ceci est fait lors des quatre textes par le champ lexical du corps et un champ lexical de l’habit surtout présent dans le texte tiré de Le Chef-d’œuvre inconnu de Balzac. Ces descriptions donnent une image très claire du personnage, et de son entourage, au lecteur et les inscrivent dans le réel (si ce personnage et son entourage est vraisemblable bien sûr).
L’auteur peut rendre son roman plus réaliste en décrivant un contexte vraisemblable et des personnages appartenant à ce contexte. Le romancier étudie les pratiques, les coutumes, les habits et même les paroles du groupe social dans lequel il place ses personnages, ce qui donne une imitation très précise. Par exemple dans l’épique de Steinbeck, Les Raisins de la Colère les paroles des personnages sont une translitération d’un dialecte de l’époque de l’Oklahoma. Le dialecte est si exactement transcrit que il faut quelques pages pour s’y habituer, ceci immerge le lecteur dans un contexte historique et social avec un grand succès.
En contraste avec les romans réalistes et naturalistes, le roman allégorique ne serait-il pas une autre manière d’imiter le réel ? Au lieu d’essayer de se rapprocher du réel, l’allégorie le représente figurativement, imitant ses traits principaux pour démonter une idée, un point de vue. Dans Alice aux Pays des Merveilles de Lewis Carroll au premier abord ce pays parait complètement irréel mais l’on y retrouve multiples traits de la réalité, chaque personnage merveilleux imitant (allégoriquement bien sûr) quelque chose présent dans la réalité. Le Lapin blanc, par exemple, est une allusion aux personnes toujours pressées (au point d’être agressif) dans la société anglaise du XIXº. La même chose pourrait être dite du roman Sa Majesté des Mouches de William Golding, par contre l’île où les garçons sont naufragés serait plus horrifiante que merveilleuse, mais les personnages de ce roman sont néanmoins une imitation d’une réalité, celle de l’ambiance de l’après guerre pendant la guerre froide.
L’imitation de la réalité peut s’effectuer de plusieurs manières chacune ayant de multiples avantages, mais aussi des inconvénients.
Le réel peut être très intéressant pour un auteur à imiter, un lecteur s’identifie d’avantage à des personnages qui lui ressemblent qu’à ceux qui lui sont étrangers. Même dans des œuvres dont l’action et le contexte sont irréaliste la vraisemblance d’un personnage permet un point de repère au lecteur. Ainsi, l’Alice de Lewis Carroll est une enfant vraisemblable (même si elle apparaît comme ayant quelques traits d’adulte) au Pays des Merveilles. C’est par ses yeux que le lecteur voit le pays irréaliste dans lequel se situe ce roman allégorique. Ceci est vrai pour les œuvres fantastiques où un personnage vraisemblable, dans un contexte réel, se retrouve face à des événements inexplicables, par exemple le personnage de la Peau de Chagrin de Honoré de Balzac est un jeune homme, Raphaël de Valentin, vraisemblable de Paris du XIXº siècle qui fait un pacte avec le diable (invraisemblable).
Mais en faisant le contraire, et allant chercher des personnages qui ne nous ressemblent pas l’auteur risque ou de se retrouver avec un personnage indifférent au lecteur, ou de le distraire par une histoire à laquelle il ne s’identifie pas. Ce qu’il aurait voulu démontrer dans son roman ne sera pas compris et ce personnage imaginaire sera facilement mis de côté par le lecteur. Donc tout personnage doit être au moins basé sur le réel.
Le romancier doit aussi faire attention aux désavantages que peut apporter le réel. En effet le lecteur cherche souvent à s’évader de sa propre réalité donc si le romancier lui crée un personnage juste aussi déprimant, ennuyeux et plat que son propre quotidien le lecteur risque de se désintéresser très rapidement.
En inscrivant les personnages dans un contexte réaliste très précis le romancier risque de créer un monde auquel peu de gens peuvent s’identifier et de plus un contexte qui vieillira, qui ne sera plus compris par les lecteurs qui ne s’y identifierons pas.
Le romancier peut créer un personnage qui ressemblerait énormément à notre réalité sauf qu’au cours du roman il montrerait une capacité morale sur humaine, il serait un héros (au moins dépeint comme cela par le romancier). Par exemple Jean Valjean de Les Misérables, de Victor Hugo est un personnage dans un contexte historique et réaliste mais qui se montre capable de pardon et de bonté surhumaine. L’antagoniste Javert est son opposé, poursuivant Jean Valjean avec acharnement et sans pitié. Ce romantisme de Victor Hugo où les personnages représentent clairement le bien et le mal n’est pas très réaliste mais Victor Hugo crée un roman plein de passion et un héros exemplaire. Le romancier nous montre donc comment est la réalité et comment nous agissons, puis il nous montrerait comment nous devons agir dans cette réalité pour la changer pour le mieux.
De plus, souvent il faut une œuvre de fiction pour nous faire voir la réalité, il faut que nous voyions les traits ou défauts d’un personnage fictif pour voir nos propres défauts. Comme l’a dit Mark Twain « Truth is more of a stranger than fiction «, c’est-à-dire que ‘La vérité est plus une étrangère que la fiction’. Parfois il faut que des œuvres inventent des mondes horrifiants pour que nous voyions le danger dans le nôtre, comme le fait Le Meilleur des Mondes de Huxley ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. À première vue nous voyons ces sociétés comme complètement étrangères mais les parallèles que l’on retrouve entre ceux-là et la notre sont effrayants.
Le romancier peut tirer des avantages de son imitation du réel, néanmoins nous pouvons nous demander s’il l’imite vraiment.
Le roman peut s’efforcer de ressembler au réel pour autant qu’il veuille mais il demeurera à toujours une imitation du réel, la réalité telle qu’elle est serait impossible à imiter, le nombre infini de détails d’un seul moment prendrait plus de pages à décrire que nous avons de papier sur terre.
De plus, dire qu’un roman est complètement réel est de dire que le romancier, son œuvre et le lecteur sont objectifs. Autant que les théoriciens de l’esthétique aimeraient promouvoir l’objectivité de l’art, elle est, et sera toujours subjective. Même si le romancier s’efforcerait d’être objectif, ses opinions permuteraient à travers son personnage principal qui lui ressemblerait, ressemblerait à un de ses idéaux ou même serait une sorte d’anti héros qui montrerait le danger de quelque chose auquel l’auteur est opposé. Le romancier déforme le réel pour mettre son personnage au service d’une vision du monde. C’est le cas avec Bel Ami. Maupassant montre le pouvoir dévastateur d’un homme ascensionniste sans scrupules. Le lecteur, lui non plus, n’est objectif, lui-même (souvent sans en être conscient) il apporte ses propres opinions, préjugés et attentes à tout ce qu’il lit. Chaque personne verra sa propre réalité représentée dans le texte.
Même l’intrigue d’un roman doit être racontée d’un certain point de vue (c’est-à-dire ‘point de vue’ au premier sens du terme et non au sens des opinions), souvent celui du personnage principal. Même un narrateur omniscient ne pourrait pas dévoiler tout ‘ce qu’il voit’ dès le début au lecteur, l’histoire deviendrait inintéressante.
Nous nous sommes demandé si la tâche du romancier ne consistait pas qu’à imiter le réel lorsqu’il crée des personnages. Nous avons vu qu’une imitation exacte du réel était impossible. La réalité sera toujours transformé d’abord techniquement elle est impossible à reproduire telle qu’elle est, puis est elle modifiée par la subjectivité de l’auteur (et même du lecteur). Le romancier se rapprochera du réel mais il ne l’atteindra jamais entièrement. De plus nous avons vu qu’un personnage réel transformé, exagéré ou même représenté allégoriquement pouvait être un outil morale puissant pour un romancier. Mais pour qu’un romancier ait du succès il faut que son œuvre soit au moins basée voire même bien enracinée dans la réalité. Mais le romancier a-t-il le devoir de représenter une réalité moralisante, comme elle devrait être, ou est ce qu’il n’y a aucune lien entre l’art et la moralité comme l’a promu Théophile Gautier ?
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