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Suffit-il de consulter sa raison pour bien agir ?

Publié le 25/03/2004

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Il avait conscience que c'était un péché et c'est parce que c'était un péché qu'il l'a accompli. La connaissance du bien et du mal peut donc s'accompagner d'une transgression. Ce n'est pas parce que je connais le bien que je vais l'accomplir. La possibilité d'une volonté mauvaise remet en cause le fait que la consultation de la raison soit une cause suffisante de l'action bonne. « Car j'ai aimé cette malice toute honteuse qu'elle était ; j'ai aimé à me perdre ; j'ai aimé mon péché, je ne dis pas seulement ce que je désirais d'avoir par le péché, mais le péché en soi et dans sa difformité naturelle. » AUGUSTIN, Confessions, II 4. Transition : Se référer à sa raison n'est pas une condition suffisante pour bien agir. Cependant nous pouvons lui donner le statut de cause nécessaire. Quel peut-être l'adjuvant de la raison dans la réalisation de l'action bonne ? Troisième partie : La raison est une cause nécessaire à la bonne action.

L’irrationnel et le déraisonnable sont dits de ce qui est déréglé, de ce qui transgresse une règle ou un principe. Par contraste ce qui est rationnel et ce qui est raisonnable se rapprochent de ce qui est exact et de ce qui est bon. La raison possède une facette théorique (rationnel) et une facette pratique (raisonnable). Ce qui nous intéresse ici est la deuxième acception dans la mesure où il est question de bien agir. L’action raisonnable est identifiée à la bonne action, en tant qu’elles ont un même principe à savoir le bien. Par l’action raisonnable l’individu se conforme à ce que lui indique sa raison. Pour autant peut-on en conclure que la raison est la cause suffisante de l’action bonne ? Par cause suffisante il faut entendre que la raison à elle seule permet de bien agir. L’homme pervers connaît le bien mais ne l’applique pas. Il a conscience de sa perversion, du fait qu’il transgresse la règle du bien, mais fait de cette transgression le principe de son action. Il y a donc une distinction entre entendre ce que nous dit notre raison, autrement dit accéder par la raison à la connaissance du bien, et l’appliquer. Il peut y avoir un conflit entre ce que me dit ma raison et mon action. Face à ce problème plusieurs solutions sont possibles. Soit la raison est l’origine de la bonne action, l’homme pervers ne pourra pas alors être conscient de sa transgression, il agira involontairement par ignorance. Soit la raison n’est qu’une cause nécessaire de l’action bonne. Se pose alors la question des autres causes de l’action bonne, causes qui doivent s’ajouter à la raison pour permettre la réalisation de l’action bonne. Soit la raison accompagnée du sentiment moral permet de bien agir. 

« Celui qui raisonne juste en arrive donc toujours à tirer des conclusions raisonnables, c'est-à-dire conformes aubon sens et à la morale.

Socrate dit dans le dialogue du Ménon écrit par Platon que « nul n'est méchant volontairement ».

Autrement dit, si l'on raisonnait bien, on agirait toujours raisonnablement, et le mal ne peutêtre qu'une erreur.

Cette affirmation pourrait être prise comme une preuve de grande naïveté de la part deSocrate, pourtant, il en est tout autrement.

Elle s'explique par le fait que pour Socrate, faire le bien, c'est sefaire du bien, tandis que faire le mal, c'est se faire du mal, puisque cela revient à faire de soi un être mauvais. B. C'est pourquoi Socrate peut affirmer qu'il préfère subir l'injustice plutôt de la commettre : celui qui commet uneinjustice fait une victime, le tiers lésé, mais devient sa propre victime, car il se fait du mal par la mêmeoccasion.

Cette sentence, au-delà de ses aspects naïfs et dogmatique, nous révèle en fait la conception de lamorale selon Socrate : celui qui fait le mal se fait du mal à lui aussi.

Celui qui fait le mal n'est donc pasrationnel : son méfait ne peut être dû qu'à une défaillance de la raison, qui n'a pas compris que ce qu'il faisaitétait mal, ou pire, qui n'a pas compris qu'en agissant de façon immorale, il était la première victime de sonméfait. C. Le hiatus du raisonnement et de l'action. III. Pourtant, dans le raisonnement de Socrate, quelque chose semble être considéré comme acquis : que nosactions soient calquées entièrement sur nos pensées, et que celui qui voit où est le bien et voit où est le malchoisisse toujours le bien.

Penser raisonnablement est une chose, et agir raisonnablement en est une autre.L'action n'est pas la conséquence directe de notre réflexion, et il y a parfois dans le passage à l'acte desimpératifs, des enjeux, que la raison ne suffit pas à expliquer.

N'y a-t-il pas quelque chose en nous qui résiste,qui est « plus fort que nous » et nous empêche de suivre la voix la plus raisonnable alors même que nous laconnaissons ? A. Le personnage de Phèdre dans la pièce éponyme de Racine illustre bien ce que peut être le dédoublement decelui qui sait ce qu'il serait raisonnable de faire et fait pourtant le contraire.

Phèdre, la femme de Thésée, roid'Athènes, aime Hippolyte, le fils que Thésée a eu d'un précédent mariage.

Phèdre sait combien son amour estdéraisonnable : aimer un autre homme que son époux, et qui plus est le fils de celui-ci est tout ce qu'il y a deplus condamnable.

Phèdre raisonne donc bien, puisqu'elle est tout à fait consciente de ce qui est raisonnableet de ce qui ne l'est pas.

Véritable incarnation de la passion, c'est-à-dire de ce qui est subi, conformément àl'étymologie latin du terme patere , elle est comme dédoublée : à la fois consciente de ce qu'il faudrait raisonnablement faire, et à la fois impuissante face à l'impératif de ses propres sentiments. B. Déchirée entre la raison et la passion, Phèdre est lucide, et c'est d'ailleurs là qu'est tout le tragique de lapièce : impuissante, elle subit son amour et se voit courir à sa perte sans pouvoir rien faire.

La pièce de Racineest l'illustration hyperbolique de ce hiatus qui sépare notre raison de notre volonté.

Car notre agir n'est pas unsimple fruit de la raison qui évalue et calcule, mais également de tous les affects et passions, qui ont autantde poids et d'efficacité que les raisonnements, aussi corrects soient-ils. C. Conclusion En conclusion, nous pouvons dire qu'il ne suffit pas de bien raisonner pour agir raisonnablement, tout d'abord parcequ'il faudrait comprendre « bien raisonner » au sens fort et plein du terme, c'est-à-dire en y incluant aussi bien leraisonnable que le rationnel, et en faisant primer le premier sur le second.

Mais aussi parce que nos actions ne sontpas simple transposition de nos raisonnements, mais sont également de résultat de tout ce qui se joue en nous ànotre insu et qui peut aller à l'encontre du raisonnable : les affects.. »

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