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suffit-il d'avoir une opinion pour penser

Publié le 24/10/2013

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les opinions (du latin opinio, action d’opiner) sont les idées qui les premières s’immiscent et se tiennent comme un acquis dans notre esprit. Pourtant, elles ne sont que rarement le reflet de la vérité et les considérer comme tel peut même s’avérer dangereux ; il est alors légitime de questionner le rapport qu’elles entretiennent avec la pensée. Suffit-il d’avoir des opinions pour penser ? Penser n’exige-t-il pas au contraire que nous sachions nous affranchir de l’emprise des opinions ? Pour le savoir nous commencerons par définir la nature même des opinions en confrontant leurs différentes origines, ce afin de pouvoir juger par la suite de leur compatibilité avec la pensée dont nous ferons l’étude. Enfin nous centrerons notre réflexion sur le sujet en nous demandant, « Puis-je penser par les opinions ? «. ~   Il est important, que nous nous employions dés maintenant à définir de manière qualitative la nature des opinions. Après-tout, se contenter d’un jugement hâtif et mal avisé à leur égard reviendrait à leur accorder notre confiance – puisque ce serait là s’en remettre aux opinions – ; chose dont, en toute objectivité, nous ne voulons pas pour l’instant. Intéressons-nous donc à leurs origines. De toute évidence, les sens sont la première source d’opinions pour l’homme. « Tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour le plus vrai et assuré, je l’ai appris des sens « écrit Descartes dans sa Première méditation. Dés l’aube de l’existence de l’homme en tant que tel, les phénomènes naturels qu’il était encore incapable de rationaliser l’ont porté, en quête de sens, à émettre des opinions. La foudre par exemple : ce que l’on expliquera plus tard par une décharge électrostatique disruptive, la croyance primitive en a fait la manifestation d’une divinité grandiose : Zeus et Jupiter maîtres des dieux chez les grecs et les romains ou Thor l’invincible chez les scandinaves. Pour le philosophe allemand Adorno, les opinions offrent « des explications grâce auxquelles on peut organiser sans contradiction la réalité contradictoire. « (Modèles critiques). Ainsi, ces opinions sont encore aujourd’hui les fondements de nombreuses croyances obscurantistes, comme l’infériorité présumée par certains des hommes de peau de couleur différente. Néanmoins, elles eurent aussi le mérite d’unir les hommes de croyances similaires en sociétés. En société, les opinions, qu’elles soient le fruit des sens ou de processus plus complexes intrinsèquement liés au développement intellectuel, culturel et technique des civilisations, se trouvent amplifiées par divers mécanismes tels les médias (selon l’époque) et se consolident dans l’esprit commun. Les opinions peuvent alors s’inscrire dans la tradition et pérenniser leur établissement au fil des générations ; ce qui n’est pourtant en rien l’assurance qu’elles véhiculent une quelconque vérité tant qu’on ne les remet pas en question. Nous assistons alors à la consécration de ce que Spinoza nomme dans son Éthique la « connaissance du premier genre «, une connaissance empirique et par ouï-dire, en la nature des opinions. Ainsi, c’est dans le cadre des sociétés organisées que les divinités se firent constituer en panthéons, produits des échanges internes aux réseaux sociaux, pour aboutir par la suite aux monothéismes. Et parfois, lorsque l’on donne trop d’importance aux opinions, elles deviennent dangereuses. Il arrive que l’homme, en mauvais philosophe, fasse de ses croyances une vérité qu’il veut absolue. Il peut de cette façon mettre un terme à sa perpétuelle recherche du vrai et se retirer dans un cocon protecteur formé d’un tissu d’opinions qui le rassure à la moindre crainte. Cependant, il arrive aussi que certains hommes (d’une nature certainement plus courageuse), dirigés par une soif de pouvoir, érigent ces tissus d’opinions en idéologies, voire en dogmes (du grec δόγμα, opinion) afin d’exercer un contrôle total sur les autres ; par la propagande par exemple. Arendt montre dans Le système totalitaire l’importance du dogme dans le processus totalitariste de contrôle des masses, notamment chez le régime nazi. Au centre de ce dogme est le racisme, cause de millions de morts pendant la seconde guerre mondiale dans l’unique but de combler la démence et le besoin de pouvoir de quelque uns. Nous pouvons voir qu’il en est de même pour les principales religions monothéistes : en plus d’être à l’origine de multiples guerres, chacune revendiquant son culte comme étant le seul véritable, elles ont insufflé chez une part toujours grandissante aujourd’hui de leurs fervents un fanatisme à toute épreuve ; parmi ces hommes – ou, quel que soit le ou les dieux qu’ils prêchent, ces moutons ? – certains sont prêts à mourir pour des opinions. Comment faire confiance au produit des sens, des sentiments, de l’imaginaire ou de la « conscience « populaire ? Voilà ce que sont les opinions ; souvent dénuées de vérité, elles n’en sont que moins fiables. Et pour finir, lorsque l’homme les croit infiniment véritables, elles deviennent brûlantes. Mais alors, sont-elles associables à la pensée? ~ Maintenant que nous connaissons mieux les opinions, nous allons nous intéresser à l’acte de penser. Étudions la pensée, et alors nous devrions être capables de dire si son association avec les opinions est raisonnable ou non. Penser, selon Kant, c’est faire usage des facultés qui rendent possible une connaissance élaborée, c’est « connaître par concepts et juger «. Relative à la conscience, la pensée doit pour expliquer le monde physique qui l’entoure être capable de s’en abstraire, afin de produire des réponses logiques (du grec λόγος, le discours rationnel) aux questions qui se posent naturellement à elle ; elle ne doit donc pas se cantonner aux opinions, qui faussent ses déductions. Nous pouvons alors attribuer à la pensée une fonction paradoxale (du grec παράδοξος – paradoxos -, contraire à l’opinion commune) en cela qu’elle cherche à réfuter les fausses croyances, et ce en tout temps : Socrate, avec sa maxime « tout ce que je sais c’est que je ne sais rien « s’opposait déjà aux sophistes antiques et leur dialectique éristique tandis que, un millénaire et quelques siècles plus tard, l’homme fut confronté par la pensée à ses plus grande humiliations (ou triple décentrement) : humiliation cosmologique, depuis Copernic l’homme n’est plus au centre de l’univers ; humiliation phylogénétique, depuis Darwin il n’est plus l’aboutissement de la Création et enfin, humiliation psychologique, depuis Freud il n’est « pas même maître dans sa propre maison «. La pensée n’allant pas toujours en sa faveur, c’est peut être cela qui pousse l’homme à la rejeter (« le désenchantement du monde « selon la formule de Weber). La pensée de l’homme n’est originellement pas libre de déraison. Ce fardeau, qui ralentit sa course ou même la noie, Bachelard le nomme « l’obstacle épistémologique « dans La formation de l’esprit scientifique. Qu’il soit la conséquence de l’imperfection de l’homme ou le fruit des opinions, c’est un frein à l’éducation raisonnée de l’esprit, et par continuité à la pensée logique. Il convient donc de combattre les manifestations de cet obstacle, pour tirer de la perception du monde les réponses les plus rationnelles possibles ; soit comme on le trouve chez Bachelard, la nécessité de désapprendre pour apprendre. Pour en revenir à la foudre, il a fallu un certains nombre de siècles et un cheminement intellectuel important pour que l’homme lui retire son essence divine et explique son attribut visuel par la formation de plasma, provoquée par une différence extrême de potentiels électriques. C’est ainsi que l’homme forme son esprit scientifique (du latin scientia, savoir), qui nécessairement lui apporte par la pensée des réponses empreintes de vérité. Cependant, une attitude scientiste, qui accorde au progrès scientifique – et de ce fait, à la connaissance, à la pensée ? – une valeur absolue, est-elle justifiable ? La pensée est fragile. En effet, si l’on cesse de remettre en questions ce que l’on pense savoir, peut on encore délimiter une frontière entre les opinions et la pensée? Comme le disait Rabelais, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme «. Or, la conscience n’est pas que pensée, elle est aussi constituée d’émotions. La pensée est source d’avancé scientifique, et ce dernier est source de progrès technique. Mais le progrès technique est-il fondamentalement source de progrès humain ? Nous sommes, à l’aube du troisième millénaire après J.C. , particulièrement bien placé pour nous le demander (les exemples ne manquant pas : armes de guerres de plus en plus destructrices, crise environnementale…). De plus, certaines œuvres littéraires nous poussent à nous interroger sur la validité d’un monde dominé par la seule pensée rationnelle ; c’est le cas du Meilleur des mondes d’Huxley, par exemple. Les notions d’éthique ou de morale doivent donc être inhérentes à la pensée. Pour que la pensée, qui se veut paradoxale, s’épanouisse librement et aboutisse à l’esprit scientifique et au progrès, il est nécessaire qu’elle se détache de l’obstacle épistémologique des opinions. La pensée est donc difficilement associable aux opinions ; néanmoins elle ne doit pas être privée d’une conscience éthique, en partie constituée par les émotions. Comment interpréter cela à l’échelle du sujet ? ~ A présent, nous pouvons manipuler les opinions et la pensée, que nous avons préalablement défini. Centrons alors notre réflexion sur l’individu sujet. Que dois-je faire des opinions pour penser ? Ne sont-elles bonnes qu’à me troubler ? En somme, puis-je penser par les opinions ? D’après les conclusions auxquelles nous sommes arrivés, nous pouvons assurer que pour penser, il faut impérativement s’affranchir des opinions. Pour penser, il faut donc passer par l’éveil cartésien (voir le début de la Seconde méditation de Descartes), c’est à dire par le doute hyperbolique et méthodique : douter de ce que l’on a appris auparavant par l’échange social, douter de ce que nous ont appris nos sens, douter de tout, et surtout des opinions ; c’est à partir de ce moment que l’on peut penser, et donc affirmer en tant que première vérité : « cogito ergo sum « selon les mots de Descartes, je pense donc je suis. Ou encore, pour illustrer cet éveil chez un autre philosophe, c’est par la pénible ascension hors de la caverne, où l’homme ne voit que des ombres (reflets des opinions), qu’il accède à la lumière – métaphore de la vérité, donc de la connaissance, de la réalité – d’après l’allégorie de la caverne, tirée de La République,VII de Platon. Ainsi, m’affranchir des opinions me permet de penser, et donc d’affirmer mon existence en tant que sujet, en prenant pleine possession du « je « dans sa représentation, d’après Kant. Ainsi, libre de penser, je peux par la suite affirmer ma personnalité, car je suis en mesure de constituer et de revendiquer mes propres opinions, ou convictions, fondées sur mon savoir véritable et ma position réfléchie sur l’éthique. J’affirme aussi en conséquence ma sincérité et mon authenticité. Cependant cela implique aussi une forte responsabilité : celle de ne pas s’endormir sur ses acquis, de ne jamais cesser de douter ; le cas contraire implique que je renie mon existence en tant que sujet. Ce phénomène s’observe notamment lors de la montée des mouvements totalitaires, lorsque l’homme, subjugué par la réalité, se conforte dans la promesse de sécurité – sécurité qui s’exprime en fait par la disparition de la pensée, considérée bien trop souvent comme une lourde tâche – que lui offre le système totalitaire au prix de sa liberté ; en somme nous en revenons à la première partie de notre réflexion. Considérons néanmoins que je suis toujours affranchi des opinions, m’étant approprié mes convictions. Que faire alors des opinions ? Sont elles toutes bonnes à jeter ? Platon distingue dans le Ménon les « opinions droites «, auxquelles il reconnaît la faculté d’éclairer l’action humaine, pour les sujets qui ne relèvent pas de la science ou de la conjecture. Ce sont de simples connaissances utiles, qui à défaut de vérité, sont guidées par des intuitions justes, relatives au bien. De plus, avant d’être en mesure de penser par mes propres opinions, celles-ci peuvent être moteurs de ma pensée. En effet, c’est bien en s’efforçant de les réfuter que l’on avance, en tentant de s’en démarquer au possible. Les opinions peuvent donc être utiles au cheminement de la pensée, tant que l’on ne leur fait pas confiance. Il reste indispensable que je me fasse mes propres opinions, bien sûr. Si je peux penser par les opinions, elles se doivent d’être le fruit de ma propre réflexion. Avant cela, il m’est impératif que je rejette toute croyance en elles, ou je ne serai jamais en mesure de penser par moi-même et de m’affirmer comme sujet. Mais je peux une fois cette étape franchie me servir des opinions tant que je ne me fie pas à elles. ~ Ainsi, nous avons vu que les opinions, lorsqu’elles proviennent des sens ou des échanges sociaux, ne sont pas dignes de confiance car leur nature est dénuée de vérité. Il arrive en plus que certains hommes, pour contrôler les autres, font usages de ces croyances en les dogmatisant, ce qui leur assure le plein pouvoir sur la volonté des crédules et se révèle dangereux. Il nous apparaît donc que l’on ne peut associer ces opinions avec la pensée. En effet celle-ci a pour but de démentir les idées communes en remettant en question les opinions, afin entre autre de permettre l’avancé scientifique et technique. Il ne faut par contre pas vouer un culte aveugle à cette science car privée de considérations éthiques elle est capable des pires atrocités. Enfin si je veux penser, je dois me libérer de l’emprise des opinions, et c’est seulement à cet instant que je suis capable de construire ma personnalité avec mes propres opinions, que j’assumerai tant que je continuerai à douter d’elles. Ce qui ne m’empêchera pas de me servir des opinions si elles sont vraies ou si je désire les réfuter. En conclusion, s’il ne suffit pas d’avoir des opinions pour penser, il faut en revanche savoir s’en affranchir ; il semble pourtant qu’il soit impossible de penser sans opinions, et c’est pour cette raison que je dois penser afin d’établir mes propres opinions.

« critiques).

Ainsi, ces opinions sont encore aujourd'hui les fondements de nombreuses croyances obscurantistes, comme l'infériorité présumée par certains des hommes de peau de couleur différente. Néanmoins, elles eurent aussi le mérite d'unir les hommes de croyances similaires en sociétés. En société, les opinions, qu'elles soient le fruit des sens ou de processus plus complexes intrinsèquement liés au développement intellectuel, culturel et technique des civilisations, se trouvent amplifiées par divers mécanismes tels les médias (selon l'époque) et se consolident dans l'esprit commun.

Les opinions peuvent alors s'inscrire dans la tradition et pérenniser leur établissement au fil des générations ; ce qui n'est pourtant en rien l'assurance qu'elles véhiculent une quelconque vérité tant qu'on ne les remet pas en question.

Nous assistons alors à la consécration de ce que Spinoza nomme dans son Éthique la « connaissance du premier genre », une connaissance empirique et par ouï-dire, en la nature des opinions.

Ainsi, c'est dans le cadre des sociétés organisées que les divinités se firent constituer en panthéons, produits des échanges internes aux réseaux sociaux, pour aboutir par la suite aux monothéismes.

Et parfois, lorsque l'on donne trop d'importance aux opinions, elles deviennent dangereuses. Il arrive que l'homme, en mauvais philosophe, fasse de ses croyances une vérité qu'il veut absolue.

Il peut de cette façon mettre un terme à sa perpétuelle recherche du vrai et se retirer dans un cocon protecteur formé d'un tissu d'opinions qui le rassure à la moindre crainte.

Cependant, il arrive aussi que certains hommes (d'une nature certainement plus courageuse), dirigés par une soif de pouvoir, érigent ces tissus d'opinions en idéologies, voire en dogmes (du grec δόγμα, opinion) afin d'exercer un contrôle total sur les autres ; par la propagande par exemple.

Arendt montre dans Le système totalitaire l'importance du dogme dans le processus totalitariste de contrôle des masses, notamment chez le régime nazi.

Au centre de ce dogme est le racisme, cause de millions de morts pendant la seconde guerre mondiale dans l'unique but de combler la démence et le besoin de pouvoir de quelque uns.

Nous pouvons voir qu'il en est de même pour les principales religions monothéistes : en plus d'être à l'origine de multiples guerres, chacune revendiquant son culte comme étant le seul véritable, elles ont insufflé chez une part toujours grandissante aujourd'hui de leurs fervents un fanatisme à toute épreuve ; parmi ces hommes - ou, quel que soit le ou les dieux qu'ils prêchent, ces moutons ? - certains sont prêts à mourir pour des opinions.. »

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