SES: Progrès technique et emploi : des relations positives sur le long terme
Publié le 27/02/2008
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Progrès technique et emploi : des relations positives sur le long terme
Le débat sur les relations entre progrès technique (=> Chapitre 2) et emploi est un débat récurrent et ancien.
On constate que c’est sur la période où les gains de productivité (=> Chapitre 1) ont été les plus forts (« Trente Glorieuses ») que l’emploi s’est fortement accru et que le ralentissement de la croissance de l’emploi correspond au ralentissement des gains de productivité depuis le milieu des années 1970.
Ces faits ne signifient pas que le progrès technique ne détruit pas des emplois et qu’il ne peut pas être cause de chômage. Ils signifient que, jusqu’à présent, et sur le long terme, le progrès technique a davantage contribué à créer des emplois qu’il n’en a détruit.
En France comme dans tous les pays qui ont connu d’importants bouleversements technologiques, l’emploi (population active occupée) est aujourd’hui plus élevé qu’il n’a jamais été.
Les relations fondamentales qui déterminent l’évolution de l’emploi aussi bien au niveau de l’entreprise, de la branche ou de la nation se résument dans la formule tirée du calcul de la productivité du travail :
Emploi = Production / productivité du travail, si on raisonne à durée du travail inchangée
ou bien : Emploi = Production / (productivité horaire du travail ´ durée du travail)
Ainsi, lorsque la croissance de la production est supérieure à celle de la productivité, il y a création d’emplois. Dans le cas contraire, lorsque la croissance de la production est inférieure à celle de la productivité, il y a destruction d’emplois.
Or, le progrès technique agit non seulement sur les gains de productivité mais aussi sur la croissance de la production. Il apparaît donc qu’une des conditions des effets positifs, se situe dans l’impact plus ou moins important du progrès technique sur la production à travers ses effets sur l’extension des marchés (augmentation des débouchés et des échanges intérieurs et extérieurs). Cette extension des marchés concerne notamment le marché des biens et services (rencontre de l’offre et la demande de biens et services).
Progrès technique, extension des marchés et création d’emplois
Ø PT et extension des marchés
- Un premier effet du PT est d’accroître la productivité des facteurs.
Ces gains de productivité permettent la diminution des coûts unitaires de production.
Cette baisse des coûts unitaires peut être utilisée pour baisser les prix, augmenter les salaires et/ou les profits, réduire le temps de travail, accroître les investissements privés et publics ou encore les exportations. Il en résulte un effet d’augmentation de la demande et donc de la production.
- A cet effet indirect du progrès technique sur la demande et la production s’ajoute un effet direct lié plus particulièrement aux innovations de produits ; celles-ci créent ou relancent une demande de produits nouveaux ou rénovés, dépassant généralement la demande antérieure, ce qui favorise donc la croissance.
L’accroissement de la demande et de la production résultant des différents facteurs évoqués aux deux points précédents permet l’apparition d’un autre cercle vertueux. En effet, ces accroissements de production permettent la réalisation d’économies d’échelle grâce à des rendements croissants ce qui conduit à favoriser de nouvelles baisses de coûts unitaires. Les rendements croissants se traduisent par une augmentation de la production supérieure à l’accroissement de la quantité de facteurs (capital et travail) mise en œuvre.
Ø Progrès technique et emploi
La création d’emplois due au progrès technique, peut résulter de l’augmentation de la demande due :
- création de nouveaux produits,
- baisse des prix,
- augmentation des revenus réels,
- augmentation des achats de biens et services de production.
Le développement d’activités de conception et de mise en œuvre du progrès technique (recherche-développement) est aussi source d’emploi.
Les conditions pour que le PT crée des emplois sont :
- Les entreprises doivent pouvoir répondre à l’augmentation de la demande par un accroissement de l’offre (=> savoir faire : élasticité),
- L’augmentation de la demande doit être essentiellement affectée à la consommation de produits nationaux,
- L’accroissement de la production doit être supérieur à celui de la productivité,
- Le partage des gains de productivité ne doit pas modifier la répartition de la valeur ajoutée (salaire/ profit) au détriment de la demande.
Les emplois créés sont transformés par le progrès technique :
- au niveau de la structure par secteur d’activité,
- au niveau de la structure des PCS et des qualifications,
- au niveau des contenus et des formes d’emploi (=> chapitre 3).
Emploi et chômage
Ø Le chômage est la situation d’une personne ou d’une partie de la population sans emploi et à la recherche d’un emploi.
L’offre de travail dépend essentiellement de la population active (et de la durée du travail), et la demande de travail dépend essentiellement de la production, de la productivité et de la durée du travail. Les deux se rencontrent sur un marché du travail dont le prix est le salaire.
Les transformations dans les formes d’emploi ont conduit au développement de situations à l’intersection de l’emploi, de l’inactivité et du chômage ; ce qui engendre un sous emploi qui dépasse le chômage.
Ø Caractéristiques et évolution du chômage en France :
Montée d’un chômage de masse depuis le milieu des années 1970 et d’un chômage d’exclusion, de longue durée, souvent de personnes faiblement ou non qualifiées.
La France (ainsi que d’autres pays européens) s’inscrit dans un modèle de marché du travail relativement rigide avec une rotation des emplois assez faible. Ces rigidités ralentissent les ajustements quantitatifs et conduisent au développement d’une segmentation du marché du travail qui se traduit par un dualisme entre un marché interne qui s’adresse aux salariés, en poste stable dans l’entreprise, et qui relève d’un fonctionnement liés à des règles définies (concours de recrutement, conventions collectives par exemple), et un marché externe qui correspond, lui davantage à un véritable marché, s’adressant aux autres salariés et laissant jouer davantage la loi de l’offre et de la demande. Dans un contexte de croissance faible et de concurrence forte, les entreprises cherchent à réduire leurs coûts de production pour améliorer leur compétitivité, ce qui les a conduit à une faible création d’emplois.
Cette évolution se distingue fondamentalement de celle des Etats-Unis. Le chômage apparaît en moyenne nettement plus faible aux Etats-Unis, même s’il peut connaître d’amples variations conjoncturelles. La rotation sur le marché du travail est forte et le chômage de longue durée est faible. Cette situation semble liée à une plus grande flexibilité, qui permet un meilleur ajustement sur le marché du travail, mais qui n’est pas sans poser des problèmes sociaux liés à la précarité (vulnérabilité liée à l’instabilité de l’emploi et du revenu) et à la faiblesse de certains salaires (travailleurs pauvres). La faiblesse du chômage est aussi la conséquence d’une croissance économique plus forte.
Ø La flexibilité est une capacité d’adaptation quantitative et qualitative. Elle permet aux entreprises de réduire leurs coûts.
Ø Analyses du chômage
Des analyses théoriques opposent les libéraux qui croient dans les vertus régulatrices de la flexibilité du travail et les keynésiens, qui non seulement en doutent, mais en soulignent les risques d’effets pervers.
- L’analyse libérale
Pour les libéraux, le chômage résulte d’un coût du travail trop élevé (salaire + cotisations sociales) et de rigidités dans le fonctionnement du marché du travail. Il ne peut être que volontaire (les salariés n’acceptent pas de travailler au salaire fixé par le marché) ou transitoire (lié aux délais d’ajustement qui ne peuvent être instantanés dans la réalité). S’il est durable, il ne peut qu’être la conséquence de rigidités qui empêchent les ajustements (syndicats, protection sociale, SMIC…).
La flexibilité permet la résorption rapide des désajustements sur les marchés.
C’est ainsi que la flexibilité salariale sur le marché du travail doit permettre l’ajustement de l’offre et de la demande de travail, et lorsqu’elle est à la baisse, la résorption du chômage. En effet, la baisse des salaires doit engendrer une diminution de l’offre de travail en réduisant l’incitation à travailler. Par ailleurs, elle doit stimuler la demande de travail en réduisant son coût.
La baisse du coût du travail et la flexibilité devraient permettre de freiner la substitution capital-travail et les délocalisations, de favoriser l’embauche des travailleurs peu qualifiés, d’améliorer la compétitivité source d’extension des marchés.
- Les analyses keynésiennes et autres critiques
Selon les keynésiens, ils existe une possibilité d’un désajustement durable sur le marché du travail. Pour eux l’emploi résulte du niveau de la production, qui résulte lui-même de celui la demande anticipée. Ils mettent l’accent sur les risques de la réduction du coût du travail si elle doit peser sur les revenus, directement (¯ des salaires) ou indirectement (¯ des prestations sociales). En effet, une pression à la baisse sur la demande de B/S en résultera qui aura un effet récessif sur la production et donc sur l’emploi.
On peut par ailleurs évoquer les conséquences de la flexibilité : la montée de la précarité et du sous emploi, comme facteurs de ralentissement de la demande de biens et services et donc de ralentissement de la croissance et de l’emploi.
De même, on peut évoquer les effets incitatifs ou désincitatifs des salaires et des conditions d’emploi sur la motivation des travailleurs.
A l’exception de la flexibilité fonctionnelle (qui peut cependant induire une intensification du travail), les autres formes de flexibilité sont de nature à ramener le travail à sa seule dimension de marchandise, remettant en cause les normes qui régissaient son usage et qui avaient été collectivement élaborées (convention collective) en permettant l’émergence de cette forme institutionnalisée du travail qu’était l’emploi (typique).
Sans qu’il s’agisse d’un retour à une totale précarisation pour l’ensemble des salariés, l’évolution de ces vingt dernières années modifie le salariat (c’est-à-dire la relation caractérisée par la rétribution, par un employeur, du travail volontaire d’un employé) et tend au renforcement des rapports individualisés et à la fragmentation du salariat par la multiplication des statuts d’emploi.
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