sensation (philosophie) - philosophie.
Publié le 08/05/2013
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«
un —.
Comme chez Aristote, le sens commun est l’origine et l’expression de l’unité sensorielle.
L’unité du sentir dans la multiplicité des sens est soulignée dans la justification augustinienne du nombre des sens : nous percevons le monde sensible grâce à la lumière corporelle (lux corporalis) qui se divise en cinq selon le nombre de nos sens :
pure, elle est perçue par la vue ; mélangée à l’air, on la perçoit par l’ouïe ; mêlée à des vapeurs (mélange d’air, d’eau, de feu), c’est l’odorat ; à des liquides, c’est le goût ; à la terre, c’est le toucher.
La sensation est possible grâce à la correspondance
des cinq corps simples (les quatre éléments et la quintessence) et de nos cinq sens translucides (Commentaire sur la Genèse).
Il y a ainsi correspondance des cinq sens et des choses, et il y a « suffisance » de ce nombre : pas de redoublement, pas de sens surnuméraire, mais pas non plus de manque ; l’analyse de Diderot dans sa Lettre sur les aveugles ou le souhait de
Montaigne d’avoir huit à dix sens dans l’ Apologie de Raymond Sebond — lui-même fort influencé par saint Bonaventure — sont ainsi hors de propos dans une telle analyse.
3. 2 Les sens spirituels
On peut considérer que la problématique des sens spirituels, inaugurée chez Origène et portée à sa plus haute expression chez saint Bonaventure, renouvelle de façon très intéressante le problème de la sensation, et celui de la distinction d’un monde
sensible et d’un monde intelligible.
Saint Bonaventure rappelle toujours que la théologie est sapida scientia (« science savoureuse ») et que la sagesse est saveur qui se goûte (en latin, sapientia, « sagesse », vient de sapor, « saveur ») ; il y a continuité du sensible au spirituel.
S’adressant au lecteur de son Itinerarium mentis in Deum, il écrit dans le prologue : « c’est à ceux qui veulent glorifier, admirer et même goûter Dieu que j’offre les méditations suivantes ».
Si la connaissance sensible qui a lieu dans la sensation est celle du monde extérieur, son « illumination » (concept central chez saint Bonaventure) est interne.
La lumière de cette illumination est un rayon de l’ unique lumière fontale, celle de la
théologie, à laquelle l’illumination de tout type de connaissance se rapporte par « réduction » (qu’il faut entendre comme « reconduction »).
La profonde originalité de saint Bonaventure tient à ce qu’il considère que, du plus bas au plus haut, du
sensible à l’intelligible, du plus lointain au plus proche, du transcendant au plus intime, il s’agit toujours du sens (sensus), et de la sensation dans son unité.
4 L’ÉVIDENCE
Ce que le Moyen Âge établit, c’est ainsi l’ évidence commune à tous les sens.
Dans la mesure où sentir, c’est proprement être illuminé, et que cette illumination a pour source une unique lumière, il est possible de parler d’une lumière du goût ou du
tact, qui participent d’une même évidence lumineuse que la vue.
On peut difficilement comprendre Descartes, chez qui le concept d’évidence est essentiel mais qui ne l’étend pas à un autre sens que la vue, sans ce contexte scolastique dont il est
l’héritier beaucoup plus qu’il ne l’affirme.
Ainsi, l’évidence est lumineuse et non — seulement — visuelle.
En accord avec l’optique du XIIIe siècle (Robert Grosseteste, Roger Bacon), on ne parlerait pas ici d’un « tact de la vision » (Descartes, Diderot)
mais plutôt d’un « toucher lumineux ».
Il y a une sensation de l’évidence ; il y a aussi une évidence de la sensation.
Chez Descartes, ce n’est pas l’œil qui voit, mais l’âme.
Ainsi, chez lui, les animaux ne voient pas, à proprement parler.
Pour Descartes, sentir, c’est se sentir sentir.
Et c’est
ce qu’il nomme penser : « il me semble que je vois (videre videor), que j’entends, que je m’échauffe, et c’est proprement ce qui en moi s’appelle sentir, et cela, pris ainsi précisément, n’est rien autre chose que penser » ( Méditations métaphysiques,
II).
« Je pense donc je suis » peut ainsi se traduire par « je sens que je pense, donc je suis ».
En écho négatif à l’évidence de la sensation, l’erreur ou l’illusion lui seront souvent attribuées.
5 ERREUR ET SENSATION, LE « TÉMOIGNAGE » DES SENS
À partir de Descartes, le XVII e siècle développe le problème central de l’erreur, puis le XVIII e siècle celui de l’illusion.
On parle du témoignage des sens.
Mais, à côté du lieu commun d’une induction dans l’erreur par le témoignage des sens, on a très tôt souligné que l’erreur n’est pas une catégorie de l’ordre de la sensation.
Malebranche rappelle que l’erreur est dans
le jugement.
Remarquons toutefois que supposer un faux témoignage des sens repose sur une conception de la sensation comme donné brut, qui se constitue en perception par l’apport du jugement.
Aux XIXe et XXe siècles, dans une démarche analogue à celle de l’humanisme renaissant qui chercha l’essence de l’humain dans ses limites ou au-delà (fous, « sauvages », etc.), on peut noter l’extrême attention de la psychologie et de la physiologie
pour toutes les anomalies de la sensation, « erreurs perceptives », déformations, pathologies sensorielles, etc.
Dans le même ordre, mais dans une tout autre visée, il faut mentionner les expériences provoquées d’une transformation de la sensation
par les drogues (Baudelaire, Rimbaud, Michaux...).
6 L’EMPIRISME
L’empirisme redonne au problème de la sensation une importance majeure, à l’inverse de sa dévaluation dans les problématiques de l’erreur ou de l’illusion.
La pensée de John Locke est capitale, ne serait-ce que parce que les autres philosophies se déterminent toujours par rapport à elle.
Locke pense non pas seulement la tabula rasa (Leibniz, dans ses Nouveaux essais, récuse comme « fiction » la tabula
rasa comme d’ailleurs les autres images : « cire », portes ou fenêtres...), mais le jeu réflexif de l’intérieur et de l’extérieur.
La sensation est chez lui « grande source de la plupart des idées que nous avons » ( Essai, II, 1690).
S’y ajoute la réflexion.
La mesure de cette position ne sera pas conservée par Condillac dans son Traité des sensations (1755), qui veut s’inscrire exclusivement après deux noms : Aristote et Locke.
Mais il critique le concept de réflexion chez Locke et ne conserve que la
sensation.
Il suppose une statue (dont l’idée vient sans doute de Buffon) qui acquerrait successivement les cinq sens.
Cette acquisition engendre peu à peu l’ensemble de nos facultés.
On parle ici de génétisme complet (plutôt que de « sensualisme »,
qui est un terme contesté ; A Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie )..
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