Devoir de Philosophie

sens que par lui.

Publié le 23/10/2012

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sens que par lui. Sans doute, on pourrait alléguer que chacun sait ce qu'est le monde, sans chercher si loin, puisque chacun est le sujet de la connaissance et que le monde est sa représentation ; ainsi entendu, ce serait vrai. Mais c'est là une connaissance intuitive in concreto : reproduire cette connaissance in abstracto, prendre l'intuition successive et changeante, et surtout la matière de ce large concept de sentiment, concept tout négatif, qui délimite le savoir non abstrait, non intelligible, pour en faire au contraire un savoir abstrait, intelligible, durable, c'est là le devoir de la philosophie. Elle doit, par conséquent, être l'expression in abstracto de l'essence du monde dans son ensemble, du tout comme des parties. Cependant, pour ne pas se perdre dans un dédale de jugements, elle doit se servir de l'abstraction, penser tout le particulier sous la forme du général, et comprendre toutes les différences du particulier sous un concept général. Ainsi elle devra, d'une part, séparer, d'autre part, réunir, et livrer ainsi à la connaissance toute la multiplicité du monde réduite à un petit nombre de concepts essentiels. Par ces concepts, dans lesquels est fixée l'essence du monde, le particulier doit être aussi bien connu que le général, et la connaissance de l'un et de l'autre, être étroitement unie. Aussi la faculté philosophique par excellence consiste, suivant le mot de Platon, à connaître l'unité dans la pluralité, et la pluralité dans l'unité. Dès lors, la philosophie sera une somme de jugements très généraux, dont la raison de connaissance immédiate est le monde dans son ensemble, sans en rien exclure ; c'est tout ce qui se trouve dans la conscience humaine ; elle ne fera que répéter exactement, que refléter le monde dans des concepts abstraits, et cela n'est possible qu'en réunissant dans un concept tout ce qui est essentiellement identique, et en séparant, pour le réunir dans un autre, tout ce qui est différent. (Monde, I, 86-88.) 2. PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE La physique (au sens le plus étendu du mot) s'occupe, elle aussi, d'expliquer les phénomènes du monde. Mais la nature même de ses explications est cause de leur insuffisance. La physique ne saurait vivre d'une vie indépen- dante ; si dédaigneuse que soit son allure à l'égard de la métaphysique, elle a besoin de s'y appuyer. Car elle-même explique les phénomènes par quelque chose de plus inconnu encore qu'eux-mêmes, par des lois naturelles, qui se fondent sur des forces naturelles, dont la force vitale est un échantillon entre autres. Sans doute l'état actuel de toutes choses dans le monde ou dans la nature doit pouvoir s'expliquer par des causes purement physiques. Mais une telle explication, à supposer qu'on y arrivât, serait nécessairement aussi entachée de deux imperfections essentielles, et pour ainsi dire de deux tares, qui font que tous les phénomènes physiquement expliqués demeureraient en réalité inexpliqués. Tel, Achille était vulnérable au talon. Ainsi encore on représente le diable avec un pied de cheval. Premièrement, on ne pourrait jamais atteindre le commencement de cette série de causes et d'effets, c'est-à-dire de modifications liées entre elles ; ce commencement se trouverait reculé sans cesse à l'infini, comme les limites du monde dans l'espace et le temps. Ensuite, l'ensemble des causes effectives par lesquelles on prétend tout expliquer repose sur quelque chose d'absolument inexplicable, je veux dire les qualités primordiales des objets et les forces naturelles qui s'y manifestent, forces qui permettent aux qualités d'agir d'une manière déterminée. Telles sont : la pesanteur, la solidité, la force d'impulsion ; l'élasticité, la chaleur, l'électricité, les forces chimiques, etc. Toute explication physique donne ces forces comme résidu; telle une équation algébrique, dont tous les autres termes seraient résolus, mais dans laquelle une quantité demeurerait inconnue et indéterminable. D'où il suit qu'il n'est pas si infime tesson d'argile qui ne soit composé de qualités aussi inexplicables les unes que les autres. Ces deux imperfections inévitables de toute explication physique, c'est-à-dire causale, montrent donc qu'une telle explication ne saurait être que relative, et que la méthode des sciences positives n'est pas la seule, la dernière, la méthode suffisante, celle qui conduit à une solution satisfaisante du difficile problème des choses, à la vraie intelligence du monde et de l'existence, mais que l'explication physique, en tant que telle, a besoin d'une explication métaphysique qui lui donne la clé de toutes ses supposi- tions. Seulement, il résulte de cela même, que la méthode métaphysique doit différer profondément de la méthode physique. Le premier pas à faire dans cette voie nouvelle, c'est de se pénétrer nettement et une fois pour toutes de la différence des méthodes et conséquemment de la différence de la physique et de la métaphysique. Cette différence repose pour l'essentiel sur la distinction kantienne entre le phénomène et la chose en soi. Kant déclarait celle-ci absolument inexplicable, et voilà pourquoi il ne saurait y avoir selon lui aucune métaphysique ; il n'y a de possible que la connaissance immanente, par conséquent que la physique, et à côté de celle-ci la critique de la raison dans ses aspirations métaphysiques. Qu'on me permette ici d'anticiper sur le second livre, pour bien noter le point de contact de ma philosophie avec la doctrine kantienne, et de remarquer que Kant, dans sa belle explication de la co-existence de la liberté et de la nécessité (Critique de la raison pure, ire éd., p. 532-554, et Crit. de la raison pratique, p. 22423I de l'éd. Rosenkranz) démontre que la même action, qui, d'une part, est parfaitement explicable comme conséquence nécessaire du caractère de l'homme, des influences qu'il a subies pendant sa vie, et des motifs actuels qui le sollicitent, doit cependant d'autre part être considérée comme l'oeuvre de sa volonté libre. Dans le même sens il dit, § 53 des Prolégomènes : « Sans doute, la nécessité naturelle sera inhérente à toute combinaison de causes et d'effets dans le monde sensible, mais la liberté sera accordée à celle des causes qui n'est pas elle-même un phénomène (bien qu'elle serve de fondement au phénomène). Par conséquent, la nécessité (littéralement la nature) et la liberté peuvent être attribuées sans contradiction au même objet, suivant qu'on le considère sous un aspect différent, soit comme phénomène, soit comme chose en soi. « Ce que Kant enseigne du phénomène de l'homme et de son activité, ma doctrine l'étend à tous les phénomènes de la nature, en leur donnant pour fondement commun la Volonté comme chose en soi. Ce qui justifie tout d'abord cette manière de procéder, c'est l'impossibilité d'admettre que l'homme soit distinct spécifiquement, toto genere, et radicalement de tous les autres êtres et objets de la nature ; il ne peut y avoir entre eux qu'une différence de degré. — Je laisse mainte-

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