Selon V.Hugo, « le romantisme n'est, à tout prendre, que le libéralisme en littérature ». Vous discuterez cette affirmation. Pour cela, vous vous intéresserez à la littérature comme aux autres arts de cette époque.
Publié le 30/09/2010
Extrait du document
Remarques :
Le romantisme est apparu au XIX siècle en France, sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, par réaction contre la régularité des classiques jugée trop rigide et le rationalisme philosophique des siècles antérieurs. Un grand auteur français, Victor Hugo, affirme que « le romantisme n’est, à tout prendre, que le libéralisme en littérature «. Nous discuterons de cette affirmation en s’intéressant tant à la littérature qu’aux autres arts de cette époque. Nous appuierons d’abord la thèse de l’auteur, et par la suite nous verrons que l’auteur en tant que révolutionnaire exagère ses pensées car il ne s’agit pas d’une libération totale.
De prime à bord, l’évidence s’impose : le Romantisme se sépare des règles du classicisme et cherche de nouvelles inspirations.
Certes, déjà au préromantisme des sculpteurs tel que Dude s’abroge des classiques. Dans Le Départ des Volontaires les lignes de forces mettent du mouvement dans l’œuvre, de plus les lignes écartées donnent un tout qui n’est pas harmonieux : c’est le désordre ; contrairement aux classiques qui restent très géométrique, avec des personnages figés et statiques. En outre, les drames romantiques font leur apparition : ce genre nouveau marque la volonté des dramaturges de s’affranchir des règles traditionnelles, jugées trop contraignantes, notamment la règle des trois unités. Dans le drame romantique, le souci de modernité et de réalisme prévaut ; on privilégie le pittoresque et l’émotion : on mêle, selon Victor Hugo, « le sublime et le grotesque «. « Il n’y a ni règles ni modèles «, écrit-il encore. Ce serait donc le génie qui naît lui-même en toute liberté. Les drames romantiques délaissent aussi parfois le vers pour la prose, ce qui laisse aussi le droit au commencement des poèmes en prose, l’un des premiers étant Charles Baudelaire. Dans cette même voie Hugo et Nerval inventent le trimètre romantique qui est l’enchaînement de 3x4 syllabes contrairement aux classiques qui faisaient 4x3 syllabes : « J’ai disloqué ce grand niais d’alexandrin «, ce trimètre romantique de Victor Hugo, n’a pas d’ordre ni de progression, ce qui le sépare des auteurs classiques. Ainsi tous les auteurs sont d’accords avec l’affirmation de Hugo, par exemple, Balzac dit dans Illusions perdues : les « romantiques demandent la liberté littéraire et la révocation des lois qui donnent des formes convenues à notre littérature «. En outre, L.S. Auger qui est un classique dans l’âme, dit lors de son entrée à l’Académie française en 1924, qu’il trouve que le romantisme offre une trop grande liberté aux auteurs.
Non seulement les romantiques vont abroger des règles du classicisme, mais ils vont aussi chercher de nouvelles inspirations. Certes, ils ne s’inspirent plus de l’Antiquité comme le faisaient les classiques avec des représentations de personnages mythiques ou encore avec les tragédies grecques, mais de l’Histoire moderne. En peinture Le Radeau de la Méduse de Géricault relate un fait divers, un sujet d’actualité qui s’inscrit dans l’Histoire, maintenant, un événement actuel devient de la grande peinture. Mais les deux manifestations essentielles de cet esprit nouveau en littérature et en art sont l’individualisme et le lyrisme. Certes, le romantisme s’esquise par la revendication des poètes du « je « et du « moi «, qui veulent faire connaître leurs expériences personnelles et faire cesser cet aspect fictif attribué aux poèmes et aux romans ; comme Alfred Musset avec la Confession d’un enfant du siècle ou Lamartine, contrairement à Pascal avec Les Pensées où il dit que le « moi « est haïssable, car comme tous les classiques, il veut rendre compte de l’Homme universel. En peinture, le « moi « est aussi très présent : dans Voyageur au-dessus de la mer de Nuages (G.D. Friedrich), le « moi « est au centre du tableau et les lignes de forces le mettent en avant, de plus il est vu de dos, donc il concerne tout le monde. Cette peinture représente l’incarnation de la solitude : il est seul dans la nature. En musique les Lieder de Schumann veulent permettre à la voix de se rapprocher des sentiments. Tout d’abord, dans le Lied, les sources littéraires employées vont être divisées en deux grandes catégories: le volkslied et le kuntslied. Le volkslied a pour base le culte de l’émotion et celle de la passion, il veut mettre en avant l’âme du peuple ; il est l’authenticité même de ce que représente l’humain (le kuntslied est un chant savant plus complexe et par conséquent, moins accessible). En outre, le romantisme se caractérise par une volonté d’explorer toutes les possibilités de l’art afin d’exprimer les extases et les tourments du cœur et de l’âme : la poésie Les Chimères de Nerval écrite à la première personne « je « rend compte des états d’âmes de l’auteur (« La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé « vers 7). Beethoven, dans la symphonie n°6 exprime son plaisir d’être dans la nature, alors que dans la symphonie n°5, il lutte contre le destin qui s’acharne contre lui. Il exprime tantôt de la joie, tantôt de l’accablement, c’est cyclothymique. Le romantisme est ainsi une réaction du sentiment contre la raison, exaltant le mystère et le fantastique et cherchant l’évasion et le ravissement dans le rêve, le morbide et le sublime, l’exotisme et le passé.
Les romantiques sont donc dans la rupture et définissent leur mouvement comme une libération de leur écriture et de leurs idées, nous verrons que pourtant ils persistent dans le respect de certains principes et dans l’utilisation de sujets classiques.
En effet, les romantiques s’accrochent tout de même à des principes classiques. Il s’avère que la majorité des poèmes, et drames romantiques restent écris en vers, et plus particulièrement en alexandrins qui est le vers solennel utilisé principalement dans les tragédies, ce n’est donc pas une libération totale. Seuls des écrivains mineurs tels que Musset avec Lorenzaccio et Vigny avec Chatterton ont écrit leurs drames en prose. Lamartine, dans son poème Milly, écrit en alexandrin, de plus il respecte l’alternance des rimes classiques (FF, MM, FF,…) ainsi que la césure à l’hémistiche : « Plus près du sol natal, de l’air et du soleil, « (vers 23). Victor Hugo à, lui aussi, repris ces principes classiques dans Ruy Blas et a aussi en partie conservée la règle de l’unité de lieu car toute la pièce se joue dans la même ville, ainsi que le changement de personnages à chaque scène et la règle des bienséances (l’assassinat de Don Salluste se fait en coulisse). En outre, ce drame ainsi que Hernani, de Victor Hugo aussi, se déroule en cinq actes, comme les tragédies. Comme Molière, les drames romantiques mettent en scène des types : le jeune premier sauve une jeune fille malheureuse des griffes d’un méchant (sauveur-victime-méchant).Dans Ruy Blas, le personnage éponyme est le sauveur, la reine est la victime, et Don Salluste est le méchant. De plus comme les tragédies, les fins sont identiques : la mort du jeune premier, soit par assassinat, soit par suicide mais il n’existe pas de mort naturelle.
En outre, les romantiques continuent de s’inspirer de certains sujets classiques. Delacroix, grand peintre romantique, s’est en effet inspiré d’un épisode de la mythologie grecque dans son tableau Médée Furieuse pour représenter Médée. Ici, il s’intéresse à l’horreur qu’inspire Médée, coupable du plus monstrueux des crimes, l’infanticide. Le sujet utilisé avait tout d’abord inspiré les auteurs tragiques de l’Antiquité, mais aussi des auteurs français comme Corneille. Ceci n’est donc pas une libération artistique, même si la façon de peindre reste totalement romantique. En second lieu, les romantiques comme Lamartine et Hugo ont les mêmes idées que les lumières en ce qui concerne le devoir de la poésie. En effet, Lamartine définit dans le préface Des destinées de la poésie une conception ambitieuse de la poésie, qui entends rompre avec les artifices du passé. Il dit « La poésie sera de la raison chanté «, dans ce cas, la poésie devrait faire passer un message au lecteur. Malheureusement, cette conception avait déjà été évoqué par les philosophes des lumières au XVIè siècle, il ne rompt donc point avec les classiques. Victor Hugo fait de même avec Fonction du poète où il attribue à l’artiste une mission prophétique : mettre ses dons visionnaires au service de l’humanité [« Il rayonne ! Il jette sa flamme / Sur l’éternelle vérité ! (sur 2 vers) ]. Sur ces deux vers Hugo relate exactement les mêmes idées que les Lumières, éclairer les gens de leur savoir, partager leur savoir. Il ne se distingue donc pas non plus des classiques et n’apporte aucune idée nouvelle et révolutionnaire.
Arrivés à ce point de notre réflexion quels éléments pouvons-nous en dégager? Victor Hugo en disant que « Le romantisme n’est à tout prendre, que le libéralisme en littérature « affirme que ce mouvement se sépare du classicisme. En effet nous avons vu que beaucoup des règles classiques avaient été rejetées et nous avons remarqué que les artistes ne s’inspirent plus du mythe mais de l’Histoire moderne. En outre le Moi vient au devant de la scène et les sentiments souvent exacerbés jouent un rôle capital dans le romantisme. Mais d’autre part, en contradiction avec Victor Hugo, la libération n’est pas totale. Des restes du classicisme subsistent toujours : en ce qui concerne le drame romantique, la plupart des principes classiques restent présents (alexandrins , types de personnages,..). En outre les sujets étudiés ainsi que les idées du mouvement classique perdurent, l’Antiquité grecque et les idées des philosophes des Lumières sont encore d’actualité.On peut alors se demander si la littérature peut s’affranchir des codes pour laisser libre cours à l’artiste . Ce dernier n’est-il pas assujetti aux codes, aux stéréotypes imposés par la société dans laquelle il vit et à sa propre histoire….
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- «Un long avenir se préparait pour (la culture française) du XVIIe (siècle). Même encore au temps du romantisme, les œuvres classiques continuent à bénéficier d'une audience considérable ; l'époque qui les a vu naître bénéficie au premier chef du progrès des études historiques ; l'esprit qui anime ses écrivains, curiosité pour l'homme, goût d'une beauté harmonieuse et rationnelle, continue à inspirer les créatures. Avec cette esthétique une autre ne pourra véritablement entrer en concur